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SPORT ET IDÉOLOGIE
L’Italie fasciste
1. Analyse de la photo de l’équipe de football italienne aux J.O. de Berlin
- Situez cette photographie dans son contexte (date, lieu,…).
Cette photo a été prise lors des J.O. de Berlin, à l’été 1936.
- Présentez les sportifs qui figurent sur la photo.
Les sportifs photographiés sont les joueurs de l’équipe de football italienne, la Squadra Azzurra,
dirigée par Vottorio Pozzo. Cette équipe a remporté la médaille d’or aux J.O. de Berlin, deux ans
après avoir gagné la coupe de monde.
- De quelle façon le pouvoir fasciste utilise-t-il cette victoire à des fins politiques ?
Cette victoire relayée dans toute la presse nationale et étrangère devient un outil de propagande
politique puissant pour l’Italie de Mussolini. Au-delà de la performance sportive, ce succès obtenu
contre l’Autriche et dans la capitale du Reich, contribue à exalter la supériorité fasciste face à son
nouvel allié allemand et sur le plan international.
2. En vous appuyant sur les documents de votre choix, expliquez de quelles manières Mussolini
utilise le sport à des fins idéologiques.
En reprenant l’idée de la formation militaire de la gymnastique, déjà largement répandue en
Europe au XIX
e
siècle, le fascisme utilise le sport comme un moyen de forger et d’embrigader les
masses et surtout la jeunesse italienne. Mussolini veut cette dernière dynamique, forte et fidèle à
son chef, selon la devise « croire, obéir, combattre » qui illustre le caractère violent du régime.
Grâce à une intense propagande, les victoires sportives constituent autant de succès politiques.
Utilisées à l’étranger pour glorifier le régime, elles ont pour dessein de renforcer la cohésion
sociale autour d’une conscience nationale et de transformer les sportifs en héros civils. Primo
Carnera illustre parfaitement cette instrumentalisation des exploits sportifs par le fascisme
italien. Champion du monde des poids lourds en 1933, il devient le symbole vivant de la force du
régime. Il pose devant la presse internationale en uniforme fasciste en faisant le salut romain. Le
Duce lui-même montre l’exemple. Il n’hésite pas à s’exhiber comme sportif (document 2 et 3) ou à
passer en revue ses troupes au pas de gymnastique (photo du défilé de 15 000 athlètes devant le
Duce au stade Circo Massimo, le 28 août 1934). La diffusion de l’image publique de Mussolini est
presque entièrement placée sous le signe de sa prestance physique. Les médias le désignent de
manière continue comme « le premier sportif d’Italie ». D’innombrables photos représentent le
Duce dans des attitudes et des poses athlétiques.
Par ailleurs, la volonté uniformisatrice du régime se traduit par une politique de fascisation qui
embrasse tous les domaines de la société, y compris les milieux sportifs. À partir de 1928, année de
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la promulgation de la Charte du sport, les principales associations sportives socialistes et
catholiques sont progressivement dissoutes. En même temps, le régime encadre l’activité physique
des jeunes dès 8 ans et jusqu’à l’âge adulte.
Le sport allemand aryanisé
1. Selon Hitler, quelles sont les qualités principales d’un jeune allemand « idéal » ?
Selon Adolf Hitler, « le jeune Allemand doit être mince et élancé, agile comme un lévrier, résistant
comme le cuir et dur comme l’acier de Krupp ». De telles qualités ne peuvent être obtenues qu’en
soumettant le corps à un régime spécial.
2. Par quelles mesures le régime nazi impose-t-il sa conception du sport ?
Dès leur arrivée au pouvoir, les nazis ont mis en oeuvre la nazification de la culture physique et
des sportifs, mais également utilisé le sport à des fins racialistes. Le sport allemand est épuré et
placé sous le contrôle du chef SA de Dresde, Hans von Tschammer und Osten.
Les fédérations sportives ouvrières sont interdites, les clubs chrétiens sommés d’abandonner
toute orientation religieuse, et les Juifs exclus des clubs et des championnats allemands.
L’antisémitisme d’État s’applique aussi aux terrains de sport publics, aux piscines, aux lacs et
rivières utilisés pour nager. Les Juifs n’ont plus le droit de monter à cheval, au motif qu’un cheval
allemand ne saurait être en contact avec un Juif.
