l'existence d'une via per egrinorum, la "voie des pélerins", soit une
nouvelle route de Metz à V erdun. Ce même texte fait mention
d'une "terre que les lépreux cultivent" dans la même région. Par
ailleurs, une charte de l'abbaye Sainte-Glossin de, datable des
années 1 180-1 185, fait allusion à la domus infirmorum de Jarny , la
"maison des Malades" 50
, L'examen du cadastre permet de
localiser cette dernière dans le pâté de maisons délimité par les
rues de la T uilerie, Albert 1er , Gambetta,de la République et du 26
Août, c'est-à·dire immédiatement au sud de la route deJ arny à
Conflans 51
. La via peregrinorum pourrait bien être, comme le
propose M.le doyen J. SCHNEIDER, la route de Gravelotte à
Jarny , Conflans et Etain, Dès la seconde moitié du XIIe siècle, ce
tracé aurait déterminé l'implantation de plusieurs équipements :
une "maison, des malades:' ou maison-Dieu à Jarny et une
léproserie non identifiée, mais dont la mention, en lien avec les
deux voies qui confluent à Gravelotte, laisse supposer qu'elle
pourrait bien être le premier témoignage de l'existence de la
Malmaison de V ernéville. Probalement faut-il mettre également en
relation avec cette évolution routière la présence à Jarny même au
Moyen Age d'une communauté juive, dont le seul témoin est
aujourd'hui encore l'existence au chevet de l'église paroissiale St-
Maximin, à proximité du probable enclos fortifié dont le clocher
serait le vestige 52
, d'une "rue Jurue" c'est·à·dire d'une rue des
Juifs, indication que la comparaison avec la "Jurue" de Metz invite
à dater assez haut, probablement du XIIIe.
La présence d'une communauté juive, placée sous la protection
du seigneur territorial -ici l"évêque de Metz- mais aussi dans sa
dépendance, étant donné le statut social mar ginal des Israëlites
dans une société médiévale chrétienne, et souvent installée par ses
soins (il vient d'être fait allusion aux projets de l'abbé de Gorze,
co-seigneur de Labeuville) répondait assez souvent au souci d'une
meilleure administration de la seigneurie ; hommes de l'écrit,
spécialistes de la finance, disposant de liquidités immédiatement
disponibles, les Juifs pouvaient avancer au seigneur en cas de
besoin les sommes que les revenus de l'exploitation de la
seigneurie ne lui auraient rapportées qu'au furet à mesure du
paiement, échelonné dans l'année, des prestations dues par les
tenanciers. Souvent aussi, etc'estle cas dans les terres de l'abbaye
de Gorze, la préence de la communauté juive est liée à
l'af franchissement du village par son seigneur , les Juifs avançant à
la population le prix de lachane d'af franchissement. Or , on se
souvient que la seigneurie foncière du Jarnisy appartient, sous la
tutelle supérieure de l'évêque, au monastère de Gorze.
Sur l'autre rive de l'Yron, le seigneur territorial-évêque de Metz,
puis comte de Bar - a choisi d'installer des Lombards, autres
spécialistes de la finance médiévale: la présence de ces changeurs
italiens est attestée à Conflans dès 1304 53
. Outre ses capacités
financières, le lombard Rufin de V illeneuve mettait ses
compétences administratives au service des comtes de Bar : on le
retrouve ainsi en 1324 comme garde du sceau de la prévôté de
Conflans 54
. Cette indication suppose par ailleurs l'existence dès
avant cette date d'un of fice de tabellion c'est à dire de notaire
public, Quant à la prévôté de Conflans, la plus ancienne mention
que nous ayons de son existence remonte à 1280 55
Ainsi, ce sont désormais deux routes 56
qui, dh la fin du XIIe
siècle et encore de nos jours, ef fleurent ou traversent le Jarnisy
pour joindre Metz à V erdun. Mais, alors qu'aucune des localités
qui bordent celle du Sud, proche du tracé de l'antique voie
romaine, n'a pu s'élever au·dessus du rang de simple village avant
le XVIe siècle 57
, la route du Nord voit se développer deux
or ganismes de type urbain: le bour g d'Etain et le binôme formé par
Conflans et Jarny , sorte d'anticipation médiévale de l'actuelle
agglomération: à Conflans reviennent le château, rehaussé d'une
résidence épiscopale et d'un atelier qui a frappé monnaie pour les
évêques de Metz des années 1260 aux environs de 1302 58
, mais
aussi la prévôté, le tabellionage, une table de Lombards, un hôpital
mentionné en 1229 59
, un marché hebdomadaire cité pour la
première fois en 1308, la foire Saint-Laurent, qui apparaît dans un
livre de compte prévôtal des années 1380-1381, la mention -dès la
fin du XIIe siècle- du "passage", puis au XIV e siècle du tonlieu du
marché, enfin le pont de l'Orne et une "ville neuve", créée avant
1267 par l'évêque Jacques de Lorraine 60
. A Jarny se situent, outre
le siège d'une paroisse étendue, la plus riche du doyenné d'Hatrize,
et d'un "grand-doyenné du Jarnisy" -entendez une vaste mairie,
vestige de la vieille centaine carolingienne, couvrant sept paroisses
et près de 1 1000 ha-la grange épiscopale où est entreposé le
produit des redevances dues par les paysans du Jarnisy , avant que
les chariots ne les emportent vers Metz 61
, une maison-Dieu et
vraisemblablement une petite communauté juive ...
Sur cette unité ecclésiale, économique et administrative bien
placée, la convoitise des princes laïcs voisins va se déchaîner au
XIIIe siècle, preuve supplémentaire de l'importance de la route
nouvelle Metz-Conflans- Etain- V erdun ...
2) Entr e Bar , Metz et Luxembourg
Les évêques de Metz avaient, on l'a vu, confié le château de
Conflans et la châtellénie, avec le titre d'avoués, aux descendants
de Réfroy de Prény . Il est possible de suivre leur lignée jusqu'à la
fin du XIIe siècle. Or , à partir des années 1 176-1 192, l'avouerie de
Conflans est aux mains des sires d'Esch-sur -Sûres 62
, lignage de
chevaliers luxembour geois, vraisemblablement liés par mariage
aux derniers avoués de la famille de Prény . Pendant près d'un
siècle, jusqu'à la disparition de Jof froy d'Esch après 1291, cette
farmille de chevaliers luxembour geois va occuper la vouerie de
Conflans et, en la personne de Jean, frère de Jof froy , le trône
épiscopal de V erdun de 1247 à 1253. On rencontre au même
moment un Robert, Sire de "Bezus" et de Neuvron-la-Gr ange qui
est le neveu de Jof froy 63
.
Sous l'autorité de l'avoué-châtelain, une petite garnison,
composée de chevaliers, de quelques hommes d'armes et d'un
portier , tient le château : les échevins du Jarnisy procédaient en
ef fet à la Saint-André (30 novembre) à l'élection du portier et de
huit "hommes francs" du Jarnisy , "hommes de Saint-Etienne"
(c'est à dire sujets de l'évêque), char gés d'assurer le guet au
château épiscopal. Chaque année, en fin de mandat, le portier
faisait remise solennelle de ses clefs en l'hôtel de l'évêque sis dans
l'enceinte même de la forteresse 64
. Par ailleurs, les archives
seigneuriales d'Apremont nous ont conservé trois listes, datables
respectivement des années 1230, 1275 et 1305, où sont
mentionnés les vassaux épiscopaux qui devaient le service de
garde au château. Monsieur M. Parîsse a pu monrrer que le
nombre des vassaux de garde s'élevait à 1 1 ou 12 vers 1230, 7 en
1305; les fiefs touchés parees obligations mili· taires étaient ceux
de Jarny , Urcourt, Jonville, V ille-sur -Yron, Sponville, Latour ,
Brainville, Bouzonville, Jeandelize, Rouvres, Joudreville, Norroy ,
Lixières, Ozerailles el Labry , toutes localités circonscrites dans un
cercle de 15 kilomètres de rayon 65
. L'un de ces vassaux, Hugues
de Norroy , devait en outre fournir 60 ouvriers pour l'entretien des
fossés et du château. Quatre autres chevaliers (Jean de Labry et
trois membres de la famille de V ille-sur -Yron) demeuraient en
outre au début du XIV e siècle dans l'enceinte castrale, dans des
maisons-fiefs et, sous le nomde "pairs de Conflans", assuraient un
rôle d'assesseur au tribunal de la prévôté de Conflans 66
.
A la fin du XIII siècle, les convoitises semblent s'aiguiser autour
du Jarnisy: suzerain des sires d'Esch pour leurs seigneuries
luxembour geoises, le comte de Luxembour g acquien en 1277 pour
1 1500 livres de monnaie de Provins une partie des droits de son