Au cœur de la rencontre
L’intérêt de l’initiative de Lauretta Maganzani est évident. Le développement des
travaux sur les Gromatici veteres (les « anciens arpenteurs ») ouvre un champ
nouveau qui nécessite des redéfinitions. Pour le dire de façon très rapide, on
s’aperçoit que cette espèce de droit territorial dont les arpenteurs romains sont
les meilleurs témoins présente des spécificités auxquelles le droit civil romain
répond imcomplètement parce que ce n’est pas son objectif principal et parce que
le point de vue des jurisconsultes est souvent plus pratique et procédural que
théorique et administratif.
Les arpenteurs, eux, avaient à définir les territoires et les droits des citoyens
romains par rapport aux espaces conquis par Rome et intégrés à son empire.
Parce que le droit civil est surtout un droit des citoyens romains entre eux, et très
peu un droit des rapports entre les Romains et les autres peuples et absolument
pas un transmetteur des coutumes locales des différentes provinces du monde
romain, il n’est pas la source pour comprendre les rapports de Rome avec les
espaces et les peuples qu’elle conquiert et administre. Cest la raison pour laquelle
il est récemment apparu qu’il y avait intérêt à aller chercher des éléments
d’histoire comparée dans d’autres histoires coloniales, notamment plus récentes,
et à le faire avec les outils intellectuels de l’anthropologie du droit.
Ceci étant dit, pour que le dialogue s’établisse, il fallait partir d’un objet commun
et l’examiner avec des documents contemporains. Ce fut le propos de la rencontre
sur le thème de la terre et de l’eau. Partant des compilations du Digeste, les
juristes romanistes ont traité de l’achat de terres sur la rive d’un lac ; la gestion
des eaux pluviales entre des fonds voisins ; l’action aquae pluviae arcendae ; les
cours d’eau publics ; des alluvions. Le point de vue gromatique a été exposé à
partir des textes d’Hygin et de Siculus Flaccus, et à travers les cas de Pisaurum,
Augusta Emerita et Orange.
Quand on parle de la terre (différents statuts du sol, différents modes
d’appropriation) ou du rapport à l’eau (gestion des eaux de pluie, drainage et
irrigation, aqueducs et approvisionnement, droit des fleuves, des lacs et des
rivages, solutions jurisprudentielles), les savoirs qu’on tire du corpus des règles
de droit romain (compilées dans le Digeste) et ceux qu’on tire des textes
gromatiques sont différents, parce qu’ils ne se situent pas exactement au même
niveau.