Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017
- 1 -
La foi trinitaire, ciment de l'Empire carolingien
13/09/12
Si l'adoption d'une monnaie unique par 11 pays le 1er janvier 1999 devait contribuer à renforcer la construction
européenne, après d'autres mesures de caractère économique, l'expansion de la doctrine et de la culture
chrétienne participèrent de toute évidence à la stratégie d'unification du royaume puis de l'empire franc sous
les Carolingiens. A l'instar des remous actuels dans la zone euro, l'uniformisation de la foi chrétienne aux
VIIIe-IXe siècles, autour de l'adhésion à la doctrine de la Trinité, ne se fit pas sans mal. Elle a cependant
bénéficié de la lutte que Charlemagne a menée avec détermination pour la défense de l'Eglise d'Occident.
Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017
- 2 -
On a de la peine à imaginer aujourd'hui à quel point
ont été intenses les débats théologiques menés à la cour franque, successivement sous Pépin le Bref (roi de
751 à 768) et sous son fils Charlemagne (roi de 768 à 800, puis empereur jusqu'à sa mort en 814). Cette
effervescence de la pensée théologique, la politique avait évidemment sa part, tournait essentiellement
autour de la question de la Trinité, à une époque ce dogme était loin de s'être installé au sein du peuple
chrétien. C'est à suivre pas à pas les tiraillements provoqués par cette doctrine trinitaire, tout en examinant
leurs conséquences sur l'unité en gestation du royaume puis de l'Empire, que Florence Close, assistante au
service d'Histoire du Moyen Age de l'Université de Liège, s'est employée avec rigueur dans son livre (1).
Par bonheur, dans ses Prolégomènes, elle établit quelques jalons destinés à contextualiser par un retour
dans le passé l'objet de son décryptage. D'abord, rappelle-t-elle, il convient de se souvenir que « les sociétés
antiques ne distinguaient pas le pouvoir politique du pouvoir religieux », car « l'empereur était non seulement
Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017
- 3 -
un général d'armée ou un magistrat mais aussi un personnage sacré, un pontife. » Malgré la chute de l'Empire
romain d'Occident en 476, celui d'Orient subsistant à l'est du vaste ensemble constitué au fil des siècles,
l'évêque de Rome poursuivit, à distance, sa collaboration avec l'autorité impériale sise à Constantinople, luttant
pour s'imposer, au nom de la primauté du partiarchat de Rome sur ceux de Constantinople, Jérusalemen,
Antioche et Alexandrie, comme le gardien de l'orthodoxie dans les querelles théologiques, face aux prises
de positions impériales souvent qualifiées d'hérétiques. Mettant fin à la dynastie des Mérovingiens à la suite
d'un coup d'Etat perpétré en 751, Pépin le Bref trouve dans l'onction reçue des mains du pape Etienne II
(752-757) qu'il protégea des Lombards, la nécessaire légitimation de son pouvoir royal contesté : événement
capital, datant de 754, qui scella l'alliance franco-pontificale. De ce jour, le roi franc entretient des relations
personnelles avec l'évêque de Rome ; cette entente cordiale se poursuivra sous leurs successeurs respectifs.
L'alliance franco-pontificale trouve son plein accomplissement lorsqu'à la Noël de l'an 800, le pape Léon III,
couronna Charlemagne empereur à Rome. L'Empire d'Occident - comprenant la Gaule, l'Italie et la Germanie,
mais non l'Espagne - est ainsi recréé sous l'impulsion de l'évêque de Rome, ce qui n'eut pas l'heur de plaire
au basileus.
Conciles œcuméniques
Le dogme trinitaire fut défini, par « essais-erreurs » au gré des querelles théologiques, dans le cadre des
conciles œcuméniques des cinq premiers siècles de notre ère. Ce dogme avait été proclamé, pour la
première fois, au terme du premier concile œcuménique de l'Histoire de l'Eglise, convoqué à l'initiative de
l'empereur Constantin, en 325 à Nicée - qui restera connu sous le nom de Nicée I - pour réfuter l'enseignement
d'Arius, prêtre égyptien d'Alexandrie dont la doctrine, formulée au IIIe siècle, enseignait que Jésus-Christ était
la première créature du Père, supérieure à toutes les autres créatures, de ce fait, différent par nature et, par
conséquent, inférieur au Père, qui seul est transcendant, incréé, inengendré, éternel. L'arianisme fut considéré
comme hérétique par les évêques présents qui proclamèrent « solennellement la pleine divinité du Fils,
engendré non créé, consubstantiel au Père », sans toutefois apporter une quelconque précision sur l'Esprit,
troisième Personne de la Trinité. Ce dernier n'entra dans le symbole de foi ou credo qu'en 381, proclamé
au terme du concile de Constantinople I qui compléta le précédent : ainsi était coulée dans un texte la foi
chrétienne en un Dieu unique en trois personnes égales et distinctes, formant une seule et même substance.
