Sismicité et risques - Espaces naturels régionaux

publicité
SOMMAIRE
LES TREMBLEMENTS DE TERRE -
« PETITE INTRODUCTION ILLUSTRÉE »
3
LES SÉISMES EN BELGIQUE ET LEURS EFFETS SUR LE BÂTI, LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL ET
L’ENVIRONNEMENT
7
ALÉAS ET IMPLICATIONS - ÉTAT DES CONNAISSANCES EN SCARPE-ESCAUT
23
À LA RECHERCHE DE FAILLES ACTIVES DANS LE NORD
29
COMMENT DÉCELER L’ORIGINE SISMIQUE DE CERTAINS DÉSORDRES AFFECTATNT LE PATRIMOINE
31
ARCHITECTURAL ET COMMENT Y REMÉDIER ?
DÉBATS
39
L’ÉGLISE SAINT-GÉRY DE BOUSSU
43
1
2
LES TREMBLEMENTS DE TERRE,
« PETITE INTRODUCTION ILLUSTRÉE »
J.-P. COLBEAUX
CSENPC
Le globe terrestre présente une zone chaude en son centre (le noyau, fig. 1). La partie
superficielle (fig. 2) comprend des zones à croûte continentale épaisse et des zones à croûte
océanique plus mince.
Fig. 1. – Coupe schématique de la Terre
Fig. 2. – Le globe terrestre : un milieu hétérogène
La combinaison de ces deux éléments (source chaude au centre, croûtes d’épaisseurs
différentes) entraîne d’une part la formation de courants (lents) de convection (fig. 3), d’autre
part de plaques (fig. 4).
3
Fig. 3. – Des courants de convection animent les couches profondes du globe,
entraînant extension ici et convergence ailleurs
Fig. 4. – Les principales plaques tectoniques
Ces plaques se déplacent sous l’effet de courants de convection et vont s’affronter de
diverses manières (fig. 5) :
-
elles convergent et peuvent se chevaucher (zones de formation de chaînes de
montagnes) ;
-
elles coulissent l’une contre l’autre (Californie).
4
Limite divergente
Limite convergente
Limite transformante
Fig. 5. – Les différentes limites de plaques possibles
La région Nord – Pas de Calais se trouve au nord de la zone d’affrontement entre la
plaque africaine et la plaque eurasienne (fig. 6).
Fig. 6. – Le nord de la France dans le contexte de la tectonique des plaques
Les déplacements lents (1 mm à 2 cm/an) entraînent l’accumulation de forces ou
contraintes aux limites de plaques ; lorsque les frottements sont vaincus, on a déplacement
et libération d’énergie : c’est un séisme.
L’énergie sismique se propage sous la forme d’ondes d’impacts différenciés sur le soussol et le sol (fig. 7). On conçoit donc aisément qu’un bâtiment soumis à un séisme va devoir
répondre à diverses sollicitations qui vont l’affaiblir les unes à la suite des autres.
Dans leurs déplacements, les ondes sismiques peuvent être piégées (fig. 8) dans des
secteurs particuliers tels les zones de fond de vallée (alluvionnaires) et ce à plusieurs
dizaines de kilomètres du séisme. Ce piège peut conduire à une amplification des ondes et
donc à une aggravation des dégâts induits.
5
Fig
. 7. – Les différentes ondes sismiques et leurs effets
Fig. 8. – Les ondes sismiques peuvent être piégées au cours de leur déplacement
6
LES SÉISMES EN BELGIQUE ET LEURS EFFETS SUR LE BÂTI,
LE PATRIMOINE ARCHITECTURAL ET L’ENVIRONNEMENT
Th. CAMELBEECK, P. ALEXANDRE et D. KUSMAN(*)
Section de Sismologie, Observatoire royal de Belgique ; [email protected]
(*) actuellement : Section d’Histoire, Université Libre de Bruxelles
1. INTRODUCTION
Les régions du nord-ouest de l’Europe qui s’étendent de la vallée du Rhin jusqu’au
sud de la mer du Nord sont caractérisées par une activité sismique faible en comparaison de
celle observée dans d’autres régions du monde. Pourtant, presque chaque année, des
tremblements de terre sont ressentis par la population et régulièrement certains d’entre eux
provoquent localement des dégâts aux habitations qui peuvent être significatifs. Ce fut le cas
notamment dans la région liégeoise le 8 novembre 1983 (M = 4.7) 1 et dans la région de
Roermond aux Pays-Bas le 13 avril 1992 (M = 5.4). Ces tremblements de terre récents n’ont
pas eu ou ont eu relativement peu d’impact sur le patrimoine architectural. Par contre, les
documents historiques indiquent que des séismes plus anciens, ayant provoqué des dégâts
importants aux habitations, ont également affecté fortement ce patrimoine. Les plus
marquants sont ceux du 21 mai 1382 (M ~ 6) dans le sud de la mer du Nord, du 6 avril 1580
(M ~ 6) dans le Pas-de-Calais, du 18 septembre 1692 (M ~ 6 1/4) dans le nord de l’Ardenne,
du 16 février 1756 (M ~ 5 3/4) dans la région de Düren – Aachen et celui du 23 février 1828
(M ~ 5) en Hesbaye. Quelques-uns de ces événements sismiques ont également modifié
temporairement ou de manière plus permanente certaines caractéristiques de notre
environnement naturel, comme le niveau des nappes aquifères.
Dans cet article, nous parcourons de manière non exhaustive l’histoire sismique de
nos régions pour montrer les effets que les tremblements de terre peuvent avoir sur le bâti,
le patrimoine architectural et l’environnement. Nous espérons ainsi démontrer et convaincre
les autorités et la population que les conséquences des tremblements de terre en Belgique
justifient que des mesures adéquates de prévention soient mises en application.
2. L’ACTIVITÉ SISMIQUE DANS NOS RÉGIONS ; LA SURVEILLANCE SISMIQUE EN
BELGIQUE
Depuis 1985, un réseau moderne de stations sismiques a progressivement été
implanté en Belgique (fig. 1). La localisation des tremblements de terre enregistrés par ce
réseau du 1er janvier 1985 au 30 août 2006 est indiquée sur la figure 2. Durant cette période,
1
Pour tenir compte de la précision sur la magnitude M des tremblements de terre, nous avons indiqué
celle-ci avec une valeur décimale après la virgule pour les tremblements de terre après 1900 dont la
magnitude a été déterminée à partir d’enregistrements sismiques (précision variant entre 0.1 et 0.3),
et à une valeur fractionnaire près pour les séismes s’étant produits avant 1900 et pour lesquels nous
ne disposons que d’archives historiques pour quantifier leur importance (précision de l’ordre de ¼ à
½).
7
près de 900 tremblements de terre ont été enregistrés. La plupart sont de faible magnitude,
mais leur occurrence témoigne d’une activité relativement continue, surtout dans certaines
régions comme le Graben du Rhin inférieur, le nord de l’Ardenne et de l’Eifel ainsi que la
région entre Mons et Charleroi. Notons que, presque chaque année, des secousses sont
suffisamment fortes pour être ressenties par la population et que régulièrement des
tremblements de terre sont destructeurs.
Fig. 1. – Le réseau de surveillance sismique en Belgique
Fig. 2. – L’activité sismique dans nos régions de 1985 à août 2006
Une image plus réaliste de l’activité sismique de nos régions est donnée par la
perspective à plus long terme fournie par les études de sismicité historique, c’est-à-dire la
recherche et l’analyse critique de documents sur les tremblements de terre anciens. À partir
du XIVe siècle (Alexandre et Kupper, 1997), les sources historiques (chroniques,
8
annotations, lettres, registres de comptes, gazettes...) fournissent des informations parfois
très précises sur les effets locaux des tremblements de terre, surtout pour les plus
marquants. Les informations collectées permettent dans certains cas d’affecter un degré
d’intensité à certaines localités. Il est alors possible de tracer des courbes isoséistes et de
définir une aire épicentrale à l’intérieur de laquelle se situe l’épicentre du tremblement de
terre. Pour les séismes s’étant produits après 1900, époque d’implantation des premières
stations sismiques en Europe, des données instrumentales sont également disponibles,
permettant une détermination de la magnitude et une localisation du foyer, mais dont la
précision reste toute relative avant 1960. Il est ainsi possible d’établir des relations entre la
magnitude des tremblements de terre et les aires isoséistes. Cette information fournit un
moyen d’estimer la magnitude des séismes historiques importants à partir des informations
même partielles à notre disposition.
La figure 3 montre la localisation des tremblements de terre répertoriés depuis 1350.
La localisation et la magnitude des secousses connues dont la magnitude a été estimée
égale ou supérieure à 5.0 sont reprises dans le tableau I.
Tableau I. Les tremblements de terre de magnitude supérieure à 5.0
ayant affecté le territoire belge depuis 1350.
année
mois
Date
jour
heure
1382
1449
1504
1580
1640
1692
1755
1756
1828
1878
1896
1938
1951
1992
5
4
8
4
4
9
12
2
2
8
9
6
3
4
21
23
23
6
4
18
27
18
23
26
2
11
14
13
15
3
22
18
3
14
0
8
8
8
21
10
9
1
min
30
30
0
15
55
15
57
46
20
Lat
°N
Long
°E
Magnitude
M
Localisation
51.30
51.60
50.77
51.00
50.77
50.59
50.77
50.80
50.70
50.95
50.35
50.78
50.63
51.16
2.00
2.50
6.10
1.50
6.10
5.86
6.10
6.50
5.00
6.53
2.96
3.58
6.72
5.95
6
5 2/4
5
6
5 2/4
6 1/4
5 1/4
5 3/4
5
5 2/4
5
5.0
5.3
5.4
Mer du Nord
Mer du Nord
Aachen
Pas-de-Calais
Aachen
Verviers
Aachen
Düren
Hesbaye
Tolhausen
Lens-Arras
Nukerke
Euskirchen
Roermond
La zone la plus active est située à la frontière entre la Belgique, l’Allemagne et les
Pays-Bas. Elle est souvent dénommée « Graben du Rhin inférieur ». Le Graben de la Roer,
qui en fait partie, est la région où les tremblements de terre sont les plus fréquents. Au moins
sept tremblements de terre y ont dépassé la magnitude 5 depuis le début du XVIe siècle, le
plus important, de magnitude estimée à M = 5 3/4, ayant affecté le 18 février 1756 la région
de Düren en Allemagne. Les séismes récents les plus importants sont ceux du 14 mars 1951
à Euskirchen (Allemagne, M = 5.3) et du 13 avril 1992 à Roermond aux Pays-Bas (M = 5.4).