3. Comment le sport contribue-t-il à embrigader la jeunesse dans l’Allemagne nazie ?
Hans von Tschammer und Osten, devenu Reichssportführer en mai 1933 déclare que « l’âge de
l’individualisme sportif a pris fin » et que le sport est désormais « une obligation » pour chaque
Allemand. Le sport est tout particulièrement intégré à la vie collective de la jeunesse à raison de
dix heures d’éducation physique par semaine afin de contrebalancer une éducation scolaire jugée
« uniquement intellectuelle. »
4. Quelles sont les conséquences de ces mesures sur les athlètes ?
Ces mesures d’exclusion n’épargnent pas les sportifs professionnels comme en atteste le cas du
boxeur juif Erich Seelig à qui le Comité des sports (composé de membres du parti nazi) retire son
titre de champion d’Allemagne de boxe mi-lourds. Le cas du Bayern de Munich illustre également
le processus d’exclusion : pression de la presse et du public sur l’entraineur de Nuremberg Jenö
Konrad pour qu’il « parte pour Jérusalem » (mai 1932), internement à Dachau du président Kurt
Landauer après la Nuit de cristal, aryanisation des magasins qui prive le club du soutien financier
des commerçants Juifs.
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6. Comparez les politiques du III
e
Reich et de l’Italie fasciste. Quels points communs et différences
observez-vous ?
L’exaltation du corps et le souci de la performance sportive sont des points forts des politiques
nazie et fasciste. Le « héros sportif » naissant est dorénavant glorifié par les régimes totalitaires et
autoritaires. Les moments forts des cérémonies sont confisqués par la référence nazie (le salut
hitlérien fièrement exhibé par des milliers de spectateurs) ou en Italie, par l’omniprésence du
Duce dans l’enceinte sportive. Dans les deux pays, le sport est placé sous l’autorité et le contrôle de
l’État. Il est également utilisé comme un moyen de forger la jeunesse et d’embrigader les masses.
5.
Répondez à l’une des trois questions suivantes, en fonction du sportif qui vous intéresse : le
boxeur Johann Trollmann, l’athlète Gretel Bergmann et les tennismen Gottfried von Cramm et Daniel
Prenn et répondez aux questions les concernant.
- Pourquoi Johann Trollmann s’est vu retirer son titre de champion d’Allemagne ? Comment réagit-il
à cette décision ? Quelles ont été, pour lui, les conséquences de l’arrivée des nazis au pouvoir ?
Le 9 juin a lieu le combat pour le titre de champion d’Allemagne entre l’Allemand aryen, Adolf
Witt et Johann Trollmann, un Sinti d’Allemagne surnommé Zigeuner (le Tsigane). Ce dernier bât
Witt après 12 rounds durant lesquels il n’a cessé de sautiller autour de son adversaire, le
frappant à l’improviste, gagnant des points et finalement le match. Mais le comité déclare le
match nul, officiellement parce que le style du boxeur n’est pas conforme, officieusement parce
qu’il est tsigane.
Par provocation, pour son dernier combat, le boxeur se teint les cheveux en blond, blanchit son
torse et se fige au milieu du ring.
Johann Trollmann est envoyé dans un camp de travail en 1938, stérilisé en 1939 avant d’être
enrôlé de force dans la Wehrmacht et expédié sur le front de l’Est. De retour de permission en
1942, il est arrêté par la Gestapo et conduit au camp de Neuengamme où il est exécuté en février
1943.
- Quelles sont les raisons, officielles et officieuses, pour lesquelles Gretel Bergmann n’est pas
retenue, au sein de la délégation allemande, pour participer aux J.O. de Berlin ?
Quoique ayant battu le record d’Allemagne de saut en hauteur avec 1,60 m, Gretel Bergmann est
écartée de la sélection allemande sous prétexte de « performances insuffisantes ». La raison de
sa non-sélection est officiellement « pour cause de blessure ». En réalité, l’athlète juive subit la
politique antisémite des nazis. Au début des années 30, elle est une première fois exclue de son
club d’athlétisme peu après l’arrivée d’Hitler au pouvoir et émigre à Londres. Après sa non-
sélection aux J.O. de Berlin, elle s’exile de nouveau, cette fois-ci aux États-Unis où elle devient
championne de saut en hauteur en 1937 et en 1938. Elle acceptera d’être réhabilitée par son
ancien club et par la fédération allemande d’athlétisme qui valide en 2009 son record de 1936.
- Pourquoi les carrières des finalistes allemands du tournoi de Roland Garros de 1932, Gottfried von
Cramm et Daniel Prenn, sont-elles brisées par l’arrivée au pouvoir des nazis en 1933 ?
Battus seulement par 3 matchs à 2, ces deux grands champions allemands de tennis ont manqué
ravir la coupe Davis 1932. Quatre fois champion d’Allemagne, réputé pour sa combativité sur
terre battue et son passing shot de revers, Prenn est alors au sommet de sa carrière. D’un fair-
play exemplaire, assimilé à un « Aryen » par les nazis, Von Cramm s’affirme bientôt comme l’un
des tout meilleurs joueurs du monde avec deux victoires à Roland Garros (1934,1936) et trois
finales perdues d’affilée à Wimbledon (1935-1937). Leurs carrières sont brisées par les
politiques nazies de persécution des Juifs et des homosexuels.
