Complément au chapitre 6

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Document commenté
Horoi (bornes hypothécaires) du
A. Exemples de bornes concernant des « ventes
sous condition de rachat libératoire », prasis epilysei :
1. Stèle trouvée en Attique, dans le sud de la
Mésogée, dème de Képhalè, IVe siècle av. J.-C.
« Borne du terrain et de la maison vendus sous
condition de rachat libératoire à Aischylos, fils
de Diphilidès, de Prospalta, 3 240 drachmes,
conformément au contrat déposé chez les thesmothètes ».
2. Stèle provenant de l’agora d’Athènes,
IVe siècle a. C.
« Borne de la maison vendue sous condition de
rachat libératoire au dème du Céramique :
3 000 drachmes ».
B. Exemples de bornes concernant des « hypothèques dotales », apotimèmata proikos :
3. Amorgos, IVe siècle a. C.
« Borne des maisons affectées en garantie, sous
l’archontat de Critoboulos, par Exékestos à
Cleinocratès, fils de Timagoras, pour une partie
de la dot, à savoir 3 000 drachmes, conformément au contrat déposé chez Aristonikos ».
IVe
siècle
4. Attique, dème d’Ikaria, IVe siècle a. C.
« Borne du terrain et de la maison, affectés en
garantie à la dot de Phanomachè, fille de
Ktéson, du Céramique : 3 000 drachmes ».
C. Exemples de bornes concernant des « hypothèques au profit de mineurs orphelins », apotimèmata (singulier apotimèma).
5. Naxos, IVe siècle a. C.
« Borne des terrains, de la maison et du toit de
tuiles affectés en garantie aux enfants mineurs
d’Épiphron, pour un capital de 3 500 drachmes
et un loyer annuel de 400 drachmes sous l’archontat de… ; la totalité de cette propriété est
affectée en garantie ainsi que les domaines
situés à Élaionte et à Mélas ».
6. Attique, Acharnes, 302/301 a. C.
« Sous l’archontat de Nicoclès, borne des
terrains, de la maison et des droits d’eau attachés à ces propriétés, formant deux lots hypothéqués avec estimation au profit de Chairippos
et Charias, enfants orphelins de Charias,
(métèque) isotèle ».
Ces exemples sont extraits du corpus réuni et commenté par M. I. Finley,
Studies in Land and Credit in Ancient Athens, 500-200 BC. The Horos -Inscriptions, New Brunswick, New Jersey, 1951.
Remarques préliminaires : les centres d’intérêt des documents
Évidents dès le premier abord:
– la pratique du bornage, publicité d’hypothèques;
– les mécanismes de l’hypothèque et de l’emprunt;
– les occasions de l’emprunt.
Apparents dans un second temps:
– l’emprunt comme conduite économique;
– l’emprunt comme pratique sociale;
– les riches et l’emprunt.
1 - Présentation du document
On retrouvera ces documents ainsi que d’autres exemples (texte grec et traduction) dans Dareste, R.,
Haussoulier, B., Reinach, T., Inscriptions juridiques grecques, t. 1, Paris, E. Leroux, 1891, p. 107-142
(attention au commentaire, périmé sur certains points) et dans le Nouveau choix d’inscriptions grecques,
Institut Fernand Courby, Lyon, 1971, rééd. Paris, 2005, p. 137-143. Pour une étude d’ensemble, il est
indispensable de consulter M. I. Finley, Studies in Land and Credit in Ancient Athens, 500-200 BC. The
Horos-Inscriptions, New Brunswick, New Jersey, 1951. Nouveaux documents dans The Athenian Agora,
19, 1991. Sur les comportements économiques des particuliers, cf. Le monde grec, Paris, Bréal, 2010,
p. 171-173.
6. La vie économique et sociale à l’époque classique
1
Nature de la source
Il s’agit d’une source juridique, appartenant à un corpus épigraphique de plus de 200
bornes datées entre 400 et 250, provenant de l’Attique (pour la majorité) ou d’îles de
l’Égée dans la sphère du droit attique. Placées en vue sur le bien foncier hypothéqué,
elles assuraient la publicité de la dette, par référence implicite ou explicite à un contrat
plus détaillé, établi verbalement devant témoins ou écrit et déposé chez un tiers, particulier ou officiel dans quelques cas (thesmothètes, doc. 1).
