Publication - Philippe Blanchot

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Contribution à l’étude des parasites de
Musca domestica L. (Diptera: Muscidae) en France.
par
Philippe BLANCHOT
École Pratique des Hautes Études, Biologie et Évolution des Insectes
45 rue Buffon, F-75005 Paris
EPHE, Biol. Evol. Insectes, 6, 1993 : 73-78, 2 fig.
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Mots-clés: Musca domestica, parasites (parasitoïdes), lutte biologique, France.
Résumé: On étudie le complexe parasitaire de la mouche domestique, Musca domestica dans
les régions Bretagne et Île-de-France. On met en évidence que les données sur la nature,
l’importance numérique et les proportions relatives de ce complexe parasitaire dépendent du
mode d’échantillonnage. En foyer naturel (élevage de bovins), l’ensemble des parasites
comporte 6 espèces dont 2 dominantes: Muscidifurax raptor Girault & Sanders et Spalangia
cameroni Perkins, avec une fréquence relative proche de 16%, tandis que dans des conditions
semi-naturelles (pupes exposées en milieu sélectionné), il présente 14 espèces pour un taux de
parasitisme avoisinant 6%.
Abstract: We study the house fly’s complex in Brittany and the area surrounding Paris. We
reveal that the information on the nature, the quantity and the relative proportions of this
parasitic complex depend upon the sampling methods. Within a natural context (cattle
rearing) the group of parasites is composed of 6 species of which are dominant: Muscidifurax
raptor Girault & Sanders and Spalangia cameroni Perkins, with a relative frequency of
almost 16%, whereas under semi-natural conditions (pupae exposed to a selected
environment), 14 species are present for a parasitic rate of almost 6%.
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Introduction
La conception et l’application d’une lutte biologique dirigée contre Musca
domestica L. à l’aide d’Insectes auxiliaires font l’objet de nombreuses investigations, notamment aux Etats-Unis (PATTERSON, KOEHLER, MORGAN &
HARRIS, 1981; RUEDA & AXTELL, 1985; PATTERSON & RUTZ, 1986;
RUTZ & PATTERSON, 1990) où depuis plusieurs années quelques parasites
sont produits à des fins commerciales (BEZARK, 1989). En Europe, peu de
recherches ont été orientées vers ce type de programme (FABRITIUS &
KLUNKER, 1991).
Sur l’ensemble des 25 espèces parasites de M. domestica répertoriées en France
(BLANCHOT, 1992b), un nombre limité mériterait d’être exploité. Aucune
étude sur l’abondance et la proportion des parasites indigènes n’avait encore été
réalisée.
Le présent travail donne les résultats obtenus à partir de deux techniques
d’échantillonnage menées dans deux départements français et montre les
facultés adaptatives de certains parasites.
Matériel et Méthodes
Les recherches ont été poursuivies durant trois années consécutives à
Ruffiac dans le Morbihan au lieu-dit «La Crossais». Les pupes de M. domestica
furent prélevées à l’état naturel dans un élevage de bovins (vaches laitières,
taurillons et veaux) du type extensif. Dans cette exploitation agricole, la
fréquence relative des parasites a été établie pour les campagnes 1984-85-86
entre mai et octobre (période d’activité parasitaire). L’élevage des veaux en
cases individuelles, créait indiscuta-blement les meilleurs sites de ponte pour la
mouche domestique et par conséquent, un endroit de récolte privilégié.
L’autre expérimentation a été réalisée à Béhoust (Yvelines), en bordure
d’étang et dans la propriété de l’European Biological Control Laboratory. Les
pupes d’élevage de M. domestica furent exposées au cours des années
1985/86/87/89 dans un piège grillagé en divers emplacements aménagés, c’està-dire dans des conditions que nous avons qualifiées de semi-naturelles.
Bilan après 3 années de prospection en foyer naturel
Avec 285 pupes parasitées sur les 1730 colligées à Ruffiac, le taux de
parasitisme atteint 16,47%. Dans cette ferme, M. domestica héberge 6 parasites:
Muscidifurax raptor Girault & Sanders représente 54,03% du complexe
parasitaire inféodé à ce Muscide; Spalangia cameroni Perkins, 29,12%;
Phygadeuon fumator Gravenhorst, 7,02%; Spalangia nigroaenea Curtis, 6,32%;
Coptera merceti (Kieffer), 3,16% et Oxytelus piceus (L.), 0,35%.
Ces espèces appartiennent à la famille des Pteromalidae, exceptées P.
fumator (Ichneumonidae), C. merceti (Diapriidae) et O. piceus (Staphylinidae).
