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«Pour Les Héros, c’est moi qui écris le texte; j’attends de Sophie De Schaepdrij-
ver qu’elle l’alimente. Je veux discuter avec elle de ce qu’est exactement l’hé-
roïsme ou de ce qu’il peut être. J’en ai eu l’idée lorsque j’ai entendu Bruno De
Wever dire en interview: “Nous tous, nous ne voulons plus la guerre, et cette
Grande Guerre le symbolise à présent, mais il ne faut pas oublier que pendant
ce conflit il y avait aussi des gens qui se battaient par conviction, par idéalisme.
Afin de préserver les valeurs qui étaient les leurs, ils sont allés très loin, jusqu’à
l’ultime sacrifice, celui de leur vie.” Dans quelle mesure y sommes-nous encore
prêts aujourd’hui? Je veux en parler avec Sophie et composer un monologue à
partir de ces échanges.
J’ai demandé à Dominique de prendre comme points de départ des voix et des
sonorités concrètes, des voix et des sons présents dans la tête de celui qui parle.
Les voix de héros tombés, peut-être, d’anti-héros, de prétendus héros, de héros
malgré eux… Et des sons liés à des souvenirs : la pluie, les sifflements d’un
merle, une comptine, un coup de feu, un bruit de verre brisé… Avec Brecht
Beuselinck comme bruiteur à mes côtés sur scène. Je veux un contact direct
avec les sons, avec la musique. Je veux qu’on puisse construire le spectacle
ensemble, chaque soir à nouveau. Tout ne doit pas être figé dans une partition.
Je veux élargir l’héroïsme du point de vue conceptuel, l’aborder pleinement. Il
ne doit pas s’agir uniquement de la guerre. Il arrive que des gens se jettent à
l’eau pour sauver quelqu’un qui se noie. Certains suicides pourraient aussi être
vus comme héroïques, certainement dans l’esprit du suicidé: “Je m’éclipse, je
fais en sorte de ne pas causer encore plus de tort aux autres.”
J’ai beaucoup appris de Ian Buruma à propos de l’héroïsme au Japon. Le samouraï qui com-
battait pour défendre le groupe était censé, quand l’effort était terminé, enfiler sa tenue
blanche, nettoyer son épée au saké et disparaître. “Comme une pierre qui s’enfonce dans
le lac, jusqu’à ce que la dernière ride sur l’eau ait disparu”, est-il écrit quelque part. Parce
qu’en fait, la collectivité ne supporte pas les exceptions. Le héros doit également pouvoir
faire ce sacrifice, consistant à s’effacer. Cela aussi peut être de l’héroïsme: le héros qui
cesse d’en être un, qui se débarrasse de son statut de héros.»
Première 15 février 2017 KVS BOX Bruxelles
JOSSE DE PAUW SUR LA TRILOGIE
LES HÉROS, L’HUMANITÉ
ET
LES AVEUGLES
Josse De Pauw va collaborer avec trois « anciens» de l’écurie de compositeurs de LOD.
«Pour le moment, j’’intitule ce projet Trilogie/Triphonie. Les Héros, L’Humanité et Les
Aveugles. En effet, dans cet ordre-là…»
Il crée Les Héros avec Dominique Pauwels et l’historienne Sophie De Schaepdrijver, et
l’Humanité avec Kris Defoort et Claron McFadden, ainsi que l’auteur Arnon Grunberg qui sera
– littéralement–au banc des accusés. PourLes Aveugles de Maeterlinck, il travaillera avec son
compagnon de route habituel Jan Kuijken, qui écrira une composition pour les voix du Collegium
Vocale.
LES HÉROS
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LES
HÉROS