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Faire Face, mars 1997
Titre : Les troubles de la vision chez l’enfant IMC
Très gênants dans la vie quotidienne, les troubles de la vision chez l'enfant
infirme moteur cérébral (IMC) constituent aussi une entrave aux
apprentissages, en particulier celui de la lecture. Une rééducation précoce est
souvent efficace.
L'infirmité motrice cérébrale s'exprime par des déficiences motrices multiples et
complexes. Les lésions subies par le cerveau pendant la période néonatale - le plus
souvent lors d'une naissance prématurée - sont responsables de troubles moteurs plus
ou moins sévères sans que soient atteintes, en principe, les capacités intellectuelles de
l'enfant. Rappelons qu'il s'agit de lésions stabilisées, non évolutives.
A côté de la déficience motrice peuvent apparaître des troubles de la vision assez
complexes, très particuliers aux IMC nés prématurément. Ces troubles sont,
essentiellement, le strabisme, l'incapacité à fixer durablement une cible immobile, la
difficulté à suivre du regard un objet en mouvement, la faible capacité à balayer et à
explorer l'ensemble du champ visuel. Toutes ces déficiences font que l'enfant a
beaucoup de mal à structurer l'espace en trois dimensions, ce qui constitue un
obstacle important dans ses apprentissages mais également dans sa vie quotidienne.
Un examen clinique précis permettra de diagnostiquer la nature exacte des troubles
visuels et d'entreprendre une rééducation. Bien entendu, on recherchera également,
comme chez les autres enfants, des troubles classiques de la vision : myopie,
hypermétropie ou astigmatisme.
Le strabisme, c'est-à-dire la déviation des axes optiques, constante ou intermittente,
se retrouve dans 70 % des cas. Ce défaut se traduit par des yeux qui louchent.
Certes, il est préoccupant sur le plan esthétique mais, précise le Dr Nathalie d'Heilly
*, «il est important de se méfier, en cas d'œil fixateur, de l'autre œil qui est alors
sous-employé et peut acquérir une basse vision. Cette basse vision peut devenir
définitive en l'absence de traitement adapté».
L'incapacité à stabiliser son regard en position médiane fait que l'enfant éprouve
énormément de difficulté à fixer une cible immobile. La poursuite oculaire d'une cible
qui bouge - par exemple un objet de couleur vive ou un stylo que l'on fait suivre du
regard - est souvent de très mauvaise qualité. «Les mouvements oculaires de
poursuite de la cible sont rarement lisses, même pour des vitesses lentes, explique le
Dr d'Heilly. Le plus souvent, ces mouvements sont surchargés de saccades plus ou
moins nombreuses, plus ou moins grandes, ceci lors de mouvements horizontaux
et/ou verticaux. Dans d'autres cas ou pour des vitesses de déplacement rapides de la
cible, le sujet est dans l'incapacité de suivre celle-ci avec les yeux et utilise alors des
mouvements compensatoires de la tête».
A ces troubles de fixation ou de poursuite oculaire peut s'ajouter ce que l'on appelle
un comportement de négligence visuelle. «Le sujet tend à ignorer tout ce qui se passe
dans la partie inférieure et/ou latérale de son champ visuel. Bien souvent aussi, le
sujet ne sait pas "regarder". La stratégie d'utilisation du regard est anarchique,
désordonnée, sans organisation précise. Cela entraîne des oublis, des omissions dans
une tâche d'exploration visuelle».
Les apprentissages scolaires qui nécessitent une reconnaissance des formes et des
dessins, risquent d'être perturbés par ces troubles de coordination des yeux et
d'exploration visuelle, comme le souligne le Dr Daniel Yéprémian, dans Déficiences
motrices et handicaps **. «Lors de la lecture, des mots et des lignes seront
régulièrement sautés. En mathématique, les dénombrements ne seront pas réussis :
des objets ne seront pas comptés, d'autres le seront plusieurs fois».
«Pour l'apprentissage de la lecture, le temps de fixation stable doit être suffisant pour
être efficace dans le déchiffrage, précise le Dr d'Heilly. Les saccades doivent être bien
ajustées pour acquérir de la rapidité. Dans le domaine mathématique, pour résoudre
correctement l'opération, les chiffres doivent être alignés et les repères pris avec
précision pour la géométrie».
Dans la vie de tous les jours, ces troubles visuels constituent un réel handicap pour
l'enfant. Faute de pouvoir prendre des repères, il risque de se perdre dans un lieu
inhabituel. Lors de l'habillage, il confondra endroit et envers, devant et derrière. Il
cherchera désespérément un objet qui se trouve dans la partie négligée de son champ
visuel. En terrain irrégulier, il trébuchera sur de petits obstacles non vus, pour la
même raison.
Depuis quelques années, plusieurs équipes de rééducation se sont penchées sur ces
problèmes visuels bien spécifiques des anciens prématurés atteints d'infirmité motrice
cérébrale. Elles ont permis une nette amélioration de la prise en charge de troubles
qui, auparavant, étaient le plus souvent ignorés. Dans le service du Pr Lacert à
l'hôpital Raymond Poincaré (Garches), une rééducation oculomotrice a été mise en
place. Quelle est l'efficacité de cette rééducation ? A partir de quel âge convient-il de
l'entreprendre ? Réponse de Nathalie d'Heilly : «Cette rééducation est d'autant plus
efficace qu'elle est plus précoce. Même si les résultats à long terme restent discutables
pour 50 % des cas, elle permet à l'enfant âgé de 5 à 7 ans de bénéficier de conditions
optimales pour pouvoir structurer son espace corporel et péricorporel».
Dans tous les cas, une grande attention devra être portée à ces troubles oculomoteurs
car ils peuvent constituer une entrave importante aux acquisitions motrices et
scolaires de l'enfant IMC. Il importe donc de les rechercher systématiquement afin
d'établir un diagnostic aussi précoce que possible.
* Le Dr Nathalie d'Heilly est attachée au service de neurologie et de rééducation
Infantile du Pr Lacert à l'Hôpital de Garches-Société d'aide aux enfants paralysés, 1,
rue de la Croix Faubin, 75011, Paris. Elle travaille par ailleurs au service d’éducation et
de soins spécialisés à domicile (SESSD) de l’Association des paralysés de France (APF)
à Corbeil, 74, rue Féray, 91100 Corbeil-Essonnes.
** “Déficiences Motrices et Handicaps" éditée par l’Association des paralysés de
France, 17 Bd Auguste Blanqui, 75013 Paris.
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