L’auteur
Il n’y a pas à proprement parler d’auteur de l’inscription. Sauf exception (doc. 3), le
débiteur propriétaire du bien hypothéqué n’est pas nommé, parce que la précision était
superflue dans une société de voisinage où les citoyens se connaissaient entre eux. On
notera par ailleurs que la rédaction n’obéit à aucun formulaire-type, preuve qu’il s’agit
de contrats librement établis entre particuliers, sans intervention d’une autorité légale.
Le contexte
Cet usage de la borne inscrite doit être replacé dans le contexte général d’une civilisation qui pratiquait de manière systématique la gravure sur pierre de textes de toutes
natures (lois, décrets, dédicaces etc.) dans le but d’assurer une publicité durable et
universelle à leur contenu, (cf. la présentation d’ensemble de l’épigraphie grecque par
Robert, L., dans Samaran, Ch., éd., L’Histoire et ses méthodes, Paris, Gallimard, coll.
La Pléiade, 1961). D’ordinaire, les contrats privés ne faisaient pas l’objet d’une telle
transcription, mais dans la mesure où les cités ne possédaient ni registre foncier ni
registre des hypothèques, l’inscription était indispensable pour signaler les charges
(parfois multiples) pesant sur la propriété et pouvait éventuellement servir de preuve
lors des procès (cf. le Contre Phainippos du Pseudo-Démosthène [XLII], datable de
328/327).
2 - Analyse
L’analyse doit souligner d’emblée que sous l’apparente uniformité formelle (inscription
sur borne), se dissimulent des procédures très différentes et une variété de circonstances
faisant intervenir l’hypothèque. D’où les éléments principaux suivants:
– la nature des dettes ou des obligations garanties (prêt d’argent, garantie de restitution
d’une dot par le mari, garantie de paiement de loyer et de maintien d’un capital par un
locataire);
– les parties en présence, leur milieu social, d’après les indices fournis par les bornes
(biens hypothéqués);
– le rôle socio-économique du mariage à travers les mécanismes de la dot.
3 - Explication
Les documents constituant une série d’exemples rattachés à trois catégories d’horoi
différentes, distinguées par le lexique employé pour désigner les opérations, il ne faut
surtout pas commenter séparément et à la suite chacun des textes, mais dégager des
thèmes communs à l’ensemble d’après les orientations suggérées par l’analyse:
– les mécanismes et les finalités de l’hypothèque;
– l’hypothèque foncière, une pratique réservée aux riches citoyens;
– les horoi, témoignage sur l’économie athénienne du IVe siècle.
2
6. La vie économique et sociale à l’époque classique
A - Les créances hypothécaires
Souligner d’abord que le libellé des bornes est très sommaire, et que, sauf exception à
relever, manquent des éléments essentiels (qui devaient néanmoins figurer dans les pièces
déposées chez le tiers), comme la date (mais il y a mention de l’archonte éponyme dans
les textes 3, 5, 6) et la durée du contrat. Par recoupement avec les textes littéraires (notamment les plaidoyers), on parvient cependant à reconstituer les mécanismes en cause.
On distinguera deux cas de figure:
– l’hypothèque, sûreté d’un prêt en argent, prenant la forme d’une vente « sous condition de rachat libératoire » (prasis epi lysei). L’emprunteur « vend » son bien à un
créditeur, en s’engageant à le racheter dans un délai déterminé par remboursement de
la somme prêtée augmentée d’intérêts (12 à 18 % l’an). Dans l’intervalle, le propriétaire débiteur reste usufruitier de son bien. On remarque que la raison de l’emprunt
n’est jamais indiquée pour ce type de contrat (textes 1, 2).
– l’hypothèque, garantie d’un capital restituable. Cette catégorie (apotimèma) permet
de regrouper les hypothèques constituées par les maris (textes 3, 4) et par les locataires
d’orphelins (doc. 5, 6), qui ne sont qu’usufruitiers de biens appartenant à autrui.
Lorsqu’un père constituait une dot à sa fille, l’usage était de demander à l’époux un gage
foncier sur ses biens propres de valeur égale à la dot, car en cas de divorce ou de décès
d’un des époux sans héritier, la dot revenait au père ou tuteur de la femme.
Si un mineur devenait orphelin, la totalité des biens dont il héritait pouvait être louée par
enchère publique (misthôsis oikou), sous le contrôle d’un magistrat. En garantie de paiement des loyers et de maintien de la valeur du capital foncier, qui devait être restitué à
la majorité des enfants, le locataire était tenu de fournir une hypothèque sur ses biens
propres, d’une valeur égale à celle des biens loués.
