04 POLITIQUE CULTURELLE LA MAISON DE THÉÂTRE
Au 54 de la rue Edmond
Rostand, à Marseille,
Michel André codirige depuis
2005 La Cité Maison de Théâtre
avec Florence Lloret, réalisatrice
de films documentaires.
Le metteur en scène nous parle
de ce lieu qui vise à inscrire
le théâtre dans la cité,
et de son travail en cours,
une création autour
de l’adolescence
et des jeunes à Marseille
Bienvenue à la Maison
Maison de Théâtre
Récemment dotée d’une vaste salle parquetée, cette
Maison de Théâtre est d’abord un lieu de répétition
pour la compagnie de Michel André. Un lieu d’accueil
également pour d’autres compagnies ; une trentaine
sont déjà venues présenter leur travail dans cet
espace indéniablement propice à la pratique théâtrale.
Comme le souligne Michel André, «il me semblait
important de poser ici, à Marseille, une maison de
théâtre, comme il en existe dans d’autres villes, Amiens,
Brest, Avignon…, c’est-à-dire un lieu où l’on pratique
le théâtre ; car je me suis rendu compte qu’il y avait
un besoin de pratiquer le théâtre». De fait, à La Cité,
on pratique beaucoup ; et pas seulement les
professionnels, puisque des ateliers hebdomadaires et
des stages de week-ends sont proposés aux amateurs.
La Cité se veut aussi lieu de savoir ; elle invite
régulièrement des artistes, des poètes, des
philosophes, des cinéastes à inventer dans ses murs
un rapport différent entre créateur et public : le but
n’est pas alors de présenter une création, mais, pour
celui qui parle, de «raconter ce qu’il tente de faire,
avec là où il passe à côté, là où il trébuche, là où il se
remet en question…» ; de cette parole naît une forme
unique, pour un unique soir.
Trois axes directeurs donc pour ce lieu que son
directeur qualifie d’«intermédiaire», un lieu de lien,
actuellement menacé. «Tout ce qui est de l’ordre du
théâtre de participation, et tous les lieux comme le
nôtre sont aujourd’hui en voie de disparition»,
s’inquiète Michel André, qui regrette que l’État se
désengage actuellement de structures qu’il a naguère
lui-même encouragées, et qui ont fait la preuve de
leur importance. Ces inquiétudes, dont on trouve
l’écho dans tous les secteurs de la culture ces temps-
ci, n’empêchent pas le metteur en scène de poursuivre
son travail.
Place aux jeunes
En collaboration avec la documentariste Florence
Lloret, Michel André développe un travail autour des
«écritures du réel». Cela a démarré avec une
manifestation intitulée Marseille, Habiter là, qui
interrogeait le rapport à la ville. Cela s’est poursuivi
avec La rue des Muguets, présenté au printemps
dernier à la Minoterie. Ce spectacle autobiographique
qui mettait en scène, à travers une histoire familiale
personnelle, la relation parents-enfants, a suscité
débats, rencontres et lectures autour du thème de la
famille. Il s’agit toujours pour Michel André de «se
saisir du théâtre pour ouvrir des pistes d’interrogation
à d’autres endroits, de faire du spectacle un levier pour
d’autres champs de questions que la société nous
renvoie aujourd’hui.» Le projet sur l’adolescence
s’inscrit tout naturellement, comme «un troisième
cycle», au sein d’une démarche globale de
questionnement du réel et aussi d’une recherche
formelle, qui associe le cinéma et le théâtre, l’écran et
la scène, pour élaborer une nouvelle écriture.
Depuis deux ans, la Cie de la Cité rencontre des
jeunes, les interroge sur leur vie, leurs envies, leurs
peurs, leurs doutes… Ces entretiens avec des
adolescents marseillais de quartiers et de milieux très
différents forment la matière du futur spectacle. Une
matière retranscrite puis retravaillée par la troupe,
puisque chacun des cinq acteurs chargés d’incarner
un jeune croisera sa langue, mais aussi sa propre
conception de l’adolescence, ses souvenirs à lui, avec
ceux de son personnage. De ce croisement naît ce que
Michel André nomme «l’écriture du lien»,trace du
frottement entre deux univers que le spectacle
confrontera, pour questionner le monde si particulier
de l’adolescence.
En juin 2007, la compagnie a proposé une première
rencontre autour du projet. Depuis l’été, les voies
d’exploration se sont précisées, le groupe a été établi
de façon définitive et c’est à une «esquisse» que le
public sera convié à la fin du mois. Après un long
temps de travail commun, cinq comédiens vont porter
sur scène la parole de Belinda, Chloé, Daouda, Marion,
Nicolas, cinq jeunes entre 16 et 18 ans, issus de
cultures et de quartiers différents. Travail sur les mots
et sur la gestuelle, dans lequel un chorégraphe guide
les adultes afin que leurs corps témoignent de ceux
des ados. Doublement représentés d’ailleurs, puisque
des captations vidéo de leurs véritables vies viendront
enrichir ce qui se jouera sur le plateau. Une recherche
en profondeur, pour faire exister théâtralement
l’adolescence, dans sa diversité.
© Cie la Cité
© Cie la Cité