Seigneur mon ami, tu m`as pris par la main, j`irai avec toi sans effroi

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JE SUIS LE CHEMIN….
Connaître Dieu, ce n'est pas une science, c'est un défi qui, pour les Judéo-Chrétiens,
s'enracine dans l'appel d'Abraham : Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, pour
le pays que je te montrerai. (Genèse 12, 1) Il partit sans savoir où il allait... Il vivait sous la
tente, se déplaçant de campements en campements comme un étranger, un voyageur, car il
attendait la ville dont Dieu lui-même est le bâtisseur et l'architecte (Hébreux 11, 9-10)
Long itinéraire avec tant de déserts à traverser, tant de chemins à explorer !...
Connaître Dieu c'est un travail de chercheurs qui s'émerveillent sur les couleurs de la nature
et qui scrutent le visage de leurs frères les hommes pour y trouver une trace du Créateur...
Quêteurs de sens, à l'écoute du Verbe divin, ils ne sauraient éviter les marécages du mal
destructeur où paradoxalement ils peuvent approcher de très près Celui qu'ils cherchent, en
faisant l'expérience de sa miséricorde...
Plus ils avancent, plus ils découvrent que s'éloignant de l'étrange et de l'incohérent ils arrivent
sur des lieux familiers, comme s'ils rentraient à la maison : Dieu le tout-autre n'a-t-il pas pris
visage d'homme visage fraternel pour qu'en arrivant chez Lui, les chercheurs se sentent chez
eux ?
Seigneur mon ami, tu m'as pris par la main, j'irai avec toi sans effroi jusqu'au bout du
chemin...
Je vous prie de m'excuser, mais le thème de cette exposition me parle tellement fort qu'il me
donne envie de chanter... Comme Marguerite dont Catherine Frot nous a récemment raconté
l'histoire au cinéma, je ne sais pas quelle est la qualité de ma voix, mais c'est de peu
d’importance, je n'irai pas plus loin que ce petit air d'introduction (enfin ... peut-être) ... Oui,
je l'avoue je chanterais volontiers encore, car des tas d'autres chansons se bousculent dans
ma mémoire : Dans le silence du matin ô Jésus descend dans mon âme, sois mon
compagnon de chemin, mon cœur ardemment te réclame... Comme un enfant qui marche
sur la route, le nez en l'air et les cheveux au vent, comme un enfant que n'effleure aucun
doute… (et qui sourit en rêvant), me voici, Seigneur, me voici comme un enfant … Sur les
chemins de la vie, sois ma lumière Seigneur... ou encore ce peuple immense dont nous parle
le père Duval qui va chantant au long des longues plaines, ils n'ont pas leur Père avec
eux, mais ils savent bien leur chemin, ils n'ont pas leur Père avec eux, mais leur mère les
tient par la main...
Tous ces chants n'ont pas la même qualité, mais tous parlent de l'essentiel, être chrétien c'est
obligatoirement, obligatoirement se mettre en chemin pour de longues traversées...
Vous vous souvenez que le mouvement initié par les premiers disciples de Jésus s'appelait la
Voie (Odos) « Saul respirant menaces et meurtre à l'encontre des disciples du Seigneur
demanda au grand prêtre des lettres à l'adresse des synagogues de Damas. S'il y trouvait des
adeptes de la Voie, il les ramènerait enchainés à Jérusalem (Actes 9, 1-2)
Mais, si les premiers chrétiens étaient en route sur la Voie, ils n'étaient pas pour autant les
premiers voyageurs, ils avaient pris le train en marche. Tout avait commencé avec Abraham,
qui s'appelait alors simplement Abram, un nomade qui conduisait ses troupeaux au gré des
pâturages dans le Croissant fertile, mais qui un jour entendit un appel intérieur Quitte ton
pays, ta parenté et la maison de ton père, pour le pays que je te montrerai. (Genèse 12,
1) Voici que son errance trouvait un sens : non plus seulement la recherche des pâturages,
mais carrément la recherche de Dieu... Pas un simple cheminement intellectuel comme si
Dieu se trouvait au bout d'un raisonnement, un vrai cheminement dans la poussière ou dans
la boue, avec des sommets qui se dérobent et des culs de sacs, un cheminement à la
recherche d'un vivant... S'il faut marcher pour appréhender Dieu, c'est -conclusion que ne
contredirait pas monsieur de la Palice- qu'il n'est pas immobile... C'est lui qui le premier
s'est mis en mouvement pour que nous ne mettions pas la main sur lui, que nous ne
l'enfermions dans un espace où nous pourrions venir le voir quand cela nous conviendrait,
pour qu'on ne puisse pas le décrire en faire le tour comme on pourrait le faire d'une idole...