Oriental à l'origine, l'arianisme se répandit en Occident, particulièrement auprès des rois barbares.
Réuni en 431, le concile d'Ephèse condamna la doctrine de Nestorius, patriarche de Constantinople de 428
à 431, qui tendait à concevoir les deux natures du Christ - divine et humaine - comme deux personnes et
s'opposait à la formule « mère de Dieu » pour désigner la Vierge Marie. La position de Cyrille, patriarche
d'Alexandrie, l'emportait dès lors qui défendait l'union de l'humain et du divin dans le Christ en une seule nature.
Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017
- 4 -
Lieu d'affrontement théologique entre un pôle
affirmant qu' « unique est la nature du Verbe divin qui s'est incarné » et un autre insistant sur la coexistence de
deux natures formant « une conjonction sublime, ineffable, indissoluble », la question trinitaire est à nouveau
abordée au concile de Chalcédoine en 451. Les évêques qui y sont réunis, rejetant le monophysisme défendu
par un moine de Constantinople du nom d'Eutychès qui affirmait qu'il n'y avait qu'une nature dans le Christ (la
nature divine étant tellement supérieure à l'humaine qu'elle tend à l'absorber), s'accordent alors sur la définition
de la personne de celui-ci comme l'union de deux natures, « sans confusion, sans changement, sans division,
sans séparation », et conservant leurs propriétés respectives sans attenter à l'union hypostatique : « la foi
orthodoxe était de croire que la personne divine du Verbe était demeurée dans la chair ce qu'elle était de toute
éternité : le Fils éternel de Dieu » ; « le Fils unique de Dieu et le premier-né de Marie n'étaient qu'une seule et
même personne ». Et le texte final, qui permit dès lors à l'Eglise de s'entendre sur une définition officielle de
la personne de Jésus, de préciser : « Tout cela ayant été fixé et formulé par nous avec toutes les précisions
et l'attention possibles, le saint et œcuménique concile a décidé qu'il n'est permis à personne de professer,
de rédiger, de composer une nouvelle formule de foi, ni de l'enseigner à d'autres. »
Reflexions, le site de vulgarisation de l'Université de Liège
© Université de Liège - http://reflexions.ulg.ac.be/ - 20 April 2017
- 5 -
Pourtant, isolé du reste de l'Occident, l'archevêque de Tolède,
primat de l'Eglise de la Péninsule ibérique héritière du royaume des Wisigoths tombée sous la domination
musulmane, développa, à la fin du VIIIe siècle, une interprétation de la christologie chalcédonienne que Rome
jugea hérétique. Le pape Hadrien Ier et les théologiens francs accusèrent cette doctrine espagnole, passée à
la postérité sous le nom « d'adoptianisme espagnol », de nier la nature divine du Sauveur, en faisant du Christ
un homme rempli de l'Esprit divin lors de son adoption par Dieu par l'effet de son baptême. A la suite des
recherches de John Cavadini, on admet désormais, au contraire, que la doctrine « adoptianiste » des évêques
espagnols fut élaborée dans la péninsule ibérique sous domination arabe, en vue de sauvegarder la doctrine
trinitaire proclamée lors du concile de Nicée I (325) par une insistance sur la présence du Fils incarné au
sein de la Trinité. Soucieux de préserver la foi en l'Incarnation, l'archevêque Elipand de Tolède avait introduit
le concept d'adoption pour expliquer, en la développant, l'idée du dépouillement du Verbe de sa divinité
lors de l'Incarnation. Il semble qu'à l'origine, le malentendu entre Francs, Romains et Espagnols soit de
l'inadéquation des termes latins adoptivus et adoptio avec la terminologie juridique romano-germanique selon
1 / 7 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !