AFPP DIXIÈME CONFÉRENCE INTERNATIONALE SUR LES RAVAGEURS EN AGRICULTURE
MONTPELLIER 22 ET 23 OCTOBRE 2014
PAYSAGE CHIMIQUE D'UNE AGROBIOCENOSE : UN EXEMPLE LA FEVEROLE ET SON RAVAGEUR
SPECIALISTE BRUCHUS RUFIMANUS
E. LEPPIK, C. PINIER et B. FREROT
(1) INRA VERSAILLES, IEES, UMR 1392, RD 10, ROUTE DE SAINT CYR, 78000 CEDEX VERSAILLES, France
brigitte.frerot@versailles.inra.fr
RÉSUMÉ
La bruche de la féverole est, en Europe, un ravageur important de la ve. Les larves endommagent
les graines et diminuent leur valeur commerciale. Peu de connaissance porte sur la biologie et
l'écologie de bruche vis-à-vis de sa plante-hôte. Pour comprendre le rôle des signaux sémio-
chimiques impliqués dans la colonisation de la plante-hôte, nous avons après avoir étudié le
comportement de l’insecte, prélevé les composés organiques volatils (COV) émis par la féverole dans
les conditions du champ. Les COV émis aux différents stades phénologiques de la plante ont été
collectés par la technique de la SPME et identifiés en GC-MS. Les premiers résultats montrent qu’il
est possible de développer un attractif pour ces insectes sur la base des COV identifiés.
Mots-clés : Bruchus rufimanus, plante-hôte, GC-MS, SPME, COV
ABSTRACT
CHEMICAL LANDSCAPE OF AGRO-BIOCOENOSIS: CASE STUDY OF BROAD FABA BEAN AND ITS
SPECIALIZED PEST BRUCHUS RUFIMANUS
The Broad Bean Weevil (BBW) is a serious pest of the Broad Bean in Europe damaging the beans and
decreasing the commercial value. Little is known on the biology and ecology of the pest and its
relations with the faba bean plant. To apprehend the semiochemical signals involved in the
processus of host plant colonisation, after a behavioural study, we collected headspace samples
of volatile organic compounds (VOC) emitted by the faba beans in the field. The VOCs released by
the different physiological stages of the plant were collected by SPME and analysed by Gas
ChromatographyMass Spectrometry (GC-MS). The first results showed that it is possible to develop
an attractant for BBWusing the data of identification
Keywords: Bruchus rufimanus, host-plant, GC-MS, SPME, VOC
INTRODUCTION
La bruche de féverole (Figure 1) est le principal ravageur de la verole (Vicia faba) en France. Les
ts qu’elle occasionne affectent la qualité des graines et leur exportation. L’inefficaci des
thodes de lutte autorisées a conduit Arvalis et l’INRA à initier en 2011, un projet de recherche visant
à mettre au point de nouvelles méthodes de contrôle des populations, dans une optique de protection
ingrée des cultures.
La bruche de verole (Bruchus rufimanus, Boheman, Coléoptère : Chrysomélidae) est originaire d’Asie
occidentale. Son arrivée en Europe date d’environ 4000 ans (Hoffmann 1945; Zohary et al. 2012). Les
populations ont progressé avec l’extension de la culture de laverole. La bruche est un insecte
monophage qui se développe uniquement sur la verole cultivée. L’insecte et la plante ont covolués
au travers d’une relation stricte. Le cycle de développement est de type univoltin. Les adultes hivernent
sous les écorces des arbres avant de sortir au printemps suivant pour coloniser les champs de féveroles
en fleur. Les femelles pondent les œufs sur les gousses vertes (Balaschosky, 1962). Les dégâts sont dus
exclusivement aux larves qui percent un trou au travers de la gousse pour se nourrir de la graine. Les
larves se nymphosent à l’intérieur des graines et les adultes émergent généralement lors de la colte.
Les graines endommagées par les trous et les galeries des bruches perdent leur valeur commerciale et
ne sont plus commercialisables pour l’alimentation humaine qui a des standards de quali stricts.
Quelques insectes vivants restent dans les graines après la récolte, et leur présence est une cause de
refus de commercialisation bien que contrairement aux charançons des céréales, la bruche ne se
reproduit pas dans les graines stockées.
Les larves à l’intérieur des graines (Figure 2) sont à l’abri des traitements phytosanitaires et les adultes
sont les seules cibles des contrôles.