Dieu est insaisissable parce qu'il est vivant... Aussi complexe qu'un vivant, il fait les
premiers pas, il appelle et il est déjà loin sur le chemin, il faut se mettre en route pour tenter
de le saisir...
Abram partit donc et il en fit du chemin de Sichem à Hébron, de Bersheva à Sodome... sous
le regard parfois un peu sceptique de son épouse...
Que cherchait-il, qui cherchait-il en grimpant douloureusement les pentes du mont
Moriah ? Père je vois bien le feu et le bois, mais où est l'agneau pour l'holocauste... Dieu y
pourvoira mon fils... Abraham est en chemin, il n'a pas réponse à tout comme celui qui a
achevé son parcours et s'apprête à en publier le récit... Il ne sait pas ce qu'il va faire, il n'a
pas décidé, d'une certitude intégriste, qu'on ne peut rien refuser à Dieu et que, par
conséquent, tout comme ses voisins païens il saurait offrir à Dieu ce qui lui était le plus
cher...Non, il n'a pas décidé, car il est tenaillé par une question : le Dieu mystérieux qui lui
parle au cœur est-il aussi cruel que les dieux des païens ?
Dieu y pourvoira mon fils… et il monte vers le sommet, Abraham, guettant dans son
angoisse le surgissement d'un signe... et le signe vient, ce bélier aux cornes prises dans les
ronces : Dieu ne veut pas des sacrifices humains. Il ne demande pas la vie d'un homme,
cette abomination hurlera Jérémie, il ne demande la vie de personne et quand il veut attester
de son amour, il donne la sienne !
Abraham était parti sans savoir où il allait, écrira bien plus tard l'auteur de l'épitre aux
Hébreux... Il vivait sous la tente, se déplaçant de campements en campements comme un
étranger, un voyageur, car il attendait la ville dont Dieu lui-même est le bâtisseur et
l'architecte (Hébreux 11, 9-10)
Et les descendants d'Abraham vont continuer à l'attendre, à la chercher cette ville où Dieu
soulagera les peines de la route de ceux qui y parviennent... Jacob dans une vision qui le
sidère, entrevoira qu'elle monte, cette route, comme une échelle jusqu'au ciel, il faudra que
Jésus porte cette vision à son achèvement... Joseph ira s'établir en Egypte, aussi puissant que
Pharaon, mais quelques siècles après, ses descendants s'arrachent avec l'aide de Dieu à
l'esclavage auquel les ont soumis les Egyptiens... et les voici, horde indisciplinée, regrettant,
dans le désert, les maigres avantages de leur vie précédente : «Nous nous rappelons encore
le poisson que nous mangions pour rien, les concombres, les melons, les poireaux, les
oignons et l'ail... Maintenant notre gorge est desséchée et nous ne voyons jamais rien que la
manne... (Nombres 11, 5-6) ... le bien-être, aussi étriqué qu'il soit qui bloque la recherche,
déjà !
Moïse, leur guide, lui, est mu par un désir bien plus noble : il veut voir le visage de Dieu,
mais Celui-ci lui fait comprendre qu'il désire les joies de l'arrivée avant d'avoir vécu les
difficultés de la course... et il ne lui permet que d'apercevoir son dos... son dos, comme une
invitation à marcher derrière lui...(Exode 33,18-23)
Exode, longue, lente traversée du désert, le temps de transformer la horde en un peuple
capable de vivre en ALLIANCE avec Dieu...
Mais ce peuple a la nuque raide et bien peu de mémoire... il s'installe en terre promise et se
dit que les dieux locaux, dieux d'agriculteurs, Baals et Astartés, seront de bien meilleur
conseil, que Yahvé qui, certes, a fait ses preuves dans le désert, mais qui ne doit pas
beaucoup s'y connaître en agriculture...
