Gérer la santé des cultures : des variétés au paysage Mercredi 26 février 2014 3 9 Programme 10h Introduction : complémentarité des leviers utilisables pour gérer la santé des plantes : génétique, agronomie, surveillance, actions collectives Xavier Reboud, Directeur du MétaProgramme SMaCH, Inra II - Limiter les épidémies grâce aux pratiques agricoles 11h Importance des pratiques agronomiques et de l’organisation du paysage comme leviers de prévention de la diffusion des maladies Marie-Hèlene Jeuffroy, Inra I - Résister grâce à de nouvelles variétés III - Surveiller les maladies, les diagnostiquer 10h10 Les résistances génétiques, leur découverte, leur caractérisation, leur déploiement, exemple du colza résistant au phoma Martine Leflon, CETIOM 10h25 Caractérisation et exploitation de résistances génétiques au mildiou et à l’oïdium chez la vigne pour une viticulture à faibles intrants phytosanitaires Christophe Schneider, Inra 10h40 Discussion avec la salle 11h15 Du diagnostic au champ à la surveillance du territoire européen Présentation de plusieurs outils innovants pour l’identification des bioagresseurs des plantes cultivées Jean-Yves Rasplus, Inra 11h30 Discussion avec la salle 11h50 Conclusion : l’intérêt du MétaProgramme SMaCH pour répondre à l’enjeu finalisé de la santé des cultures Hervé Guyomard, Directeur scientifique Agriculture de l’Inra SIA2014 147 rue de l’Université 75338 Paris Cedex 07 - France Retrouvez les résumés, les présentations et les vidéos en ligne sur : www.inra.fr/rencontresia Membre fondateur de Gérer la santé des cultures : des variétés au paysage Le séminaire « Gérer la santé des cultures : des variétés au paysage » exposera une vision de la complémentarité des leviers utilisables pour gérer la santé des plantes. On abordera aussi bien les résistances variétales que les pratiques agronomiques qui accompagnent leur déploiement. On fera également le point sur le renouvellement des méthodes de surveillance des bioagresseurs pouvant être mises en œuvre collectivement pour un gain notable d’efficacité. La première session sera consacrée à deux exemples de mise au point de nouvelles variétés porteuses de résistances génétiques, de leur découverte à leur caractérisation et à leur déploiement sur le territoire. Deux histoires mêlant déceptions et réussites : le colza résistant au phoma et la vigne résistante au mildiou et à l’oïdium. Pour mieux éclairer les stratégies de déploiement des variétés, on insistera sur l’importance des pratiques agronomiques et de l’organisation du paysage dans la prévention de la diffusion des maladies. En complément de ces pratiques, la prévention devra s’appuyer sur des capacités accrues de surveillance des maladies et de diagnostic pour anticiper les risques, mettre en place des dispositifs d’alerte et d’actions collectives. Aussi plusieurs outils innovants de surveillance, prévision, diagnostic seront présentés. A l’INRA, au sein du métaprogramme SMaCH, une communauté de 200 chercheurs travaille actuellement sur cet enjeu finalisé de protection de la santé des plantes cultivées et tente d’inscrire cette démarche dans une moindre dépendance aux produits phytosanitaires. rencontres SIA 2014 Les résistances génétiques, leur découverte, leur caractérisation, leur déploiement, exemple du colza résistant au phoma Martine leflon • CETIOM Le phoma est une des principales maladies du colza et peut générer des dégâts très importants. Depuis une dizaine d’années pourtant, aucun dégât majeur n’a été observé sur les cultures de colza classique, du fait sans doute de conditions météorologiques peu favorables à la maladie, mais aussi du déploiement de variétés résistantes à cette maladie. Les premiers travaux d’identification de résistance génétique au phoma chez le colza datent de la fin des années 1980, où des interactions spécifiques de résistance ou de sensibilité ont été observées au stade cotylédon entre certaines variétés de colza et différentes populations de Leptosphaeria maculans, le champignon responsable du phoma. Ces travaux ont abouti à l’identification d’un gène de résistance spécifique, Rlm1, très efficace en France. Ce gène a très vite été sélectionné dans les variétés et déployé sur le territoire : utilisé pour la première fois dans des variétés en 1992, il était utilisé sur 20% des surfaces de colza françaises en 1995-96 et sur 44% de ces surfaces en 1999. Cette résistance a ainsi exercé une pression très forte sur le phoma, ce qui a conduit à une évolution des populations du pathogène. En 2000, un échantillonnage réalisé à l’échelle nationale révélait que Rlm1 ne contrôlait plus que 15% des souches de phoma. Depuis les années 1990, d’autres sources de résistance, spécifiques ou non, ont été identifiées