Peu de travaux ont por sur la relation miochimique entre la bruche et sa plante hôte. En 2011,
Bruce et al., ont publié un attractif de type fleur et ont proposé une molécule phéromonale produite par
les les.
L’objectif de notre étude a éd’identifier les signaux sémiochimiques qui agissent sur le comportement
des bruches, quand elles sortent d’hivernation et qu’elles doivent localiser et coloniser le champ de
verole, avec d’autres méthodes. Pour ce faire, nous avons étud l’attraction des difrents stades de
la plante vis à vis des bruches dont nous avons suivi le développement ovarien comme indicateur du
statut physiologique. Les signaux chimiques de la plante ont été collecs in situ dans le champ de
verole à des différents stades de développement : feuille, fleur et gousse.
MATERIELS ET MÉTHODES
ETUDE COMPORTEMENTALE
Un tunnel de vol de petite dimension (diatre 30 cm, 70 cm de longueur) a été utili pour étudier
l’attraction des bruches (Figure 3) ; le dispositif permettait de tester les plantes avec des feuilles, puis
avec des fleurs puis avec des gousses. Le tunnel est installé dans la serre pour avoir une forte luminosité
naturelle et les températures optimales pour l’activité des bruches (2C à 2C).
Les insectes tess ont été préles chaque semaine dans les parcelles culties. Ils sont séparés par
sexe et soumis aux effluves odorants de la plante qui sont pouss à l’intérieur du tunnel par un
ventilateur. L’ensemble de l’air qui sort du tunnel est récupé par un extracteur muni d’un filtre en
charbon actif. Le tunnel est subdivi en 5 zones pour évaluer le niveau d’attractivité de l’insecte vis à
vis de la plante hôte. Les bruches sont teses au début de laprès-midi et chaque test dure 7 minutes.
SUIVI DU STATUT PHYSIOLOGIQUE DES FEMELLES
L’appareil génital des femelles est disqen parallèle avec l’étude du comportement d’attraction
pour connaître leur état physiologique. Pour chaque série d’étude de comportement 2 femelles étaient
disséquées sous la loupe binoculaire et les ovarioles coloes au bleu de méthyne.
PRELEVEMENT DES ODEURS
Site déchantillonnage des COV et des expérimentations de terrain
Les COV sont préles in situ dans le champ de féverole à Villiers le Bâcle, Ile de France (France)
(444'11.5"N 2°06'44.3"E). La varié plane est Expresso. La parcelle de verole est un champ de
culture de 15 ha environ.
Les fibres SPME
Les fibres SPME utilies sont des Divinylbenzene/Carboxen/Polydimethylsiloxane (DVB/CAR/PDMS)
avec lépaisseur de phase 50/30 µm (Supelco).
Prélèvements des COV
Les COV sont préles au stade feuille, fleur et gousse de 10 heure à 15 heure sur des plantes
individuelles choisies au hasard dans le champ. A chaque stade pnologique, les COV de 6 plantes sont
collectées. La plante est enveloppée dans le sac en flon (30 cm x 30 cm) pour créer un espace de tête
statique (Figure 5). Les fibres SPME sont exposées dans l’espace de tête pendant 5 heures. Puis l’aiguille
est rétrace et les fibres sont enveloppées dans une feuille d’aluminium. Protégées dans des tubes en
verre de Pyrex, elles sont gardées au conlateur en attendant les analyses en GC-MS.
ANALYSE DES COV
Les analyses chimiques des COV
Les fibres sont désorbées dans l’injecteur de chromatographe en phase gazeuses (Scion 436) couplé au
tecteur masse simple quad SQ TM (Bruker). Les COV sont sépas sur une colonne Rxi-5ms (Restek,
France) 30 m x 0,32 mm I.D., épaisseur de film 0,5 µm. Le four de la colonne est program de 50°C à
30C par pas de 8°C/minute. Hélium est utili comme gaz vecteur. Les spectres de masse sont
obtenus en mode impact électronique (70 eV) avec la chambre d’ionisation chauffée à 250°C.
Les COV élués des fibres SPME sont identifiés gce à leurs spectres de masse et leur indice de tention
(RI). Les RI sont calculés en utilisant les n-alcanes C10 à C24, élués dans les mêmes conditions que les
échantillons. Le spectre de chaque pic et son RI sont compas à ceux des authentiques du laboratoire
et à la bibliothèque de NIST 2011 par le biais de AMDIS32.
