complement de connaissance romanisation

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Histoire:
La romanisation de la Gaule
Complément de connaissances
Voilà un thème familier à l’imaginaire des élèves, qui offre l’occasion de réfléchir à une
origine de leur culture.
Plus qu’un moment, la romanisation est un processus militaire, politique et culturel qui
aboutit à l’émergence d’une civilisation originale, fondée sur une fusion : le monde « galloromain ». Dans cette sphère, domine l’univers importé par l’envahisseur, qui impose très tôt
son modèle aux vaincus. Nos connaissances sont d’ailleurs moindres sur les Gaulois que sur
les Romains, puisque les premiers n’ont pas laissé de trace écrite : nous connaissons les
Gaulois par les témoignages des Romains – Tite-Live et César en particulier. Un certain
nombre d’informations majeures doivent ainsi être sues : la Gaule n’est pas un Etat, mais un
territoire que se partagent, au Ier siècle avant notre ère plusieurs dizaines de peuples. Il est
possible que la religion soit un point commun à ces hommes. Mais les Gaulois sont
dépourvus, par ailleurs, d’institutions et de projets communs, ce qui les rend
incontestablement plus faibles que leurs adversaires romains. Ceux-ci s’emparent ainsi du
sud de la Gaule en 117 avant notre ère pour y fonder la Narbonnaise. Cette réussite avant
tout militaire préfigure des succès politiques et culturels qui seuls peuvent pérenniser les
bénéfices d’une victoire. C’est la raison pour laquelle nous devons nous demander :
Comment, en Gaule, les Romains sont-ils passés du statut d’envahisseur à celui de modèle ?
I. La romanisation par la conquête
A) La Gaule devient romaine (Ier siècle avant Jésus Christ)
D’après le Document d’Application des programmes, la conquête de la Gaule doit
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notamment être abordée à travers le destin de deux hommes : Vercingétorix et César . Si
Vercingétorix a longtemps fait l’objet d’une reconstruction légendaire promue par une
historiographie en quête d’hommes providentiels, il convient de ne pas par réaction minimiser
son rôle face aux armées romaines. Car ce chef averne parvient à obtenir le concours de
plusieurs tribus gauloises (les Pictons, Parisiens, Sénons, Cadurques,…) pour combattre les
Romains. Il faut se garder de toute réflexion anachronique et ne pas en déduire que cette
attitude traduit l’émergence d’une conscience nationale ; contentons-nous d’y voir une
coalition d’intérêts face à un envahisseur commun. Le charisme de Vercingétorix est encore
accru par sa victoire devant les armées de César à Gergovie. Mais, réfugié dans la citadelle
d’Alésia, il est contraint de céder au siège des Romains : nous sommes en 52 avant notre ère,
et la Gaule devient entièrement romaine. Vercingétorix est exhibé dans les rues de Rome à
l’occasion du grand triomphe de César en 46 av. J.-C. ; il est exécuté peu après. Sa gloire a
paradoxalement longtemps été promue par César lui-même car le général romain a tout
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Vercingétorix et César sont les « personnages significatifs » désignés par le Document d’application pour
toute l’Antiquité.
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intérêt à valoriser son rival afin de rendre son triomphe plus éclatant encore. Son ouvrage
majeur sur le thème, La guerre des Gaules, loue ainsi les ardeurs défensives des Gaulois.
Tenter de comprendre le monde romain, c’est prendre conscience que l’expansion, au
nord, se fixe à la frontière écossaise, et au sud en Égypte ; d’est en ouest la sphère s’étend
au IIe siècle de notre ère de l’Espagne à la Syrie. La Gaule n’est donc qu’un aspect de la
domination romaine sur le monde, qui profite comme toutes les autres provinces des
conditions de paix garanties à partir du Ier siècle : la Pax romana. C’est dire que le
développement économique peut être une manifestation de la paix en même temps qu’une
cause de la romanisation.
L’armée contribue, en outre, à diffuser la culture romaine. Par ses conquêtes d’abord, c’est
évident, et l’ordre qui en découle. En ce sens, la force publique est un instrument de
stabilisation politique, qui contribue à garantir des conditions de prospérité. Mais l’armée est
en-soi un instrument d’intégration (en accueillant des soldats des provinces conquises) et de
diffusion culturelle (installation de retraités dans toutes les provinces de l’Empire). Il est donc
acquis que l’armée est le premier vecteur de la romanité, celui par lequel Rome est passé du
statut de cité à celui d’État puis d’Empire. Or, si l’armée explique les victoires, elle ne saurait
suffire à comprendre la réussite des paix qui leur succèdent.
B) La romanisation par l’intégration
La romanisation est un phénomène d’autant plus remarquable qu’elle s’impose sur un
territoire très hétérogène d’un point de vue culturel. Dans ce vaste ensemble, la figure de
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l’empereur domine, elle est un trait d’union qui concentre tous les pouvoirs. Puisqu’un culte
est dû à la figure impériale, la religion devient une manifestation de l’autorité politique. Ainsi
s’impose une confusion entre les pouvoirs, à laquelle sont contraints tous les peuple du
monde romain – ce qui ne prévient en rien du succès de croyances distinctes comme le
christianisme. L’évolution de la citoyenneté dans le monde romain traduit la souplesse des
institutions impériales.
