Fondation pour la Recherche Médicale y Rencontre santé / Cancer du poumon y www.frm.org 3
25 000 nouveaux cas
chaque année : et demain ?
Pr Antoine Flahault
Responsable du département de santé publique
de l’hôpital Tenon et responsable du réseau
Sentinelle de l’Inserm, Paris.
> Le risque de cancer du poumon dépend-il
de la quantité de cigarettes fumées ou de la
durée du tabagisme ?
Les cliniciens avaient l’habitude, jusque très
récemment, de parler de « paquet-année ». Un
consommateur ayant fumé un paquet par jour
pendant dix ans avait,
selon eux, fumé 10
« paquet-année ». Les
épidémiologistes se
sont aperçus que c
mesure n’était pas
vraiment correcte.
Bien que tous les
risques liés au tabac
(comme les cancers et
les maladies cardio-
vasculaires)
dépendent de la quantité de tabac fumé, ils sont
plus élevés avec la durée du tabagisme lui-
même. L’idée de pouvoir multiplier l’un par
l’autre de façon uniforme est quelque peu
inexacte. Les conséquences sont préoccupantes
et même le fait de fumer peu mais pendant
longtemps expose à un risque très important de
contracter un cancer du poumon. L’effet seuil
n’existe finalement pas.
ette
L’autre grande inquiétude est le tabagisme des
jeunes. Chez ces derniers, il augmente
beaucoup, notamment à des âges de plus en
plus bas. La première cigarette est parfois fumée
vers 12-13 ans. Dans l’échelle des produits
addictifs, elle représente un énorme addictogène
qui rend dépendant au même titre qu’une drogue
dure. Les adolescents deviennent donc
rapidement accrochés au tabac et les
proportions de jeunes fumeurs, notamment les
jeunes filles, dépassent les 50% en France. Ce
fait est d’autant plus préoccupant que la durée
du tabagisme représente un facteur clé dans le
risque de développer un cancer du poumon.
Cependant, à tout âge, l’arrêt du tabac a un effet
extrêmement bénéfique sur la santé et réduit le
risque de contracter un cancer du poumon.
Depuis longtemps, arrêter de fumer est reconnu
comme favorable dans la diminution du risque
de maladies cardio-vasculaires. Si l’arrêt du
tabac est suffisamment précoce, les bénéfices
engrangés sont assez rapides en termes de
réduction de risque de cancer. Des réductions
de l’ordre de 30% à 50% par rapport au risque
cumulé total dans une vie sont observées chez
les personnes stoppant leur consommation
après 40, 50 voire 60 ans.
Avant de développer un cancer du poumon, il est
primordial d’arrêter de fumer. C’est ainsi qu’il est
nécessaire de parler de dépistage, de prévention
et de diagnostic précoce.
> Fume-t-on plus qu’avant ? Les cigarettes
sont-elles plus nocives ?
Les épidémiologistes s’intéressent
principalement aux graves conséquences du
tabagisme, au regard du triste nombre de décès.
Depuis l’après-guerre, la recherche médicale a
gagné sur presque tous les cancers, et la
réduction des risques est parfois colossale sur
certains d’entre eux. Mais le cancer du poumon
est le seul cancer qui continue à progresser.
L’idée que la qualité du tabac se soit améliorée
est inexacte. Le tabac, sous toutes ses formes,
est très nocif. Les cigarettes à filtre sont moins
chargées en goudron, produit le plus
cancérigène ; cependant, en raison du pouvoir
toxicomanogène du tabac, elles n’ont aucun effet
bénéfique par rapport aux cigarettes sans filtre.
Au contraire, les consommateurs tirent
beaucoup plus sur ces cigarettes supposées
plus légères. Finalement, ceux qui ont besoin
d’ajuster leur niveau de nicotine vont soit fumer
plus, soit tirer davantage sur la cigarette. La
seule mesure efficace contre ce fléau est
l’augmentation du prix des paquets, que je juge
encore trop timide en France.
> La cigarette au féminin
En France, l’évolution du tabagisme chez les
hommes stagne, voire commence à diminuer un
peu. Les bénéfices des campagnes anti-tabac et
l’augmentation du prix du paquet de cigarettes