Le Jarn isy au Moy en-A ge
Par Jean Luc FRA Y (à la mémoire de Pierre LEROY )
I- Conflans- en-Jarnisy,Ab beville-les-Con flans, Doncourt-les -
Conflans ...
Peut-être les habitants du JARNISY se sont-ils déjà interrogés
sur l'origine de ces dénominations "emboîtées"? Qu'ils sachent que
d'autres localités du Jarnisy ont porté également autrefois ce type
de dénomination, aujourd 'hui souvent abandonnée dans la
nomenclature of ficielle des communes: ainsi en allait. il vers 1820
encore pour Boncourt (lès-Conflans) . Par ailleurs, peut-être seront-
ils surpris d'apprendre que l'usage de se référer à Conflans pour
nommer les localités voisines est bien antérieur à l'institution du
canton de ce nom par les réformes administratives de l'an III.
Poussant plus loin l'interrogation, ils seront fondés à s'étonner de
voir le chef-lieu cantonal, Conflans, se référerquant à lui, dans sa
propre dénomination au Jarnisy , c'est àdire à une contrée à laquelle
la localité voisine -et administrativement subordonnée- de Jarny
prête son nom.
T enter de répondre à ces questions dépasse cependant la simple
curiosité d'antiquaire ou de toponymiste amateur: les noms que les
hommes donnent aux lieux, tout comme aux personnes, aux
animaux et aux objets, ne sont pas des enveloppes vides, mais les
signes d'un rappon privilégié, ici d'une appropriation de l'espace. Il
serait aisé au géographe de montrer que, bien qu'englobé dans
l'aire d'atlraction de l'une et l'autre des deux métropôles qui
dominent la Lorraine d'aujourd'hui -une position déjà originale en
soi- le Jarnisy existe comme entité économique (la zone
d'atttaction de son commerce local), scolaire (la zone de
recrutement de ses collèges et lycées) et culturelle (le "Théâtre du
Jarnisy" et la présente revue elle-même!).
L'historien, lui, est en mesure de montrer , à travers l'évolution du
tenne géographique "Jarnisy" au cours des temps, que cette
"conscience de pays" est ancienne, plus ancienne que ne le
présument probablement la plupart de ses habitants ...
L'Enquête sur l'origine d'un terme géographique
La particule "lès", que l'on rencontre dêjà dans les chartes
lorraines des XIIIème et XIVème siècles sous la forme "deleis"
,signifie" près de ": elle subordonne une localité à une autre, au
point de servir de réfrence géographique.
Ce type de dénomination apparaît en Lorraine dès la seconde
moitié du XIIIème siècle, c'est-à-dire dès que le parler roman
commence à triompher du latin dans la rédaction des actes de la
pratique. Le plus souvent, cette particule "lès/deleis" subordonne
un village à une ville ou bour gade qui fut au Moyen Age chef-lieu
de châtellénie, c'est-à-dire centre d'exercice d'une autorité
administrative. Le signe tangible de cette autorité supérieure était
alors la forteresse, le château, sous le "regard" duquel -ainsi
s'expriment les sources médiévales- se trouvaient placés les
villages d'alentour . Ainsi s'expliquent aussi beaucoup de
toponymes comportant la particule "sous" ou "devant" 1
: non loin
du Jarnisy , un texte très ancien, une charte 2
de W igfrid, évêque de
V erdun, datée des années 962-966, localise Joudreville par rapport
au château d'Amel:"la villa de Joudr eville sise dans la W oëvr e,
non loin du château d'Amel" 3
. Entre 1 173 et 1 179, un acte de
l'évêque élu de Metz Thierry IV·mentionne, lui, la terre
d'Abbéville, "voisine du territoir e du château de Conflans" 4
.
Dans le cas qui nous occupe, la forteresse est celle de Conflans,
dont la première mention écrite remonte à l'année 1095 et qui fut
dès le XIIIème siècle et jusqu'à la fin de l'Ancien Régime le chef-
lieu d'une châtellénie dépendant des évêques de Metz, puis des
comtes de Bar . S'il n'est donc pas étonnant de voir encore
aujourd'hui Abbéville ou Doncourt, naguère Boncourt 5
,se référer
au vieux château épiscopal dont la terrasse, aujourd'hui arasée,
domine encore le confluent de l'Orne et de l'Yron, il est plus
Surprenant de voir Conflans, chef-lieu administratif depuis plus de
sept siècles, subordonné à son tour dans sa propre appellation au
Jarnisy , c'est-à-dire à la localité voisine de Jarny .
De fait, le Jarnisy n'est pas le seul petit "pays" de Lorraine à tirer
son nom de l'une des petites villes ou bour gades qu'il englobe:
qu'il suf fise de rappeler ici l'exemple du Saintois (Sion), du
V erdunois, du T oulois ou du Barrois ou encore de l'ancien pays de
Chaumontois, dont l'antique chef-lieu a depuis longtemps disparu
du paysage
6
. Plus souvent, ces noms de pays, dont beaucoup
remontent à une époque très ancienne, carolingienne, voire
mérovingienne, tirent en Lorraine leur dénomination d'une rivière
qui les traverse (ainsi l'Ornain pour l'Ornois, la Sarre pour le
Saar gau ... .) ou d'une particularité naturelle de leur sol ou sous-sol
(W oëvre, Saulnois).