Formulations des attractifs
Les formulations comprennent difrents mélanges des molécules candidates à difrentes doses, en
solution dans de l’huile de paraffine. Plusieurs formulations avec les odeurs de fleurs de verole et de
gousses ont été teses dans les conditions du champ. Chaque formulation est contenue dans un flacon
de 2 ml (Restek, France).
Piégeage des bruches
Les plaquettes engluées, conçues au laboratoire sont placées dans la parcelle de féverole (Figure 4). Les
plaquettes sont des transparents de rétroprojecteur (13,5x21 cm), perfos sur les bords et enfilées sur
des piquets de bois (60 cm). L’ensemble est enduit de glue sans odeur. Les diffuseurs sont attachés par
une ficelle en nylon devant la plaquette.
RESULTATS ET DISCUSSION
TESTS DE COMPORTEMENT DATTRACTION PAR LA PLANTE HOTE
Les mâles (n=18) et les femelles (n=21) ne sont pas attirés par la féverole au stade feuille (Tableau
1), plus de 80% des individus testés restent immobiles dans la zone de lâcher pendant la durée du
test. Au moment la féverole est en stade feuille dans la nature, les bruches n’ont pas encore
consommé du pollen et sont sexuellement immatures. Les dissections ont montré que les ovarioles
des femelles testées ne sont pas développées quand les féveroles sont au stade feuille. L’état
physiologique de l’insecte évolue en même temps que la plante hôte. Au stade fleur de féveroles, les
bruches ont accès au pollen et les femelles commencent à être sexuellement matures. Les ovarioles
des femelles sont bien développés et les mâles (n=21) sont fortement attirés par la féverole en fleur,
tandis que les femelles (n=21) manifeste une attraction moyenne. Plus que 90 % des mâles arrivent
rapidement dans la zone 4-5 quand une féverole en fleur est présentée à l’autre bout de tunnel.
Environ 60 % des femelles se dirigent rapidement dans la zone 4-5 en présence de féverole en fleur.
En ajoutant des mâles dans un sachet en voile et en les plaçant devant la féverole en stade de fleure,
environ 90 % des femelles et 80 % des mâles arrivent rapidement dans la zone 5 du tunnel. Quand
les bruches sont attirés par les féveroles en fleur, le déplacement des insectes est rapide. En
quelques secondes, les bruches lâchées dans la zone 1 du tunnel volent vers la plante en fleur.
L’effet d’attraction à la plante hôte est potentialisé par la présence des mâles sur les fleurs.
Les résultats obtenus en tunnel du vol montrent que les bruches sont attirées par l’odeur de la
féverole au stade fleur alors que les insectes sont sexuellement matures.
IDENTIFICATION DES COV AUX DIFFERENTS STADES DE DEVELOPPEMENT DE LA PLANTE
Le signalmiochimique émis par laverole est un bouquet d’une vingtaine des composées organiques
volatiles (COV) dont le taux d’émission et la composition changent au cours du temps. Le profil odorant
évolue dans le temps avec le développement de la plante (Figure 6). De fon générale la féverole émet
principalement des composés, peu originaux que l’on rencontre chez la plupart des angiospermes
(Knudsen et al. 2006). Les jeunes féveroles en stade de feuille, émettent principalement des odeurs
vertes et des compos monoterpéniques. Les odeurs vertes sont des alcools, aldéhydes et acétates de
courtes chaines de carbone (C6) qui ont une fragrance d’herbe fraiche. La plupart des odeurs vertes ne
sont pas spécifiques à un taxon de plante. Les composées monoterpéniques (C10) émis par les feuilles
présentent une diversité chimique très importante. Au stade feuille des veroles, les bruches ne sont
pas atties par la plante. Sur le terrain, nous avons obserque les premières bruches arrivent sur le
champ de féverole quand les féveroles sont au début de floraison. A la floraison les COV émis par les
veroles ont évolué par rapport au stade feuille : les veroles émettent un mélange complexe de
divers composées sesquiterpénoiques (C15). Les sesquiterpènes en bouquets avec les odeurs vertes et
monoterpènes forment l’odeur agréable des fleurs. En pleine floraison les féveroles émettent moins
d’odeurs vertes et beaucoup de sesquiterpènes. Par rapport au stade feuille, l’émission totale des
sesquiterpènes double à pleine fleuraison.