Ils s'emprisonnent dans l'avoir et se prostituent aux idoles... Alors surviennent les armées du
Nord, Assyriens puis Babyloniens et dans le désert s'allongent de nouvelles files de
voyageurs … pauvres voyageurs, exilés, prisonniers, désinstallés...
Pourtant ce qui paraissait être une catastrophe, cet exil à Babylone où le peuple dispersé c'est inéluctable -serait assimilé par son vainqueur comme tant d'autres peuples avant et
après lui... cet exil se révèle au contraire comme un temps de renaissance, temps de
purification et d'approfondissement... Le peuple idolâtre qui avait été arraché de Jérusalem,
où il croyait avoir laissé son Dieu, dans les ruines du temple, découvre que comme Ezéchiel
l'avait prophétisé : la gloire de Dieu a quitté le temple de Jérusalem et est venu s'installer au
milieu de ses enfants à Babylone... et le peuple se met à l'Ecoute de son Dieu, il devient
vraiment croyant... ...
Quand Cyrus le Perse prend le pouvoir et qu'il autorise ceux qui le veulent a repartir chez
eux, ils ne reviendront pas tous à Jérusalem, mais ils iront s'établir partout dans le Moyen
Orient jusqu'en Inde et dans tout le bassin méditerranéen...Diaspora... routes nouvelles,
partage de la Bonne Nouvelle...Synagogues ou chaque samedi on annonce Dieu qui veut
faire alliance avec les hommes... Rayonnement aux dimensions du monde connu... mais
c'est pourtant en terre promise, à Bethléem au cours d'un voyage imposé par l'administration
romaine que nait Celui que désirent trouver les chercheurs de lumière : Nous avons vu se
lever son étoile... Ils ont fait une longue route pour venir le contempler, les mages venus
d'Orient, mais celui qu'ils découvrent dans les bras de sa mère est si merveilleusement
déconcertant, qu'ils inventent pour repartir chez eux un autre chemin...chemin de pauvreté et
d'humilité, chemin d'attention à l'autre, chemin du don de soi.
Jésus proclame qu'il est le chemin. Parmi toutes les routes possibles, dont les plus
spacieuses emmènent vers la perdition, il est le chemin étroit, resserré, sinueux escarpé qui
conduit vers la plénitude de la vie (Matthieu 7, 13-14), un chemin sur lequel un guide est
nécessaire... et Jésus se propose : viens suis-moi : Berger dont les brebis connaissent la
voix... lumière dans la nuit qui évite à celui qui le suit de marcher dans les ténèbres…
A Nathanël qui aime méditer sous le figuier, il révèle qu'il est la véritable échelle de Jacob...
Vous vous souvenez : Jacob avait vu une échelle, elle était dressée sur la terre et son sommet
touchait le ciel, des anges de Dieu montaient et descendaient... (Genèse 28, 12)....A
Nathanaël Jésus dit : Vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et
descendre...c'est l'échelle.. au-dessus du fils de l'homme... l'échelle qui relie la terre au ciel
c'est Jésus (Jean 1, 51)...
Bernadette Main nous donne une belle illustration de l'échelle... non pas pour représenter ce
que nous disent ces paroles, mais pour nous inviter à les méditer, à les laisser pénétrer en
nous et ouvrir, approfondir notre désir d'aller au-delà du dos de Dieu, de contempler son
visage....
Très belle coulée de lumière qui de la pierre qui est en bas, monte vers le ciel, mais qui de la
même façon descend aussi, comme le Verbe qui n'ayant pas retenu le rang qui l'égalait à son
Père est descendu pour prendre condition d'homme....
Dieu n'habite plus dans un lieu, mais dans un homme, dans un frère et son plus grand désir
est d'habiter en nous... alors prenons la liberté et peut-être le risque de nous servir des
images que nous suggèrent les mots... souvenez-vous « Jacob se réveillant après le songe le
l'échelle, prit la pierre qu'il avait mise sous sa tête, il la dressa pour en faire une stèle et il
donna le nom de Bethel (maison de Dieu) à ce lieu qui s'appelait auparavant Louz » (Genèse
28, 18-19) Jésus, Fils de Dieu, véritable échelle de Jacob s'abaissant pour prendre condition
d'homme n'invite-t-il pas les hommes au cœur de pierre que nous sommes, à devenir, en
l'accueillant, des Bethels, de petites maisons de Dieu ? « Si quelqu'un m'aime ; il gardera ma
parole, mon Père l'aimera, nous viendrons vers lui et chez lui nous ferons une demeure »
Jean 14, 23
L'emplacement de cette échelle dans cette chapelle m'incite à poursuivre ma méditation...