et sélectionnées dans les variétés. A ce jour, une dizaine d’interactions spécifiques entre gènes de résistance du colza (ou d’espèces apparentées) et souches de phoma ont été identifiées. Les résistances non spécifiques (dites quantitatives) sont quant à elles utilisées depuis la fin des années 1970, mais les travaux pour les caractériser n’ont débuté qu’au milieu des années 1990. Cette caractérisation est complexe, car elle est réalisée au champ et n’est possible que sur des colzas n’ayant pas de résistance spécifique efficace contre les populations locales de phoma. Par ailleurs, les effets de ces résistances sont partiels et souvent difficiles à mettre en évidence. Ces travaux de recherche, fortement suivi par les semenciers, ont facilité le développement de variétés peu sensibles au phoma, grâce au cumul de plusieurs facteurs de résistance. En parallèle des travaux d’identification de facteurs de résistance, le suivi des populations de phoma réalisé depuis les années 2000 permet de surveiller le maintien ou la dégradation de l’efficacité des gènes utilisés dans les variétés. Ainsi, en 2004, une classification des variétés a été établie sur la base de la présence ou non de 3 gènes de résistance, à efficacité partielle (Rlm1, Rlm4) ou totale (Rlm7), mais aussi selon le niveau de résistance générale de la variété. Cette classification, réactualisée en 2008 puis en 2012, sert de support au conseil en choix variétal, dans un but de gestion durable des résistances. Aujourd’hui, seul le gène de résistance spécifique Rlm7, utilisé depuis 2004, conserve une certaine efficacité. Toutefois, depuis 3 ans des phénomènes d’érosion de cette résistance sont observés. Il est vraisemblable qu’à court ou moyen terme, le contrôle du phoma reposera essentiellement sur le niveau de résistance non spécifique (quantitatif) des variétés. rencontres SIA 2014 Caractérisation et exploitation de résistances génétiques au mildiou et à l’oïdium chez la vigne pour une viticulture à faibles intrants phytosanitaires Christophe schneider • Inra Les cépages européens de l’espèce Vitis vinifera sont très sensibles aux maladies cryptogamiques venues d’Amérique, comme l’oïdium (Erysiphe necator), le mildiou (Plasmopara viticola) et le black rot (Guignardia bidwellii). Au cours du 20e siècle, le recours aux fongicides pour protéger feuilles et grappes s’est largement imposé comme méthode de lutte. Plus récemment, les coûts directs et indirects de cette méthode ont cependant conduit l’Inra à rechercher et les pouvoirs publics à promouvoir des techniques alternatives afin de diminuer la dépendance aux produits phytosanitaires de la filière viticole (plan Ecophyto). Des résistances génétiques aux maladies mentionnées existent chez des vignes sauvages, d’origine américaine ou asiatique. L’exploitation de ces résistances au travers de nouvelles variétés constituerait un puissant levier pour atteindre les objectifs du plan et ainsi répondre aux attentes de la filière et de la société. Les vignes sauvages et cultivées étant inter-fertiles, il est possible d’utiliser l’hybridation classique pour incorporer les résistances dans le fonds génétique cultivé. L’exploitation des résistances présente toutefois des difficultés, dont la première tient aux défauts culturaux et œnologiques présents chez les vignes sources de résistances. La durabilité des résistances, particulièrement importante chez une plante pérenne comme la vigne, constitue une autre préoccupation centrale. Enfin, l’appropriation de nouvelles variétés résistantes et leur intégration dans des systèmes viticoles innovants suppose de bien évaluer les freins et les leviers susceptibles d’influencer les choix d’encépagement. L’Inra conduit depuis 2000 un programme d’innovation variétale, utilisant les connaissances les plus récentes sur les facteurs de résistance aux maladies cryptogamiques et les outils de sélection, afin de proposer des variétés qualitatives et durablement résistantes à la viticulture française. Partant des connaissances en matière de déterminisme génétique des résistances et des choix stratégiques privilégiés par l’Institut, nous présenterons le plan de croisements et le schéma de sélection utilisés. Nous verrons dans quelle mesure de nouveaux outils, tels la sélection assistée par marqueurs (SAM), sont indispensables et permettent d’accélérer le processus d’évaluation des descendances et de sélection. Plusieurs milliers de plantules ont été obtenues à partir de parents d’origine complémentaire, et triées en fonction des facteurs de résistance au mildiou et à l’oïdium qu’elles portent. Leur sélection se poursuit avec deux réseaux d’essais multi locaux, que nous illustrerons par quelques données majeures relatives aux caractères