“Chute d`escarre” après résection endoscopique de la

L’hématurie macroscopique survenant dans les semaines qui sui-
vent une résection trans-urétrale de prostate (RTUP), est un phéno-
mène connu des urologues [1]. La fiche d’information destinée aux
patients de l’Association Française d’Urologie (AFU) [2] inclut
cette information importante. Appelé généralement en France
“chute d’escarre”, ce terme n’a pas d’équivalent en langue anglai-
se. C’est le terme plus neutre de “secondary bleeding” qui est utili-
sé.
Anotre connaissance, aucune explication physiopathologique ou
étude spécifique n’ont été avancées pour expliquer ce saignement.
Le but de ce travail a été d’évaluer l’incidence des chutes d’escarre
après RTUP amenant à une ré hospitalisation et de rechercher les
facteurs de risques potentiels.
MATERIEL ET METHODES
Il s’agit d’une étude rétrospective menée à partir de la base de don-
nées de notre service d’urologie entre le 1er janvier 1997 et le 31
décembre 2004. Les critères des requêtes faites auprès du Départe-
ment d’Information Médicale (DIM) avaient pour but de sélection-
ner les patients ayant subi dans cette période une RTUP et ayant été
ré hospitalisé dans les 31 jours qui ont suivi le geste. Cette sélection
aété basée sur les codages CIM 10 et CCAM pour les dossiers les
plus récents. Le choix de la date du début de l’étude, fait en accord
avec le DIM, était celui qui permettait la meilleure fiabilité dans
l’exploitation de la base de données, dans le cadre local de l’orga-
nisation de l’informatique et du codage. Les dossiers sélectionnés
ont été inclus et analysés lorsqu’ils correspondaient à l’objectif de
l’étude.
Les paramètres suivants ont été relevés : âge du patient, antécédents
d’infection urinaire, présence d’une sonde vésicale ou d’un cathé-
ARTICLE ORIGINAL Progrès en Urologie (2006), 16, 461-463
“Chute d’escarre” après résection endoscopique de la prostate
Guillaume NORMAND (1),Julien GUIGNET (2),Raphaël BRIFFAUX (1),Benoît MERLET (1),
Jacques IRANI (1),Bertrand DORÉ (1)
(1) Service d’Urologie, (2) Département d’Information Médicale, CHU La Milétrie, Poitiers, France
RESUME
But : Si l’hématurie macroscopique dans le mois qui suit une résection de prostate, communément appelée chute
d’escarre- est un phénomène familier aux urologues depuis les débuts de la résection endoscopique, ses caracté-
ristiques physiopathologiques et épidémiologiques sont mal connues.
Le but de cette étude rétrospective a été de préciser l’incidence des chutes d’escarre graves après résection trans-
uréthrale de prostate (RTUP) et de rechercher des facteurs de risque.
Patients et Méthode : Utilisation de la base de données hospitalière pour identifier les dossiers des patients ayant
eu une RTUP entre 1997 et 2004 et ré hospitalisés dans les 31 jours qui ont suivi. Sélection et analyse des dos-
siers des patients dont le motif de consultation était l’hématurie avec caillotage vésical.
Résultats : Parmi les 624 patients ayant eu une RTUP, 10 ont été hospitalisés pour caillotage et leur dossier a été
analysé : les médianes de l’âge était de 72 ans, de la durée de la RTUP 45 min et du poids de résection de 12 gr.
L’expérience des opérateurs et la durée du sondage post-RTUP ne présentaient pas de caractéristique informa-
tive. Dans 2 cas, un cancer de prostate avait été diagnostiqué après analyse des copeaux. Deux patients étaient
sous anticoagulants.
La réhospitalisation a eu lieu essentiellement dans le courant de la 2ème semaine (médiane 11ème jour). Une
sonde vésicale pour lavage a été mise en place dans tous les cas. Aucun patient n’a été réopéré ou décailloté sous
anesthésie générale. Deux patients ont été transfusés.
Conclusion :Nous n’avons pas mis en évidence de facteur favorisant la chute d’escarregrave dans le mois sui-
vant une RTUP. Ce phénomène reste rare si l’on ne considère que les cas justifiant une ré hospitalisation. Cepen-
dant, compte tenu de cette faible incidence, l’analyse optimale ne pourrait être envisagée que dans le cadre d’un
registre prospectif national.