B - Des pratiques réservées à un groupe social restreint
1 - Les parties en présence, analyse sociale
Bien qu’elles soient très elliptiques, les horoi renferment néanmoins un faisceau de
renseignements conduisant à voir dans l’hypothèque une possibilité offerte seulement
aux citoyens riches: insister sur la nature foncière des biens hypothéqués (domaines,
maisons) et les montants élevés impliqués (ici généralement 3000 drachmes, mais cela
peut aller jusqu’à 8000; on estime généralement que la valeur réelle du bien engagé
représente le double de la somme prêtée). La prise en location de biens de mineurs n’est
pas à la portée de tous, puisqu’il faut déjà posséder soi-même des biens de valeur au
moins équivalente (par ex. les trois propriétés agricoles de Naxos, texte 5). Par conséquent, les non-citoyens, même riches comme certains métèques, et les « nouveaux
riches », à la récente fortune mobilière acquise dans le commerce ou l’industrie minière,
sont exclus de ces transactions réservées aux détenteurs de propriétés foncières. Les
créditeurs sont de leur côté des particuliers ou des collectivités civiques (dème, texte 2)
ou religieuses, disposant de liquidités importantes, et non des banques privées ou
sacrées. On a donc affaire à des transactions à l’intérieur d’un groupe social solidaire,
entre gens aisés et de ce fait, l’hypothèque semble prémunir plus contre une éventuelle
mauvaise foi (fréquente si l’on en croit les nombreux procès du IVe siècle) que contre un
risque financier réel.
2 - La nature socio-économique du mariage
Cette analyse se trouve confirmée par l’examen de l’hypothèque dotale. La constitution
d’une dot n’avait rien d’obligatoire au regard de la loi, c’est donc un usage social qui
6. La vie économique et sociale à l’époque classique
3
s’est institué chez les plus riches. Avec la femme, éternelle mineure, on échange des
biens mobiliers, tandis que les fils gardent les biens immobiliers de l’héritage paternel.
La nécessité pour le gendre de fournir une sûreté foncière est l’indice que l’on se marie
entre familles riches. On a pu parler à ce propos d’une « endogamie de classe » et de
société bloquée (cf. sur ces problèmes Leduc, C., « Comment la donner en mariage? »,
dans Schmitt Pantel, P., éd., Histoire des Femmes, t.1, L’Antiquité, p. 259-316 et Étienne,
R., Ténos II. Ténos et les Cyclades, Athènes et Paris, BÉFAR, n° 263 bis, 1990, chap. III,
« La société de Ténos », p. 51-84).
C - Les horoi, un éclairage sur l’économie athénienne du
IVe
siècle
1 - Interprétation historique des bornes
L’analyse sociale qui précède permet de dissiper un contresens d’interprétation. Les
bornes du IVe siècle n’ont pas du tout le même objet que celles que Solon proclame avoir
arrachées de la Terre noire (fragment 24 Diehl cité par Aristote, Constitution des
Athéniens, 12, 4 ; cf. Le monde grec, Paris, Bréal, 2010, p.51). À l’époque archaïque, les
horoi étaient le signe d’un endettement endémique et dramatique de la petite paysannerie, de l’existence d’une usure rurale au détriment des plus pauvres, alors qu’au IVe siècle
les bornes témoignent d’une pratique du crédit et de la garantie hypothécaire à l’intérieur
d’un groupe minoritaire de gens aisés.
2 - L’emprunt, crédit à la consommation sociale
Le but de l’emprunt n’est malheureusement pas indiqué dans les cas de prasis epi lysei,
cependant les plaidoyers montrent nettement que ces prêts servaient fréquemment à
financer des dépenses de prestige ponctuelles comme les liturgies, dons divers privés et
publics ou dots. Le registre d’hypothèques de Ténos réexaminé récemment par
R. Étienne (op. cit.) témoigne également de déplacements latéraux des capitaux: on
s’endette pour résilier une créance. La fortune tourne donc en rond, sans pour autant
augmenter. Dans ses commentaires des horoi, M. I. Finley insiste sur ces points pour
dénier toute valeur d’investissement au crédit sur la terre, qui serait destiné à des
dépenses improductives à la différence des prêts investis dans le commerce maritime. Le
suivant dans cette analyse, M. Austin et P. Vidal-Naquet affirment que « le monde de la
terre reste dissocié de celui de l’argent ». Aujourd’hui, il apparaît nécessaire de nuancer
cette analyse.
