Drame exoplanétaire : une planète s`effondre sur son étoile

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© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017
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Drame exoplanétaire : une planète s'effondre sur son étoile
09/02/10
Plusieurs centaines de planètes gravitant autour d'une étoile autre que notre soleil ont déjà été détectées
depuis une vingtaine d'années de recherche. Mais celle qui vient d'être découverte, baptisée WASP-18b, sort
du lot : elle est la première observée alors qu'elle est en train de s'effondrer sur son étoile, «juste avant» sa
désintégration. Une publication dans Nature dresse le portrait de ce système planétaire quelque peu exotique.
(1)
Il faut dire que WASP-18b est très particulière. C'est la deuxième exoplanète, parmi celles détectées, à avoir
une masse aussi énorme. Jugez plutôt : dix fois celle de notre colossale Jupiter, autrement dit plus de trois
milles fois celle de la terre. «On est vraiment à la limite avec les étoiles ratées que sont les naines brunes»,
explique l'astrophysicien Michaël Gillon, qui a participé à sa découverte. Elle fait le tour de son étoile en
moins d'un jour : rien de comparable avec notre petite terre qui boucle paisiblement sa ronde autour du soleil
en une année. Son étoile est aussi plus massive et plus brillante que notre soleil. Tous ces ingrédients font
de ce système un cas à part.
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Lorsqu'une planète gravite autour de son étoile, des effets de marée induisent un transfert d'énergie orbitale
de la planète vers l'étoile qui voit sa rotation propre accélérée, perturbant en retour l'orbite de sa planète.
«En réalité, c'est le rapport entre la période de rotation de la planète et de la période orbitale de l'étoile
qui détermine si la planète s'éloigne ou se rapproche de son étoile, précise Michaël Gillon du département
d'astrophysique, géophysique et océanographie de l'Université de Liège. Un cas semblable
est celui du système Terre-Lune : comme la période de rotation de la Terre sur elle-même (24 heures)
est inférieure à la période orbitale de la Lune (27 jours), la Lune s'éloigne de la Terre, à raison d'un peu
moins de 4 mètres par siècle. Dans le cas de WASP-18b, c'est le contraire : sa période orbitale est de 0,9
jour alors que son étoile tourne sur elle-même en 5,6 jours. C'est pourquoi la planète se rapproche de son
étoile, impliquant des tensions croissantes. Au bout d'un moment, l'équilibre hydrostatique sera rompu : la
planète perdra sa forme sphérique et finira par se désagréger. Toute son enveloppe gazeuse sera arrachée et
tombera progressivement sur son étoile.» Voilà le destin funeste de cette planète qui disparaîtra dans quelques
centaines de millions d'années, bien avant sa jeune étoile. «Cette échelle de temps, astronomiquement très
petite, signifie que statistiquement, nous avons une chance incroyable de voir cette exoplanète juste au
moment où elle tombe sur son étoile.»
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Au-delà du côté tragique, cette planète fera l'objet dans l'avenir d'observations régulières qui contraindront
les modèles planétaires et, en particulier, le paramètre de marée décrivant les échanges d'énergie entre une
planète et son étoile : «nous ne savons pas si ce paramètre a une valeur universelle. S'il a dans le système
WASP-18b une valeur identique à celle mesurée pour notre soleil, nos instruments devraient déjà observer le
rapprochement de la planète dans 10 ou 20 ans : la période de son transit devrait avoir diminué d'une dizaine
de secondes en dix ans. C'est observable...», reprend Michaël Gillon.
Détecter des exoplanètes
Plus une exoplanète est massive et/ou proche de son étoile, plus les effets de marée induits sont
importants. «On peut penser que si une exoplanète plus massive que Jupiter s'aventure trop près de son
étoile, elle disparaît sur celle-ci. Cela expliquerait pourquoi on détecte si peu de très grosses planètes
gravitant près de leur étoile : elles disparaissent trop rapidement pour être statistiquement nombreuses.
WASP-18b est la première de ce type à être observée si près de son étoile, en 15 ans de recherche et
parmi des centaines de détections.» La majorité des exoplanètes trouvées à ce jour sont des planètes sur
des orbites serrées et de masse proche de celle de notre jupiter, voire des planètes plus massives mais qui
sont alors plus loin de leur étoile.
Plusieurs méthodes sont utilisées pour démasquer les exoplanètes. La première à avoir porté fruit est celle
des vitesses radiales : lorsqu'un corps gravite autour d'une étoile, le mouvement de cette dernière dans la
direction de la Terre est modulé par un signal périodique d'amplitude d'autant plus importante que la masse
du corps est grande. Cette modulation peut être mise en évidence par des suivis spectroscopiques d'étoiles.