Si l’empereur est une figure nécessaire, son absolutisme n’est pas conservateur. En effet,
la citoyenneté, à laquelle sont liées la liberté et la participation à la vie politique, est d’abord
fondée sur des critères ethniques : sous la République, la qualité est attribuée aux individus
issus de pères romains. Or, la définition évolue avec les frontières de l’Empire. C’est ainsi
qu’en 212 l’empereur Caracalla promulgue un édit qui accorde la citoyenneté romaine à tous
les hommes libres de l’Empire, quelle que soit leur province d’origine. Si des préoccupations
fiscales peuvent expliquer cette mesure, elle illustre un aspect majeur de la romanisation :
l’intégration citoyenne, sans préjugé ethnique ni culturel. Cette mesure peut s’apparenter à
une forme de « décolonisation », exemple unique dans l’histoire de l’humanité à une échelle
aussi vaste. L’idéal égalitaire est en même temps porteur de vertus politiques puisque
l’intégration efface les distinctions issues des conquêtes militaires ; elle préserve donc l’unité
et la paix. Notons, enfin, que Caracalla est le fils de Septime Sévère, c’est-à-dire du fondateur
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Après avoir été une République, Rome devient un Empire à compter de l’année 27 avant notre ère.
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d’une dynastie impériale orientale et sémite : les Italiens ne dominent plus le monde qu’ils ont
crée.
II. La romanisation par l’urbanisation
A) Les Romains, bâtisseurs de villes
La civilisation romaine est une civilisation urbaine dans laquelle Rome (l’Urbs) sert de
modèle. La ville est devenue le cœur d’une aire de conquête qui la porte à dominer un Etat
puis un Empire. Son rayonnement est tel que son nom épouse les structures politiques et les
contours géographiques du territoire soumis, aussi vaste soit-il. En ce sens, la ville sert de
modèle par sa célébrité et ses fonctions : centre d’un vaste réseau routier, elle est en même
temps capitale économique, politique et culturelle.
La Gaule romaine est dotée d’un réseau urbain très dense, lui-même desservi par un
réseau routier qui ne cesse de se développer. Là est l’essentiel : une ville est conçue et
perçue comme élément d’un réseau, c’est-à-dire comme une contribution à un vaste
ensemble. C’est la raison pour laquelle de nombreuses villes romaines doivent leur
localisation ou leur développement à leur situation : Aix-en-Provence (carrefour de l’axe
Alpes-Méditerranée et de l’axe qui relie l’Italie à l’Espagne, dont la célèbre Via Domitia), Arles
(port du Rhône) ou encore Narbonne (même fonction sur l’Aude) sont dans cette
configuration. L’accessibilité est la première condition du développement économique ainsi
que de la diffusion d’un modèle culturel.
B) Les fonctions de la ville.
Rome est un modèle urbain transposé à l’échelle de l’Empire, quelles que soient les
formes d’habitat préexistantes de l’Afrique à la Bretagne. Les rues s’organisent en fonction
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d’un plan géométrique déterminé par deux voies centrales perpendiculaires : le cardo (du
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nord au sud) et le decumanus (d’est en ouest). Ainsi peut-on parcourir le forum ,
concentration des édifices publics, le théâtre, les thermes, les temples et surtout
l’amphithéâtre. C’est là que sont organisés les jeux, offerts au nom de l’empereur ou d’un
représentant des élites locales. Il s’agit de flatter les instincts les plus bas de la population à
des fins politiques, ce qui fait de l’amphithéâtre tout à la fois lieu de loisirs et manifestation de
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l’autorité publique. Mais au-delà de cet élément symbole de l’architecture romaine , il importe
de comprendre que le modèle urbain est le vecteur d’un mode de vie unique au sein de
l’Empire. Les monuments diffusent donc des coutumes, des croyances et des loisirs qui
s’imposent à tout le monde romain de manière uniforme. Les progrès ou distractions qu’ils
occasionnent expliquent leur succès.
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C’est là l’influence de l’urbanisme grec.
Le Forum de Rome, situé entre le Capitole et le Palatin, correspond à l’Agora d’Athènes.
Celui de Nîmes est sans doute le mieux conservé du monde romain.
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La ville est enfin le lieu de résidence de l’autorité publique. Or nous pouvons mesurer son
impact à la lumière de la faible romanisation du monde rural, où le pouvoir ne se manifeste
pas quotidiennement. L’espace urbain exerce en cela une emprise culturelle imposée par les
monuments, diffusée par la promiscuité et l’ouverture physique (la ville est le lieu des
échanges commerciaux). Enfin les Romains ont favorisé l’expansion de leur modèle culturel
en y intégrant rapidement les cadres de la société gauloise.
Conclusion
L’histoire nous enseigne l’existence d’un grand nombre de victoires militaires sans
lendemain pacifique ; l’on peut même voir dans ce schéma la cause de la disparition de
nombreux empires. Ce n’est pas le cas de l’Empire romain, porté à la dislocation en 476 non
par ceux qu’il avait soumis, mais par des adversaires extérieurs (que les Romains baptisent
avec mépris Barbares).
Rome échappe à cette logique grâce aux progrès que l’Empire diffuse et par sa capacité à
intégrer les individus soumis – véritable condition d’une influence durable. A tel point que la
fusion avec le monde gaulois s’impose mieux qu’une domination. Elle profite sans doute de
l’absence de conscience nationale initiale mais contribue d’un point de vue matériel et
conceptuel à l’éclosion d’une civilisation originale.
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