3 - Aspects économiques de l’hypothèque foncière
La prise en location de biens de mineurs servira de premier argument : ce n’est nullement de la charité ou du dévouement social mais, tout comme dans les cas de location
de propriétés sacrées, il s’agit bien pour un citoyen déjà aisé d’augmenter sa capacité
de production agricole et, partant, ses revenus, par la revente sur le marché de surplus
importants.
Par ailleurs, les prêts portent intérêt : il s’agit donc d’un placement productif pour les
créanciers, et il est avéré que les gendres utilisaient en tant que créditeurs la dot en
argent de leur femme dont ils avaient la gérance, pour la faire fructifier.
Enfin le registre d’hypothèques du IVe siècle provenant de Ténos (R. Étienne, op. cit.)
indique sans ambiguïté que le crédit était parfois utilisé pour l’achat ou le rachat de
terres, principalement pour reconstituer un domaine morcelé à la suite d’un héritage.
Certes, le phénomène reste limité, car le marché de la terre était restreint, mais il existait ! Les propriétaires fonciers athéniens ou téniotes n’avaient certainement pas la
mentalité d’investisseurs rapaces ou de gros rassembleurs de terres, et l’on n’observe
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6. La vie économique et sociale à l’époque classique
d’ailleurs pas, durant le IVe siècle, la formation de très grands domaines agricoles aux
dépens de la petite et moyenne propriété. Néanmoins ces riches citoyens n’ignoraient
rien de la chrématistique et savaient parfaitement la manipuler au sein de leur groupe
social: les femmes et les terres circulaient dans un milieu réduit, animé de mouvements
latéraux plus que verticaux.
5 - L’intérêt du texte
Singularité et richesse d’une documentation primaire renseignant sur les contrats liant
des particuliers.
Très bon exemple des relations complexes entre l’économie et la société dans la Grèce
classique.
L’importance de la terre comme fondement économique de la société grecque.
6. La vie économique et sociale à l’époque classique
5
Documents proposés
Chersonèsos taurique et son territoire
D’après Chtcheglov, A, Polis et Chora, 1992.
Comprendre les documents et leurs centres d’intérêt
– Le cadastre et l’organisation rationnelle du territoire;
– le klèros (propriété agricole) et sa structure;
– l’agriculture dans les colonies grecques de la mer Noire.
Présenter les documents
– Apport concret de l’archéologie à la connaissance des territoires et de l’agriculture
antiques;
– la cité de Chersonèsos et la normalisation de l’espace rural par le cadastre au IVe siècle.
Construire le plan à partir des centres d’intérêt suivants
– Une organisation planifiée du paysage et la rationalisation de la morphologie agraire;
– l’agriculture coloniale: polyculture à dominante viticole à des fins d’exportation;
– Grecs et indigènes, le cadastre comme instrument d’exclusion et d’assujettissement du
pays conquis.
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6. La vie économique et sociale à l’époque classique
CONSIDÉRATIONS
SUR LES ARTISTES ET LES ARTISANS.
2. Les métiers que l’on appelle d’artisans [les technai dites banausikai] sont fort mal vus, et il est bien
naturel qu’on les tienne en grand mépris dans les cités. Ils ruinent physiquement les ouvriers qui les
exercent et ceux qui les dirigent, en les contraignant à vivre assis dans l’ombre, parfois même à passer
toute la journée près du feu. Les corps étant ainsi amollis, les âmes à leur tour deviennent beaucoup
moins robustes.
3. De plus et surtout, ces métiers dits d’artisans ne laissent à ceux qui les pratiquent aucun loisir pour
s’occuper de leurs amis et de la cité. Ainsi passent-ils pour de piètres amis et pour de médiocres défenseurs de leur patrie. Si bien que dans quelques cités, notamment dans celles qui ont une réputation militaire, on va jusqu’à interdire à tous les citoyens de pratiquer les métiers d’artisans.
Xénophon, Économique, IV, 2-3.
1, 4. […] Nous nous plaisons aux parfums et aux vêtements de pourpre, mais nous tenons les teinturiers
et les parfumeurs comme indignes d’être libres et comme de vulgaires artisans. C’est donc à juste titre
qu’Antisthène, entendant dire qu’Isménias était un excellent joueur d’aulos, repartit : « Dans ces conditions, c’est un homme de peu, autrement il ne serait pas un excellent joueur d’aulos. » […] 2, 1. Il n’y a
pas un jeune homme de bonne naissance qui, ayant vu le Zeus de Pise ou l’Héra d’Argos, ait pour autant
désiré devenir un Phidias ou un Polyclète, ni devenir un Anacréon, un Philémon ou un Archiloque, pour
s’être plu à leurs poèmes. Car une œuvre peut nous séduire par son charme sans que nous soyons
contraints de prendre modèle sur son ouvrier.
Antisthène : philosophe disciple de Socrate.
Isménias : homme politique thébain.
Aulos : sorte de hautbois.
Zeus de Pise et Héra d’Argos : statues cultuelles chryséléphantines (or et ivoire sur armature de bois) représentant ces dieux.
Plutarque, Vie de Périclès, 1, 4 - 2, 1.
Comprendre les textes et leurs centres d’intérêt
– Deux jugements concordants sur les artisans et les artistes à six siècles d’intervalle;
– une condamnation sans équivoque des métiers artisanaux;
– les artistes, si célèbres soient-ils, ne sont que de vulgaires artisans.
Présenter les documents
– Le Socrate de Xénophon, porte-parole de l’idéologie de la cité classique;
– le jugement de Plutarque attestant la permanence, à l’époque impériale romaine, de
cette idéologie discréditant les plus illustres des sculpteurs et poètes anciens.
Construire le plan à partir des centres d’intérêt suivants
(qui ne constituent pas le plan en soi)
– L’artisan, « héros secret de l’histoire grecque » (P. Vidal-Naquet);
– les causes d’une condamnation et les valeurs de la cité;
– hiérarchie des métiers et citoyenneté;
– place de l’art et des artistes dans la société grecque.
6. La vie économique et sociale à l’époque classique
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DÉCRET
ATHÉNIEN SUR LES MONNAIES, POIDS ET MESURES (EXTRAIT).
[…] Que l’on frappe dès maintenant la moitié au
moins de l’argent étranger de l’atelier monétaire,
et désormais, autant que les magistrats et les cités
elles-mêmes l’exigeront, que l’on procède à
l’échange en retenant chaque fois cinq drachmes
à la mine, et que le prélèvement soit frappé et
remis rapidement aux stratèges et aux percepteurs ; quand cela aura été fait, que l’on prenne un
décret concernant les sommes dues à Athéna et
Héphaïstos ; et si quelqu’un propose ou met aux
voix une proposition selon laquelle il serait permis
d’user de monnaies étrangères ou d’en faire le
prêt, qu’il soit aussitôt déféré devant les Onze et
que ceux-ci le condamnent à mort ; s’il conteste,
qu’il soit présenté devant le tribunal. Que des
hérauts soient choisis par le peuple et envoyés
dans les cités pour proclamer les présents décrets
du peuple, un en Ionie, un dans les îles, un dans
l’Hellespont, un en Thrace ; les stratèges, après
leur avoir indiqué par écrit leur itinéraire, doivent
les faire partir, sinon ils seront passibles d’une
amende de dix mille drachmes ; que les gouverneurs dans les cités placent ce décret après l’avoir
fait graver sur une stèle de pierre sur l’agora et
que les responsables le fassent devant l’atelier
monétaire. Voilà ce que les Athéniens leur imposent, même s’ils ne le veulent pas ; que le héraut
envoyé chez eux exige ce que les Athéniens
ordonnent ; que le secrétaire du Conseil ajoute ces
mots au serment des conseillers : « Si quelqu’un
dans les cités frappe une monnaie d’argent et
n’utilise pas les monnaies, poids et mesures
d’Athènes, mais des monnaies, poids et mesures
d’une cité étrangère, je le condamnerai et le punirai conformément au précédent décret qu’a
proposé Cléarchos ».
Cf. Bertrand, J.-M., Inscriptions historiques grecques, Paris, Les Belles Lettres, 1992, p. 72-75 et Brun, P., Impérialisme
et démocratie à Athènes. Inscriptions de l’époque classique (c. 500-317 av. J.-C.), Paris, Colin, 2005, p. 53-55.
Comprendre le texte et son centre d’intérêt
Athènes impose à ses « alliés » de la Ligue attico-délienne l’usage exclusif de sa
monnaie d’argent (sur la façon dont les Athéniens s’imposent à leurs alliés cf. Le monde
grec, Paris, 20010, p. 137-138).