Exclu nommément de l’équipe allemande par sa propre fédération en avril 1933, Prenn ne
bénéficie d’aucun soutien de la part de la fédération internationale et émigre à Londres.
Fils d’un baron saxon, marié à la petite-fille d’un banquier juif, von Cramm est empêché de
défendre son titre à Roland-Garros en 1937, puis emprisonné durant 6 mois pour avoir
entretenu une relation avec un jeune acteur juif. Durant la Seconde Guerre mondiale, il est
affecté sur le front oriental, décoré de la Croix de fer mais exclu de l’armée en 1942. Après la
guerre, il tente de poursuivre tant bien que mal sa carrière sportive.
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De façon plus radicale qu’en Italie, le sport allemand est épuré et placé sous le contrôle du chef SA
de Dresde, Hans von Tschammer und Osten. L’exclusion et la persécution des sportifs juifs en
Allemagne sont également appliquées de manière plus intense qu’en Italie.
Sport et monde juif en Europe
1. Comment peut-on expliquer le développement des clubs sportifs juifs à la fin du XIX
e
siècle ?
La pratique de la gymnastique et du sport ont accompagné le double processus d’émancipation et
d’assimilation des Juifs d’Europe à l’œuvre tout au long du XVIII
e
et du XIX
e
siècles. C’est
l’antisémitisme qui provoque, dès la fin du XIX
e
siècle, la création de clubs.
2. Dans quels pays apparaissent-ils-ils en particulier ? Pourquoi ?
Ils apparaissent à la fin du XIX
e
siècle en Europe centrale et orientale. En France, en Belgique et au
Royaume-Uni, il faut attendre l’arrivée des réfugiés politiques à la fin des années 1920 pour que
soient constitués les premiers et rares clubs sportifs explicitement juifs.
Travail, famille, patrie… et sport dans la France de Vichy
1. Pour quelles raisons le gouvernement de Vichy accorde-t-il une telle importance à l’éducation
physique de la jeunesse ? Citez deux mesures qui illustrent cette politique sportive.
L’éducation physique de la jeunesse est une obsession pour le régime du maréchal Pétain.
Politiquement, comme d’un point de vue esthétique, la propagande de Vichy ne pouvait pas
manquer sa rencontre avec le corps sportif. Pour un régime né de la défaite militaire et dirigé par
un vieil homme, il n’existe pas meilleur support pour exprimer la régénération et la re-vitalisation
de la nation, la vitalité de la jeunesse, l’esprit de sacrifice de « l’homme nouveau »et de son
obéissance au chef. Le sport fait l’objet de nombreuses décisions : avec la création, le 20 décembre
1941, de la Charte des sports, le commissariat général de l’Éducation générale et aux Sports prend
le contrôle des fédérations sportives. Dès 1941, Jean Borotra, commissaire général de l’Éducation
générale et aux Sports, impose dans les compétitions sportives le Serment de l’athlète et neuf
heures hebdomadaires d’éducation physique dans l’emploi du temps des élèves du primaire et du
secondaire.
2. À compter de 1941, lors des principales manifestations sportives, le salut olympique et le Serment
de l’athlète sont imposés. « Je promets, sur l’honneur, de pratiquer le sport avec
désintéressement, discipline et loyauté pour devenir meilleur et mieux servir ma patrie ».
Expliquez en quoi ce serment illustre la politique de Vichy.
Pour le gouvernement de Vichy, le sport participe à la diffusion et à l’intégration des valeurs de la
Révolution Nationale : discipline, ordre, esprit d’équipe et goût de l’effort.
Ce serment symbolise exactement ce qu’attend Vichy du sport : ordre, discipline, loyauté, esprit
d’équipe, désintéressement, effort, endurance, force. Nous sommes là en totale opposition avec les
valeurs hédonistes d’amusement, de détente, de plaisir jusque là véhiculées par le sport. L’heure
n’est plus à l’esprit de jouissance mais à l’austérité, à la sobriété et à la rigueur.
Le sport dans les camps d’internement
1. Que sont les « baraques sportives » ? Expliquez leur origine.
Dans les camps d’internement, les prisonniers sont installés dans des baraques, ils se rassemblent
souvent par nationalités ou par engagements politiques. Dans certains camps, ils se regroupent
par affinités sportives : c’est ainsi que sont apparues les « baraques sportives ». L’existence de ces
baraques sportives est attestée dans de nombreux camps comme à Chateaubriand, à Voves (près
de Chartres), à Pithiviers dans le Loiret, ou encore au camp de Milles en Provence. Des
compétitions sportives entre équipes des différentes baraques rassemblent toute l’assistance sur
le terrain de sport et donnent lieu à des affrontements très disputés en cross, athlétisme,
gymnastique, football, handball, escrime ou boxe.