Mots clés :Hématurie, hémorragie post-opératoire, complication, résection transuréthrale de prostate.
Niveau de preuve : 5
461
Manuscrit reçu : janvier 2006, accepté : mai 2006
Adresse pour correspondance : Pr. J. Irani, Service d’Urologie, Centre Hospitalier Univer-
sitaire, Pavillon Camille Guérin, 86000 Poitiers.
Ref : NORMAND G., GUIGNET J., BRIFFAUX R., MERLET B., IRANI J., DORÉ B.
Prog. Urol., 2006, 16, 461-463.
ter sus pubien en pré opératoire, volume de la prostate au toucher
rectal, durée de la résection, poids de la résection, date d’ablation de
la sonde vésicale en post opératoire, expérience de l’opérateur, ana-
lyse anatomopathologique des copeaux de résection, prise d’anti-
coagulant en pré opératoire, délai de survenue de la rétention aigue,
nécessité de mettre en place une sonde de lavage vésical ou de la
réalisation d’un décaillotage endoscopique ou une ré intervention.
Compte tenu du caractère rétrospectif de cette étude nous n’avons
pas pu étudier les efforts de poussée abdominale comme facteur
favorisant.
La recherche bibliographie a été réalisée sur Internet, utilisant les
moteurs de recherche PubMed [http://www.ncbi.nlm.nih.gov/ ent-
rez/query.fcgi] et “INIST-CNRS” [http://www.inist.fr/index.php].
Les mots clefs utilisés et croisés pour le premier étaient : “seconda-
ry bleeding”, “TURP”, “haematuria” ainsi que : “RTUP”, “chute
d’escarre”, “hémorragie secondaire”, “complications” pour le der-
nier.
RESULTATS
Parmi les 624 patients ayant eu une RTUP entre le 1er janvier 1997
et le 31 décembre 2004, 93 avaient été ré hospitalisés dans le servi-
ce d’urologie dans le mois qui avait suivi ce geste. Parmi ces 93
patients, 10 l’avaient été pour hématurie macroscopique sévère avec
épisode de rétention vésicale aigue (RVA) sur caillotage. Les autres
hospitalisations étaient en rapport avec d’autres complications ou
d’autres gestes : ablation de sonde vésicale pour l’essentiel mais
également complications infectieuses (prostatite, orchite), rétention
vésicale aigue sur copeaux sans hématurie et complications en rap-
port avec l’évolution d’un cancer de prostate.
Les principales caractéristiques des patients ainsi que de l’interven-
tion sont reprises dans le Tableau I. Seuls 2 patients avaient un trai-
tement anticoagulant en pré opératoire. Aucun n’avait un traitement
anti-agrégant plaquettaire en pré ou en post opératoire. Tous avaient
eu un traitement anti-coagulant post-opératoire en prévention de la
thrombose veineuse profonde. Aucun des 10 patients n’avait eu un
traitement différent du protocole en vigueur au moment de l’inter-
vention.
Les chutes d’escarres étaient survenues après des résections réali-
sées par 4 opérateurs différents et d’expériences différentes : 2 uro-
logues expérimentés, 1 chef de clinique et 1 interne.
Deux patients ont été transfusés en raison d’une anémie sévère
(Hb< 7 gr/ dl). A l’étude anatomo-pathologique des copeaux il y
avait des lésions adénocarcinomateuses chez deux patients..
DISCUSSION
La résection endoscopique par voie trans-urétrale de prostate reste
le traitement de référence des troubles mictionnels en rapport avec
l’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) [1, 3]. Les complica-
tions potentielles liées à cette intervention ont été rapportées très
largement [1, 3-6] et comprennent : des complications infectieuses
et hémorragiques, une hyponatrémie de dilution par réabsorption du
glycocolle, l’éjaculation rétrograde, la sténose uréthrale et rarement
une incontinence.
L’hématurie macroscopique dans la période post opératoire d’une
RTUP est une complication bien connue des urologues. Les patients
devraient être systématiquement prévenus du risque de survenue de
cette hématurie [2]. Il n’y a pas de moyen prophylactique connu et
le seul conseil pourrait être un apport abondant et régulier de bois-
son pour éviter le caillotage [2] dans les semaines qui suivent le
geste chirurgical. Souvent grâce à cette simple précaution, le patient
rapporte lors de la première consultation post opératoire un épisode
transitoire de saignement non compliqué dans les semaines qui sui-
vent son retour à domicile. Cette hématurie transitoire apparaît le
plus fréquemment au cours de la 2ème semaine après RTUP [6].
Cette hématurie secondaire est souvent appelée en France “chute
d’escarre”. Cette expression est employée dans d’autres spécialités
comme la gastro-entérologie. A l’instar de l’urologie, ce phénomè-
ne est expliqué par la chute d’une “croûte” de coagulation crée par
l’arc électrique du résecteur, soit une zone de nécrose recouvrant un
tissu de granulation. Cependant nous n’avons retrouvé aucune étude
physiopathologique pouvant confirmer ou étayer cette thèse. Cette
dénomination qui recouvre un concept physiopathologique est
exclusivement francophone et n’a pas d’équivalent dans la littératu-
re anglophone où le terme plus neutre de “secondary bleeding” est
utilisé. Par ailleurs, dans les articles provenant d’équipes anglo-
saxonnes traitant des complications de la RTUP, les saignements
post opératoires secondaires sont le plus souvent décrits dans leur
globalité sans distinction entre les saignements de la période post
opératoire précoce (1er mois) et ceux plus tardifs [4].
L’objectif principal de notre étude était la recherche de facteurs pro-
nostiques de chutes d’escarre après RTUP entraînant une hémorra-
gie significative avec caillotage et RVA. Aucun paramètre parmi
ceux que nous avons étudié ne permettait de prédire cette complica-
tion. Cependant, compte tenu de la faible fréquence de cette com-
plication dans notre étude (1,6%), il n’a pas été possible d’utiliser
des méthodes statistiques avec fiabilité pour identifier des facteurs
de risques parmi les facteurs étudiés : âge, drainage de vessie au
moment de la RTUP, antécédent de prostatite, durée d’intervention,
poids de la résection, histologie des copeaux, expérience de l’opéra-
teur et durée du drainage post-RTUP. Les même paramètres ont été
étudiés par O
LAPADE
-O
LAOPA
[6] ainsi que par H
ARVEY
[7]. Les
auteurs arrivent à la même conclusion que nous : ils ne retrouvent
pas de facteur pronostique de chute d’escarre. La fréquence de sur-
venue des cette complication dans notre étude est moins importante
que dans la littérature ou elle varie entre 2 et 25% [1, 5-7]. Ceci est
du à notre critère de sélection des patients, soit uniquement les cas
graves avec hémorragie abondante, nécessitant une hospitalisation.
HAVEY [7] a retrouvé une corrélation entre l’incidence de survenue
des hémorragies secondaires après RTUP et la présence d’une
infection urinaire lors de l’ablation de la sonde urinaire. Dans leur
étude prospective randomisée, l’antibioprophylaxie systématique
n’a cependant pas permis de diminuer l’incidence des saignements
secondaires. Ce paramètre n’a pas été étudié dans notre étude.
Nous avons basé l’identification des dossiers sur un tri informatique
des patients ayant subi une résection et ayant été ré hospitalisé dans
les 31 jours suivants. Ce croisement repose sur le codage CIM 10
(et CCAM pour les dossiers les plus récents) et sur le registre des
admissions. Le code utilisé étant le diagnostic principal d’un acte
réalisé de façon programmée, la marge d’erreur et donc le risque de
sous-estimation est faible. Le début des recherches remonte à 1997,
date à laquelle le codage informatique permettait d’obtenir une fia-
bilité satisfaisante des résultats.
Nous avons choisi de ne prendre en considération que les 31 jours
post opératoire : au-delà le risque de survenue d’une chute d’escar-
re est très faible [6]. D’ailleurs dans notre étude la médiane de sur-
venue de l’hématurie était de 11 jours.
G. Normand et coll., Progrès en Urologie (2006), 16, 461-463
462
Dans aucun cas il n’a été nécessaire de réaliser une nouvelle inter-
vention en dehors de la mise en place d’une sonde triple voie avec
un lavage qui a permis de lever le caillotage vésical et la rétention
aigue. La médiane de la durée de ré hospitalisation était de 3 jours.
Ces données sont en accord avec des études récentes qui confirment
le fait que la nécessité d’un décaillotage sous anesthésie utilisant un
endoscope est rare [6, 8].
CONCLUSION
L’incidence des chutes d’escarre après RTUP amenant à une ré
hospitalisation reste un phénomène rare dans notre expérience. Ceci
explique probablement le peu de données retrouvées dans la littéra-
ture sur ce sujet. Nous n’avons pas trouvé dans notre étude de fac-
teur de risque significatif avec la restriction du faible nombre de
patients. Des études complémentaires prospectives sont nécessaires
pour progresser dans la connaissance de cette complication, mais
nécessite cependant une base de données multicentrique avec un
suivi de plusieurs années.
REFERENCES
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3. PAULHAC P., DESGRANDCHAMPS F., TEILLAC P., LE DUC A. : Trai-
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8. WILSON R.G., SMITH D., PATON G., GOLLOCK J.M., BREMNER D.N..
Prophylactic subcutaneous heparin does nor increase post operative blood
loss in transurethral resection of the prostate. Br. J. Urol., 1988 ; 62 : 246-
248.
Commentaire de Jean-Pierre Mignard, Clinique Jeanne d’Arc,
Saint Brieuc
Le sujet est intéressant. Il correspond à une réalité de tous les jours et
n’est pratiquement pas traité dans la littérature.
Le petit nombre de patients (10 cas) ne permet malhrureusement aucu-
ne conclusion sur les facteur déclenchants ni sur la physiopathologie.
Une étude plus large mériterait d’être entreprise.
____________________
SUMMARY
Macroscopic haematuria after transurethral resection of the pro-
state.
Although macroscopic haematuria during the month following trans-
urethral resection of the prostate, due to sloughing of necrotic tissue, is
aphenomenon well known to urologists since introduction of endosco-
pic resection, its pathophysiological and epidemiological characteris-
tics are poorly defined. The objective of this retrospective study was to
define the incidence of serious macroscopic haematuria after transure-
thral resection of the prostate (TURP) and to identify the risk factors for
macroscopic haematuria.
Patients and Methods :The hospital database was used to identify
patients treated by TURP between 1997 and 2004 and rehospitalized
during the 31 days following the procedure.Files of patients presenting
with haematuria and bladder clots wereselected and analysed.
Results:Ten of a series of 624 patients undergoing TURP were hospi-
talised for bladder clots and their case files were analysed: median age:
72 years, median duration of TURP: 45 min and median weight of
resection: 12 g. The operators’ experience and the duration of post-
TURP catheterization were not informative. In 2 cases, prostate cancer
was diagnosed after analysis of resection chips. Two patients were trea-
ted by anticoagulants. Patients were essentially rehospitalized during
the 2nd week (median: 11th day). Abladder catheter for was inserted
for lavage in each case. No patient required reoperation or removal of
clots under general anaesthesia. Two patients were transfused.
Conclusion:We did not identify any risk factor for sloughing leading to
macroscopic haematuria during the month following TURP. Macrosco-
pic haematuria justifying rehospitalization is a rare event. However, in
view of this low incidence, optimal analysis could only be performed in
the context of a national prospective register.
Key-Words:Haematuria, postoperative bleeding,complication, transure-
thral resection of the prostate.
G. Normand et coll., Progrès en Urologie (2006), 16, 461-463
463
Tableau I. Principales caractéristiques des patients et de l’interven-
tion.
Patients
Nombre de patients étudiés 624
Nombre de patients hospitalisés pour chute d'escarre 10
Médiane de l’âge 72 ans
Proportion de patients ayant une prostate évaluée > 40cc 80%
Nombre de patient ayant un drainage pré opératoire 3
Nombre de patient ayant un antécédent de prostatite 0
Intervention
Médiane de la durée de la RTUP 45 min
Médiane du poids de résection 12 gr
Nombre de patient ayant un cancer à l’anatomo-pathologie 2
Médiane de la durée du sondage post-opératoire 2 jour
Ré-hospitalisation
Médiane de la date de ré hospitalisation (jour post-opératoire) 11ème
Médiane de la durée de ré hospitalisation 3 jour
____________________
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