Présenter le document
– Un document mutilé, reconstitué à partir de plusieurs copies sur des stèles;
– un texte que l’on situe aujourd’hui dans les années 425-422-421.
Mettre en place le document
– Les rapports entre Athènes et ses « alliés » à l’époque où Cléon inspire la politique
athénienne;
– les « chouettes » (tétradrachmes d’argent), instruments de l’impérialisme et de la puissance d’Athènes.
Construire le plan à partir des contraintes suivantes
– Les cités de « l’Empire athénien », après avoir perdu leur indépendance et leur autonomie politique et juridique, perdent le privilège de battre monnaie;
– les motivations athéniennes: volonté de domination politique? désir de tirer un profit
financier de l’opération? ou simplement mesure dictée par la guerre, destinée à obtenir sans délai et sans frais de change des monnaies pour financer la flotte?
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6. La vie économique et sociale à l’époque classique
Amphores et cachet de timbrage thasiens
Amphore à vin
vers 390 a. C.
amphore à vin
vers 360 a. C.
Un cachet et son empreinte
D’après Garlan, Y., Vin et Amphores de Thasos, Athènes, École française d’Athènes, 1988.
Comprendre le document et ses centres d’intérêt
– L’étude des amphores et des timbres amphoriques, source essentielle de l’histoire
économique antique;
– le vin de Thasos et sa commercialisation (sur les ateliers amphoriques de Thasos,
cf. la carte de Thasos et les remarques afférentes, Le monde grec, Paris, Bréal, 2010,
p. 160 et p. 165).
Présenter le document
– Expliquer à quoi servaient les amphores;
– expliquer ce qu’est un timbre sur amphore et les indications qu’il fournit;
– le vin de Thasos, l’un des grands crus de l’Antiquité grecque.
Construire le plan à partir des centres d’intérêt suivants
– Les amphores, source sur la vie économique, artisanale et commerciale des cités;
– une évaluation quantitative des échanges entre lieux de production et lieux de
consommation ;
– le système du timbrage et ses diverses interprétations (cf. Le monde grec, Paris, Bréal,
2010, p. 167, n.14).
6. La vie économique et sociale à l’époque classique
9
CONTRAT
ÉCRIT DE PRÊT MARITIME.
10. Androclès du dème de Sphettos et Nausikratès
de Carystos ont prêté à Artémon et à Apollodoros
de Phasélis 3 000 drachmes d’argent pour un
voyage d’Athènes à Mendè ou Skionè et de là au
Bosphore, puis s’ils le veulent, en longeant la côte
à gauche jusqu’au Borysthène, avec retour à
Athènes. L’intérêt est de 225 pour 1000 et, s’ils ne
reprennent la mer qu’après le lever d’Arcture pour
aller du Pont à Hiéron, 300 pour 1000. Le prêt est
garanti par 3000 amphores de vin de Mendè, à
charger à Mendè ou à Skionè, sur le navire à vingt
rames commandé par Hyblésios, 11. ladite hypothèque franche et quitte de toute dette présente et
future. Les marchandises achetées au Pont avec le
produit de la cargaison seront transportées à
Athènes sur le même navire. Si elles arrivent à bon
port à Athènes, les emprunteurs paieront aux
créanciers le capital et les intérêts dans un délai de
vingt jours après leur arrivée à Athènes, sauf jet
intervenu par décision commune des passagers ou
rançon payée à l’ennemi, toute autre perte restant
à leur charge. Le gage sera tenu à la disposition des
prêteurs franc de tout autre droit de saisie, jusqu’à
ce que le capital et les intérêts aient été acquittés
conformément au contrat. 12. Si le paiement n’est
pas fait en temps convenu, les prêteurs pourront
hypothéquer le gage et le vendre au cours. Si le
prix est insuffisant pour payer aux créanciers ce qui
leur revient d’après le contrat, ils pourront saisir
tous les autres biens terrestres et maritimes
d’Artémon et d’Apollodoros, en quelque lieu qu’ils
soient, comme s’il y avait eu condamnation en
justice et terme échu, ce droit appartenant aux
deux créanciers, individuellement et ensemble. 13.