9
Fig. 3. – Activité sismique dans nos régions depuis 1350
À l’ouest du Graben de la Roer, une activité sismique non négligeable existe dans le
nord de l’Ardenne belge et de l’Eifel en Allemagne. L’événement le plus important de
l’histoire sismique de nos régions s’y est produit le 18 septembre 1692. Sa magnitude est
évaluée à 6 1/4. Dans la zone plus proche de Liège, l’activité est moins importante, mais
deux tremblements de terre destructeurs se sont produits dans la ville le 21 décembre 1965
(M = 4.3) et le 8 novembre 1983 (M = 4.7).
Il existe aussi une concentration d’activité sismique dans la région du Hainaut située
du Borinage à la région de Charleroi. Toutefois, bien qu’aucun tremblement de terre connu
n’y ait dépassé la magnitude 4.5, certains de ces événements ont été localement
destructeurs à cause de la faible profondeur des foyers.
Une partie de l’activité sismique de nos régions est cependant plus diffuse du point
de vue géographique et apparaît fortement variable au cours du temps. Dans le Pas-deCalais et le sud de la mer du Nord, où l’activité est très faible depuis le XVIIe siècle, trois
tremblements de terre de magnitude estimée supérieure ou égale à 5 1/2 se sont produits en
1382, 1449 et 1580 (Melville et al., 1996). Les Flandres, le Brabant et la Hesbaye ne
montrent pas d’activité sismique significative depuis l’implantation du réseau sismique belge
en 1985, mais ces régions ont été secouées le 23 février 1828 et le 11 juin 1938 par deux
séismes de magnitude 5.0 qui ont provoqué des dégâts conséquents à l’échelle régionale.
3. LA QUANTIFICATION DES EFFETS DES TREMBLEMENTS DE TERRE – NOTION
D’INTENSITÉ
Un tremblement de terre est caractérisé par la localisation de son hypocentre, qui est
le point à l’intérieur de la Terre où s’initie la rupture, et par sa « magnitude », qui fournit une
information sur les dimensions de la zone de faille affectée par l’événement. Un séisme peut
10
également être caractérisé par l’intensité et la durée des mouvements du sol qu’il a
provoqués dans la région concernée. Même actuellement, il n’est pas possible de couvrir
l’ensemble du pays avec suffisamment de stations sismiques pour permettre une
quantification précise des mouvements du sol à l’échelle « locale ». Aussi se base-t-on sur
les effets des vibrations sur l’homme et les objets, ainsi que sur les dommages au bâti pour
évaluer les mouvements du sol dans les différentes localités où ceux-ci ont été perçus ; c’est
la notion d’ « intensité ». Dans les échelles d’intensité, on définit différents degrés d’intensité
de I à XII qui correspondent à des effets de plus en plus importants du séisme depuis le
degré II, pour lequel le séisme a été très faiblement ressenti (au degré I, seuls les
instruments enregistrent les mouvements du sol), jusqu’au degré XII qui correspond à la
destruction totale des constructions et au bouleversement du paysage. Dans la suite du
paragraphe, nous donnons une brève description des degrés d’intensité de VI à IX dans
l’échelle EMS-98 (Grünthal, 2001), utilisée en Europe. Cela nous sera utile dans la suite de
l’article pour la description des effets des séismes dans nos régions.
L’intensité VI correspond à des mouvements du sol ressentis par de nombreuses
personnes à l’extérieur des habitations. Quelques personnes y perdent l’équilibre. De
nombreuses personnes sont effrayées à l’intérieur des habitations et se précipitent à
l’extérieur, croyant que celles-ci vont s’effondrer. Des dégâts légers (fissures capillaires dans
des murs, chute de petits débris de plâtre) apparaissent dans de nombreuses constructions,
tandis que quelques-unes peuvent déjà subir des dégâts modérés (fissures dans les murs,
chute de grands morceaux de plâtre, effondrement partiel de cheminées).
L’intensité VII correspond à des dégâts sensibles à importants dans des maisons de
qualité moyenne, telles une fissuration importante dans les murs, des tuiles se détachant du
toit, des cheminées fracturées à la jonction avec le toit, ainsi que la défaillance d’éléments
tels que cloisons et murs pignons.
L’intensité VIII correspond à une défaillance sérieuse des murs ainsi qu’à une
défaillance structurale partielle des toits et des planchers pour de nombreuses constructions
de mauvaise qualité et quelques constructions saines. Les constructions les moins solides
peuvent subir un effondrement total ou presque total. De bonnes constructions peuvent déjà
subir des dégâts sensibles à importants. Les mouvements du sol sont si forts que la plupart
des personnes ont des difficultés à se tenir debout, même à l’extérieur.
L’intensité IX correspond à des destructions généralisées dans les constructions de
mauvaise qualité, mais également à des dégâts structuraux importants dans de bonnes
constructions. La violence des secousses provoque une panique générale et des personnes
peuvent être projetées sur le sol. On peut même observer des vagues sur des terrains peu
consolidés.
11
4. LES SÉISMES DE LIÈGE DU 8 NOVEMBRE 1983 ET DE ROERMOND DU 13 AVRIL
1992
La mémoire humaine est faillible et oublie vite. Même des événements tragiques ou
catastrophiques ne restent ancrés dans notre souvenir que si nous les avons vécus nousmêmes. Nous allons parcourir l’histoire sismique de nos régions en partant des événements
les plus proches dans le temps parce que, même pour des événements récents, la plupart
des lecteurs pourront constater que les séismes dont nous allons parler soit ont été
purement et simplement oubliés, soit n’auront laissé que le souvenir d’événements mineurs
sans grande importance. En effet, mis à part un certain nombre de Liégeois, qui ont
fortement souffert de ses conséquences, qui se souvient encore du séisme qui accabla la
cité en 1983 ?
Plus de 16000 maisons ont été affectées dans un rayon de 3 km autour de l’épicentre
et il a été nécessaire de reloger plus de 1000 personnes. Le dégât le plus visible a été la
chute d’innombrables cheminées. D’autres parties de constructions tels des frontons en
pierre de taille ou des couvertures de cheminées sont également tombées. La chute de tous
ces objets a causé des dégâts nombreux aux toitures et aux véhicules stationnés au pied
des immeubles (fig. 4). Cela aurait pu être la cause de nombreux décès si le tremblement de
terre s’était produit pendant la journée. Un autre type de dégâts largement observé a été le
mouvement des façades perpendiculairement à leur plan, entraînant une fissuration de
l’angle entre façade et mur de refend. Dans les deux communes les plus touchées, SaintNicolas et Liège, 129 immeubles ont été déclarés inhabitables et 37 maisons ont dû être
démolies. Ces dégâts ont été accentués par la vétusté préexistante d’un certain nombre
d’habitations situées dans la zone d’exploitation minière. Il faut par contre souligner que,
même dans la zone épicentrale, les constructions saines et simples en brique et les
constructions conçues voire calculées pour résister à des forces horizontales n’ont pas été
particulièrement affectées.
En ce qui concerne le bâti historique, peu de dégâts ont été observés. Seules deux
églises ont subi des dégâts assez importants (deux décrets d’inhabitabilité). À l’extérieur d’un
rayon moyen de 10 km autour de l’épicentre, aucun dégât n’a été constaté dans des édifices
du patrimoine architectural.
L’importance des dégâts constatés à cette occasion pour un séisme de magnitude
aussi faible (M = 4.7) est le reflet de la faible profondeur du foyer dans une région fortement
peuplée, ainsi que de la vulnérabilité des constructions en briques typiques des anciennes
régions industrielles de l’Europe du Nord-Ouest.
On a constaté également dans les mois d’hiver qui ont suivi le séisme de Liège un
nombre significativement plus élevé que d’habitude du nombre d’intoxications par le
monoxyde de carbone. Elles ont été vraisemblablement provoquées par des fissurations
dans les cheminées dues au tremblement de terre.
12
Fig. 4. – Dégâts lors du tremblement de terre de Liège du 8 novembre 1983
Le séisme de Roermond aux Pays-Bas, le 13 avril 1992, est le plus important (M =
5.4) survenu dans nos régions durant le XXe siècle. Dans la région épicentrale, il a provoqué
(Noé et al., 1992) de nombreuses ruptures de cheminées aux maisons d’habitations.
Lorsque la cheminée était en pignon, l’effondrement de la cheminée a quelquefois entraîné
l’effondrement d’une partie de ce mur. Un autre dégât caractéristique est l’apparition de
fissures de cisaillement dans des murs de façade et des murs pignons en brique.
Contrairement au séisme de Liège, dans le cas du séisme de Roermond, un certain nombre
de bâtiments du patrimoine architectural ont subi des dégâts dans et en dehors de la zone
proche de l’épicentre. La raison principale de cette différence dans le comportement des
structures de plus grande dimension est liée à la grandeur du tremblement de terre de
Roermond qui a généré de l’énergie à plus basse fréquence (environ à 1 Hz pour les ondes
S) que lors du séisme de Liège (entre 2.5 et 3 Hz pour les ondes S).
Aux Pays-Bas, deux églises seulement ont été touchées par le séisme. L’église de
Roermond n'a présenté que des fissures du mur pignon ainsi qu’au droit des éléments
d’angle des tours clochers. À l’église Saint-Sébastien d’Herkenbosch, le clocher en briques,
qui était nouveau, a par contre subi des dégâts importants.
En Allemagne, plus de 150 églises ont subi des dégâts (Meidow et Ahorner, 1994), la
plupart dans la région proche de l’épicentre, mais certaines à plus grande distance comme à
Cologne, Bonn et Coblence. Les églises les plus endommagées (fissures dans les murs et
les voûtes, fissures à la liaison entre la tour et la nef, chute de clochetons…) sont situées
13
dans la zone d’intensité la plus élevée (VI-VII EMS-98). Par contre, les églises ayant subi
des dégâts plus légers sont localisées dans la zone d’intensité V.
5. LES SÉISMES DANS LA BANDE HOUILLÈRE DU HAINAUT DURANT LE XXe SIÈCLE
Durant le XXe siècle, une activité sismique a été observée dans la bande houillère du
Hainaut, entre la frontière française et la région de Charleroi. Il est à noter qu’aucun séisme
plus ancien n’a pu ici être retrouvé dans les archives historiques. Certains de ces séismes,
dont la magnitude n’a jamais dépassé 4.5, ont néanmoins été destructeurs localement
(intensité VII) à cause entre autres de leur relativement faible profondeur. On peut citer les
séismes suivants.
•
Le 1er juin 1911 à 22 h 50 min. La région épicentrale couvre les communes de
Gosselies, Ransart et Lambusart (Cambier, 1911). Les secousses y ont été
suffisamment violentes pour réveiller la plupart des habitants, abattre de nombreuses
cheminées et occasionner des lézardes aux bâtiments les moins résistants.
•
Le 3 avril 1949 à 12 h 33 min. Ce tremblement de terre est le plus important de toute
une série de séismes qui se sont produits dans la région d’Havré en avril-mai 1949. À
Havré, la secousse fut si violente qu’il y eut un début d’affolement de la population et
que plus de 80% des cheminées sur 1400 habitations ont été ébranlées, dont 150 ont
été renversées entièrement. Les villages de Boussoit et Maurage ont également subi
de nombreux dégâts. Une maison a dû être abattue à Boussoit. À Mons, des dégâts
légers ont été constatés, principalement dans le sud de la ville.
•
Le 15 décembre 1965 à 12 h 07 min. Cette secousse sismique a violemment secoué
la région du Centre depuis Binche jusqu’au delà de Strépy-Bracquegnies. Dans les
localités où les secousses ont été les plus ressenties, elles ont provoqué un vif émoi
et des dégâts considérables. Les meubles furent fortement secoués et de
nombreuses cheminées s’écrasèrent dans les rues, endommageant des voitures. À
Bracquegnies, presque toutes les maisons ont souffert des secousses. Les murs se
sont lézardés dans plusieurs maisons.
•
Le 16 janvier 1966 à 12 h 32 min. Ce tremblement de terre, survenu un mois après le
précédent, a plongé la population de la région du Centre dans l’émoi. Cette fois, les
communes les plus touchées sont Carnières et Chapelle-lez-Herlaimont. À Carnières,
de nombreux murs ont été lézardés tandis que l’on ne comptait plus le nombre de
cheminées renversées. À Chapelle-lez-Herlaimont, le plafond de la salle des
mariages de l’hôtel de ville s’est effondré. Notons qu’une rupture de courant
intervenue à la centrale électrique de Bascoup a provoqué une panne de courant sur
une grande partie de la région du Centre pendant un quart d’heure environ.
•
Le 28 mars 1967 à 15 h 49 min. À nouveau, un an plus tard, un séisme destructeur
s’est produit dans la région du Centre, avec un épicentre à Carnières. Dans cette
14
commune, les dégâts ont été relativement importants : chute de cheminées,
fissuration de murs, vitres brisées… À Chapelle-lez-Herlaimont et Trazegnies, les
dégâts ont également été conséquents.
•
Le 13 août 1968 à 16 h 57 min. Une série de tremblements de terre a secoué la
région du Centre en août 1968. Le plus important de ces événements s’est produit le
13 août à 16h57 (TU). Les secousses ont été particulièrement violentes à La
Louvière, Haine-Saint-Pierre et Haine-Saint-Paul, y provoquant la chute d’un nombre
important de cheminées. La plupart des rues étaient jonchées de débris. Beaucoup
de débris sont tombés sur des lanterneaux et vérandas. Du mobilier a également
souffert dans certains appartements. Le clocher de l’église Saint-Joseph de La
Louvière a été tellement ébranlé qu’il a fallu le démolir.
6. LE SÉISME DU 11 JUIN 1938 À LA LIMITE DES FLANDRES ET DU HAINAUT
Au XXe siècle, le séisme de Liège n’est pas celui dont l’impact en Belgique a été le plus
important. Le 11 juin 1938, un tremblement de terre a ainsi affecté fortement tout le territoire
belge ainsi que le nord de la France. Son épicentre était localisé dans la région des collines
entre les villes de Renaix et Audenaerde et sa magnitude a été évaluée à M = 5.0.
Fig. 5. – Carte macroséismique du tremblement de terre du 11 juin 1938
Ce séisme a provoqué des dégâts sur une très grande étendue du territoire (fig. 5),
couvrant les provinces de Flandre occidentale, Flandre orientale, Hainaut, Brabant wallon,
Brabant flamand et la Région bruxelloise. Le nombre connu de cheminées endommagées
15
s’élève à 17550, trois personnes ont été tuées et quelques dizaines de personnes ont été
blessées. La figure 5 indique l’intensité des mouvements du sol, réévaluée dans l’échelle
européenne EMS-98, dans les communes belges pour lesquelles les informations collectées
à l’Observatoire royal de Belgique (ORB) permettaient de la déterminer. L’intensité VII (en
bleu sur la figure 5) a été observée dans un certain nombre de localités et jusqu’à des
distances approchant 100 km de l’épicentre. L’intensité VI (en rouge sur la carte) a été
observée sur une surface elliptique allongée dans une direction nord-ouest sud-est et de
grand et petit axes ayant des longueurs respectives de 200 et 100 km. Dans les régions
citées, de nombreux témoins ont également vu osciller les bâtiments, les arbres, les clôtures,
les poteaux électriques, les blés dans les champs ; des agriculteurs ont senti le sol se
dérober sous leur pieds. À Mons, des cyclistes ont perdu l’équilibre et un tramway a déraillé.
Le tremblement de terre a eu des effets sur les eaux de surface. Les remous de l’Escaut à
Merelbeke ont fortement agité les bateaux tandis les eaux se sont soulevées jusqu’à un
mètre de hauteur sur les bords de la Lys à Lauwe. Des effets sur les eaux souterraines ont
également été observés avec des variations importantes des débits observés et le
tarissement de certaines sources.
Près de 70 ans après ce séisme, ses effets ont généralement laissé un souvenir fort
dans la mémoire des gens qui, à l’époque, habitaient au nord de l’Entre-Sambre-et-Meuse.
7. LE SÉISME DU 23 FÉVRIER 1828 EN HESBAYE
Ce tremblement de terre est le plus important ayant affecté le territoire belge durant le XIXe
siècle. Il a particulièrement affecté la Hesbaye (fig. 6) où il a provoqué des dégâts tant aux
habitations qu’au bâti patrimonial. Un mois après le séisme, une réplique a été ressentie à
Jauche et à Jandrain-Jandrenouille, justifiant que l’on propose l’épicentre aux environs de
ces communes. C’est d’autant plus réaliste que nous disposons de sources historiques
mentionnant des dégâts significatifs dans certaines localités proches. Par exemple, le
bourgmestre de Petit-Hallet dans une lettre au commissaire du gouvernement pour que les
autorités prennent des mesures de protection de la population indique « …nous avons
ressenti une secousse de tremblement de terre qui a duré quelque minute avec violence et
un bruit effroyable qui a renversé une partie des cheminées au dessus des toits et fait de
fende dans la plupart de muraille des habitations de la commune dont quelqu’unes devront
être rebâties a neuf. L’église n’a pas été exempt de cet événement la voûte est éboulée,
dans plusieurs endroits, plusieurs chandeliers qui se trouvèrent sur l’autel se trouvait versé
par terre cependant… ». Après le tremblement de terre, la commune souffrira d’une
inondation provoquée vraisemblablement par une remontée du niveau de la nappe aquifère.
On sait par ailleurs que, dans la commune proche de Grand-Hallet, le ruisseau qui faisait
mouvoir le moulin a diminué au moins de trois quarts depuis le séisme (rapport de
l’administration communale au bureau des contributions le 19/5/1839).
16
Fig. 6. – La région épicentrale du tremblement de terre du 23 février 1828
Le séisme a également provoqué de nombreux éboulements dans les grottes de
Folx-les-Caves, ce qui en a diminué de manière significative l’étendue de la partie
accessible. Un ruisseau souterrain coulant du sud au nord et se jetant dans la Petite-Gette
entre Folx et Jauche s’est également tari suite au tremblement de terre. Il est vraisemblable
que toutes les églises proches de l’épicentre ont souffert plus ou moins fortement du séisme
mais, à ce jour, cela n’a pu être confirmé que pour celles de Berloz (murs lézardés, tour et
choeur écroulés), Dongelberg (restauration en 1835), Bomal (poutrelles de fer placées en
travers de la nef pour la consolider), Autre-Église (façade endommagée et réparée en 1830),
Dion-le-Val (« une secousse terrestre lézarda considérablement l’église »), Lens-Saint-Rémy
(plusieurs lézardes) et Grand-Hallet (l’église fut sérieusement endommagée et réparée
l’année suivante).
Les gazettes de l’époque rapportent qu’à Tirlemont un grand nombre de cheminées
ont été renversées, les murs de plusieurs maisons crevassés et, dans une maison, les
miroirs, verres et porcelaines ont été brisés. À Perwez, toutes les maisons ont été ébranlées,
plusieurs cheminées, une porte cochère et des murs ont été renversés, un enfant a été
blessé. Dans l’église, au moment de la messe, les cierges sont tombés en bas de l’autel et
quelques morceaux du plafond se sont détachés. Tous ceux qui étaient dans l’église ont pris
la fuite. À Hannut et dans plusieurs communes voisines, beaucoup de cheminées sont
tombées et quantité de murailles lézardées.
Dans toutes ces localités, ainsi que dans celles déjà citées, on peut évaluer l’intensité
des mouvements du sol comme correspondant au degré VII dans l’échelle EMS-98 (peutêtre VIII localement).
Dans les localités plus éloignées comme Liège, Huy, Andenne, Louvain, Hasselt ou Namur,
les effets du séisme sont encore significatifs, mais les destructions sont moindres. Le
17
tremblement de terre a été ressenti au moins jusqu’à Dunkerque à l’ouest, Coblence à l’est,
Soest au nord et Commercy au sud.
7. LE SÉISME DE « VERVIERS » DU 18 SEPTEMBRE 1692
En remontant plus loin dans le temps grâce au travail critique des historiens, on a
retrouvé la trace d’un certain nombre de tremblements de terre destructeurs (voir tableau I).
Certains de ces événements ont provoqué des dégâts sur des étendues beaucoup plus
grandes que celles affectées par des séismes récents comme ceux du 11 juin 1938 ou 13
avril 1992 que nous avons décrits au paragraphe 4. En illustration du fait que des
tremblements fortement destructeurs peuvent se produire dans nos régions, nous détaillons
dans la suite de cet article les effets du tremblement du 18 septembre 1692 (fig. 7) qui est le
plus important connu ayant affecté le nord-ouest de l’Europe. Ce séisme a récemment fait
l’objet de nombreuses recherches. Le lecteur intéressé pourra retrouver la mention de la
plupart des sources historiques et des textes originaux dans les publications suivantes :
Alexandre et Kupper (1997), Camelbeeck et al. (2000) et Alexandre et al. (2004).
Fig. 7. – Le tremblement de terre du 18 septembre 1692 : comparaison des isoséistes
avec celles du séisme de Roermond du 13 avril 1992 (M = 5.4)
Ce séisme a provoqué des dégâts très importants dans le nord de l’Ardenne belge,
notamment aux églises et châteaux. La plupart d'entre eux sont endommagés et feront
l'objet de restaurations et parfois de reconstruction complète ou partielle dans les années
ultérieures : outre les églises de Verviers, citons celles d'Andrimont, Soiron, Oneux, Theux,
Stavelot, Fléron, Baelen, Montzen, Aix-la-Chapelle, Emael, Boirs, Glons, ainsi que des
18
églises de la ville de Liège (cathédrale St-Lambert, abbatiale St-Laurent, etc. ); des
bâtiments abbatiaux à Stavelot et à Malmedy ; les châteaux d'Andrimont, Soiron,
Franchimont ; des châteaux-fermes à Walhorn, Battice, Clermont-sur-Berwinne.
