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compétitions des partis, dans toutes les convoitises et toutes les ambitions
publiques ou individuelles, un surcroît de force de la plus immorale, mais de la
plus irrésistible efficacité. De sorte que les Gaulois ne lui servirent guère moins
que le glaive de ses légionnaires à vaincre et à subjuguer les Gaulois.
Nous verrons des chefs gaulois soutenus par lui, ou nommés par lui
contrairement aux usages et aux lois de la Gaule, perdre peu à peu tout
sentiment de race et de nationalité, ils se mettront au service de ses vues et de
ses intérêts, jusqu'à la trahison des devoirs les plus sacrés et à la connivence la
plus criminelle contre la liberté et le salut des peuples confiés à leur garde ; ils
consentiront encore à devenir dans les autres cités les agents et les organes de
sa politique dissolvante. Si bien que, séduites ou violentées selon les événements
et l’intérêt de César, les cités les plus influentes, les plus riches et les plus
puissantes de la Gaule, ne pourront se refuser à lui prêter appui, à lui fournir des
vivres, dû matériel, des troupes auxiliaires, surtout des cavaliers, pour la réussite
de ses expéditions partielles et successives, qui finalement aboutiront à la
conquête et à la ruine de toute la Gaule.
Si l'on considère en outre que les légions de César et toutes les recrues qu'elles
reçurent pendant cette longue guerre, furent tirées presque entièrement de la
Gaule cisalpine et de la partie de la Gaule transalpine déjà précédemment réduite
en Province romaine : toutes régions peuplées de Gaulois, mélangés seulement
de quelques colons romains, on arrive à cette dernière et triste conclusion : que
cette guerre de Gaule fut pour la race gauloise presque uniquement une guerre
civile, allumée et dirigée par le Romain Jules César, dans l'intérêt de sa propre
ambition, et que le résultat en fut l’asservissement de la Gaule chevelue à la
puissance romaine. Voilà comment les rivalités ambitieuses et le défaut de
patriotisme peuvent conduire une nation imprudente à la servitude !
Un jour pourtant, à la fin de la sixième année de cette funeste guerre, il sortira
des montagnes des Arvernes un jeune homme, jusque-là spectateur silencieux
des événements, qui s'avancera inspiré par l’idée de patrie, portant dans son
sein le feu sacré de la liberté, appelant à lui toute la Gaule, et marchant à
l’ennemi. On reconnaîtra aussitôt que c'est le génie de la patrie gauloise et de
l’indépendance nationale, et on verra chanceler le génie de l’oppression
étrangère. Mais, pour rester vainqueur dans cette lutte suprême, si habile que
puisse être le Gaulois à compenser par sa méthode d'attaque l'avantage
immense des armes du Romain, il faudrait encore qu'il parvînt à lui enlever tous
les appuis que six années de politique corruptrice lui auront ménagés sur le sol
gaulois. Par malheur ils y auront pris racine, et fatalement il faudra que toute la
Gaule succombe avec son noble et héroïque défenseur.
Là se terminent les Commentaires dictés par Jules César sur la guerre de Gaule.
Depuis lors jusqu’à la fin de cette guerre, bien qu'il l'ait recommencée lui-même
avec fureur trois mois après, elle fait le sujet d'un livre complémentaire
(ou livre
VIII)
écrit par Hirtius, personnage tout dévoué à César et initié à sa pensée
politique : ce qui donne un grand intérêt à ce complément des Commentaires sur
la guerre de Gaule, lequel parait constituer une transition politique, habilement
rattachée aux Commentaires propres de César sur la guerre civile.
Ce livre d'Hirtius nous montrera le héros de Rome, au plus fort de l'hiver qui
suivit son immense succès d'Alésia et sans aucun motif apparent de la part des
Gaulois, recommençant tout à coup la guerre au centre même de la Gaule, y
lançant les légions d'une manière furieuse sur les populations sans défiance, sans
armes, et qui s'enfuient à travers les neiges ; nous le verrons ensuite courir au