facile que la mondialisation rend quelques peu vaines les prohibi-
tions qui s’arrêtent aux frontières des Etats.
La logique du discours en la matière est, en fait, imprégnée de
contradictions. Contradiction entre la croyance en les vertus du
progrès scientifique et les peurs des dérives de la science, qui
conduit à brandir le principe de précaution comme un talisman;
contradiction entre un système juridique fondé sur les droits fonda-
mentaux, donc sur une conception ontologique de l’homme enraci-
née dans une certaine forme de jusnaturalisme et le développement
d’une théorie du droit radicalement positiviste, que l’on tente de
résoudre par le recours à une conception procédurale des droits fon-
damentaux; contradiction entre un système qui affirme la primauté
de l’individu sur les intérêts de la société et qui accepte que l’être
humain soit intrumentalisé au profit d’intérêts collectifs, au prix
d’une déshumanisation de cet être...
Si ces contradictions sont au cœur du droit de la bioéthique, tout
est fait pour en minorer la réalité par une recherche à tout prix du
consensus, là où les principes peuvent être inconciliables. L’éthique
répond parfaitement à cette volonté. Mode de régulation souple et
provisoire, tentative de compromis entre les valeurs, les attentes
sociales et les nécessités économiques, l’éthique est cette barque qui
permet de quitter, en douceur, la rive de l’humanisme pour celle
d’un monde où la science et l’économie sont appelées à façonner un
homme nouveau.
L’objet de cette étude n’est pas de livrer un plaidoyer en faveur
de la reconnaissance de l’humanité de l’embryon... humain, mais de
relever ces contradictions qui traversent le droit relatif à l’usage des
embryons.
Disqualifiée par le « syndrome de Galilée » (
2
), la réflexion juridi-
que fondée sur des valeurs s’impose pourtant d’autant plus que le
droit positif est fondé sur des exigences morales inscrites dans les
textes fondamentaux, eux-mêmes de droit positif, constitutions et
traités internationaux. Mais cette réflexion se doit d’intégrer le prin-
cipe de réalité qui conduit à observer que le droit tend à limiter sa
fonction à celle d’un instrument au service de la science et de l’éco-
388 Rev. trim. dr. h. (54/2003)
(2) Processus qui conduit à condamner en raison de l’attitude de l’Eglise à l’égard
de Galilée toute tentative de borner certaines avancées scientifiques au nom d’un sys-
tème de valeurs. Nous empruntons cette formule à l’excellent ouvrage de J.F. Binet,
Droit et progrès scientifique,«Le Monde », P.U.F., 2002. Il convient cependant de
constater qu’il ne s’agit pas ici de borner la connaissance scientifique mais de réflé-
chir sur le caractère admissible de certaines techniques ou expérimentations.