Plusieurs descriptions mentionnent également de fortes destructions dans les
habitations de la région et quelques-unes parlent de victimes sans qu’il soit cependant
possible d’en faire un décompte, même approximatif. À Ensival, « plusieurs maisons furent
écrasées » ; à Soiron, « un tremblement de terre espouvantable qui a abbatu les maisons,
cheminées dont les miennes l'ont esté » ; à Charneux, « la maison de Lambert Halleux fut
culbutée de fond en comble » ; à Waucomont-Battice, les bâtiments d'une maison sont
« inhabitables, renversés et ruinés par ce violent tremblement de terre » ; à Walhorn, « In
diversis locis domus fuerunt eversae et homines occisi » ; à Montzen, « seint alle
Schornsteinen oder Caminen abgefallen » ; à Stavelot et à Malmedy, « il y a eu plusieurs
édifices endommagez et beaucoups de cheminées bouleversées à Malmedy, Stavelot et
ailleurs » ; à Aix-la-Chapelle, « die Caminnen oder chornstein sein heruntergefallen und
geborsten, auch etliche Häuser » ; à Liège, « il n'y eust pas une maison dans cette ville qui
n'en eust ressenty du dommage; il y eust plusieurs personnes écrasées et quantité de
blessées par les débris des cheminées et des toicts » ; « toute la ville de Liège fut forte
ébranlée, il y eut plusieurs morts, et beaucoup des dégâts surtout par les cheminées
reversées ». Dans la plupart des localités citées, bien qu’une détermination précise de
l’intensité soit souvent difficile, on peut estimer qu’elle a été au moins égale à VII et qu’elle a
certainement atteint le degré VIII en quelques villes ou villages.
Les quelques témoignages dont nous disposons des effets du séisme sur les
personnes et les animaux ainsi que les quelques textes mentionnant des modifications de
l’environnement confirment ces intensités élevées dans la région épicentrale. Dans l’état
actuel de nos recherches, quelque 250 sources originales, contemporaines de l’événement,
ont été répertoriées. À la lecture de ces sources, la zone épicentrale du séisme peut être
localisée dans l’actuel arrondissement de Verviers, mais sans qu’il soit possible, pour le
moment, de situer l’épicentre de façon précise, ni de dire s’il est situé au nord ou au sud de
la Vesdre.
En dehors de la région épicentrale, une caractéristique du tremblement de terre du 18
septembre 1692 est l’étendue spatiale des dégâts aux édifices du patrimoine architectural en
Belgique, France, Allemagne et sud-est de l’Angleterre. Par exemple, les dégâts du séisme
dans la ville de Mons affectent fortement au moins un édifice monumental. En effet, les
pignons des sept chapelles latérales de l’église Sainte-Elisabeth, achevée en 1588, sont
tellement ébranlés par la secousse qu’il est nécessaire de les démonter, entièrement ou
partiellement, puis de les remonter. L’édifice, situé à proximité de la Grand-Place de Mons,
bâti en pierres et en briques, n’avait apparemment pas souffert de la prise de la ville par les
troupes de Louis XIV en 1691 et sa façade datait seulement de 1686 ; l’église était donc
19
probablement encore dans un relativement bon état avant la secousse du 18 septembre
1692.
Dégâts sensibles également en Flandre orientale où le receveur de la seigneurie de
Laarne comptabilise les frais engagés en 1693 pour des travaux exécutés à la maçonnerie
du château, où l’on a constaté plusieurs fissures causées par le tremblement de terre.
D’autres exemples sont disponibles pour des localités situées à proximité de la frontière
française. À Poperinge, en Flandre occidentale, aussi bien dans l’église Notre-Dame que
dans plusieurs autres églises, les arcades sont endommagées (Tillie, 2000). Plus au sud, à
Tournai, la cathédrale, dont les problèmes de stabilité sont toujours d’actualité, prend la
secousse de plein fouet. Un des piliers de l’église se serait écroulé dans la cave du chapitre
canonial, un autre se serait fissuré.
Dans le nord de la France, à Lille, les églises de la ville tremblent sur leurs
fondations, les cloches sonnent sous le choc, alors qu’à l’église Saint-Maurice de la chaux
serait tombée du plafond. Au monastère de Loos, la voûte supérieure de l’église se lézarde
en plusieurs points et on ramasse des pierres sur le pavé de marbre du transept. À Nieppe,
la flèche de l’église et vingt pieds de la tour auraient été renversés, soit près de six mètres.
En Picardie, deux châteaux subissent des dégradations entraînant des réparations. C’est
d’une part le cas du château de Coucy, d’autre part le donjon du château d’Airaines, près
d’Abbeville qui souffre de fortes lézardes suscitées par le séisme.
9. CONCLUSIONS
En parcourant les archives historiques concernant les tremblements de terre de nos
régions, on est frappé par l’énorme distorsion existant entre la réalité du risque sismique et
sa perception par la population et les mondes économique, politique et administratif.
Pourtant, les effets des tremblements de terre peuvent avoir des conséquences
dramatiques même dans nos régions. La sismologie nous enseigne que des séismes
destructeurs, même s’ils sont peu courants, se reproduiront. Ils pourront avoir des
conséquences sérieuses, en termes de vies humaines et économiques : coût de réparations
ou reconstructions, manque à gagner durant la période de crise dans les entreprises
victimes de dégâts ou de destructions d’unités de travail.
Une première estimation du risque sismique suggère que ce risque est, pour un
bâtiment donné dans certaines régions de Belgique, le même que celui d’un incendie. La
différence de perception des deux risques (probabilité d’occurrence de 10% dans les
prochaines 50 années) est le résultat d’une différence entre ces deux actions néfastes : des
incendies surviennent régulièrement, mois après mois, et de façon dispersée sur tout le
territoire ; un séisme affecte en une seule fois (rare) beaucoup de constructions dans une
région donnée. Mais globalement le risque par construction est le même et il n’y a donc pas
de raison de se préoccuper de l’incendie (ou de l’inondation ou de la tempête de vent) et
20
d’oublier l’existence des séismes. C’est donc une problématique à considérer sérieusement
et il serait opportun, sans catastrophisme, de réaliser des études pour caractériser l’impact
réel d’un tel événement et planifier l’action d’urgence et la prévention adaptées à ce type
d’événement majeur. Les considérations qui précèdent démontrent par exemple que des
mesures de construction parasismique s'imposent. Il existe depuis 1994 un document
normatif européen relatif aux projets de construction en zone sismique, l’Eurocode 8. Plumier
et al. (2006) fournissent des informations à son sujet ainsi que sur les moyens qu’il faudrait
adopter pour faire appliquer cette norme aux nouvelles constructions et au bâti existant.
La section de sismologie de l’Observatoire royal de Belgique est bien consciente de
ces problématiques et a orienté des programmes de recherche dans ces domaines en
collaboration avec l’Université de Liège et la Faculté polytechnique à Mons.
BIBLIOGRAPHIE
Alexandre P. & J.-L. Kupper (1997). Le tremblement de terre de 1692 et le miracle de
Notre-Dame des Récollets à Verviers, Liège. Feuillets de la cathédrale de Liège, nos 28-32.
Anonyme (1993). À propos du tremblement de terre de 1692. Douaisis-Généalogie, n° 6,
p. 8.
Cambier R. (1911). Les tremblements de terre de Ransart. Annales de la Société
Géologique de Belgique, 39, 97-101.
Camelbeeck Th., P. Alexandre, K. Vanneste & M. Meghraoui (2000). Long-term seismicity in
regions of present day low seismic activity: the example of western Europe, Soil Dynamics
and earthquake engineering, t. 20, p. 405-414.
Grünthal G. (éditeur) (2001). L’échelle macrosismique européenne EMS-98. Cahiers du
Centre européen de géodynamique et de sismologie, vol .19, p. 1-103.
Meidow H. & L. Ahorner (1994). Macroseismic affects in Germany of the 1992 Roermond
earthquake and their interpretation. Geologie en Mijnbouw, t. 73, p. 271-279.
Melville C., A Levret., P. Alexandre, J. Lambert & J. Vogt (1996). Historical seismicity of the
Strait of Dover-Pas de Calais. Terra Nova, t. 8, p. 626-647.
Noe H., C. Weber, D. Jongmans & M. Bouchon (1992). Le séisme de Roermond (Pays-Bas)
du 13 avril 1992, rapport de mission. Association française du génie parasismique, 28 p.
Plumier A., A.-M. Barszez & T. Camelbeeck (2006). Le risque sismique et sa prévention. In
Les risques majeurs en Région Wallonne, Aménagement et Urbanisme 7 (DGATLP).
Tillie W. (2000). Aardbeving in Poperinge ? Aan de Schreve, Kring voor heemkunde,
Poperinge en omstreken, vol. 30 fasc. 3, p.88-90.
21
22
ALÉAS ET IMPLICATIONS
ÉTAT DES CONNAISSANCES EN SCARPE-ESCAUT
J.-P. COLBEAUX et C. TESNIERE
CSENPC / PNR Scarpe-Escaut
Un tremblement de terre est la libération brusque d’énergie dans la croûte terrestre.
C’est la conséquence d’une accumulation d’énergie le long des failles, qui sont les zones où
potentiellement peut se libérer l’énergie accumulée. Le séisme génère à la surface du sol
des vibrations d’amplitude centimétrique à décimétrique et des accélérations de quelques
centièmes à quelques dixièmes de l’accélération de la pesanteur g, sur des durées qui
varient de quelques secondes à quelques minutes.
Il est quantifié à l’aide de deux échelles : l’intensité et la magnitude. L’intensité
correspond aux effets du séisme sur un site donné, en ne prenant en compte que les dégâts
observés, selon une échelle MSK et depuis peu l’échelle européenne EMS 98. La
magnitude, mesure expérimentale, traduit l’énergie libérée par le séisme en son foyer.
Comme on l’a dit plus haut, le séisme se manifeste par des vibrations dont l’ampleur
est fonction :
-
des paramètres de la source ou foyer (type de mouvement, profondeur…),
-
des propriétés mécaniques du sol et des formations géologiques (effet de site),
-
de la distance à la faille responsable du séisme,
-
des effets induits (liquéfaction de terrains gorgés d’eau, effondrement de cavités
souterraines, glissements de terrain par exemple).
Le problème est donc complexe ; la figure 1 présente les aires où furent ressentis deux
séismes de foyers et intensités très proches : Roermond en 1992 et Verviers en 1692. On
voit à travers cet exemple qu’il ne suffit pas de prendre en compte les seuls séismes dont le
foyer est proche du parc naturel régional (PNR).
Si quelques séismes (Tableau I) ont été historiquement reconnus dans l’aire du PNR
(vallée de la Scarpe en 1896, Valenciennes en 1987, 1988 et 2008), quel fut l’impact des
autres plus éloignés ? Le risque sismique est à la fois méconnu, objet de superstitions et
seulement médiatisé au moment de grandes catastrophes, ce qui lui confère une dimension
« fatale ».
Actuellement, en France, les plans de prévention des risques (PPR), lorsqu’ils
existent, sont les seuls documents d‘aménagement du territoire opposables au tiers devant
prendre en considération le risque sismique. Le code de l’urbanisme et les PLU sont les
documents réglementaires qui, en relais avec les PPR, devraient prendre le risque sismique
en considération.
23
Schématiquement, un PPR prend en compte l’aléa et les enjeux (Tableau II). Les différents
aspects de l’aléa local sont :
-
localisation des failles actives et étude de leurs mécanismes de fonctionnement
(fig. 2) ;
-
définition des mouvements de référence régionaux « au rocher » (séismes
proches ou lointains) ;
-
identification et cartographie des sites susceptibles d’amplifier certaines des
composantes du mouvement sismique attendu (alluvions, fig. 3, par exemple) ;
-
identification et évaluation des possibles effets induits (glissements de terrain,
liquéfaction…) ;
-
identification et évaluation des effets induits industriels et urbains : propagation
d’incendies, pollutions, encombrement de la voierie, accessibilité pour les
secours…
En ce qui concerne les enjeux, la démarche à suivre est sensiblement la même,
quelle que soit l’échelle du territoire concerné (région, département, commune…) :
-
identification des différents éléments à risque (EAR),
Les EAR peuvent être humains, matériels ou immatériels
Parmi les EAR matériels, on peut retenir :
-
les zones construites, dont le bâti prioritaire :
les bâtiments nécessaires à la gestion de crise
les établissements scolaires
les infrastructures de transport
les infrastructures de communication
les établissements de santé
le logement social
-
la voierie
-
les réseaux
-
les équipements territoriaux
-
la production d’énergie
-
…
Parmi les EAR immatériels, on peut retenir les monuments cultuels ou civils.
-
évaluation de la vulnérabilité de chaque EAR,
-
évaluation des vulnérabilités croisées des EAR,
-
estimation du risque direct et du risque induit, sur le territoire, par les séismes de
référence.
24
On pourrait aller plus loin et prendre en compte
-
l’estimation coût/bénéfice des actions possibles en vue de mitiger (notion de
mitigation) le risque sismique ;
-
les arbitrages politiques et économiques par l’adoption d’une « politique » de
mitigation du risque sismique ;
-
la planification dans le temps de la réalisation des actions ;
-
l’évaluation de la politique mise en œuvre.
Sachant qu’
-
on ne peut intervenir sur la fracturation des roches en profondeur (c’est le résultat
de l’histoire géologique et structurale de la région),
-
on ne peut (ou alors très difficilement) agir sur la transmission des ondes vers la
surface,
-
on peut construire des bâtiments répondant à des normes parasismiques,
-
on peut limiter les atteintes aux personnes en développant une « culture du
risque »,
on doit agir selon trois priorités :
-
connaître le risque en identifiant les séismes probables, leurs effets sur les
constructions,
-
réduire la vulnérabilité des bâtiments en respectant les règles parasismiques,
-
préparer le prochain séisme en développant une culture du risque et des secours.
Les composantes de la prévention sont :
-
la connaissance du risque,
-
la surveillance et l’alerte,
-
l’information sur les risques et l’éducation des populations concernées,
-
les actions de réduction de la vulnérabilité, avec notamment la prise en compte du
risque dans l’aménagement du territoire,
-
la préparation à la gestion de crise et l’organisation des secours en cas de crise.
La politique réglementaire est un arbitrage entre les niveaux de connaissances –
scientifiques, technologiques – et l’effort qu’une société donnée peut accepter de fournir à un
moment de son histoire en fonction de la conjoncture économique, mais aussi du niveau de
conscience du problème à traiter parmi d’autres. Il faut pour autant garder en mémoire que,
dans les zones à récurrence sismique faible, donc en l’absence de « crises sismiques »
rapprochées, les « décideurs » ont d’autres « priorités » liées à la pression sociale.
25
Nous avons le sentiment que ce qui est valable pour les séismes, qui sont le thème
de la journée, l’est aussi pour tout type de risque (inondations…), il suffit de remplacer dans
les phrases précédentes « risque sismique » par « risques » au pluriel !
Le PNR pourrait s’emparer de cette problématique ; on notera par exemple qu’une
zone humide présentera des risques en matière d’inondation et de séisme (accélération des
ondes sismiques), mais que c’est aussi une zone riche en biodiversité qui doit à ce titre être
protégée et préservée.
Il faudra beaucoup de « courage » politique, du fait des implications foncières, pour
aboutir à cette prise en compte d’un risque naturel indépendant des échéances électorales.
En effet, les effets d’une mitigation du risque sismique nécessitent plusieurs décennies pour
être sensibles.
Fig. 1. – Extension des aires isoséistes lors du séisme du 18 septembre 1692. Comparaison
avec celles du séisme de Roermond (13/4/1992 ; M = 5.4). Source Observatoire royal de
Belgique, section de séismologie
Fig. 2. – Les failles déduites des données des forages sur le territoire du PNR ScarpeEscaut. Source SIG PNR SE / CSENPC.
26
Fig. 3. – Cartographie des alluvions sur le territoire du PNR. Source SIG PNR SE / CSENPC.
.
localité
922
1000
1013
1179
1439
1456
1505
1532
1563
1643
1692
1783
1809
1849
1867
1881
1896
1897
1911
1938
1976
1981
1983
1983
1983
1987
1988
1993
1994
2001
2004
2005
2008
Cambrai
St Amand, Liège
Liège
Liège
Liège
Liège
Liège
Liège
Louvain
Liège
Verviers
Cambrai
Courtrai
Liège
Liège
Liège
Vallée de la Scarpe
Hénin-Liétard
Boussu-Hornu
Borinage
Maubeuge
Arras
La Louvière
Charleroi
Liège
Valenciennes
Valenciennes
Lille
Valenciennes
Lille
Cambrai
Cambrai
Valenciennes
27
magnitude
Tableau I. – Sismicité historique
année
intensité
Quelques séismes régionaux
VII
7
V-VI
VI-VII
5
6
III
3à4
VII
6
VI
V
VI
3,7
3
4,2
3,2
3,4
3,3
5
3,1
2,6
2,6
3,1
2,4 à 3,1
2,5
3,1
3,1
IV
IV
VII
Tableau II. – Schéma d’élaboration d’un PPR risques sismiques
Cartographie
des aléas
Cartographie
des enjeux
bâtiments,
infrastructures,
réseaux,
établissements Seveso
topographie,
géologie,
failles,
effets de site (tourbe,
liquéfaction…)
Identification des facteurs
de vulnérabilité
Elaboration d'une carte des risques
Superposition de la carte des aléas et de la carte des enjeux
28
À LA RECHERCHE DE FAILLES ACTIVES DANS LE NORD
Th. CAMELBEECK, Th. LECOCQ, T. PETERMANS, K. VANNESTE, K. VERBEECK
Observatoire royal de Belgique, Bruxelles
S. VANDYCKE
Faculté polytechnique de Mons, Belgique
J.-P. COLBEAUX
CSENPC, Université des Sciences et Techniques de Lille
C. TESNIÈRE et al.
PNR Scarpe-Escaut
F. BERGERAT, M. SÉBRIER
Université Pierre et Marie Curie, Paris VI
S. BAIZE, C. GÉLIS, H. JOMARD
IRSN, Environnement, Évaluation risques sismiques
En termes de séismicité, dans le Nord-Ouest européen, le nord de la France est loin
d’être une zone séismique non active. À l’échelle historique, plusieurs tremblements de terre
ont généré des dommages non négligeables et ont été ressentis sur l’ensemble de la région.
Dans ce contexte d’activité séismique, la morphologie de la région recèle peut-être des
indices d’activité séismique récente, notamment par la présence de failles actives, au cours
du Quaternaire ou plus récemment, une faille active étant l’expression à la surface de la
croûte terrestre d’une activité séismique réelle ou potentielle.
Dans sa morphologie, le paysage du nord de la France se distingue par une plaine
des Flandres au sud et un plateau crayeux au nord, séparés par un linéament de direction
NW-SE, dénommé aussi alignement de l’Artois. Cette structure, au niveau géologique,
correspond à des axes tectoniques actifs durant le Paléozoïque, mais aussi au cours du
Tertiaire. Les études géophysiques d’analyse de la gravité montrent que ces linéaments
correspondent à des failles dont la longueur varie entre 15 et 40 km et qui se relaient en
échelons le long de cet escarpement significatif. Bien que ces structures varient en direction,
elles influencent manifestement le développement hydrographique, indépendamment des
contrastes lithologiques, suggérant une activité tectonique quaternaire.
29
Plusieurs sites exemplaires interpellent. Quelle est la réelle signification de la falaise
fossile de Sangatte ? Comment s’amortit vers l’ouest la Faille de Bailleul ? Au nord d’Arras,
la Faille de Marqueffles a-t-elle un lien avec la découverte d’un accident tectonique
décrochant sur le site de fouilles archéologiques de Biache-Saint-Vaast ? Dans le PNR
Scarpe-Escaut, deux sites ont fait l’objet d’investigations géophysiques : l’un à Wallers, où
l’existence d’une faille quaternaire a été reconnue par analyse cartographique de sondages
géologiques, l’autre dans la forêt de Saint-Amand, où est notée la présence d’un rideau
topographique. Le PNR Scarpe Escaut est par ailleurs dans le prolongement occidental du
Bassin de Mons, zone dont l’activité séismique est aussi nettement reconnue.
30
Les Cahiers de l’Urbanisme N° 71
Mars 2009
Anne-Marie Barszez
Ingénieur architecte
Amélie Philipront
Ingénieur architecte
Thierry Camelbeeck
Observatoire royal
de Belgique
Chef de service
Alain Sabbe
Faculté polytechnique
de Mons
Professeur
86
86-92
Comment déceler l’origine sismique
de certains désordres affectant le
patrimoine architectural et comment
y remédier ?
01
Conseil de l’Europe (1975)
Charte européenne du
patrimoine architectural
adoptée par le Conseil
de l’Europe, http://
www.archeologia.be/
archeologia_droit-dupatrimoine-culturel_
Charte-europeenne-dupatrimoine-architectural.
html
02
A. J. GOSSUART, Chronique
de Liège, jusqu’en 1720.