2. Quels sont leurs objectifs ?
L’internement des militants du sport ouvrier, notamment des communistes, impliqués dans la
Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT) est pour beaucoup dans la constitution de ces
baraques sportives. Elles ont un double objectif : il s’agit dans un premier temps, de faire de
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l’exercice physique afin de conserver une bonne forme corporelle et mentale et de surmonter les
angoisses dues à l’enfermement ; dans un second temps, il est question d’entraînement physique
dans le cas de tentatives d’évasion dans la mesure où les organismes sont préparés à la marche
forcée pendant plusieurs heures et aux combats lorsque les internés rejoignent le maquis.
Sport dans les ghettos et l’univers concentrationnaire
1. À l’aide des documents 1, 2 et 5, montrez dans comment le sport peut être utilisé à des fins de
propagande dans les ghettos et au sein de l’univers concentrationnaire.
Le sport et sa pratique dans les ghettos et au sein de l’univers concentrationnaire font l’objet de
nombreux films de propagande qui sont tournés pour témoigner des bons traitements réservés
aux internés. Un film de propagande est réalisé dans le ghetto de Terezin par Kurt Gerron,
réalisateur et acteur juif, à la demande du commandant du camp. Réalisé en 1944, au moment de la
visite de la Croix-Rouge, il est a pour objectif de montrer une image « idyllique » du camp, où pour
l’occasion ont été organisés un match de football et une course d’athlétisme.
3. Quel sens prend le terme « sport » dans l’univers concentrationnaire ?
De pratique autorisée dans les premiers camps de concentration et les ghettos, le sport est
métamorphosé dans son essence même par les nazis pour devenir un supplice dans les centres de
mise à mort. Dans la phraséologie nazie, le sport a en effet recouvert différentes significations
mortifères comme la chasse aux Juifs sans défense, l’humiliation physique, ou la mise à mort. Pour
2. Présentez le parcours d’un athlète qui a été déporté et montrez de quelle manière la déportation a
bouleversé sa vie et sa carrière.
- Alfred Nakache.
L’expérience concentrationnaire vécue par Alfred Nakache est marquée par le sceau de son
statut de champion de natation. Elle a largement contribué à construire l’image du « nageur
d’Auschwitz ». Né en Constantine en 1915, il devient dans les années 1930, une des figures
emblématique de la natation française. À plusieurs reprises champion de France, il poursuite
cette ascension sportive jusqu’à l’été 1942. Le régime de Vichy, tout en adoptant une législation
antisémite qui des Juifs des citoyens de seconde zone, l’autorise à nager pour défendre les
couleurs nationales. Mais le paradoxe ne dure pas : le champion est la cible des attaques des
journaux antisémites tandis que le Commissariat à l’Éducation générale et aux Sports lui interdit
de participer aux championnats de France en 1943. Il est déporté à Auschwitz en janvier 1944
avec sa femme et sa fille, assassinées dès leur arrivée. Si le surnom du « nageur d’Auschwitz »
témoigne d’un épisode tragique de la vie du nageur, il ne saurait éluder les records, la
participation aux J.O. de Berlin en 1936 et à ceux de Londres en 1948 qui font de lui un champion
français d’exception.
- Victor « Young » Perez
Né le 18 mai 1911 dans le quartier pauvre et juif de la Hara à Tunis, Younki Perez s’installe à
Paris pour mener à bien sa carrière de boxeur professionnel. Il devient champion du monde
poids mouches, en 1931, à l’âge de 20 ans seulement. Menant grand train de vie, il en vient à
livrer des combats de seconde zone. Ses 135 combats dont 91 victoires affectent durablement sa
santé. Arrêté à son hôtel le 18 juin 1943, pour défaut de port d’étoile, il est interné à Drancy puis
déporté à Auschwitz en octobre. Sélectionné pour le travail, il est affecté au camp Monowitz III,
où il se fait connaître comme ancien champion. Ses gardiens organisent alors un combat contre
un poids lourds allemand qui vise à démontrer la supériorité du combattant aryen. Le match est
finalement interrompu par les gardes SS pour éviter la victoire de Perez qui est envoyé dans les
kommandos en représailles. Il tente alors de s’évader, ce qui lui vaut d’être battu pendant
plusieurs jours. Employé aux cuisines du camp, il est inclus à l’équipe de boxe constitué par le
commandant du camp de l’automne 1943 à mai 1944. Quatre jours plus tard, il est abattu par un
garde allemand d’une rafale de mitraillette.
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