de façon exponentielle avec l’âge, pour
passer de 238/100 000 entre 45 et 84 ans à
1 300/100 000 après 84 ans. Ces dernières
années, on constate une diminution du
nombre des AVC hémorragiques
(certainement par une meilleure prise en
charge de l’hypertension artérielle [HTA]) et
une augmentation de celui des AVC
ischémiques d’origine cardioembolique chez
les personnes de plus de 75 ans
(probablement par une meilleure survie de
celles atteintes de cardiopathie ischémique).
Le taux de décès est de 20 à 30 % dans le
premier mois
[73]
.
Chaque tableau clinique réalisé associe de
multiples déficiences qui interagissent entre
elles, ont leurs propres complications dont
certaines risquent d’engager le pronostic
vital et d’autres de compromettre le
pronostic fonctionnel. Pour essayer de
diminuer la fréquence des décès et de
réduire le poids de la dépendance,
l’organisation de la prise en charge des AVC,
au-delà des gestes réalisés en urgence, doit
prendre en compte les quelques
recommandations que nous formulons et qui
sont inspirées, pour certaines, du mode de
fonctionnement des unités de rééducation
des AVC au sein des services de médecine
physique et de réadaptation : reconnaissance
d’une unité ou d’un secteur d’urgences
neurovasculaires dans les structures
hospitalières aptes à prendre en charge les
AVC ; équipe de soins à la fois médicale et
paramédicale, animée d’une dynamique
interdisciplinaire intégrant dès la phase
initiale de la prise en charge les compétences
des urgentistes, des neurologues, des
neurochirurgiens, des réanimateurs, des
cardiologues et angiologues, des spécialistes
de la rééducation et se réunissant une à deux
fois par semaine afin de définir ou de
réajuster les programmes de soins
[58, 61, 111]
;
élaboration et utilisation d’un dossier AVC
commun à l’ensemble des intervenants et
comportant des échelles d’évaluation dont
l’intérêt est de permettre un suivi plus
objectif de l’évolution, d’aider à l’orientation
du malade à partir de cette unité
neurovasculaire et de faciliter les
comparaisons entre différents groupes de
malades ; rencontres avec la famille ou les
proches dont le rôle est déterminant pour
envisager et préparer le plus tôt possible le
retour au domicile
[58, 61]
.
Le premier bilan de rééducation, quant à lui,
doit être fait dès la phase initiale, peu après
les premières mesures d’urgence, dans les
24-48 premières heures. Il est répété en fin
de première semaine ou au début de la
deuxième semaine, lorsque l’état du malade
commence à se stabiliser. Ces bilans doivent
évaluer les déficiences, recueillir les facteurs
précoces du pronostic fonctionnel, préciser
la conduite de la rééducation
[98]
et aider à
l’orientation des malades, soit vers une unité
de rééducation des AVC, soit vers d’autres
filières de soins
[28]
.
Bilan
Nous prenons pour type de description une
hémiplégie de gravité intermédiaire.
BILAN DES DÉFICIENCES
¶Déficiences motrices
Ce sont les déficiences les plus apparentes
de l’hémiplégique car elles limitent ou
empêchent toute possibilité d’exécuter un
mouvement volontaire. La complexité de
leur analyse découle de la complexité du
contrôle moteur et de son dérèglement.
Classiquement, on décrit séparément trois
troubles élémentaires : le déficit moteur ou
déficit de la commande, l’hypertonie
pyramidale ou spasticité, les syncinésies ou
cocontractions auxquelles il faut ajouter les
modifications musculaires telles que
l’hypoextensibilité et les rétractions. En fait,
c’est de leur intrication que résulte la
motricité de l’hémiplégique. Aussi nous
paraît-il plus proche de la réalité clinique
d’essayer de les objectiver et de les évaluer
au cours des deux temps successifs de
l’examen moteur : examen de la mobilité
passive, examen des mouvements actifs.
Mobilisation passive
Elle a un double but : rechercher des
limitations d’amplitude articulaire et
objectiver les troubles du tonus.
