et selon quel point de vue? à qui s’adresse-t-il? de quoi parle-t-il et pourquoi? quelle attitude a-t-il par
rapport à son énoncé?...). On sera particulièrement attentif aux indices d’énonciation (embrayeurs,
modes et temps verbaux, indices d’opinion ou modalisations, modes de vision ou focalisations).
Les élèves pourraient ensuite être invités à identifier ces deux éléments majeurs du pacte de lecture que
sont le « type textuel » et le « genre littéraire ».
La notion de type textuel a été développée par Jean-Michel Adam (1992), pour qui un texte résulte
d’une mise en forme d’unités linguistiques obéissant à des règles d’organisation interne (cohésion,
cohérence). Après plusieurs essais de typologies plus fournies, Adam en est venu à distinguer cinq
« types textuels » de base: narratif, descriptif, explicatif, argumentatif et dialogal. Quant au discours, il
le définit comme une pratique concrète, un acte de communication inscrit dans une situation matérielle
et sociale. Différents types textuels peuvent ainsi se retrouver dans un même discours (un discours
publicitaire, par exemple, peut comporter les types narratif et descriptif). Avec les élèves, une des
premières opérations consistera dès lors à identifier tant le(s) type(s) textuel(s) que le type de discours
auquel on a affaire.
Par ailleurs, le discours littéraire, qui nous occupe ici, comporte une grande diversité de genres
(Canvat 1999). Comme celle des discours, la classification générique est hétérogène et repose sur des
critères variés, tels que l’intention communicative, les caractéristiques formelles, les marques
paratextuelles et thématiques. Pendant la lecture, le genre ne se donne pas toujours à percevoir tout de
suite, mais le professeur pourrait inviter les élèves à relever dès le début les indices typographiques qui
renvoient à tel ou tel macro-genre: densité du texte, division en paragraphes et en chapitres pour le
roman; alinéas, tirets, répétition du nom des personnages, découpage en scènes et en actes, indications
scéniques pour le théâtre; disposition spatiale du texte pour la poésie. La lecture de l’incipit devrait
permettre d’affiner d’emblée ces premières hypothèses et de déterminer par exemple si l’on affaire à
un roman réaliste, policier, fantastique, etc.
L’étape suivante pourrait consister à distinguer entre contenus explicites et implicites.
L’enseignant s’assurera d’abord que les apprenants ont bien saisi les contenus explicites du texte. S’il
s’agit d’un récit par exemple, il s’agira d’identifier les éléments objectifs tels que le cadre spatial, le
cadre temporel, les personnages et leurs interrelations et la trame narrative. Dans un second temps, les
élèves seront invités, à la suite d’une relecture attentive, à formuler une hypothèse sur le sens global du
récit en reliant entre eux les indices textuels perçus d’abord de manière disparate. En s’appuyant sur
leurs compétences linguistiques, logiques et rhétorico-pragmatiques (connaissance des lois du
discours), les apprenants essaieront de déduire les éléments qui sont implicites parce que supposés.
Soit par exemple la nouvelle de Fredric Brown « Cauchemar en rouge »
. A première vue (sens
explicite), celle-ci relate l’histoire d’un homme qui est réveillé en pleine nuit par un bruit de cloche et
des secousses telluriques, et qui éprouve le besoin irrationnel de courir à travers un champ planté de
curieux poteaux, avant de disparaître dans la terre qui s’ouvre sous ses pieds. Leur compétence
rhétorico-pragmatique amènera les élèves à percevoir que cette histoire est insignifiante si on la lit
seulement au premier degré. Leur compétence logique, informée par leur « encyclopédie » culturelle,
les amènera dès lors à relever puis à relier entre eux des indices insolites (le bruit de cloches, le besoin
de courir que ressent le personnage, le champ planté de court poteaux tronqués, les secousses, le ciel
rouge, la disparition finale du personnage, l’apparition du mot « tilt ») qui leur permettront de
percevoir que le personnage-héros est ici assimilé à une boule lancée dans un immense jeu de flipper.
Une autre manière d’aller de l’explicite à l’implicite consistera à identifier des intertextes et à
s’interroger sur le statut qu’ils confèrent au texte. Mais comme il s’agira ici de tabler sur une
In Fantômes et farfafouilles, traduit de l’américain par Jean Sendy, Paris, Denoël, 1963 (Présence du futur, 65), pp. 30-32.