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Introduction
Signes, diagnostic, traitement : cette triade classique de l’étudiant en médecine
reste la base du raisonnement du médecin confirmé, même si l’expérience et
l’intuition qui en découle raccourcissent parfois la démarche. Recueil des signes
cliniques, regroupement en pathologies, tels sont les éléments de ce qui fait la
compétence essentielle du médecin : l’établissement d’un diagnostic. Le bon
médecin est celui qui a un bon diagnostic, c’est « l’étalon d’excellence »1 de son
action. Du diagnostic découlent l’établissement d’un pronostic, toujours difficile
et incertain, la mise en œuvre d’un traitement, plus facilement codifiable. C’est
donc l’acquisition d’un savoir (la science) et d’un savoir-faire (la technique) qui
fondent la compétence du médecin, principe prioritaire de son éthique. Plus
encore que dans d’autres spécialités, les progrès des techniques en neurologie, en
particulier la neuro-imagerie, ont fait progresser de manière spectaculaire, ces
vingt dernières années, les conditions du diagnostic, le rendant plus rapide et plus
sûr.
Mais nombre de médecins ont pu faire leurs études, exercer leur art jusqu’en
fin de carrière, sans avoir de formation, ni théorique, ni pratique, au problème de
l’annonce du diagnostic. Jusqu’à ces dernières années aucune réflexion
systématique n’avait été menée dans ce domaine essentiel de l’éthique médicale,
le médecin se fiant à ses qualités de communication, à son expérience et à sa
bienveillance naturelle. Le professeur R. Gil (doyen de la faculté de médecine de
Poitiers) affirmait en avril 2007 « Aujourd’hui, la formation se limite à
l’enseignement des maladies, alors qu’il serait temps d’enseigner les malades. A
coté de l’enseignement du savoir et du savoir-faire, il est temps de repenser et
reconfigurer l’enseignement du savoir-être »2. On lit également dans l’article 35
du code de déontologie : en France, comme dans d’autre pays occidentaux, le
premier reproche adressé aux médecins se résume par la formule : « Il ne m’a rien
dit ». Cela doit s’entendre souvent comme : « Il ne m’a pas dit ce que j’attendais
de lui » ou : « Je n’ai pas compris ce qu’il m’a dit ».
Nous voudrions dans ce travail, à partir de quelques cas concrets tirés de notre
expérience clinique de neurologue hospitalier, réfléchir à l’éthique de l’annonce
du diagnostic d’une maladie grave, dont découlent forcément une information en
matière de pronostic, ainsi que de prise en charge thérapeutique. L’annonce en
neurologie revêt souvent une intensité et une dramatisation particulières,
1 A. MacIntyre, cité par P. Ricoeur, Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990, p. 207.
2 R. Gil, « compagnonnage, enseignement théorique : la formation à l’annonce pour les
étudiants n’est elle pas un pari impossible ? », Jeudi de l’Ordre. Ethique de l’information
médicale, Paris, 2007, p. 19.