03
P. ALEXANDRE & J.-L.
KUPPER, Le tremblement
de terre de 1692 et le
miracle de Notre-Dame des
Récollets à Verviers, dans
Feuillets de la cathédrale de
Liège, 28-32, Liège, 1997.
04
A. SABBE, Cindyniques
et sismicité - Notions de
base : aléa, vulnérabilité,
risque, mitigation, crise,
réseau d’alerte…, dans
évaluation et prévention du
risque sismique en Région
wallonne, DGATLP, Moulin
de Beez, Actes du colloque
des 16 et 17 octobre 2006.
Durant de nombreux siècles, le cœur de nos cités
historiques s’est enrichi d’un patrimoine architectural inestimable contribuant à l’élaboration
de leur caractère spécifique. Ainsi, la plupart de
nos villes dont l’origine remonte au Moyen Âge se
distinguent-elles par une disposition pittoresque
et sinueuse de leurs rues bordées de maisons historiques et ouvrant souvent des perspectives vers
quelque clocher ou bâtiment emblématique.
Aussi, depuis des décennies, avons-nous pris
conscience de la valeur de ce patrimoine, qu’il
s’agisse des «valeurs culturelles, sociales,
économiques irremplaçables des monuments,
des ensembles et sites en milieu urbain et rural
hérités du passé».01
À Liège, «… il n’y eust pas une maison, ny Eglise
dans cette ville qui n’en eust ressenty du dommage ; il y eust plusieurs personnes écrasées et
quantité de blessés par les débris des cheminées
et des toicts ;…».02 Le 18 septembre 1692, le plus
grand tremblement de terre répertorié au nord
des Alpes n’épargnait aucun bâtiment patrimonial.
Ses effets se firent sentir jusqu’en Angleterre.03
Ce fut une véritable catastrophe !
En Wallonie, l’histoire sismique nous apprend donc
que notre patrimoine bâti a nécessairement subi
certains désordres d’origine sismique. Il convient
d’en apprécier le risque au regard de diverses
notions spécifiques avant d’identifier les types de
dégâts touchant notre patrimoine pour y remédier.
Séismicité et activité sismique – Effets de site
Un séisme correspond à un mouvement brusque
de deux blocs de la croûte terrestre le long d’une
faille. Cette rupture s’accompagne d’une libération soudaine d’une grande quantité d’énergie
mécanique, générant différents types d’ondes
sismiques qui vont se propager et se traduire en
surface par des vibrations du sol. L’amplitude des
ondes sismiques s’atténue quand on s’éloigne de
la source sismique.04
Les régions du Nord-Ouest de l’Europe qui
s’étendent de la vallée du Rhin jusqu’au Sud de la
mer du Nord sont caractérisées par une activité
sismique faible en comparaison de celle observée
dans d’autres régions du monde. Pourtant, presque chaque année, des tremblements de terre
sont ressentis par la population et régulièrement,
certains d’entre eux provoquent localement des
dégâts aux habitations qui peuvent être significatifs. Ce fut le cas notamment dans la région
liégeoise le 8 novembre 1983 (M = 4.7) et dans
la région de Roermond aux Pays-Bas le 13 avril
1992 (M = 5.4). Ces tremblements de terre récents
n’ont pas eu ou ont eu relativement peu d’impact
sur le patrimoine architectural. Par contre, le
séisme de 11 juin 1938 à Nukerke (M = 5.0) a touché de nombreux bâtiments patrimoniaux, dont
plus de 30 églises :
«À l’église (de Wauthier-Braine), le dallage sous
les nefs latérales était couvert de plâtras, l’arc
de cintre de toutes les fenêtres vers le jardin de
87
Effet de site aux alentours
du beffroi de Mons
© Anne-Marie Barszez
C’est ainsi que la ville de Mons, située sur un bassin
sédimentaire, a été durement touchée lors du séisme de 1692 bien qu’elle était déjà loin de l’épicentre :
«…les pignion des sept chapelle du loingt la rue du
fossez ont este tellement esbranlee quil at este
necessaire de les demonter les un entierement les
autres en parties et puis les faire remonter…»07
En combinant les connaissances en sismicité et
géologie, on établit une cartographie précise de
l’aléa sismique propre à une zone déterminée. Celuici indique la probabilité qu’une secousse sismique
survienne dans une période donnée et produise ses
effets dans une ville ou un quartier donné en causant des dommages et des pertes. L’aléa sismique
local peut donc être défini comme une combinaison
de la valeur maximale de l’accélération du mouvement de sol au rocher considéré et d’un coefficient
reflétant les potentiels effets de site.08
la cure était lézardé. Du côté opposé, dans le mur,
du côté de la rue des Écoles, une lézarde descendait de la voûte au sol. Aux fonts baptismaux,
aux voûtes des nefs latérales apparaissent des
lézardes nombreuses.»05
De plus, les documents historiques indiquent que
des séismes plus anciens, ayant provoqué des
dégâts importants aux habitations, ont également affecté fortement ce patrimoine. Les plus
marquants sont ceux du 21 mai 1382 (M ~ 6) dans
le Sud de la mer du Nord, du 6 avril 1580 (M ~ 6)
dans le Pas-de-Calais, du 18 septembre 1692 (M
~ 6 1/4) dans le Nord de l’Ardenne, du 16 février
1756 (M ~ 5 3/4) dans la région de Düren – Aachen
et celui du 23 février 1828 (M ~ 5) en Hesbaye.
Pour ce dernier, un grand nombre de sources
historiques relatent des dommages, notamment
aux édifices religieux :
«Dans la commune de Berlo, …, elle a produit des
effets très fâcheux : les murs de l’église en ont
été lézardés, la voûte est tombée et la tour est
menacée d’une ruine très prochaine…»06
L’amplitude des ondes sismiques peut localement
être amplifiée, sous certaines conditions topographiques et géologiques. Ces phénomènes, appelés effets de site, peuvent augmenter sensiblement les conséquences d’un séisme et entraîner
des pertes et dégâts considérables. Ainsi, dans
une même ville, les effets de site vont induire des
variations importantes de l’intensité d’un séisme
d’un quartier à l’autre.
Enjeux et vulnérabilité
Cet aléa agit sur des enjeux humains et matériels. Chaque enjeu est caractérisé par sa
vulnérabilité ainsi que par son importance,
tant matérielle qu’immatérielle. La prise en
compte de cette dernière caractéristique dans
la définition du risque est un premier pas vers
la préservation du patrimoine. En effet, les
bâtiments patrimoniaux possèdent une valeur
historique, anthropologique... et constituent un
enjeu de taille dont la richesse est incontestable et inestimable.
05
Le Brabant wallon, 25,
Nivelles, dimanche 12 juin
1938.
06
R. COURTOIX, Recherche
sur la statistique physique,
agricole et médicale de la
province de Liège, TII, Royal
Observatory of Belgium,
Verviers, 1828, p. 17.
07
Livres de resolution de
messieurs le doyen maitres
et manbour de leglise
paroissiale Ste Elisabeth,
1692.
08
A. SABBE, op. cit.
09
Ibidem.
La vulnérabilité sismique d’une construction exprime sa sensibilité aux secousses sismiques. Elle
dépend notamment des matériaux de construction
et de leur mise en œuvre, ainsi que de la géométrie du bâtiment, plus particulièrement en ce qui
concerne ses dimensions, sa hauteur, sa forme en
plan ou ses caractéristiques architecturales. Cette
fragilité s’exprime par un indice de vulnérabilité qui
tient compte de ces divers facteurs. Par des mesures constructives adéquates, il est donc possible
de concevoir des bâtiments moins vulnérables.09
Dans l’ensemble, les bâtiments anciens sont assez
vulnérables, soit par leur conception initiale, soit
par leur vétusté et parce qu’ils ont peut-être déjà
été ébranlés précédemment. Des modifications
hasardeuses peuvent également affaiblir les structures : suppression d’éléments de charpente, grandes ouvertures dans les murs ou les planchers…
88
De haut en bas :
Étude typologique d'un
îlot du centre historique
de Mons
© Anne-Marie Barszez
Facteurs aggravants pour
chacun des bâtiments
repris dans l'étude d'un
îlot du centre historique
de Mons
© Anne-Marie Barszez
Dans le cadre d’un récent travail de fin d’études,
nous nous sommes attachés à la détermination
de cet indice de vulnérabilité pour les divers bâtiments d’un îlot du centre historique de Mons.10
10
A.-M. BARSZEZ, Aléa
sismique du Bassin de
Mons et vulnérabilité
des bâtiments anciens –
Analyse du risque sismique
pour un quartier du centre
historique de Mons,
TFE inédit de la Faculté
polytechnique de Mons,
2005 (H. Wilquin, Y. Quinif,
S. Vandyke, A. Sabbe et T.
Camelbeeck : promoteurs).
Cette évaluation s’est faite en plusieurs phases et
tient compte de 11 paramètres dont l’influence est
prépondérante pour la résistance des bâtiments
aux séismes, comme la rigidité des planchers ou
l’état de la construction. En effet, un plancher
souple ne constitue pas un diaphragme efficace,
capable de limiter les déformations des murs et
de distribuer les efforts de manière adéquate. Ces
paramètres sont issus de l’expérience italienne et
se basent sur les inventaires des dommages qui
se sont produits lors de séismes passés. Ils ont
été adaptés aux spécificités du bâti belge.
Lors d’une première étape, on élabore une
étude typologique pour associer un indice de
vulnérabilité de base à chaque classe de bâtiment identifiée. On distingue les typologies de
base, urbanistiques et de façade. Les typologies
de base définissent le caractère général de la
construction. Dans le cas du quartier étudié,
les bâtiments sont principalement des habitations en maçonnerie avec des planchers en bois
présentant fréquemment un rez-de-chaussée
commercial ouvert. Les typologies urbanistiques
situent le bâtiment dans son environnement bâti.
Par exemple, les bâtiments mitoyens situés au
milieu d’une série sont différenciés de ceux situés
aux angles de rue. D’autre part, la hauteur de ces
édifices influe sur leur fréquence propre. Il y a lieu
d’en tenir compte, car si cette fréquence propre
du bâtiment est proche de celle du sol et/ou de la
fréquence des ondes sismiques, on peut souvent
observer un accroissement des amplitudes vibratoires et donc des dommages. Les typologies de
façade sont également utilisées.
89
Lors d’une seconde étape, on investigue certaines
des caractéristiques indépendantes des typologies qui peuvent accentuer la vulnérabilité. Il s’agit
notamment de l’irrégularité en plan et en élévation, de la présence ou non de chaînages, d’étages
« ouverts » et même d’éléments non structurels
comme l’état des cheminées.
La somme de l’indice de vulnérabilité de base et
des pénalités correspondant aux facteurs aggravants observés constitue l’indice de vulnérabilité
global. Les résultats de cette analyse préliminaire
sont indiqués sur la figure ci-dessous.