Les Ptéromalides totalisent à eux seuls 89,47% du parasitisme, M. raptor
représentant chaque année l’espèce prédominante. L’activité maximale de S.
cameroni et de S. nigroaenea se manifeste surtout en fin d’été, tandis que celle
de M. raptor se remarque plus tôt en saison. La fréquence de l'Ichneumonide et
du Diapriide, même si elle est négligeable comparée à celles des espèces
principales, montre indubitablement l'efficacité de ces auxiliaires, leur activité
précoce étant à prendre en considération dans le cadre d’une lutte biologique
(BLANCHOT, 1991, 1992a). Le parasitisme du Staphylinide sur M. domestica
semble ici tout à fait accidentel.
La figure qui suit, montre le bilan 1984/85/86 des taux de parasitisme
affectant la mouche domestique à Ruffiac.
Figure 1 : Fréquence relative des parasites de Musca domestica à Ruffiac
Ces résultats corroborent bien les recherches menées au Danemark
(MOURIER, 1971, 1972) et en Allemagne (KLUNKER, 1991) où M. raptor et
S. cameroni sont les deux espèces dominantes dans ce type d’habitat.
Bilan après 4 années d'exposition en conditions semi-naturelles
Au cours des 89 piégeages «mis en oeuvre» à Béhoust, 10600 pupes
d'élevage de M. domestica furent exposées, soit une moyenne de 2650 pupes par
an. Au total, 640 parasites ont effectué leur développement complet aux dépens
de ce Diptère, soit une moyenne de 160 individus par an, correspondant à
6,04%.
Par ce système d’échantillonnage, j'ai obtenu 14 parasites, appartenant à 4
familles d’Hyménoptères, aux dépens du Muscide. Sur l'ensemble des 4 années
de prélèvement, la répartition du cortège parasitaire s'établit par ordre
décroissant comme suit : Nasonia vitripennis (Walker) avec 18,97%,
Phygadeuon fumator: 18,65%, Spalangia cameroni: 16,77%, Gelis agilitor
Aubert: 15,99%, Coptera merceti: 9,8%, Muscidifurax raptor: 8,15%, Spalangia
nigra Latreille: 2,66%, Pachycrepoideus vindemiae (Rondani): 2,35%,
Spalangia nigripes Curtis: 1,57%, Spalangia endius Walker: 1,57%,
Phygadeuon elegans (Förster): 1,41%, Orthostigma pumilum (Nees): 1,41%,
Phygadeuon vexator (Thunberg): 0,47% et Megacara hortulana (Gravenhorst):
0,16%.
Ces données ne reflètent guère les résultats obtenus à Ruffiac dans une
exploitation agricole uniquement soumises aux conditions naturelles. En
revanche, elles nous montrent bien la souplesse et l'adaptabilité des parasites,
qui réussirent leur développement complet aux dépens d'hôtes dont les chances
de contact dans des conditions normales auraient été peu probables.
La coïncidence spatio-temporelle de plusieurs parasites avec M. domestica
apparaît donc ici tout à fait accidentelle.
L'importance numérique et la proportion des parasites sont peu
comparables sur l'ensemble des 4 années d’échantillonnage. En 1985, S.
cameroni est l’espèce dominante avec 47,2%, en 1986 S. cameroni et C. merceti
représentent chacun 20,6% du cortège parasitaire, en 1987 P. fumator obtient
51,6% tandis qu’en 1989 G. agilitor atteint une fréquence remarquable, 66,9%.
Ces prépondérances sont difficiles à expliquer; elles dépendraient de plusieurs
facteurs: conditions climatiques, nature des substrats, matières organiques
réparties autour des pupes exposées, autres hôtes, prédateurs, hyperparasites, etc.
N. vitripennis et G. agilitor, avec des taux de parasitisme élevé, furent
uniquement récoltés en conditions semi-naturelles. Seul S. cameroni abonde
dans tous les échantillonnages. Spalangia endius, dont le rôle a été maintes fois
mis en évidence par les chercheurs de la communauté internationale, est
néanmoins peu efficace contre M. domestica dans la moitié Nord de la France.
L’histogramme qui suit montre le taux de parasitisme affectant la mouche
domestique à Béhoust en biotopes de substitution.
Figure 2 : Fréquence relative des parasites de la mouche domestique à Béhoust
(Bilan 1985/86/87/89. Pourcentage en ordonnée)
M.r.= Muscidifurax raptor; N.v.= Nasonia vitripennis; P.v.= Pachycrepoideus vindemiae;
S.c.= Spalangia cameroni; S.e. = S. endius; S.n.= S. nigra; S.ns= S. nigripes (Pteromalidae);
C.m.= Coptera merceti (Diapriidae); G.a.= Gelis agilitor; M.h.= Megacara hortulana; P.e.=
Phygadeuon elegans; P.f.= P. fumator; P.ve.= P. vexator (Ichneumonidae);
O.p.= Orthostigma pumilum (Braconidae)
Discussion
Nos observations mettent en évidence une particularité adaptative
insoupçonnée du complexe parasitaire chez M. domestica:
-À l'état naturel, il comporte un petit nombre d'espèces (6) avec beaucoup
d'individus (parasitisme: 16,47%);
-Dans un habitat de substitution, il présente un grand nombre d'espèces (14)
avec peu d'individus (parasitisme: 6,04%).
On constate par ailleurs que le peuplement diffère d'une année à l'autre,
mais là où M. domestica vit à l'état sauvage, les groupes dominants varient peu.
En revanche, dans des biotopes artificiels, les fluctuations apparaissent,
l'écophysiologie des relations hôtes-parasites se trouvant modifiée.
Le prélèvement de pupes naturelles permet de mieux évaluer la structure
statique d’une communauté parasitaire. Toutefois, l’exposition de pupes
d’élevage offre bien des avantages (PETERSEN & WATSON, 1992), et
complète indéniablement la première méthode d’échantillonnage.
M. raptor et S. cameroni constituent d’après les résultats obtenus, les
meilleurs auxiliaires contre la mouche domestique. Ces Pteromalidae
cosmopolites, en raison de leur fréquence d’apparition, se montrent les mieux
adaptés au Muscide et au milieu dans lequel celui-ci évolue. Une dispersion de
ces deux parasites prélevés dans leur habitat, multipliés en laboratoire, puis
relâchés périodiquement pourrait, dès maintenant, être recommandée aux
éleveurs français dans le cadre d’une lutte raisonnée, en parallèle avec
l’amélioration rigoureuse des pratiques culturales.
Remerciements
J’exprime toute ma gratitude à MM. Jacques F. Aubert (Laboratoire
d’Évolution, Paris) et Michel Boulard (EPHE et MNHN, Paris) pour les
informations qu’ils m’ont communiquées ainsi qu’à MM. Lloyd Knutson et
Walker Jones (EBCL, Montpellier) pour avoir mis à ma disposition les
installations du laboratoire de Béhoust.
Auteurs cités
BEZARK L.G., 1989.- Suppliers of beneficial organisms in North America.- Calif. Dept.
Food Agric., 7 p.
BLANCHOT, Ph., 1991.- Ichneumonides parasites inédits de Musca domestica Linné (Hym.
Ichneumonidae / Dipt. Muscidae).- EPHE, Travx Lab. Biol.Évol. Ins., 4: 93-104.
BLANCHOT, Ph., 1992a.- Coptera merceti (Kieffer) (Hym.: Diapriidae) parasite inédit de
Musca domestica L. (Dipt.: Muscidae).- Bull. Soc. Ent. Mulhouse, Avr.-Juin 1992 : 26-28.
BLANCHOT, Ph., 1992b.- Nouveau répertoire bibliographique et nouvelles données bioécologiques concernant les parasites de Musca domestica L., 1758 (Diptera, Muscidae).EPHE, Biol. Évol. Insectes, 5: 1-54.
FABRITIUS, K. & KLUNKER, R., 1991.- Merkblätter über angewandte Parasitenkunde und
Schädlingsbekämpfung, Merblatt n°32. Die Larven-und Pupariumparasitoide von
synanthropen Fliegen in Europa.- Angew. Parasitol., 32 (1) (suppl): 1-24.
KLUNKER, R., 1991.- Zur Nebenwirkung von Neporex auf Pupariumparasitoide von Stallfliegen.- Angew. Parasitol., 32: 205-218.
MOURIER, H., 1971.- Seasonal occurence of pupal parasitoids from the housefly Musca
domestica (Diptera) in Denmark.- Vidensk. Meddr dansk naturh. Foren., 134: 109-118.
MOURIER, H., 1972.- Release of native pupal parasitoids of houseflies on Danish farms.Vidensk. Meddr dansk naturh. Foren., 135: 129-137.
RUEDA, L.M. & AXTELL, R.C., 1985.- Guide to common species of pupal parasites
(Hymenoptera: Pteromalidae) of the house fly and other muscoid flies associated with poultry
and livestock manure.- Tech. Bull. n° 278, North Carolina State Univ., Raleigh : 88 p.
PATTERSON, R.S., KOEHLER, P.G., MORGAN, P.B. & HARRIS, R.L. (Eds), 1981.Status of biological control of filth flies.- Proc.Work. Univ. Fla. Gainsville, USDA : 212 p.
PATTERSON, R.S. & RUTZ, D.A. (Eds.), 1986.- Biological Control of muscoids flies.Misc. publ., Ent. Soc. Am., n° 61, 174 p.
PETERSEN, J.J. & WATSON, D.W., 1992.- Comparison of sentinel and naturally occurring
fly pupae to measure field parasitism by Pteromalid parasitoids (Hymenoptera).- Biological
Control , 2: 244-248.
RUTZ, D.A. & PATTERSON, R.S. (Eds.), 1990.- Biocontrol of Arthropods affecting
livestock and poultry.- Westview , CO., 316 p.
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