En face se dresse la chaire telle une tour orgueilleuse d'où tombait naguère une voix qui
souvent se prenait pour le Verbe de Dieu... au point de me suggérer Babel et l'indéracinable
désir que nous avons de nous passer de Dieu... « Les pharisiens se sont installés dans la
chaire de Moïse dit Jésus, tout ce qu’ils peuvent vous dire, observez-le. Mais n’agissez pas
d’après leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils attachent de pesants fardeaux, difficiles
à porter, et ils en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les remuer
du doigt... (Matthieu 23, 3-4) Ils parlent bien, mais parleraient-ils le langage des anges, avec
la science des mystères et toute la connaissance de Dieu, s'ils n'ont pas la charité, ils ne sont
que cuivre qui résonne, une cymbale retentissante. Ils font que du bruit... (1 Corinthiens,
13...)
C'est le contraire de l'échelle de Jacob. Le Verbe est caricaturé en donneur de leçon qui du
haut de sa science écrase ceux qui sont en bas... « Tu n'as qu'à t'en prendre à toi-même Job si
te voilà écrasé, au bas de l'échelle, c'est ton péché, tes infidélités que tu camouflais
soigneusement qui t'ont réduit à cet état... »
Ce verbe moralisant qui lie, au lieu de délier n'est pas le Verbe de Dieu... Le Verbe véritable,
discrètement, s'est anéanti lui-même prenant condition de serviteur, il est le très bas, au pied
de la tour d'orgueil, il est venu chez les siens et les siens ne l'ont pas reçu... il était sans
apparence ni beauté qui attire nos regards, son aspect n’avait rien pour nous plaire. Méprisé,
abandonné des hommes, homme de douleurs, familier de la souffrance, il était pareil à celui
devant qui on se voile la face ; et nous l’avons méprisé, compté pour rien. Maltraité, il
s’humilie, comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant les
tondeurs, il n’ouvre pas la bouche. Arrêté, puis jugé, il a été supprimé... (Isaïe 53 passim)
On l'a poussé à coups de fouet et sous les quolibets à prendre le chemin de la Croix. Chemin
du martyre que tant d'autres prendront à leur tour ... « Un jour viendra où tu étendras les
mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas
aller. Jésus disait cela pour signifier par quel genre de mort Pierre rendrait gloire à Dieu. Et
il ajouta : Suis-moi. » (Jean 21, 18-19)
Il y en a tellement de ces chemins de misère et de souffrance qu'on ne choisit pas, qui
s'imposent, en se donnant même parfois l'apparence d'un chemin de vie : croisades, guerre
de religion, inquisition, destruction des populations indigènes, esclavage des descendants de
Cam...Dieu est avec nous ! L'imagination ne manque pas et toujours se renouvelle pour
manifester que l'Amour n'est pas aimé !
Et chaque génération reprend les histoires les plus sordides de ceux qui les ont précédés en
les habillant d'indifférences et de cruautés nouvelles... Les vagues de réfugiés fuyant
aujourd'hui les plaies de leurs Egyptes natales, changement climatique, régimes corrompus
et persécuteurs... rappellent les foules de l'Exode errant dans le désert... avec le roi de Moab
qui s'ingénie à entraver leur route... Il ne connaissait pas les barbelés ni les fumigènes, alors
il alla quérir un mage, Balaam : maudis-les pour qu'ils ne traversent pas mon territoire :
Comme un nuage de sauterelles ils dévoreraient tout sur leur passage et nous laisseraient
dans la misère...
Sur les frêles embarcations que leur ont vendu de cupides passeurs, d’autres partagent
l'angoisse de ceux qui sur l'Arche, secoués par des flots hostiles cherchaient une terre
d'accueil. Le corbeau, aux ailes vigoureuses qu'Annie-Claude Locatelli a posé prêt à l'envol,
fit, en courageux éclaireur, des allers et retours attendant que les eaux se retirent laissant la
terre à sec... mais il ne rapporta pas le brin d'olivier attestant que Dieu créait à nouveau,
peut-être épuisé est-il mort en mer, comme tant et tant de demandeurs d'asile... Ce fut donc
la colombe qui apporta l'espoir dans son bec. La voyez-vous là... Odile Crochon a représenté
un enfant qui, de la foule des réfugiés, lâche sa colombe. Reviendra-t-elle lui dire où se
trouve la terre qui s'ouvre à l'accueil... ?