Le présent article voudrait s'ef forcer de tirer au clair les origines
de l'appellation "Jarnisy" et le rôle historique respectif, au long de
la période médiévale, des deux localités principales de ce petit
"pays". Au passage, il voudrait aussi éclairer le passé de la
douzaine de localités qui constituent le Jamisy médiéval pendant
une époque que, malgré les ef forts des historiens, beaucoup de nos
contemporains considèrent encore comme un "âge obscur".
Le Dictionnair e topographique de la Moselle signale plusieurs
mentions anciennes du toponyme Jarnisy , toutes du milieu du
XVème siècle et tirées des chroniques messines sous la forme
Gennexey ou Gernesey . Disons aussitôt que nos propres
recherches nous ont permis de "vieillir" la date d'apparition du
terme Jarnisy , dont la première occurence dans les textes
médiévaux est, dans l'état actuel de la recherche, janvier 1253. A
cette date en ef fet, l'évêque de Metz Jacques de Lorraine, seigneur
du Jarnisy et de Conflans et son voué le sire d'Esch font accord
entre eux pour répartir les corvées de charroi et de chevauchée que
leur doivent les "hommes du Jarnisy" 7
. Un quart de siècle plus
tard, en juin 1277, le comte de Luxembour g Henri et le comte de
Bar Thiébault II concluent à leur tour accord à propos du château,
de la ville et de la châtellénie de Confians et de tous les villages
du Jarnisy"; le même texte évoque "la vouerie du Jarnisy" 8
. On
rencontre ensuite les mentions du "ban du Jarnisy", de la "mairie
du Jarnisy", de la "châtellénie (sic) du Jarnisy" en 1297, 1308,
1309, 1314, 1344 ... Cette dernière dénomination sous-entend bien
que Conflans et son château sont considérés comme sis en Jarnisy ,
ce qui est d'ailleurs acquis explicitement en 1314 avec la mention
de "Conflans-du-Jarnis y", puis en 1344 avec la première mention
attestée de la forme actuelle "Conflans-en-Jarnis y" 9
,
Le recoupement de dif férents textes des XIIIème et XIVème
siècles permet de comprendre que le Jarnisy englobait pour les
hommes de ce temps -outre Conflans- et sous l'appellation de
"mairie du Jarnisy", les paroisses de Doncourt 10
, Hatrize, Jarny
(avec ses annexes: Droitaumont, Friauville, Giraumont, Moncel et
Moulinelle), Labry et Saint-Marcel (avec ses annexes: Burtricourt,
Bruville, Urcourt, Y oinville et V ille-au-bois), et, de facon
épisodique, Batilly , V ernéville et V ille-sur -Yron. La chronique
messine dite "de Praillon" inclut également dans le Jarnisy , au
milieu du XVème siècle, Mars-la-T our , Puxieux, T ronville et "le
chatel de la W erve en Gernesey" (La T our -en-W oëvre) 1 1
.
Or , il convient de remarquer que Conflans d'une part et les
localités de la mairie du Jarnisy de l'autre étaient séparées au
Moyen Age par une très ancienne frontière. et le demeurèrent
jusqu'à la Révolution: il s'agit ici de la limite diocésaine qui,
probablement depuis la fin du IIIème siècle, séparait la cité et
diocèse de V erdun de sa voisine messine; Conflans dépendait de
l'archidiaconé de la W oëvre au diocèse de V erdun, Jarny du
diocèse de Metz 12
. Cette antique fromière diocésaine se doublait
au Haut Moyen Age d'une limite administrative que décrit le
document connu sous le nom de "limites du comté de V er dun": ce
texte, que l'on fait généralement remonter au début ou au milieu
du XVème siècle et qui nous a été conservé grâce à un manuscrit
du XVème siècle provenant de l'abbaye Saint-V anne de V erdun,
suit, de place en place et selon un tracé circulaire, la délimitation
du comté verdunois, circonscription administrative de premier
ordre, alors récemment confiée par les souverains saxons 13
aux
évêques mêmes de V erdun:" (Ces limites) ... suivent la Crusne,
gagnent la Mance, longent son cours jusqu'à Briey et Auboué,
elle se jette dans l'Orne, puis (r emontent) jusqu'à la lontaine située
près d'Aucourt, puis de au chêne de Saldei, jusque sous le
Montsec, à la Fontaine de Loupmont". Ainsi, la limite orientale du
comté de V erdun avait au Xlème siècle, au Nord-Est du Jarnisy , un
tracé légèrement plus oriental que celui des limites diocésaines,
puisqu'il atteignait le W oigot (nom actuel de la rivière nommée
"Mance" dans le texte du Xlème siècle), touchait Briey , sans
l'englober toutefois, puis Auboué, enfin remontait le cours de
l'Orne. En revanche, si l'on veut bien identifier le fontem apud
Auncurtem mentionné par le texte latin avec le lieu-dit Aucourt,
dépendant de la commune de Latour -en-W oëvre, et non avec
Boncourt, ce qui n'est pas satisfaisant éthymologiquement, on est
amené à supposer que la limite orientale du comté de V erdun,
remontant le cours de l'Orne, puis celui de l'Yron, et se confondant
à peu près désormais avec la limite diocésaine, séparait bien, lui
aussi, Conflans de Jarny , avant de rejoindre la colline du Montsec,
une vingtaine de kilomètres plus au sud. Il faut cependant tenir
compte du fait que ce descriptif du XI ème siècle pourrait refléter
plus les prétentions territoriales de l'évêque-comte de V erdun que
la réalité de la situation: la villa de Labry était ainsi placée par un
texte de 788 dans le "pays messin" (in pago mettensi) bien que
située sur la rive gauche de l'Orne.