culturaux et à la qualité du vin. L’étape finale, dite de Valeur Agronomique, Technologique et Environnementale (VATE) repose sur un partenariat original, associant l’INRA aux organismes de recherche et développement avals. Cela permet de rapprocher la filière des innovations variétales, dont les premières seront présentées à l’inscription en 2016. rencontres SIA 2014 Afin de préparer le déploiement des nouvelles variétés, des essais systèmes à bas intrants sont installés dans le cadre du réseau DEPHY-EXPE. Ils visent à caler les itinéraires techniques les mieux adaptés, en particulier pour une gestion durable des résistances. Les questions d’appropriation et de valorisation de ces systèmes face aux contraintes socio-économiques seront traitées dans le projet PANORAMIX du métaprogramme SMaCH. * Avec les contributions de Emilce Prado, Lionel Ley, Dominique Forget, Gérard Barbeau, Hernan Ojeda, Laurent Delière, Didier Merdinoglu (Inra) et Laurent Audeguin (IFV), Géraldine Uriel (CIVC), Alexandra Lusson (CA33), Jean-Michel Desperrier (Sicarex Beaujolais), Olivier Jacquet (CA84). rencontres SIA 2014 Importance des pratiques agronomiques et de l’organisation du paysage comme leviers de prévention de la diffusion des maladies marie-hélène jeuffroy • Inra Jean-Noël Aubertot • UMR AGIR Inra Toulouse La réduction de l’usage des produits phytosanitaires, tout en maintenant aussi élevée que possible la production et en maximisant le revenu des agriculteurs est devenue un enjeu prioritaire pour l’agriculture. Cet objectif ambitieux ne peut être atteint qu’en ayant recours à une combinaison de moyens, dont les effets sont partiels et complémentaires, pour réduire le développement des bioagresseurs : agents pathogènes, plantes adventices, ravageurs des cultures. De nombreuses solutions existent déjà et ont montré leur efficacité : lutte biologique, lutte physique, contrôle génétique, contrôle cultural et le contrôle chimique si besoin. Il est également avéré que l’organisation spatiale des systèmes de culture et des autres éléments du paysage influence fortement l’évolution démographique et génétique des populations de bioagresseurs. La composition des mosaïques paysagères constitue ainsi un moyen d’action supplémentaire pour limiter les populations à risque pour la santé des cultures, et les pertes de récolte induites. Cela nécessite une organisation collective qu’il est nécessaire d’organiser et de gérer. Préserver la santé des cultures tout en réduisant le recours aux produits phytosanitaires nécessite de réduire les risques de développement, de propagation, et d’évolution génétique des divers bioagresseurs, et de favoriser conjointement le développement et l’activité des organismes auxiliaires. Le choix et l’organisation spatiale des pratiques agricoles et des éléments semi-naturels qui composent le paysage constituent des leviers majeurs pour favoriser les régulations biologiques naturelles des bioagresseurs. Mais leur mobilisation est un processus complexe et localement sensible à la présence de complexes de bioagresseurs, et à la variabilité du temps de réponse des moyens mis en œuvre. L’ensemble est régi par des interactions positives ou négatives entre les différentes pratiques, les conditions climatiques et les inocula des organismes, ces deux derniers éléments étant peu maîtrisables et peu prévisibles. Sur ces aspects, les connaissances sur les processus biologiques ont progressé et ont permis de construire et de tester des combinaisons de pratiques pour différents systèmes de production : grande culture, arboriculture, production légumière, production fruitière. Ainsi, par exemple, l’association de variétés ou d’espèces différentes au sein d’une parcelle constitue un moyen efficace de réduire le développement des bioagresseurs, et d’accroître l’efficience d’utilisation des ressources, conduisant à une productivité généralement supérieure, plus stable, de meilleure qualité, tout en réduisant le recours aux intrants de synthèse. La complexité des processus, la diversité des moyens d’action mobilisables, et le grand nombre d’interactions en jeu ont conduit à un développement important des travaux de modélisation, à différentes échelles, pour représenter ces processus et les techniques qui les influencent. Ainsi, à l’échelle d’une petite région, l’évolution de la taille et de la structure génétique des populations de l’agent pathogène du phoma du colza dépend de l’organisation spatiale des parcelles de colza et des itinéraires techniques qui leur sont appliqués. Mais les travaux visant la gestion concomitante d’un cortège de bioagresseurs sont encore rares et nécessitent des efforts d’intégration particuliers. rencontres SIA 2014 Enfin, de nombreux travaux se sont