Permettez-moi de terminer cette méditation par un action de grâce et un souhait
En regardant vers le chemin de vie d'Aymard le Forestier et tout particulièrement vers son
évocation d'une sandale, humble protection des pieds du marcheur... j'ai envie de m'associer
au prophète Isaïe : Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pieds du messager, celui
qui annonce la paix, qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut, et vient dire à Sion :
« Il règne, ton Dieu ! » Écoutez la voix des guetteurs : ils élèvent la voix, tous ensemble ils
crient de joie car, de leurs propres yeux, ils voient le Seigneur qui revient à Sion... (Isaïe
52, 7-8)
Rue des Longues-Haies, l'inconnu passait, rue des Longues-Haies, l'inconnu passait...
Pendant la nuit pleine, il a tissé la laine, il rentre avec sa peine... Rue des Longues-Haies,
à l'heure matinale dedans ses habits sales, mon Dieu, comme il est pâle !
Rue des Longues-Haies, l'inconnu passait, rue des Longues-Haies, l'inconnu passait...O
vous qui cherchez le bon Dieu dans les nuages, vous ne verrez jamais son visage. Ô vous qui
cherchez le bon Dieu dans les nuages, vous manquerez encore son dernier passage...Rue
des Longues-Haies, le Seigneur passait, rue des Longues-Haies, le Seigneur passait…
Depuis que le Fils de Dieu est venu partager notre condition d'homme et que nous lui avons
claqué la porte au nez, depuis que nous lui avons craché au visage et que nous avons fait la
croix sur lui, tout homme, et particulièrement ceux que l'égoïsme des autres, le refus de
solidarité de leurs frères ont défiguré, marginalisé, tout homme est image de Dieu et sa
rencontre une invitation à lui laver les pieds... à le servir avec une crainte respectueuse car
nous ne sommes pas dignes de lui enlever ses sandales
Jésus est comme un pèlerin qui vient revisiter nos routes, en nous invitant à les convertir
toujours plus profondément... Il y a de belles routes, Geneviève Scharff nous le rappelle
avec l'évocation des Asturies, aux approches de Compostelle... Tellement d'hommes et de
femmes ont vécu un renouveau, une découverte en marchant jusqu'au tombeau du
Matamore... et si, conversion plus profonde encore, Jésus nous attendait là-bas pour nous
apprendre non pas à mater le Maure, mais à mettre en œuvre des moyens pour vivre plus
fraternellement encore avec lui ?
J'ai fait un rêve, la nuit de Noël. Je cheminais sur la plage, côte à côte avec le Seigneur.
Nos pas se dessinaient sur le sable, laissant une double empreinte, la mienne et celle du Seigneur.
L'idée me vint - c'était un songe - que chacun de nos pas représentait un jour de ma vie.
Je me suis arrêté pour regarder en arrière. J'ai vu toutes ces traces qui se perdaient au loin. Mais je remarquai
qu'en certains endroits, au lieu de deux empreintes, il n'y en avait plus qu'une. J'ai revu le film de ma vie.
O surprise ! Les lieux de l'empreinte unique correspondaient aux jours les plus sombres
de mon existence. Jours d'angoisse ou de mauvais vouloir ; jours d'égoïsme ou de mauvaise humeur ; jours
d'épreuve et de doute ; jours intenables... jours où, moi aussi, j'avais été intenable.
Alors, me tournant vers le Seigneur, j'osai lui faire des reproches: "Tu nous a pourtant promis d'être avec nous
tous les jours ! Pourquoi n'as-tu pas tenu ta promesse?
Pourquoi m'avoir laissé seul aux pires moments de ma vie?
Aux jours où j'avais le plus besoin de ta présence?"
Mais le Seigneur m'a répondu: " Mon ami, les jours où tu ne vois qu'une trace de pas sur le sable, ce sont les
jours, où je t'ai porté."
Attribué à Ademar de Barros, poète brésilien
Jean-Claude BRUNETTI, 2 Mai 2016
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