L'appartenance géographique de Conflans au "pays" de W oëvre
est confirmé ultérieurement par plusieurs textes du XIVème siècle
faisant mention de "Conflans-en-W oêvr e", ainsi en 1328 et 1334
15
. Il en allait de même au XIIème siècle pour Boncourt -annexe
de la paroisse de Conflans- puisque fut rédigée à cette époque,
avec des formulaires antérieurs, une fausse charte mise sous le
nom de l'évêque Chrodegang, évêque de Metz de 742 à 766, et par
laquelle celui-ci était censé donner à l'abbaye de Gorze, à la date
de 754, "Boncourt dans le pays de W oëvr e" 16
Pour Brainville, la nomenclature hésite encore à l'époque
moderne: tandis qu'un inventaire donne pour l'année 1565 la
mention "Brainville-en-Jarnis y", N. Durival, dans sa Description
de la Lorraine, parue en 1779, appelle cette localité "Brainville-
en-W oëvr e" 17
.Une charte de l'abbaye de Gorze, datée de 81 1,
plaçait Brainville "dans le pays de V er dun" 18
. Dompierre, de son
côté, était dit "en W oëvr e" dans un texte verdunois de 1314,
comme encore aux XVIème et XVIIème siècles 19
, Ces
témoignages montrent que l'on conservait jusqu'aux temps
modernes le sentiment que Conflans même et la partie occidentale
de sa châtellénie appartenaient bien au pays de W oëvre ou au
V erdunois, parce que dépendant du diocèse de V erdun. Les deux
contractants de l'acte de 1253 évoqué plus haut n'avaient d'ailleurs
pas manqué d'inviter l'évêque de V erdun à sceller avec eux le texte
de leur accord. Ce document manifestait par ailleurs le lien
unissant Conflans au Jarnisy , la réquisition des hommes du Jarnisy
étant permise au sire d'Esch pour la défense de Conflans, chef-lieu
de la châtellénie.
Pourtant, curieusement, c'est l'appellation "en-Jarnisy" qui
devait triompher pour Conflans dès la fin du XIV ème siècle,
aboutissant ainsi à dénommer la bour gade castrale par le nom du
petit pays pourtant situé dans le diocese voisin. Si,
administrativement, Conflans l'emportait, parce que chef-lieu de
châtellénie, plus tard de canton, sur le plan de la perception de
l'espace géographique, Jarny et le Jarnisy imposaient leur
prédominance, témoignage ancien d'une dualité encore vivace
aujourd'hui 20
. L'année 1334 est particulièrement significative de
ce point de vue, où l'on peut voir , à quelques semaines d'intervalle,
deux chartes donner , l'une "Conflans-en-W oëvr e", l'autre
"Conflans-en-Jarnis y". Il s'agit de la perception dif férente, à la
même époque, d'un même espace ''fr ontalier'': pour Edouard,
comte de Bar , dont les domaines s'étendent pour l'essentiel dans la
moitié occidentale de la Lorraine actuelle. et qui est l'auteur de la
première charte, Conflans est situé naturellement en W oëvre; à
l'inverse, pour Jean, sire d'Apremont, membre d'un lignage vassal
des évêques de Metz et auteur du second document, Conflans,
châtellénie épiscopale, est sis en Jarnisy , La mention de 1314 (la
première à comporter la dénomination Conflans-en-Jar nisy) était
elle aussi issue du milieu messi, puisque souscrite par l'évêque de
Metz Renaud de Bar au profit de Gobert d'Apremont, son fidèle.
Lorsqu'en revanche, en 1328, le successeur de Renaud, Adhémar
de Monteil, financièrement aux abois, engage au comte de Bar sa
Châtellénie de Conflans celle-ci est dite "en W oëvr e", selon la
dénomination barrisienne. Il y aurait donc au début du XIVème
siècle encore, une perception diver gente de la réalité
géographique, selon que le point de vue est messin (Jarnisy) ou
verdunois et barrisien (W oëvre). A la fin du XIVème siècle
cependant, 1'appellation "en-Jarnisy" l'emportera définitivement,
même aux yeux des comtes de Bar . Que Conflans soit à partir du
XIVème siècle considéré à Metz comme la limite géographique de
la zone d'intérets économiques de la ville, le texte d'un atour pris
en 1338 par les magistrats pour la défense du vlgnoble le montre
bien, qui choisit Conflans -entre W aville sur le Rupt-de-Mad et le
Justemont, non loin de Fameck- pour marquer la limite
occidentale de la zone dans laquelle les cépages de mauvaise
qualité devront être impérativement arrachés 22
. C'est encore cette
perception "messine" de l'espace -un peu anexionniste, en
l'occurence, aux dépends du verdunois- qui explique que les
chroniques messines de la fin du Moyen Age n'hésitent pas à
placer en Jarnisy le V illage que nous nommons encore La T our -en-
W oëvre, peut_être au nom de l'appartenance de ce village au
diocèse de Metz.