Initialement, dans les années 70, la méthode des vitesses radiales a été utilisée pour déterminer les masses
de systèmes binaires d'étoiles. Dans les années nonante, la précision des instruments était suffisante pour
se lancer à la recherche d'exoplanètes. Aujourd'hui, près de 300 de ces planètes ont ainsi été détectées. La
première date de 1995. De masse équivalente à la moitié de celle de notre jupiter, elle gravite en 4,5 jours
très près autour de son soleil. Ces exoplanètes de grande masse orbitant près de leur l'étoile sont appelées
des «Jupiters chauds».
Une seconde méthode a également déjà permis de débusquer des dizaines
d'exoplanètes. L'an 2000 a inauguré en effet la méthode des transits : lorsqu'une planète passe devant
le disque de son étoile, elle induit une faible chute de l'intensité lumineuse de cette dernière. D'ambitieux
projets, basés sur cette méthode, ont rapidement vus le jour, dont Kepler ou CoRoT (Lire Voyage au cœur
des étoiles) qui traquent les transits planétaires depuis l'espace. Le satellite CoRoT a, par exemple, détecté
une planète dont la masse est équivalente à seulement cinq fois celle de notre planète et le rayon, deux
fois celui de la terre. C'est la plus petite planète jamais détectée hors de notre système solaire. À l'heure
actuelle, les transits planétaires ont permis la découverte d'une soixantaine d'exoplanètes.
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Aujourd'hui, les transits
d'exoplanètes sont convoités par de nombreux projets. «Citons le consortium anglais WASP (Wide Angle
Search for Planets) qui dispose d'un télescope dans chaque hémisphère, un à La Palma (WASP-Nord) et un
en Afrique du Sud (WASP-Sud), explique Michaël Gillon. Chaque instrument, muni de huit miroirs, a un champ
total de 482 degrés carrés, ce qui est équivalent à soixante fois celui de la pleine lune ! Chaque champ mesure
constamment les flux provenant de plusieurs centaines de milliers d'étoiles à la fois, dans l'espoir d'y déceler
pour certaines une chute de flux de l'ordre du pourcent, signature possible de la présence d'une planète. Pour
comparaison, un système binaire induit des chutes de flux qui peuvent atteindre 40%. Tout un savoir-faire
instrumental a dû être développé et est en constante amélioration pour traquer les transits planétaires.»
En 2 ans, au milieu des centaines de milliers d'étoiles placées sous haute surveillance, WASP-Sud a repéré
par photométrie 300 candidats-exoplanètes. Ils ont ensuite être confirmés (ou pas) par spectroscopie,
principalement à l'aide de l'instrument Coralie, installé à La Silla sur le télescope suisse Euler. «Sur les
300 candidats WASP-Sud, nous en avons confirmés une vingtaine, dont WASP-18 qui fait l'objet de notre
publication dans Nature, reprend Michaël Gillon. Les autres se sont révélés être des systèmes binaires
d'étoiles, des faux-positifs, des perturbations atmosphériques ou systématiques.»
Dans la moisson WASP, la numéro 18 n'est pas l'unique à sortir du lot. Épinglons encore WASP-17b qui est
aussi au centre d'une récente publication (2), mais pour une raison toute autre. Elle est la planète la moins
dense connue, mais ce n'est pas tout. Comme c'est un même nuage de gaz et de poussières qui donne
naissance à une étoile et à son cortège de planètes, on s'attend à ce qu'une planète tourne autour de son
étoile dans le même sens que la rotation propre de cette dernière. C'est le cas pour l'ensemble des planètes du
système solaire. Ca l'était aussi pour toutes les exoplanètes découvertes... avant WASP-17b qui, elle, tourne à
l'envers... «Nous pensons que c'est un « billard planétaire » dans le passé qui a violemment modifié l'orbite de
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WASP-17b. Cela suppose la présence de soit un compagnon stellaire, soit une autre planète dans le système.
Il faudra tester ces hypothèses dans l'avenir», explique Michaël Gillon.
Lire l'article consacré à TRAPPIST
(1) Hellier C., Anderson D. R., Collier Cameron A., Gillon M., Hebb L., Maxted P. F. L., Queloz D., Smalley
B., Triaud A. H. M. J., West R. G., Wislon D. M., Bentley S. J., Enoch R., Horne K ., Irwin J., Lister T. A.,
Mayor M., Parley N., Pepe F., Pollaco D., Segransan D., Udry S., Wheatley P. J., 2009, «An orbital period of
0.94 days for the hot-jupiter planet WASP-18b», Nature. 2009-03-02173B
(2) Anderson D. R., Hellier C., Gillon M., Triaud A. H. M. J., Smalley B., Hebb L., Collier Cameron A.,
Maxted P. F. L., Queloz D., West R. G., Bentley S. J., Enoch B., Horne K., Lister T. A., Mayor M., Parley N.
R., Pepe F., Pollaco D., Ségransan D., Udry S., Wilson D. M., 2009, "WASP-17b: an ultra-low density planet
in a probable retrograde orbit", A&A (accepted) - arXiv:0908.1553
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