Génétique moléculaire étendue des groupes sanguins (génotypage à haut débit) On connaît aujourd’hui 30 systèmes de groupes sanguins avec plus de 600 antigènes. Et chaque année, on découvre dans ces 30 systèmes de groupes sanguins encore de nouvelles variantes dont la pertinence clinique sera plus ou moins importante. Pourtant, lors des transfusions de concentrés d’érythrocytes, on ne tient le plus souvent compte que du système de groupe sanguins ABO et de l’antigène rhésus-D. Il n’est donc pas étonnant que la formation d’anticorps contre des antigènes d’autres groupes sanguins soit la complication la plus fréquente lors d’une transfusion. Ce fait est d’ailleurs confirmé par l’hémovigilance de tous les pays occidentaux. Les allo-anticorps et leurs implications La formation de ces allo-anticorps cause un préjudice permanent au patient car, de ce fait, le choix de produits sanguins compatibles pour une éventuelle future transfusion sera plus limité. Les femmes en âge de procréer courent le risque supplémentaire d’une maladie hémolytique du nouveau-né, Morbus haemolyticus neonatorum (MHN). Une fois détectée, l’existence d’un allo-anticorps doit être prise en compte lors de toute nouvelle transfusion, car une réexposition va de pair avec le risque d’une réaction hémolytique potentiellement mortelle. La diversité des allo-anticorps dépistés est très grande. Il existe des allo-anticorps contre les antigènes D, E, e, C et c du groupe sanguin rhésus et contre un grand nombre d’autres antigènes des groupes sanguins Kell, Lutheran, Duffy etc. Dans environ 15% des cas, on constate la formation simultanée d’allo-anticorps contre les antigènes de plusieurs groupes sanguins. Situations à risque et patients à risque La version 2009 des recommandations du service de transfusion sanguine CRS (Principes d’immuno-hématologie et analyses pré-transfusionnelle chez le patient, Chapitre 8.1.3.1 et 8.1.3.2) stipule dans quelles situations on doit envisager la présence d’autres antigènes de groupe sanguin. Ainsi, on tiendra compte du phénotype Rh et de l’antigène K pour les indications suivantes: - chez les enfants de sexe féminin et les femmes en âge de procréer (de la naissance - à 50 ans), - en présence d’allo-anticorps contre d’autres antigènes - en cas d’auto-immunisation anti-érythrocytaire - pour les patients transfusés chroniquement - pour les patients ayant subi une transplantation de cellules souches allogènes Le Service de transfusion sanguine de Berne contrôle le phénotype Rh et l’antigène K chez tous ses donneurs. Chez certains patients à risque, avec un besoin chronique de transfusions, on doit tenir compte de plusieurs autres antigènes de groupe sanguin. Il est dès lors important d’avoir, au préalable, identifié ces antigènes chez un nombre suffisamment important de donneurs. Approvisionnement de patients à risque grâce au génotypage Fournir aux patients avec des besoins spéciaux des produits sanguins compatibles est en règle générale très compliqué. Il existe, par exemple, des patients qui possèdent de multiples allo-anticorps, des auto-anticorps puissants, des allo-anticorps rares ou des combinaisons d’allo-anticorps contre des antigènes très répandus (Kp(b), k, Vel, Lu(b), Co(a), Yt(a), etc.). Dans ces cas, l’analyse pré-transfusionnelle et la recherche de concentrés d’érythrocytes compatibles demandent beaucoup de temps et coûtent très cher. Lorsque la décision de transfuser est prise, il ne reste souvent plus assez de temps pour le génotypage des concentrés d’érythrocytes. La disponibilité d’anticorps spécifiques pose aussi un grand problème. Souvent, ils ne sont pas disponibles en quantité suffisante ou ne possèdent pas la qualité voulue. Le génotypage précoce de patients qui présentent un risque élevé de former des anticorps avant la première