La consultations des documents médiévaux permet ainsi de
répondre partiellement à la question posée plus haut : c'est bien
antérieurement aux réformes administratives de la période
révolutionnaire, au cours de la première moitié du XIVème siècle,
que se fixe l'appellation "Conflans-en-Jarnis y". Mais cene réponse
comporte déjà une nouvelle interrogation, puisque les documents
consultés ont montré comment, au cours de ce même siècle,
Conflans, à l'origine plutôt géographiquement verdunois, a fini par
être considéré comme jarnisien, c'est-à-dire en définitive comme
sis dans la zone d'influence de Metz. Il reste à s'interroger sur
l'origine du "pouvoir d'attraction toponymique" de Jarny et à
expliquer dans quel contexte cette modification de la perception de
l'espace a pu s'accomplir .
II Le très ancien Jarnisy (VIIIème- XIème siècles)
1) Les plus anciennes mentions des villages du Jarnisy
Les plus anciennes mentions que l'on puisse trouver des
principales localités du Jarnisy sont tout à la fois tardives et
anciennes; tardives par rapport aux témoignages, nettement
antérieurs, que peut foumir l'archéologie. L'article de G. Contal
paru dans le premier numéro de la présente revue a fait le point
des trouvailles gallo-romaines et franques intervenues depuis un
siècle ou plus dans le Jarnisy . Dans l'attente des résultats de
fouilles plus systématiques, notamment à Labry 23
, on peut
avancer que ces témoignages plaident pour un peuplement ancien
et relativement dense du plateau. La toponymie -encore que son
utilisation se révèle plus délicate que nos prédécesseurs pouvaient
le croire il y aencore une trentaine d'années 24
. confirme cette
impression puisque l'on peut rattacher à la couche gallo-romaine
d'occupation les toponymes Batilly , Buzy , Fleury , Jarny , Labry et
Olley , tandis qu'à la couche d'occupation franque et haut-
médiévale se rapportent les noms d' Abbév1 1 1e, Boncourt,
Bouzonville, Bruville, Burtricourt, Doncourt, Friauville,
Hanonville, Jouaville, Labeuville, Moineville Rezonville,
Thuméréville, Urcourt, V eméville, V ionville et V oinville, ...
L'analyse des dédicaces des églises paroissiales donne des
indications concordantes car on sait que les dédicaces à Saint-
Etienne (Saint-Ail, Jonville), Saint Hilaire (Allamont, Saint-
Hilaire en W .), Saint Manin (Buzy , Bouvigny , Conflans, Etain,
Jeandelize) ou Saint Pierre (Dompierre, Lixières) révèlent le plus
souvent une christianisation ancienne.
Il faut cependant attendre plusieurs siècles pour voir ces
localités, pourtant à l'évidence anciennes, faire leur apparition
dans la sphère de l'écrit: si le phénomène est relativement précoce
pour Hannonville (mentionné dans un texte dès 775), Labry el
Conflans (tous deux en 788), Jarny (944), Beaumont et Laneuville
25
(946), Béchamp (959), on le doit essentiellement au fait que ces
localités, pour la plus grande part d'entre elles chef-lieux de
paroisses importantes, dépendaient au temporel, comme pour la
collation de leur cure - entendez par la nomination du curé- et
pour la perception des dîmes, de la puissante abbaye bénédictine
de Gorze, dont le cartulaire rassemble des copies de diplômes
royaux et épiscopaux trés anciens 26
.
C'est dans l'un de ces diplômes, délivré en 944 pour Gorze par le
roi de Germanie Othon 1er , que se rencontre la première mention
de Jarny , Garniacum avec son église paroissiale 27
. Une seconde
version de ce diplôme, plus tardive (vers 956), introduit la
première mention de Saint-Marcel. Un troisième diplôme du
même souverain, cette fois-ci au profit des moniales de Saint-
Pierre-aux-N onnains de Metz, livre en 960 le nom de V illers-aux-
Bois. Du cartulaire de Saint-Arnoul, autre illustre abbaye
bénédictine messine provient la plus ancienne mention de Norroy-
le-Sec en 991, et de celui de Saint-Paul de V erdun la seconde
mention connue de Abbatis villa, Abbéville, en 971.
L'identification des localités mentionnées dans des textes aussi
anciens est parfois délicate: ainsi Dudoniscurtis, mentionné en 886
dans une charte de l'évêque de Metz Robert pour l'abbaye de
Gorze s'applique en réalité à Doncourt-auxT empliers 28
et non à
Doncourt-lès-Co nflans, contrairement à ce qu'avance le
Dictionnair e topographique de la Moselle. Dans cette même
charte, la mention de Berulfivilla concerne Brauville 29
et non
Brainville. Quant à la mention de Bavonecurtis dans le pays de
W oëvre, si elle concerne bien Boncourt (-lès- Conflans), elle
appartient à un acte faux, rédigé selon toute vraisemblance quatre
siècles après la date de 754 auquel il prétend. Pour une période
pourtant plus tardive, il reste dif ficile de détenniner si
Howainville, mentionné en 1297, désigne Muaville ou le moulin
de V oinville, de la commune de Boncourt. Pour la plupart des
autres localités du Jamisy et de ses abords, les premières mentions
écrites sont plus tardives, soit, dans l'état actuel de la recherche:
-1 166 pour Abbéville
-1 146 pour Gondrecourt
·1047 pour Aix, Af fléville St-Jean-les- Buzy
-1049 pour Mouaville et Puxe
-1055 pour T ichémont et V ille-sur -Yron
-1060 pour Brainville
-1076-1089 pour Olley
-1 124 pour Allamont
-1 127 pour Bouronvillel.