Risque sismique et dommages
Le risque sismique pour un bâtiment donné est
donc fonction de l’aléa local et de l’enjeu qu’il représente. Dans le cas du patrimoine architectural,
une bonne gestion du risque sismique consistera
donc principalement à réduire la vulnérabilité de
ces bâtiments, dans la mesure où nous n’avons
aucune influence sur l’aléa et leur importance.
En conséquence, l’estimation du risque sismique
sur le patrimoine architectural passe par l’évaluation d’un niveau prévisible de dommages aux
constructions. Le niveau de dommages désigne
dans notre cas le rapport entre les coûts de réparation et les coûts de reconstruction. Un moyen
d’accéder à une telle évaluation est l’emploi
de courbes de vulnérabilité. Celles-ci sont des
relations liant les indices de vulnérabilité avec
les mouvements de sol et un niveau de dommage.
Quant au type de dommages rencontrés, on
retrouve le plus souvent des effondrements de
cheminées, entraînant également des dommages
aux toitures, des fissures diagonales dans les
murs, des fissures d’angles indiquant la désolidarisation des murs…
La vulnérabilité présumée des bâtiments de l’îlot
étudié à Mons est élevée. Elle indique que plus de
la moitié des bâtiments sont susceptibles de subir
des dommages importants, même pour un séisme
modéré. Les bâtiments d’angle et les bâtiments très
irréguliers ou élancés sont les plus vulnérables.11
Cette vulnérabilité élevée affecte considérablement le risque sismique dans nos régions,
malgré l’activité sismique modérée. Ainsi peut-on
comparer les dommages constatés en Belgique
à ceux des régions à sismicité plus importante
imprégnées d’une culture parasismique.
Mitigation
À chaque époque, au lendemain d’un séisme
destructeur, les bâtisseurs ont tenté de mettre en
œuvre des mesures constructives adéquates visant à réduire la vulnérabilité de leur construction.
Cependant, la trop grande période de retour entre
deux séismes importants, chez nous, a souvent
minimisé l’adoption de telles mesures.
Les traces de telles adaptations sont cependant
assez nombreuses et visibles dans des régions
soumises à une activité sismique importante,
comme en Grèce où Panos Touliatos, notamment,
fait un véritable travail d’archéologie parasismique de l’architecture byzantine.12 Il a mis à jour
de nombreux systèmes constructifs très ingénieux et efficaces visant à réduire la vulnérabilité
et à minimiser les dégâts et ainsi à protéger la
population. Ces principes font souvent appel à
l’utilisation du bois, soit pour un dédoublement de
la structure, soit pour la réalisation de chaînages
ou d’ossatures bois.
En Belgique, les mesures parasismiques sont
moins flagrantes. Les techniques architecturales
que nous ont léguées nos aïeux se sont développées et mises au point durant des siècles parfois
Indice de vulnérabilité
global pour chacun des
bâtiments repris dans l'îlot
étudié du centre historique
de Mons
© Anne-Marie Barszez
11
Ces résultats sont à
nuancer, dans la mesure
où la méthodologie
de l’évaluation de la
vulnérabilité fait l’objet
d’une adaptation dans
le cadre d’une thèse de
doctorat menée par A.-M.
Barszez à la Faculté
polytechnique de Mons.
12
P. TOULIATOS, The box
framed entity and function
of the structures - The
importance of wood’s
role, dans évaluation
et prévention du risque
sismique en Région
wallonne, DGATLP, Moulin
de Beez, Actes du colloque
des 16 et 17 octobre 2006.
90
Tour de l'église SaintLambert de Petit-Hallet
(Hannut) renforcée par
de multiples ancrages à
la suite du séisme du 23
février 1828
Photo Catherine Dhem,
© SPW
avec des influences mutuelles à divers niveaux.
Ainsi, retrouve-t-on notamment le principe de
chaînages en pierre clairement marqués dans les
maçonneries de briques à l’image de véritables
ossatures et définissant parfois un style spécifique comme le style traditionnel mosan. Il est
évident que la base de ce principe est le souci
de renforcer la résistance des constructions,
notamment contre des charges ou sollicitations
horizontales comparables à celles d’un séisme.
D’autres principes moins clairs ont parfois été
constatés par certains observateurs privilégiés
sur des constructions ayant vécu des séismes
importants, comme notamment à Soiron où l’on
peut retrouver des solutions de renforcement des
angles noyés dans la maçonnerie. Les moyens de
consolidation utilisés chez nous procèdent surtout du principe de chaînage par cerclage métallique et ancrage ou de liaisonnement aux angles.
Ainsi, plusieurs dispositions que nous pouvons observer aujourd’hui et qui ont été mises
en place au cours du temps contribuent à une
résistance aux forces latérales imposées par
les tremblements de terre. À notre tour, nous
pouvons améliorer le comportement au séisme
de bâtiments existants. Il convient de pallier les
défauts conceptuels et les défauts induits par des
modifications.
91
De haut en bas :
église Saint-Lambert
de Petit-Hallet : étude
typologique
© Amélie Philipront
église Saint-Lambert de
Petit-Hallet : nivellement
© Amélie Philipront
Une méthodologie adaptée aux constructions
anciennes de taille limitée en maçonnerie est en
cours. Pour définir une restauration parasismique, distinguons les stratégies des techniques de
mitigation.13 Une stratégie indique la démarche
globale tandis que les techniques sont les moyens
pratiques permettant d’y accéder.
À notre niveau, il existe deux familles de stratégies : celles qui consistent à diminuer les charges
sismiques sur la construction (réduction des masses, prévention de l’entrechoquement de parties
de bâtiment, limitation de la torsion d’ensemble…)
et celles qui visent à augmenter les performances
de la construction (renforcement pour l’augmentation de la résistance, amélioration de la capacité de dissipation, suppression ou redistribution
des zones faibles…).
Parmi les diverses techniques qui sont à notre
disposition (réalisation d’ancrages efficaces,
addition de nouveaux éléments de construction…),
certaines peuvent répondre à plusieurs stratégies.
Un ensemble de solutions pré-étudiées devrait
être collecté dans un « catalogue » pour des bâtiments communs.
Par contre, une réflexion spécifique doit être
apportée pour les bâtiments classés. Une ligne de
conduite stricte dictée entre autres par la Charte
de Venise14 impose par exemple un principe de
réversibilité. L’ensemble du raisonnement doit
s’enrichir de l’expérience scientifique belge et
étrangère, de l’expérience de professionnels de la
construction, de l’architecte à l’ouvrier.
Identification des traces de sismicité
sur le patrimoine
Sur base de ces notions de séismologie, il est
temps de nous intéresser aux effets que les séismes peuvent laisser sur notre patrimoine architectural. À cet égard, il convient d’analyser les pathologies des bâtiments patrimoniaux afin de déterminer
celles qui pourraient être dues à un séisme.
Dans le cadre d’un autre travail de fin d’études15,
nous avons développé une méthodologie transdisciplinaire permettant de déceler les traces de dégâts sismiques sur les édifices patrimoniaux. Cette
dernière a été ensuite appliquée à un cas d’étude
concret, l’église Saint-Lambert de Petit-Hallet.
Pour aborder cette question, nous avons notamment investigué les conséquences du séisme du
23 février 1828. Malgré sa magnitude somme toute
limitée (5.0), les sources historiques relatant des
dommages aux habitations et aux édifices religieux
sont nombreuses. La région touchée est relativement bien définie. Il s’agit surtout de la Hesbaye.
13
M. ZACEK, Vulnérabilité
et renforcement, coll.
Conception Parasismique,
cahier 2, Éd. MEDD, s.l.,
2004.
14
ICOMOS, International
Charter for the
Conservation and
Restoration of Monuments
and Sites, Decision and
Resolutions, Venice, 1964,
31.V (ICOMOS, I, Paris, 1966).
15
A. PHILIPRONT, Quels
sont les effets sur le
patrimoine architectural
des séismes importants de
nos régions ? Applications
aux églises de Hesbaye –
inventaire, méthodologies
et perspectives, TFE de la
Faculté polytechnique de
Mons, 2007 (A. Sabbe et T.
Camelbeeck : promoteurs).
16
Lettre du Bourgmestre
au gouverneur de
province, 1828 (archives
de l’Observatoire royal de
Belgique).
La méthodologie se déroule en deux étapes.
La première étape permet de déduire avec un
certain degré de certitude si un tremblement de
terre a affecté le bâtiment. Elle consiste en une
recherche et une analyse de sources historiques,
une étude typologique du bâtiment patrimonial, une analyse in situ des pathologies visibles
pouvant être d’origine sismique et une étude
sismologique complémentaire.
L’analyse historique consiste en l’étude des
séismes passés (date, épicentre, magnitude) ainsi
qu’en la récolte et l’examen de sources historiques
(textes et iconographie) relatant des dommages aux bâtiments. Pour l’église de Petit-Hallet,
proche de l’épicentre du séisme de 1828, trois
sources historiques ont été retrouvées, dont : «23
février 1828… l'église n'a pas été exempt de cet
événement, la voûte est éboulée, dans plusieurs
endroits, plusieurs chandeliers qui se trouvèrent
sur l'autel se trouvait versé (sic) par terre».16
L’étude typologique nous permet de répertorier
les caractéristiques de vulnérabilité aux tremblements de terre comme l’épaisseur des murs,
l’asymétrie en plan et en élévation, la simplicité de
la forme du bâtiment, l’accentuation en plan d’une
direction dans un rapport 1 à 3, ou la présence
de divers éléments singuliers (décrochements
en hauteur, partie assez haute, angles rentrants,
nombreuses ouvertures en partie basse…). Dans
le cas de l’église de Petit-Hallet, on peut retrouver
la plupart de ces caractéristiques de vulnérabilité.
92
L’analyse pathologique regroupe toutes les pathologies et réparations visibles sur le bâtiment.
Elle doit particulièrement s’attacher à des types
de désordres reconnus comme sismiques. Il s’agit
plus spécifiquement de :
— la présence de fissures verticales s’évasant
vers le haut, dans l’angle entre la façade et les
murs de refend ;
— la présence de fissures à 45° en croix ou en
diagonale à partir des angles des ouvertures ;
— la présence de fissures horizontales dans les
joints de maçonnerie ;
— la désolidarisation des murs ;
— le descellement, le basculement ou la descente
de clés de voûte ;
— l’effondrement ou la fissuration de voûtes
structurelles ;
— la destruction partielle ou complète du bâtiment ;
—…
— de nombreuses fissures au-dessus, en-dessous
des baies et au niveau des voûtes, des clefs de
voûte descendues ou basculées ainsi que de nombreuses ancres en façade de la tour sont quelquesunes des traces relevées à l’église de Petit-Hallet.
