avril - octobre 2010 - Reins-Échos n°8
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INTRODUCTION DOSSIER « DIABÈTE ET IRC »
J’AI
le souvenir particu-
lièrement pénible
d’un homme d’une
trentaine d’années dont j’avais la res-
ponsabilité comme Interne en Dia-
bétologie au tout début des années
1980, qui était diabétique depuis son
enfance, et qui était arrivé au stade
des complications ultimes : il avait
déjà perdu la vue, avait des lésions
aux jambes de très mauvais aloi, et
une forte protéinurie. La créatinine
plasmatique a commencé à monter
et, avec mon collègue du service de
Néphrologie, nous n’avons pu faire
qu’observer la rapide dégradation de
la fonction rénale. À l’époque, le dia-
bétique qui développait une protéinu-
rie avait une chance sur deux d’être
mort 7 ans après.
Depuis, le scénario s’est, fort heureu-
sement, largement transformé. D’une
part, le soin des yeux grâce au laser
et à la vitrectomie a permis de pré-
server la vue à pratiquement tous les
diabétiques. D’autre part, la chirur-
gie vasculaire a fait d’immenses pro-
grès. Enfin et surtout, les stratégies
de prévention basées sur l’utilisation
intensive des traitements antihyper-
tenseurs, en particulier ceux qui blo-
quent ce que l’on appelle le système
rénine-angiotensine (IEC, sartans),
et aussi les stratégies de préven-
tion primo-secondaires des compli-
cations cardiovasculaires (statines,
antiagrégants plaquettaires) ont per-
mis de bloquer cette évolution catas-
trophique et inexorable. Les néphrolo-
gues, même lorsqu’un sujet arrive au
stade ultime de l’insuffisance rénale,
peuvent soigner correctement des
personnes diabétiques qui arrivent en
un bien meilleur état. Les méthodes
de prise en charge des diabétiques
en insuffisance rénale ont largement
progressé et ceci est détaillé par
les collègues néphrologues dans ce
numéro spécial.
À la base de tous ces progrès, il y a eu
une recherche fondamentale essen-
tielle sur les deux stratégies qui ont
si largement amélioré le risque d’in-
suffisance rénale des diabétiques et
l’état de ceux qui ont atteint ce stade.
Le Docteur François Alhenc-Gelas,
Directeur de Recherche à l’INSERM,
explique comment la compréhension
des mécanismes qui a abouti à l’éla-
boration de ces stratégies thérapeu-
tiques a pu se faire grâce à l’utilisation
de modèles expérimentaux particuliè-
rement originaux, et la découverte de
caractères génétiques qui semblent
protéger, ou au contraire exposer cer-
taines personnes parmi les diabé-
tiques à ces complications rénales. Il
est passionnant de noter que, à par-
tir de ces modèles, et de cette analyse
de génétique humaine, on peut conce-
voir que de nouveaux médicaments
viendront pour améliorer encore les
résultats.
Concernant les stratégies de pré-
vention primaire grâce à un excel-
lent contrôle du diabète, le Professeur
Samy Hadjadj récapitule tout ce qui a
pu être trouvé, et toutes les stratégies
de traitement qui ont pu être validées
au cours de ces dernières années.
Le Professeur Jean-Michel Halimi
détaille les bénéfices spectaculaires
que l’on fournit aux diabétiques en
s’acharnant à normaliser leur pres-
sion artérielle, stratégies qu’il a été
possible de développer grâce à la
mise à disposition au cours des deux
dernières décennies de médicaments
à la fois extrêmement efficaces et
très bien tolérés.
Les Professeurs Georges Mourad,
Gérard Slama, et Madame Nicole
Kucharski, détaillent la spécificité des
soins pour les diabétiques qui sont en
dialyse, les conseils importants pour
organiser le contrôle de leur diabète,
et leur alimentation, dans cette cir-
constance. Patrick Vexiau secrétaire
général de l’AFD évoque le problème
des déchets médicaux.
Au-delà du cas de chaque individu, il est
important de coordonner l’action. C’est
la raison pour laquelle le Docteur Alain
Debure décrit les réseaux de soin des-
tinés aux diabétiques ayant une atteinte
rénale, présents et à venir.
Le but de ce numéro spécial est
d’informer les personnes qui sont
atteintes de diabète et d’une maladie
rénale. Nous espérons que les infor-
mations pratiques et les mécanismes
de ce qui se produit dans leur corps
leur seront utiles.
Ce fut un plaisir pour chacun des
auteurs de ces différents articles
d’écrire ces quelques lignes. Pour
tous, c’est l’occasion d’illustrer une
stratégie de traitement qui a été débu-
tée très tôt chez les diabétiques : infor-
mer le plus possible les personnes de
leur condition médicale. En effet, c’est
en comprenant les différents aspects
du traitement (et pas seulement en
essayant de ne pas oublier ce qui est
dans le pilulier) que l’on pourra aller
encore plus loin dans l’amélioration
du soin, tout particulièrement dans le
diabète et l’insuffisance rénale. \\\
>> ÉDITORIAL
PR MICHEL MARRE
Michel Marre est professeur à
l’Hôpital Bichat, spécialiste du
diabète (formé à la néphrologie,
il est à la fois clinicien et direc-
teur de recherche) il est le coor-
dinateur de ce dossier.
« DIABÈTE ET INSUFFISANCE RÉNALE »
avril - octobre 2010 - Reins-Échos n°8
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