-1 145 pour Parfondrupt
-1 145-1 156 pour Buzy
-1 157 pour Hatrize
-1 179 pour Mars-la-T our
-1240 pour Friauville
-1264 pourLixlères
-1270 pour Fléville.
-1271 pour La Malmaison 30
-1277 pour Jouaville
-1280 pour Bagneux 31
-1297 pour Batilly , Bruville, Burtricourt Doncourt, Droitaumont,
Giraumont, Moncel, Moulinelle, Neuvron. Porcher , Urcourt et
W oinville
-1317 pour la Caulre
-1318 pour Thumeréville
2) Par oisses et seigneuries, l'emprise des abbayes messines
Si l'on veut décrire la géographie territoriale du Jarnisy et de ses
abords à ces hautes époques, force est de se tourner d'abord vers la
géographie ecclésiastique, vers la reconstitution des paroisses les
plus anciennes et de leurs limites à partir des pouillés 32
, que l'on
peut cependant compléter par des indications tirées des quelques
chartes disponibles,
On a vu plus haut que la caractéristique fondamentale de la
région jarnisienne était d'être située sur une frontière diocésaine
qui séparait ainsi Thuméréville (diocèse de V erdun) d'Ozerailles et
Abbéville (diocèse de Metz), puis Conflans (V erdun) de Labry et
Jarny (Metz), enfin V ille-sur -Yron ainsi que Jonville et ses
annexes Hannonville et La T our -en-W oëvre (Metz) de Puxe
Brainville et Labeuville (V erdun), Cenaines de ces paroisses
anciennes étaient très vastes et englobaient plusieurs hameaux ou
villages, éventuellement desservis par de simples chapelles; mais
seule l'église paroissiale en titre, ou "église-mèr e", pouvait assurer
le baptême et, longtemps aussi, elle posséda seule un cimetière. De
l'église Saint-Maximin de Jarny relevaient ainsi, outre les hameaux
de Moulinelle et Moncel, les villages de Droitaumont, Giraumont
et Friauville. Saint-Marcel englobait dans ses limites paroissiales
Bruville, Butricourt, Caulre, Doncourt, Urcourt et V illers-aux-
Bois. De V ille-sur Yron dépendaient de même V ille-aux-Près et le
hameau de Grizières et de la paroisse de Jonville, Latour ,
Hannonville et Suzémont. Dans le diocése voisin de V erdun, les
paroisses de Labeuville, Puxe ou Olley élaient également assez
considérables.
Plusieurs de ces paroisses avaient comme collateur , comme il a
été dit plus haut, la puissante abbaye épiscopale de Gorze: c'était
ainsi le cas de Jarny même, mais aussi de Chambley , Jonville.
Labry , Saint-Marcel, V ille-sur -Yron et V ionville au diocèse de
Metz et pareillement de Brainville et Labeuville dans celui de
V erdun. L'abbave étendait aussi la protection spirituelle de son
Saint patron, Saint Gor gon, sur les églises paroissiales de Labry et
V ille-sur -Yron dont il était le titulaire de l'autel majeur .
Conformément à une situation très habituelle dans la Lornaine
haut-médiévale, Gorze possédait également dans ces localités des
droits fonciers étendus et y exercait le droit de ban. Le Jarnisy
apparaît donc au Haut Moyen Age comme une terre "gorzienne"
et, par là, messine, assurant, parmi les possessions de Gorze, la
continuité géographique entre la vallée du Rupt-de-Mad, au Sud,
et ceux des biens de l'abbaye groupés plus au Nord-Ouest, autour
du prieuré d'Amel.
Quelques autres abbayes du diocèse de Metz étaient également
présentes, mais à un moindre degré, dans cette région: l'abbaye
Saint-Arnoul, patronne des paroisses de Gravelotte et Rezonville,
détenait aussi primitivement la terre d'Olley l'abbé W alon fit
élever dans la seconde moitié du XIème siècle le prieuré roman
qui passa vers 1200 aux mains de Gorze. Saint-Martin devant
Metz 33
avait la collation des cures d'Hatrize et Abbéville en
diocèse de Metz, Buzy dans celui de V erdun, Le chapitre cathédral
de Metz était présent à Saint-Ail (c'est-à-dir e Saint Etienne, patron
de la cathédrale) et Jouaville, Quant à l'évêque de Metz lui-même,
il avait des vassaux, des terres et des droits à Hatrize, Labry ,
V eméville et, bien sûr , à Conflans et dans la "terr e du Jarmsy".
Mentionnons enfin que les chroniques messines du XVème siècle
font, à une date bien plus tardive il est vrai, de l'actuelle écart de
Caulre un prieuré dédié à Notre-Dame et dépendant de l'abbaye
des Prémontrés de Saint-Eloy et Sainte-Croix devant-Metz 34
.
Face à l'emprise des abbayes et des chapitres messins, les églises
verdunoises sont peu présentes: l'abbaye bénédictine de femmes
de Saint-Maur de V erdun avait cependant recu au milieu du Xlème
siècle la collation des cures d'Aix et Af fléville et possédait aussi
depuis lors des biens fonciers à Labry dans le diocèse de Metz et à
Conflans dans celui de V erdun. Les autres allusions à la présence
des établissements ecclésiatiques verdunois en Jarnisy sont
postérieures, et datent du XIIIème siècle: la famille des chevaliers
de Labry manifesta ainsi ses liens privilégiés avec Saint-Maur en y
placant ses filles, probablement aussi par des donations pieuses, ce
qui valut à Jean de Labry de figurer à l'obituaire de la communauté
à la date de 1269 35
. A cette même époque, la collégiale Saint-
Nicolas-des-P rés de V erdun, fondée au début du siècle, jouit du
droit de collation à la cure de Conflans. Il arrivait aux sires d'Esch,
voués de Conflans, de mettre leurs archives à l'abri de quelque
monastère verdunois, ainsi Saint-Paul vers 1291 36
. Mais force est
de constater que les interventions verdunoises deviennent de plus
en plus rares au cours du XIIIème siècle, surtout après 1270.