Que s’ils ne vont pas jusqu’au bout de leur voyage,
ils feront relâche dix jours dans l’Hellespont
pendant la canicule et débarqueront les marchandises en un lieu où il n’y ait pas de représailles à
exercer contre les Athéniens; ils retourneront de là
à Athènes et acquitteront les intérêts inscrits au
contrat l’année précédente. En cas de naufrage du
navire sur lequel la cargaison sera transportée, si
on réussit à sauver des marchandises affectées au
prêt, la partie sauve appartiendra aux créanciers
par indivis. À l’égard de tous ces points, le contrat
déroge à toute règle contraire. Témoins: Phormion
du dème du Pirée, Képhisodotos de Béotie,
Héliodoros du dème de Pithos.
Pseudo-Démosthène, XXXV, Contre Lacritos, 10-13.
Comprendre le texte et ses centres d’intérêt
– Un exemple de contrat écrit de prêt maritime conclu à Athènes entre particuliers
devant témoins (cf. Le monde grec, Paris, Bréal, 2010, p. 171);
– le caractère risqué de ce type d’emprunt malgré les garanties;
– le caractère aléatoire du commerce maritime.
Présenter le document
– Un contrat cité dans un procès (dikè emporikè) intenté par Androclès à l’héritier d’un
des emporoi vers 340;
– son but: financer le voyage de deux emporoi en Chalcidique et dans le Pont-Euxin,
avec retour à Athènes, et l’achat de marchandises.
Mise en place du document
– Le rôle respectif des Athéniens et des étrangers dans le commerce de la cité;
– la route du Pont-Euxin, axe commercial capital pour Athènes.
Construire le plan à partir des centres d’intérêt suivants
(qui ne constituent pas le plan en soi)
– Les emporoi, les nauclères et les créanciers ;
– l’itinéraire et les produits;
– les clauses limitant la liberté d’action des emporoi;
– le rendement;
– les garanties aux créanciers et leurs limites.
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6. La vie économique et sociale à l’époque classique
Dissertations proposées
Artisans et artisanat dans la Grèce classique
Réfléchir aux termes et intentions du sujet
– Artisanat, une catégorie vaste et composite;
– artisans: statuts légaux, métiers, et idéologie (cf. document proposé supra : « Considérations
sur les artistes et les artisans », d’après Plutarque, Vie de Périclès, 1,4 - 2,1.);
– les lieux de l’artisanat, espace domestique, urbain, rural.
Recenser les aspects à étudier
– Les divers types d’artisanat, produits de l’oikos, produits des petits ateliers, niveau
« industriel », artisanat d’art;
– répartition socio-économique;
– répartition géographique;
– le regard porté sur les métiers artisanaux et ceux qui les exercent.
Les articulations possibles du plan
– Tableau hiérarchisé des activités artisanales dans la cité classique;
– place et rôle de l’artisanat dans l’économie des poleis;
– l’artisan, héros secret de l’histoire grecque: le discours sur les artisans à travers les
mythes, les écrits des philosophes théoriciens politiques, et la réalité sociale au sein de
la cité.
Les formes de l’habitat dans la Grèce des cités
Réfléchir aux termes et intentions du sujet
– Formes de l’habitat: groupé et isolé, taille, hiérarchie fonctionnelle;
– la Grèce des cités: il s’agit donc d’une analyse dans le temps long, de l’archaïsme
(cf. Le monde grec, Paris, Bréal, 2010, p. 59-62, documents commentés sur Zagora
d’Andros et Megara Hyblaea) à la conquête romaine;
– cela suppose une caractérisation de chaque grande époque et une étude des contrastes
entre elles.
Recenser les aspects à étudier
– Les sources documentaires: textes d’historiens et de philosophes (sur l’origine de la
ville) et l’archéologie;
– les divers types d’habitat, ville, village, fermes isolées, les caractériser dans leur
morphologie et leurs fonctions;
– répartition et complémentarité entre les différentes formes d’habitat;
– qui habite où?
– les variations dans le temps long.
6. La vie économique et sociale à l’époque classique
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Les articulations possibles du plan
– Présentation hiérarchisée des formes de l’habitat selon leur typologie;
– une image concrète de ce qu’est la cité grecque dans le temps long: les permanences;
– évolution des formes de l’habitat:
- villages et villes à l’époque archaïque;
- l’apparition et le développement de l’habitat rural isolé, époque classique et haute
époque hellénistique;
- le repli vers la ville et la création de nouveaux pôles urbains, basse époque hellénistique et époque romaine.
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6. La vie économique et sociale à l’époque classique
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