attachés à mettre au point des démarches de conception et d’évaluation de systèmes complexes favorisant la maîtrise des bioagresseurs et permettant l’atteinte de performances satisfaisantes pour les acteurs concernés. Par exemple, l’utilisation combinée d’une démarche collective de conception participative de scénarios d’organisation spatiale des systèmes de culture et d’évaluation quantitative de ces scénarios à l’aide d’un modèle spatialement explicite, a permis d’identifier des stratégies de gestion spatiale des parcelles de colza pour la maîtrise collective du phoma. La phase actuelle vise à tirer partie des expériences réussies sur le terrain pour identifier les solutions techniques susceptibles d’être généralisées. rencontres SIA 2014 Du diagnostic au champ à la surveillance du territoire européen. Présentation de plusieurs outils innovants pour l’identification des bioagresseurs des plantes cultivées jean-yves rasplus • Inra Dans un contexte de changements environnementaux mondiaux (climatique et autres) et d’augmentation des échanges commerciaux, nous assistons à une augmentation du nombre de nouveaux bioagresseurs des cultures et des forêts (maladies et ravageurs). Parallèlement, la redéfinition des pratiques agricoles et la diminution de l’usage des pesticides favorisent la réémergence de bioagresseurs bien maîtrisés jusqu’alors. Face à ces dangers pour l’agriculture européenne, l’Inra et ses partenaires se sont engagés dans une modernisation et un développement fort des outils de diagnostic des bioagresseurs des plantes cultivées. Ils souhaitent ainsi améliorer la surveillance des territoires français et européens et la diffusion du diagnostic vers les professionnels de l’agriculture (agriculteurs, conseillers techniques etc.). Des applications nomades ont été développées (Di@gnoplant®), elles assurent le diagnostic et le conseil à l’utilisateur au champ. Elles contribuent à une meilleure identification des maladies des plantes, diffusent des informations biologiques, des conseils et forment l’utilisateur à la santé des végétaux. D’autres outils se développent – tel que Vigipl@nt® - une application mobile dédiée à l’épidémio-surveillance et à la biovigilance qui sera aussi utilisable pour d’autres domaines d’intérêt (diagnostic végétal par l’image, science participative). Des bases de données permettant l’identification des ravageurs et des maladies ont été développées (Q-Bank pour les organismes de quarantaine, PhyloSearch pour la détection des Pseudomonas et des Xanthomonas, Arthemis pour les insectes ravageurs et auxiliaires). Ces bases de données permettent aux professionnels de l’agriculture de comparer des séquences ADN d’organismes collectés ou interceptés aux frontières à des séquences de référence réalisées par des scientifiques de l’Inra sur des organismes préalablement identifiés par des spécialistes. Elles englobent les bioagresseurs présents ou encore absents de l’espace agricole européen (organismes de quarantaine, bioagresseurs exogènes) et des organismes de lutte biologique afin de faciliter leur suivi et de mieux caractériser leurs effets non-intentionnels. Ces outils de haute précision contribuent à la surveillance du territoire européen. Ils permettent d’intervenir rapidement et diffusent des informations bio-écologiques, de distribution, des photographies facilitant l’identification ainsi que des prévisions sur les risques encourus. Enfin et sachant que 50% des maladies émergentes des plantes sont causées par des virus, un plateau de service réalisant des indexages viraux par séquençage a été ouvert à Bordeaux. Il permet l’extraction et le séquençage viral pour une meilleure identification des virus présents dans la plante. Ses domaines d’application vont de la recherche d’agent causal à la certification et à l’inscription de variétés au Catalogue Officiel. rencontres SIA 2014 Cette volonté de moderniser et de diffuser le diagnostic en santé des végétaux pour améliorer la qualité sanitaire des systèmes de production des végétaux s’est traduite par la création du réseau mixte technologique RMT Vegdiag «Diagnostic en santé végétale» associant l’ensemble des partenaires français impliqués dans le domaine. Vegdiag veut améliorer la réactivité des structures existantes afin de mieux s’adapter à l’émergence de nouvelles problématiques; identifier les synergies entre équipes de recherche publique, instituts techniques et recherche privée; construire des projets multi-partenariaux et favoriser le transfert des connaissances vers l’enseignement technique et supérieur agricole. * Avec les contributions de Dominique Blancard, Thierry Candresse, Ariane Chabert, Astrid Cruaud, Jean-Claude Streito (Inra) ; C. Manceau (ANSES). rencontres SIA 2014