Le stade fleur est attractif pour les insectes en tunnel de vol. Les bruches arrivent dans les champs de
verole au début de la floraison. Elles s’alimentent de pollen et de nectar riche en sucre et acides
aminés (Baker and Baker 1983). La consommation de pollen de féverole semble déclencher la
maturation sexuelle des femelles (Huignard 2011) et les accouplements. Les bruches s’accouplent dans
les fleurs et dans des cornets foliaires qui servent aussi aux sites de repos nocturnes (Figure 7).
Les femelles fécondées pondent leurs œufs sur les gousses vertes. L’odeur des gousses est un
bouquet constitué par les odeurs vertes et des monoterpénoides, dans des ratios différents de celui
émis au stade feuille. Signal sémiochimique de verole évolue au cours du temps en fonction du
développement de la plante.
En prenant en compte les observations du comportement des insectes, les identifications des COV,
nous avons fabriqué plusieurs formulations avec les composés clés de chaque stade de la féverole.
Nous avons testé ces formulations à des concentrations différentes. Certains attractifs à base de 6
composées capturent plus de 60 fois plus que les contrôles et nos pièges sont arrivés à saturation au
bout de 3 jours dans le champ (Figure 8). Nous avons capturé des bruches pendant la pleine
fleuraison de la féverole. Les tests préliminaires sur le terrain sont prometteurs pour continuer les
travaux sur le développement des piégeages en masse à la base des odeurs des plantes. L’étude du
comportement des bruches vis à vis des attractifs dans les conditions du terrain vont être poursuivi
pour potentialiser au maximum l’efficacité des attractifs dans le temps. A ce stade de l’étude, il nous
faut signaler que nos résultats diffèrent de ceux publiés par Bruce et al, 2011, certainement du fait
des conditions de prélèvement et des techniques utilisées qui permettent l’analyse de composés
très volatils. Par contre nos tests de comportements montrent bien que les mâles doivent produire
une phéromone et qu’en association avec les composés clés des fleurs, l’attraction est augmentée.
Sur ce point nous avons les mêmes conclusions. Les tests avec la molécule proposée par Bruce et al,
2011, n’ont pas donné dans nos conditions expérimentales de résultats positifs
Le signal émis par la plante et sa signification pour l’insecte évolue dans le temps. Le signal
sémiochimique émis par la plante qui a co-évolué avec son principal ravageur intervient dans la
localisation de la culture qui devient attractive au stade fleur. Les insectes acquièrent sur la plante la
maturité sexuelle. Nous confirmons dans cet exemple que les odeurs produites par les plantes qui
agissent sur la colonisation de la culture sont des mélanges subtils de composé ubiquistes (Bruce
and Pickett 2011; Webster et al. 2010).
REMERCIEMENTS
Ferme expérimentale d’Arvalis à Villiers le cle pour les parcelles de veroles de printemps non
traitées. Rachid Hamidi pour les photos. Agathe Bombail pour aide technique lors de la mise en place
des pièges à glu sur le terrain.
BIBLIOGRAPHIE
Baker HG, Baker I (1983) A brief historical review of the chemistry of floral nectar. The biology of
nectaries: 126-152
Bruce TJ, Pickett JA (2011) Perception of plant volatile blends by herbivorous insects--finding the
right mix. Phytochemistry 72: 1605-1611
Hoffmann A (1945) Coléoptères bruchides et anthribides. Lechevalier
Huignard J (2011) Insectes ravageurs des graines de légumineuses: biologie des Bruchinae et lutte
raisonnée en Afrique. Versailes: Éditions Quae
Knudsen JT, Eriksson R, Gershenzon J, Stahl B (2006) Diversity and Distribution of Floral Scent. The
Botanical Review 72: 1-120
Webster B, Bruce T, Pickett J, Hardie J (2010) Volatiles functioning as host cues in a blend become
nonhost cues when presented alone to the black bean aphid. Animal Behaviour 79: 451-457
Zohary D, Hopf M, Weiss E (2012) Domestication of Plants in the Old World: The origin and spread of
domesticated plants in Southwest Asia, Europe, and the Mediterranean Basin. New York, USA:
Oxford University Press
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