Enfin, l’analyse sismologique est une étude complémentaire visant à vérifier si un problème d’effet
de site en relation avec la fréquence propre du
bâtiment a pu amplifier les mouvements du sol et
du bâtiment.
Si en conclusion de la première étape, il s’avère,
avec un certain degré de certitude, qu’un tremblement de terre a affecté le bâtiment, on procède
à la seconde étape. Celle-ci tente d’éliminer les
causes autres que sismiques, susceptibles de
provoquer des dégâts semblables. Elle consiste
en une analyse pathologique détaillée concernant
plus spécifiquement :
— la nature du sol (cartes géologiques, traces de
forage, essais de sol, mesures géophysiques…) ;
— l’adéquation des fondations (affouillement,
nivellements et relevés au théodolite…) ;
— la présence de poussées horizontales en tête
de murs (voûtes, charpentes, chaînages…) ;
— l’existence de problèmes d’humidité ;
— l’incidence d’un éventuel glissement de talus.
L’état de fissuration du bâtiment est souvent
révélateur de la plupart de ces causes. Il convient
cependant d’en apprécier l’évolution actuelle
par l’installation de jauges. En effet, les tremblements de terre induisent instantanément des
fissures ou déclenchent dans le temps l’évolution
de fissures par une conjonction de causalités.
Dans tous les cas, il ne sera pas toujours possible
d’éliminer toutes les causes autres que sismiques.
Des études complémentaires comme des modélisations numériques seront alors nécessaires.
Pour l’église de Petit-Hallet, plusieurs problèmes
semblent entrer en ligne de compte comme un
problème de tassement différentiel et de mauvaise qualité du sol.
Conclusions
Notre démarche constitue un premier pas en
matière de risque sismique et de patrimoine bâti
dans nos régions. Elle est le fruit d’une réflexion
évolutive, initiée par l’étude de l’activité sismique
de nos régions et des sources historiques. Elle
s’est développée dans le cadre d’une collaboration féconde d’une dizaine d’années entre la
Faculté polytechnique de Mons et l’Observatoire
royal de Belgique. La méthodologie devra encore
faire l’objet de diverses validations sur différents
bâtiments emblématiques.
Nos travaux montrent sans ambiguïté qu’il est
fondamental d’encourager la prise en compte
du risque sismique lors des études préalables et
des campagnes de restauration, notamment par
l’identification et la compréhension des traces
que des séismes passés ont laissées sur nos
bâtiments patrimoniaux.
À cet effet, l’approche proposée vise à l’élaboration d’outils d’investigation du patrimoine au
regard du risque sismique et de mesures de
renforcement parasismique spécifiques au patrimoine. Dans cette perspective, on peut citer l’établissement d’un répertoire du patrimoine affecté
par les séismes, ainsi que la réalisation de fiches
sanitaires et d’analyse du patrimoine bâti.
Pour en savoir plus
P. ALEXANDRE, D. KUSMAN,
T. PETERMANS &
T. CAMELBEECK, The 18
september 1692 Earthquake
in the Belgian Ardenne
and its Aftershocks, dans
J. FRÉCHET, M. MEGHRAOUI
& M. STUCCHI (Eds.),
Historical Seismology –
Interdisciplinary Studies
of Past and Recent
Earthquakes, coll. Modern
Approaches in solid Earth
Sciences, Springer, 2008,
p. 209-230.
E. FACCIOLLI & V. PESSINA,
The Catania Project :
Earthquake damage
scenarios for a high risk
area in the Mediterranean,
Ed. Groppo Nazionale per
la Difesa dai Terremoti, s.l.,
1999.
P. MELCHIOR (Éd.), Seismic
activity in Western
Europe with particular
consideration of the Liège
earthquake of November 8,
1983, dans D. REIDEL
PUBLISHING COMPANY,
NATO Asi Series, v. 144,
1985.
38
DÉBATS
Suite à l'intervention de Th. Camelbeeck
G. Dassonville – Y a-t-il une relation entre les effondrements karstiques et les tremblements
de terre ?
Th. Camelbeeck et S. Vandycke – Cette question fait l’objet d'un débat scientifique ancien : il
n'y a pas de relations entre les deux évènements, d’autant que la profondeur des épicentres
des foyers ne correspond pas à celle des karsts.
Existe-t-il une relation entre tremblements de terre et activité minière ?
Th Camelbeeck – Les mouvements de terrain suite aux effrondements miniers ne
provoquent pas de tremblement de terre. Par contre, les modifications de l'environnement
peuvent entraîner des dégâts supplémentaires ; ex. : une maison ayant souffert de
mouvements dus aux effondrements miniers sera plus sensible aux effets d'un tremblement
de terre.
Suite à l'intervention de J.-P. Colbeaux
L. Coppin – Je suis assez d'accord avec la conclusion de J.-P. Colbeaux ; toutefois l'addition
pure et simple des différents risques est-elle une synergie ? Les différents éléments de
risque n'ont pas la même dimension temporelle. Quel est l’impact de la superposition des
risques en terme d'aménagement ?
M. Van Camp – L'Eurocode 8 prévoit que le risque n'amène pas systématiquement
l'inconstructibilité ; par contre il apporte des préconisations pour les constructions.
G. Dassonville – Faire converger les actions sur les risques (notamment via des études
d'impact, ce qui est bien mieux fait en Belgique) permet d'estimer bien plus précisément les
besoins.
L. Coppin – La notion de risque est elle-même à préciser ; souvent on mélange tout : aléa,
risque, potentialité... ; on ne fait aucune différence et souvent ce n'est qu'un moyen « d'ouvrir
le parapluie ».
39
M. Marchyllie – Il y a beaucoup d'acteurs à impliquer, à travers les Scot par exemple. Le
préfet doit se saisir du sujet pour organiser et n'oublier personne.
J.-P. Colbeaux – Le parc pourrait être un lieu de test sur la sensibilisation, la publication de
brochures, l'information des élus. Le microzonage sismique de Valenciennes est en cours de
réalisation.
Th Camelbeeck – Si le risque n'est pas perçu, il n'y a pas de risque. Il est donc très important
de faire de la sensibilisation, notamment pour les constructions nouvelles pour lesquelles il
est plus facile d'agir.
J.-P. Colbeaux – Les plans pour les risques ne sont pas seulement une contrainte mais aussi
une opportunité comme outil d'aménagement et de planification.
M. Marchyllie – Je propose quatre sujets sur lesquels on pourrait avancer :
1. information des habitants et des élus ;
2. lisibilité de la notion de risque
- le parc a des missions multiples dont certaines peuvent converger avec les enjeux
sur les risques,
- ajouter l'aléa sismique et définir les moyens nécessaires pour agir ;
3. expérimenter : c'est aussi la mission d'un parc ;
4. chacun doit prendre ses responsabilités, gérer la question de manière concertée.
L. Coppin – J’approuve ces propositions. Le rôle d'une municipalité est prévoir l'évolution de
son territoire dans quinze ans ; il y a donc beaucoup de sujets à croiser. Pourquoi cette
politique n'est-elle pas intercommunale ? Il est nécessaire que tous les interlocuteurs se
réunissent autour de la table pour avancer sur le sujet.
M. Marchyllie – Il y a des liens à faire entre l'investissement sur le patrimoine (financier en
fonds publics) et les risques.
Th Camelbeeck – Je confirme que la question sur le patrimoine et l'investissement se pose
vraiment, notamment compte tenu des périodes de retour connues (50 ans ou 200 ans).
40
CONCLUSION
Comme nous venons de le voir, la région Nord-Pas de Calais / sud de la Belgique
n’est pas à l’abri d’un séisme, il nous faut donc être vigilants.
Des concepts développés par les différents intervenants, même très simplifiés, sont
difficiles à appréhender par les habitants : superposition d’échelles (géographique,
temporelle), notions abstraites (risque, aléa, récurrence). Aussi, dans le cadre de la mise en
place du plan aléa sismique en France, il semble intéressant de profiter de la dynamique
mise en place ce jour entre les scientifiques et les élus d’une part, les potentialités
pédagogiques du Pnr Scarpe-Escaut, d’autre part, pour commencer rapidement l’élaboration
de documents informatifs à destination de la population relativement aux risques encourus
(sans pour autant dramatiser outre mesure).
Cette démarche, une fois acceptée par la population permettra d’orienter
l’aménagement ultérieur du territoire.
41
42
LISTE DES PARTICIPANTS
BAUD
BELLAND
BUYSSCHAERT
CAMELBEECK
COGET
COLBEAUX
COLEIN
COPIN
COULON
DASSONVILLE
De FOUCAULT
DEBUYSER
DEFAUT
DEKIMPE
DELVAUX
DENEYER
DESCAMP
DUBOIS
FRYSOU
GIGAUX
HENIQUE
JACQUART
JOMARD
JOURNET
JUMELIN-DIALLO
KUSMAN
LEGROS
MAIRE-VIGUEUR
MALECHA
MARCHYLLIE
MIO
MOSSMANN
OCHIN
PETIT
PICOT
POULAIN
QUINTART
SABBE
STAREK
TESNIERE
TOMBAL
VAN CAMP
VAN LAETHEM
VANDYCKE
VERBEECK
Véronique
Sandrine
Anne-Laure
Thierry
Jacques
Jean-Pierre
Philippe
Luc
Roger
Gérard
Bruno
Michel
Christelle
Jean-Pierre
Olivier
Arnaud
Jean-Marie
Jacques
Jean-Pierre
Alain
Julien
Sandra
Hervé
Jean-Marie
Sonia
Pierre-David
Jean
Céline
Jean
Michel
Daniel
Jean-Rémi
Daniel
Françoise
Julie
Bernard
Alain
Alain
Jean-Claude
Christophe
Jean-Charles
Michel
Francis
Sara
Koen
Pnr Scarpe-Escaut
Mission Bassin Minier
Syndicat Mixte du SCoT Grand Douaisis
ORB
CSENPC
CSENPC
CSENPC
Mairie de Fresnes sur Escaut
CSENPC
CSENPC
CSENPC
CSENPC
Architecture et Energie
Mairie de Bruille Saint Amand
Espaces Naturels Régionaux
Architecture et Energie
CSENPC
Mairie de Nivelle / SMAHVSBE
CSENPC
CSENPC
DREAL Nord - Pas de Calais
Maire de Château l'Abbaye
IRS[N]
CSENPC
CSENPC
ORB
Syndicat de communes / MAULDE
Pnr Scarpe-Escaut
CSENPC
Pnr Scarpe-Escaut
Pnr Scarpe-Escaut
BRGM SGR/NPC
CSENPC
Mairie de OISY
BRGM SGR/NPC
CSENPC
Parc Naturel des Plaines de l'Escaut
FPMS
CSENPC
Pnr Scarpe-Escaut
CSENPC
ORB
CSENPC
FPMS
ORB
47
Téléchargement