transfusion ou, avant de poursuivre les transfusions, si des anticorps sont déjà présents, peut nous aider à éviter des situations cliniques graves. Pour cette raison, le Service de transfusion sanguine de Berne a déjà déterminé, par des méthodes moléculaires, le profil élargi d’antigènes (génotypage) de plusieurs milliers de donneurs. La détermination du profil d’antigènes du patient permet alors de sélectionner rapidement les concentrés d’érythrocytes appropriés. Déroulement des clarifications Grâce au génotypage des donneurs de sang, le Service de transfusion sanguine de Berne s’est constitué des réserves de concentrés d’érythrocytes avec un profil d’antigènes connu. Lorsqu’un patient à risque a besoin d’une transfusion, un échantillon de son sang est soumis à une analyse de routine et l’on détermine en plus son profil élargi d’antigènes. Les concentrés d’érythrocytes appropriés seront alors sélectionnés directement en fonction des résultats ainsi obtenus et envoyés, après un contrôle de compatibilité selon les normes du STS CRS. Selon le degré d’urgence, cette procédure peut s’appliquer dès la première transfusion ou lors d’un besoin de transfusion ultérieur. Cette procédure permet d’épargner beaucoup de temps et d’argent dans l’approvisionnement du sang car la recherche de produits appropriés pour des patients avec de nombreux anticorps, à l’aide de techniques sérologiques, est souvent un travail de longue haleine et fort coûteux. L’automatisation et la standardisation du génotypage, couplées à une gestion électronique des données permettent en plus une amélioration de la qualité sans augmentation des coûts. Systèmes de mesure Les premiers systèmes commerciaux de génotypage étendu sont déjà ou seront bientôt disponibles sur le marché. Ces systèmes présentent cependant quelques défauts non négligeables. Non seulement leur prix d’achat, et en particulier le prix des réactifs, est très élevé, mais en plus, ils n’offrent guère de flexibilité dans le choix des marqueurs de groupe sanguin. On est obligé d’analyser les marqueurs définis par le fabricant. Or, les besoins analytiques de différents pays, de différentes régions et même de différents services de transfusion, d’hôpitaux, voire de patients individuels, ne sont pas identiques. Le système que nous avons développé nous-mêmes est lui adapté au profil d’antigènes des donneurs et des patients suisses et nous permet en plus de satisfaire des demandes spécifiques. Notre système utilise la réaction en chaîne par polymérase pour amplifier des séquences spécifiques d’amorces (Polymerase Chain Reaction Specific Sequence Primer ou PCR-SSP) Les allèles individuels sont amplifiés par PCR à partir d’un nombre de solutions contenant différentes amorces (multiplex) et mesurés par électrophorèse capillaire. Les réactions multiplex peuvent être combinées au choix, ce qui permet de génotyper les donneurs et les patients selon les marqueurs que l’on choisit parmi les 22 marqueurs de groupe sanguin cliniquement pertinents qui suivent : Réactions multiplex: Réaction 1 CO*01 Co (a) FY*null01 Fy (a- b-) KEL*01 K KEL*03 Kp (a) LU*01 Lu (a) YT*01 Yt (a) Réaction 2 CO*02 FY*265T Fy bx KEL*02 KEL*04 LU*02 YT*02 Co (b) k Kp (b) Lu (b) Yt (b) Réaction 3 FY*01 MNS*01 MNS*03 DO*01 JK*01 Fy (a) M S Do (a) Jk (a) Réaction 4 FY*02 MNS*02 MNS*04 DO*02 JK*02 Fy (b) N s Do (b) Jk (b) Sur demande, nous pouvons également analyser d’autres allèles pour des groupes de patients spéciaux, comme par exemple, des groupes ethniques. Il s’agit des allèles suivants: KEL*07 (Js(a)), KEL*08, KEL*11 (K11), KEL*17 (K17), LU*08 (Lu8), LU*14 (Lu14) (Js(b)), DO*04(Hy), LW*05 (LW(a)), LW*07 (LW(b)), SC*01 (Sc1), SC*02 (Sc2,) DI*01 (Di(a)), DI*02 (DI(b)), DI*03 (Wr (a)), DI*04 (Wr (b)). Service de transfusion sanguine CRS Berne SA, juin 2011