Le Jarnisy ancien, de part et d'autre de l'Yron, apparaît ainsi au
Haut Moyen Age comme une zone de contact établie entre les
deux diocèses de Metz et de V erdun; mais la forte emprise de
l'abbaye bénédictine de Gorze -étroitement liée à Metz sur les
plans ecclésial, politique et économique- et la présence du prieuré
arnulfien d'Olley dénotent une influence messine prépondérante,
reflet du pouvoir attractif bien supérieur de la cité mosellane et de
la puissance temporelle de l'Eglise de Metz.
3) Les évêques de Metz et les origines du château de
Conflans (Xlème-XI Ième siècles)
A l'époque carolingienne (VIIIème- IXème siècles), les
responsabilités militaires et judiciaires locales et le souci du
maintien de la paix publique étaient dévolus aux comtes-of ficiers
placés par le roi à la tête d'une circonscription appelée comté
auquels étaient subordonnés des vicomtes ou centeniers. Ces
fonctions devinrent peu à peu héréditaires au sein de familles
aristocratiques. Pour Contrer l'indiscipline de ces potentats locaux,
les souverains germaniques des dynasties saxonne puis salienne
préférèrent souvent s'appuyer , à partir du Xème siècle, sur le
pouvoir des évêques , jugés des serviteurs plus fidèles.
Ainsi furent attribués aux évêques de V erdun et de Metz, comme
à presque tous les évêques du royaume de Germanie, dans le cadre
de ce que les historiens appellent " système de l' Eglise impériale ",
ici des pouvoirs comtaux, notamment sur leurs villes épiscopales,
des domaines fonciers issus des vastes biens royaux, ou encore
d'importants privilèges économiques. On vit ainsi se constituer
dans toute la Lorraine des seigneuries ecc1ésiatiques qui, bientôt,
suivant les usages militaires de ce temps, durent aussi assurer leur
défense, comme les seigneuries laïques voisines, grâce à un réseau
de forteresses et de châteaux, à la fois points d'appui militaires
(l'état des techniques de siège au Haut Moyen Age donnait un
avantage certain sur l'assiègeant) et centre d'adminisitration de la
seigneurie; autour du château allait se contituer peu à peu la
châtellenie.
C'est dans ce cadre général que l'on peut présumer , supposer
seulement, faute de documents, la constitution d'une seigneurie
épiscopale autour de Conflans: tandis que le chapitre cathédral de
V erdun héritait les droits de la centaine ou vicomté d'Harville et
l'abbaye de Gorze ceux de la centaine du Jarnisy , l'évêque de Metz
réussissait à s'implanter à Conflans; vers 914, l'abbé de Gorze
W erry , dont la famille possédait des biens dans cette région, faisait
don à son abbaye de 1'église Saint Martin en la villa de Conflans
avec la dotation foncière qui y était attachée. Gorze étant abbaye
épiscopale, nul doute que le prélat messin ait pu bénéficier de cette
circonstance pour édifier sur la terrasse dominant le confluent de l
'Orne et de l'Yron une forteresse destinée à surveiller une zone
les biens épiscopaux et monastiques messins étaint nombreux.
La première mention explicite du château de Conflans date de
1093, date à laquelle une charte fait mention de Guy , de la
foneresse de Conflans (W ido de Confluentis oppido).
Il est peut-être possible de remonter un peu plus haut, puisque
dès 1065, une charte d'un évêque de T oul mentionnait parmi les
témoins de l'acte Réfroid de Conflans, avoué; or , ce dernier titre
est, en Lorraine à cette époque, l'équivalent de celui de châtelain.
L'apparition du château épiscopal. à Conflans serait donc
contemporaine de l'édification des forteresses ducales de Prény et
de Nancy; plusieurs des sucesseurs de Réfroid servirent d'ailleurs
aussi le duc de Lorrame comme châtelain de Prény .
L'évêque, seigneur supérieur de Conflans n'oubliait pas
cependant de manisfester la primauté de son pouvoir sur place:
les" Gestes des évâques de Metz" rapportent que l'évêque Thierry
III "fortifia plus encor e la forter esse de Conflans et l'orna d'un
noble palais ". De simple point d'appui militaire, l'ancienne villa
de Conflans devenait ainsi l'une des résidences épiscopales,
L'attention portée par le prélat messin à son "château du confluent
" n'était pas purement anecdotique: elle s'inscrivait dans le cadre
de l'évolution que connaît le réseau routier du Nord dela Lorraine
à la fin du XIIème et au début du XIII ème siècles.
III - Conflans et Jarny , une étape r outièr e disputé (XIIe -
XIIe SIECLES)
1) La "voie levée" et la "voie des pélerins"
Archéologues et historiens connaissent bien le tracé de l'antique
voie romaine qui conduisait de Metz à V erdun: son passage aux
confins méridionaux du Jarnisy se marque encore de nos jours
dans le paysage par une longue levée de terre plantée d'arbustes
qui court en ligne droite sur six kilomètres, de Gravelotte à Saint-
Marcel, et forme la limite communale entre Saint-Marcel et
Bruville au nord, V ionville et Rezonville au sud. Le livre-terrier de
l'abbaye de Gorze connaissait cette voie ancienne au milieu du
XVIIIème siècle sous le nom de "chaussée Brunehaut" 47
. Plus
loin, au nord de Mars-la-T our , au nom énigmatique 48
, le lieu-dit
"La Passée" rappelle le franchissement du ruisseau local.
Hannonville, appelé "Hannonville-au-P assage" au XVIe siècle,
pourrait être l'antique station d'Ibliodurum, à moins que ce nom ne
recouvre plutôt celui de Saint-Marcel, d'où provient le miliaire
romain du 1er siècle aujourd'hui exposé au Musée de Metz.
Cette route antique était encore utilisée à l'évidence au Haut
Moyen Age: une notice des années 1 190-1200 49
reproduisant le
texte.d'un accord passé entre l'abbaye bénédictine Sainte-
Glossinde de Metz et le sire d'Apremont, mentionne en ef fet la via
levata (voie levée) . Plus loin, la mention de la tour de Mars à
partir de 1 192 celle du "conduit et passage" d'Hannonville - c'est-
à-dire la perception d'une taxe à la traversée de l'Yron en 1294,
l'af franchissement de Labeuville en 1291 avec la mention de la
création éventuelle d'un marché et de la possible installation de
Juifs et de prêteurs lombards en ce lieu, la perception à Harville
dès 1234 par le chapitre cathédral de V erdun d'un droit de
"passage" au franchissement du Longeau ... montrent que les
possesseurs des droits seigneuriaux espéraient tirer des revenus
non négligeables du trafic entre Metz et V erdun par la vieille route,
Mais un autre itinéraire était apparu plus au nord: la notice
évoquée à l'instant fait allusion, à côté de la via levata, à
l'existence d'une via per egrinorum, la "voie des pélerins", soit une
nouvelle route de Metz à V erdun. Ce même texte fait mention
d'une "terre que les lépreux cultivent" dans la même région. Par
ailleurs, une charte de l'abbaye Sainte-Glossin de, datable des
années 1 180-1 185, fait allusion à la domus infirmorum de Jarny , la
"maison des Malades" 50
, L'examen du cadastre permet de
localiser cette dernière dans le pâté de maisons délimité par les
rues de la T uilerie, Albert 1er , Gambetta,de la République et du 26
Août, c'est-à·dire immédiatement au sud de la route deJ arny à
Conflans 51
. La via peregrinorum pourrait bien être, comme le
propose M.le doyen J. SCHNEIDER, la route de Gravelotte à
Jarny , Conflans et Etain, Dès la seconde moitié du XIIe siècle, ce
tracé aurait déterminé l'implantation de plusieurs équipements :
une "maison, des malades:' ou maison-Dieu à Jarny et une
léproserie non identifiée, mais dont la mention, en lien avec les
deux voies qui confluent à Gravelotte, laisse supposer qu'elle
pourrait bien être le premier témoignage de l'existence de la
Malmaison de V ernéville. Probalement faut-il mettre également en
relation avec cette évolution routière la présence à Jarny même au
Moyen Age d'une communauté juive, dont le seul témoin est
aujourd'hui encore l'existence au chevet de l'église paroissiale St-
Maximin, à proximité du probable enclos fortifié dont le clocher
serait le vestige 52
, d'une "rue Jurue" c'est·à·dire d'une rue des
Juifs, indication que la comparaison avec la "Jurue" de Metz invite
à dater assez haut, probablement du XIIIe.
La présence d'une communauté juive, placée sous la protection
du seigneur territorial -ici l"évêque de Metz- mais aussi dans sa
dépendance, étant donné le statut social mar ginal des Israëlites
dans une société médiévale chrétienne, et souvent installée par ses
soins (il vient d'être fait allusion aux projets de l'abbé de Gorze,
co-seigneur de Labeuville) répondait assez souvent au souci d'une
meilleure administration de la seigneurie ; hommes de l'écrit,
spécialistes de la finance, disposant de liquidités immédiatement
disponibles, les Juifs pouvaient avancer au seigneur en cas de
besoin les sommes que les revenus de l'exploitation de la
seigneurie ne lui auraient rapportées qu'au furet à mesure du
paiement, échelonné dans l'année, des prestations dues par les
tenanciers. Souvent aussi, etc'estle cas dans les terres de l'abbaye
de Gorze, la préence de la communauté juive est liée à
l'af franchissement du village par son seigneur , les Juifs avançant à
la population le prix de lachane d'af franchissement. Or , on se
souvient que la seigneurie foncière du Jarnisy appartient, sous la
tutelle supérieure de l'évêque, au monastère de Gorze.
Sur l'autre rive de l'Yron, le seigneur territorial-évêque de Metz,
puis comte de Bar - a choisi d'installer des Lombards, autres
spécialistes de la finance médiévale: la présence de ces changeurs
italiens est attestée à Conflans dès 1304 53
. Outre ses capacités
financières, le lombard Rufin de V illeneuve mettait ses
compétences administratives au service des comtes de Bar : on le
retrouve ainsi en 1324 comme garde du sceau de la prévôté de
Conflans 54
. Cette indication suppose par ailleurs l'existence dès
avant cette date d'un of fice de tabellion c'est à dire de notaire
public, Quant à la prévôté de Conflans, la plus ancienne mention
que nous ayons de son existence remonte à 1280 55
Ainsi, ce sont désormais deux routes 56
qui, dh la fin du XIIe
siècle et encore de nos jours, ef fleurent ou traversent le Jarnisy
pour joindre Metz à V erdun. Mais, alors qu'aucune des localités
qui bordent celle du Sud, proche du tracé de l'antique voie
romaine, n'a pu s'élever au·dessus du rang de simple village avant
le XVIe siècle 57
, la route du Nord voit se développer deux
or ganismes de type urbain: le bour g d'Etain et le binôme formé par
Conflans et Jarny , sorte d'anticipation médiévale de l'actuelle
agglomération: à Conflans reviennent le château, rehaussé d'une
résidence épiscopale et d'un atelier qui a frappé monnaie pour les
évêques de Metz des années 1260 aux environs de 1302 58
, mais
aussi la prévôté, le tabellionage, une table de Lombards, un hôpital
mentionné en 1229 59
, un marché hebdomadaire cité pour la
première fois en 1308, la foire Saint-Laurent, qui apparaît dans un
livre de compte prévôtal des années 1380-1381, la mention -dès la
fin du XIIe siècle- du "passage", puis au XIV e siècle du tonlieu du
marché, enfin le pont de l'Orne et une "ville neuve", créée avant
1267 par l'évêque Jacques de Lorraine 60
. A Jarny se situent, outre
le siège d'une paroisse étendue, la plus riche du doyenné d'Hatrize,
et d'un "grand-doyenné du Jarnisy" -entendez une vaste mairie,
vestige de la vieille centaine carolingienne, couvrant sept paroisses
et près de 1 1000 ha-la grange épiscopale est entreposé le
produit des redevances dues par les paysans du Jarnisy , avant que
les chariots ne les emportent vers Metz 61
, une maison-Dieu et
vraisemblablement une petite communauté juive ...
Sur cette unité ecclésiale, économique et administrative bien
placée, la convoitise des princes laïcs voisins va se déchaîner au
XIIIe siècle, preuve supplémentaire de l'importance de la route
nouvelle Metz-Conflans- Etain- V erdun ...
2) Entr e Bar , Metz et Luxembourg
Les évêques de Metz avaient, on l'a vu, confié le château de
Conflans et la châtellénie, avec le titre d'avoués, aux descendants
de Réfroy de Prény . Il est possible de suivre leur lignée jusqu'à la
fin du XIIe siècle. Or , à partir des années 1 176-1 192, l'avouerie de
Conflans est aux mains des sires d'Esch-sur -Sûres 62
, lignage de
chevaliers luxembour geois, vraisemblablement liés par mariage
aux derniers avoués de la famille de Prény . Pendant près d'un
siècle, jusqu'à la disparition de Jof froy d'Esch après 1291, cette
farmille de chevaliers luxembour geois va occuper la vouerie de
Conflans et, en la personne de Jean, frère de Jof froy , le trône
épiscopal de V erdun de 1247 à 1253. On rencontre au même
moment un Robert, Sire de "Bezus" et de Neuvron-la-Gr ange qui
est le neveu de Jof froy 63
.
Sous l'autorité de l'avoué-châtelain, une petite garnison,
composée de chevaliers, de quelques hommes d'armes et d'un
portier , tient le château : les échevins du Jarnisy procédaient en
ef fet à la Saint-André (30 novembre) à l'élection du portier et de
huit "hommes francs" du Jarnisy , "hommes de Saint-Etienne"
(c'est à dire sujets de l'évêque), char gés d'assurer le guet au
château épiscopal. Chaque année, en fin de mandat, le portier
faisait remise solennelle de ses clefs en l'hôtel de l'évêque sis dans
l'enceinte même de la forteresse 64
. Par ailleurs, les archives
seigneuriales d'Apremont nous ont conservé trois listes, datables
respectivement des années 1230, 1275 et 1305, sont
mentionnés les vassaux épiscopaux qui devaient le service de
garde au château. Monsieur M. Parîsse a pu monrrer que le
nombre des vassaux de garde s'élevait à 1 1 ou 12 vers 1230, 7 en
1305; les fiefs touchés parees obligations mili· taires étaient ceux
de Jarny , Urcourt, Jonville, V ille-sur -Yron, Sponville, Latour ,
Brainville, Bouzonville, Jeandelize, Rouvres, Joudreville, Norroy ,
Lixières, Ozerailles el Labry , toutes localités circonscrites dans un
cercle de 15 kilomètres de rayon 65
. L'un de ces vassaux, Hugues
de Norroy , devait en outre fournir 60 ouvriers pour l'entretien des
fossés et du château. Quatre autres chevaliers (Jean de Labry et
trois membres de la famille de V ille-sur -Yron) demeuraient en
outre au début du XIV e siècle dans l'enceinte castrale, dans des
maisons-fiefs et, sous le nomde "pairs de Conflans", assuraient un
rôle d'assesseur au tribunal de la prévôté de Conflans 66
.
A la fin du XIII siècle, les convoitises semblent s'aiguiser autour
du Jarnisy: suzerain des sires d'Esch pour leurs seigneuries
luxembour geoises, le comte de Luxembour g acquien en 1277 pour
1 1500 livres de monnaie de Provins une partie des droits de son
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