Terra Nova – Note - 2/37
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mais son travail lui-même. Cette particularité a deux incidences sur la
problématique du détachement.
D’une part, l’activité étant par essence mobile, l’idée même que les travailleurs
qui l’exercent sont en situation de détachement est discutable. Jusqu’aux années
2000, personne ne concevait ces transports comme un problème de
détachement. Or, depuis les élargissements des années 2000 et le
développement de la pratique du cabotage (à savoir la possibilité pour un
transporteur européen de livrer des marchandises entre deux villes d’un État
membre dans lequel il n’est pas établi), la pression concurrentielle exacerbée a
posé la question de l’application du régime du détachement. D’où un problème
d’articulation entre la réglementation transport et la réglementation travail.
D’autre part, l’activité des chauffeurs routiers ne s’exerce pas à l’intérieur d’un
atelier ou de locaux professionnels, c’est-à-dire à l’intérieur d’un établissement
physique implanté sur un territoire donné : son contrôle par les administrations se
révèle de ce fait encore plus difficile que pour les autres secteurs.
Selon la Commission européenne, le cabotage se concentre à 68 % sur deux
pays : l’Allemagne et la France, qui cumulent à la fois les plus grands volumes de
marchandises transportées, une situation de carrefour géographique et des
exigences sociales les plus élevées. Mais, dans son rapport de 2014 sur l’état du
marché européen des transports routiers de marchandises, la Commission ne
semble pas considérer qu’il y ait une véritable problématique de dumping social
et promeut l’idée d’une libéralisation encore plus grande du cabotage sans
prendre la mesure de la détérioration des conditions de travail et de concurrence
dans les Etats membres à la réglementation plus exigeante.
Le cœur du sujet est, en fait, l’inachèvement de la construction européenne. En
matière de prestation internationale, l’Union européenne s’en remet
essentiellement au marché comme mode de régulation. Cela se retrouve dans
les principes juridiques que les institutions européennes mettent aujourd’hui en
avant. Mais l’idée que le développement des prestations de services
internationales favorise une saine concurrence dans les secteurs de main
d’œuvre peu qualifiée relève de l’illusion. Il n’existe pas de marché unique des
prestations de service : celui-ci supposerait au préalable une uniformisation de
tous les cadres réglementaires nationaux. En effet, les prestations de services,
qu’elles soient accomplies par des entreprises nationales ou étrangères,
s’exercent physiquement sur des marchés nationaux encadrés par des
réglementations nationales plus ou moins exigeantes qui ne s’appliquent dans
toute leur rigueur qu’aux entreprises établies dans l’Etat concerné. Dès lors, les
prestataires de service des pays de l’Est et du Sud et leurs donneurs d’ordres se