•Limitations d’amplitude articulaire
Elles tendent à s’installer très précocement,
sitôt après l’ictus. Elles résultent des
rétractions musculaires favorisées par
l’immobilisation due à la paralysie de
l’hémicorps atteint et aux conditions de prise
en charge initiale qui privilégient dans les
premières heures l’urgence diagnostique et
thérapeutique. L’expérimentation animale
montre qu’une fois installées, ces rétractions
et le raccourcissement musculaire qui en
résulte augmentent la sensibilité des fuseaux
neuromusculaires. L’expérience clinique
courante chez l’homme démontre que ces
rétractions participent à la survenue retardée
de la spasticité. Afin de réduire ce risque, la
prise en charge de rééducation doit être
aussi précoce que possible afin de réaliser
une mobilisation lente et douce n’exerçant
pas d’étirements excessifs sur des fibres
musculaires rétractées, ce qui risquerait
d’augmenter le réflexe d’étirement et
d’installer un véritable cercle vicieux.
•Spasticité
Ce terme est ancien, utilisé depuis plus d’un
siècle. Sa définition est pourtant récente : il
s’agit d’un « trouble moteur caractérisé par
une augmentation, vitesse-dépendante, du
réflexe tonique d’étirement (tonus
musculaire), avec exagération des réflexes
ostéotendineux... »
[68]
.
Lorsque l’on étire un muscle par une
mobilisation passive segmentaire dans une
direction opposée à celle de son action
physiologique, on provoque une contraction
réflexe dont l’exagération définit la
spasticité. En pratique, celle-ci se traduit par
une résistance à l’étirement dont l’intensité
croît avec la vitesse de mobilisation. Il existe
une vitesse seuil au-dessous de laquelle le
réflexe d’étirement n’apparaît pas, propriété
qui est mise à profit à la fois pour déceler,
prévenir et réduire les rétractions par une
mobilisation passive lente sans risquer
d’accroître la spasticité.
Pour certains auteurs, les autres types
d’hyperactivité musculaire, notamment les
syncinésies que nous reverrons plus loin et
la dystonie spastique ont un impact plus
important que la spasticité sur le
mouvement volontaire et sur les capacités
fonctionnelles. La dystonie spastique, selon
Denny-Brown, est une contraction
musculaire permanente en l’absence
d’étirement phasique ou d’effort volontaire
qui retentit sur la posture et favorise les
rétractions musculaires, les limitations
d’amplitude articulaire et les déforma-
tions
[35, 50]
.
Même si son retentissement fonctionnel est
difficile à cerner et à mesurer, il semble
raisonnable d’évaluer la spasticité car elle
est la seule manifestation vraiment
quantifiable de l’hyperactivité musculaire.
En outre, les échelles de spasticité
permettent d’évaluer l’efficacité des
traitements antispastiques.
L’échelle d’évaluation la plus habituellement
utilisée est l’échelle d’Ashworth. Cette
échelle n’a jamais été validée statisti-
quement. Une variante, l’échelle d’Ashworth
modifiée
[12]
, a été validée uniquement pour
sa reproductibilité interévaluateur pour le
biceps brachial (tableau I). Malheureusement,
ces deux échelles évaluent un mélange de
spasticité et de raccourcissement musculaire.
Le seul grade non entaché d’erreur est le
grade 1. L’évaluation des grades2à4(et
surtout des grades 3 et 4) est purement
subjective. En outre, elle ne fait aucune
référence à la vitesse d’étirement.
L’échelle de Tardieu, reprise par Held et
Pierrot-Deseilligny, a le mérite de fixer des
conditions d’examen reproductibles afin de
prendre en compte les facteurs de variation
du réflexe d’étirement : moment de la
journée, température ambiante, position
générale du patient, position segmentaire et
surtout vitesse d’étirement. Elle propose
trois vitesses d’étirement, en particulier une
vitesse lente (V1) qui permet de détecter les
rétractions, et une vitesse moyenne (V2) qui
correspond à la chute d’un segment de
membre paralysé sous l’action de la
pesanteur. L’intensité est cotée, d’une part
en fonction de la résistance à l’étirement
avec quatre grades de1à4bien différenciés
et bien repérables de façon objective, et
d’autre part, en fonction de l’angle de course
articulaire à partir duquel apparaît cette
résistance (cf infra)
[50, 55]
. Sa reproductibilité
inter- et intraévaluateur est en cours d’étude
(Gracies).
26-455-A-10 Rééducation des accidentés vasculaires cérébraux. Bilan et prise en charge Kinésithérapie
2
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. - Document téléchargé le 21/06/2010 par BIBLIOTHEQUE DE L UNIVERSITE (6574)