Analgésie et rééducation en orthopédie

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DOULEUR
ANALGESIE ET REEDUCATION EN ORTHOPEDIE
C. Gavillot*, H. Bouaziz**, F. Dap***, S. Boileau**. *Institut Régional de Réadaptation, 34 rue Lionnois, 54000 Nancy, **Département d’Anesthésie Réanimation, CHU,
29 avenue du Maréchal de Lattre de Tassigny, 54035 Nancy, ***Service de Chirurgie
plastique et reconstructrice de l’appareil locomoteur, CHU, Hôpital Jeanne d’Arc,
54201 Dommartin-les-Toul, France.
INTRODUCTION
L’incidence des douleurs postopératoires sévères en chirurgie orthopédique
concerne par ordre de fréquence le rachis, le pied et la main, la hanche, le genou et
l’épaule [1]. La douleur, de type inflammatoire, est liée à la cicatrisation et dure en
moyenne de 5 à 7 jours, mais la douleur de forte intensité dépasse rarement 72 heures.
Au niveau du membre supérieur, après certains gestes tels que l’arthrolyse du coude
ou la ténolyse des fléchisseurs, une mobilisation précoce est indispensable pour assurer
une récupération fonctionnelle optimale. Du fait de la recrudescence des douleurs lors
de la rééducation, la chirurgie du membre supérieur fait partie des indications de mise
en place d’un cathéter périnerveux pour assurer une analgésie de qualité durant les
premiers jours postopératoires [2].
1. PRINCIPES DE LA REEDUCATION
1.1. ARTHROLYSE DU COUDE
1.1.1. OBJECTIF
L’arthrolyse du coude est une intervention mobilisatrice qui vise à redonner au
coude une mobilité fonctionnelle en supprimant les rétractions capsulo-ligamentaires,
musculaires et aponévrotiques et en réalisant l’ablation d’ostéomes, de corps étrangers
ou de butoirs osseux [3].
1.1.2. PHYSIOLOGIE ARTICULAIRE
Anatomiquement le coude ne représente qu’une seule articulation, mais physiologiquement il possède deux fonctions : la flexion-extension qui permet d’éloigner ou de
rapprocher la main du corps et la prono-supination qui oriente la main dans l’espace.
C’est grâce à la flexion du coude que l’homme peut porter les aliments jusqu’à sa
bouche : il saisit un aliment en extension pronation et le porte à la bouche en flexion
supination. La position de référence, définie par la convention internationale,
correspond à l’extension complète (0°) avec une prono-supination neutre. Les amplitu-
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298 MAP AR 2000
des normales du coude sont de 145° en flexion, 0° en extension, 170° en prono-supination.
Certains sujets possédant une grande laxité ligamentaire ont une extension de 5 à 10°.
À l’intérieur du secteur de mobilité normale, on distingue un secteur fonctionnel utile
entre 30° et 130° de flexion et un secteur minimum utile entre 80° et 120° de flexion.
1.1.3. ETIOLOGIES DES RAIDEURS DU COUDE
La grande majorité des raideurs du coude est d’origine post-traumatique (fracture
de la palette humérale, luxation du coude, fracture de l’olécrâne …). Les autres étiologies se partagent entre paraostéoarthropathies neurogènes après coma, exostoses dans
les suites de brûlures et ostéochondromatoses [3, 4].
1.1.4. INDICATIONS
L’arthrolyse est envisagée, après avoir épuisé les ressources d’une rééducation bien
conduite et un délai de 6 mois minimum par rapport au traumatisme initial, sur une
articulation solide et froide, chez un patient motivé et coopérant dont l’enraidissement
provoque un déficit fonctionnel à l’origine d’un handicap dans la vie professionnelle,
les loisirs ou dans les activités de la vie quotidienne [3]. Une rééducation préopératoire
est nécessaire pour améliorer la trophicité tissulaire, refamiliariser le patient avec les
techniques de gain d’amplitudes, améliorer la proprioception d’un membre limité
fonctionnellement et s’assurer de la coopération et de la volonté de récupération du
patient [5, 6].
1.1.5. TECHNIQUE CHIRURGICALE
L’opéré est installé en décubitus dorsal, un garrot à la racine du membre et sous
anesthésie locorégionale par bloc axillaire. Un cathéter peut être laissé en place pour
réaliser un bloc continu permettant de débuter la rééducation de façon indolore [3].
Les voies d’abord latérales et médiales ont la préférence des auteurs [3, 4] utilisées
de façon isolée ou associées entre elles, selon l’origine de la raideur et le geste à
réaliser.
Le geste d’arthrolyse comporte une capsulectomie totale antérieure et postérieure,
l’ablation des obstacles osseux tels que becs ostéophytiques ou corps étrangers libres
intra-articulaires. En cas de souffrance neurologique, le nerf cubital est neurolysé.
1.1.6. REEDUCATION POSTOPERATOIRE
1.1.6.1. Principes
La prise en charge de la rééducation en secteur hospitalier est nécessaire du fait des
multiples difficultés à gérer (douleurs, réaction inflammatoire) impliquant une collaboration étroite entre équipe chirurgicale et équipe de rééducation. Les séances de
kinésithérapie sont pluri-quotidiennes. La rééducation débute le jour même ou après un
délai de 48 heures [6]. Elle vise à obtenir en fin de traitement les amplitudes obtenues
en peropératoire et à améliorer les possibilités fonctionnelles en s’assurant que le
patient utilise les amplitudes acquises [3]. Le coude est une articulation très susceptible : la douleur entraîne des contractures réflexes préjudiciables à la récupération
optimale des amplitudes. Des antalgiques et des anti-inflammatoires non stéroïdiens
(AINS) sont systématiquement prescrits [5]. L’indométacine, à la dose de 100 mg par
jour, vise à réduire le risque d’ostéome [4]. La mise en place d’un cathéter par voie
interscalènique ou axillaire pour réaliser un bloc sensitif est souvent nécessaire [5].
Certaines équipes réalisent une analgésie par cathéter péridural cervical [4].
1.1.6.2. Techniques
A la sortie du bloc opératoire, une attelle plâtrée immobilise le coude opéré dans la
position extrême du secteur où l’on souhaite un gain d’amplitude, le plus souvent en
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extension. Le patient doit être confortablement installé, le membre supérieur en position déclive. L’épaule, le poignet et les doigts sont mobilisés pour favoriser la détente
musculaire et la circulation de retour. Après retrait de l’attelle, le kinésithérapeute
débute les mobilisations actives aidées qui permettent un réveil proprioceptif. Elles
sont réalisées de façon très douce, lente en flexion supination et en extension pronation.
Les mouvements de balayage sont proscrits pour éviter les réactions inflammatoires :
le travail des amplitudes extrêmes commence par le secteur où l’articulation était
placée dans l’attelle. Des postures manuelles douces sont réalisées en fin d’amplitude.
Pendant les deux premières semaines postopératoires, la rééducation est marquée par la
douleur et les techniques de physiothérapie à visée anti-inflammatoire et antalgique
sont indispensables : cryothérapie, drainage postural, manœuvres de drainage lymphatique, pressothérapie. Les massages sont proscrits car ils favorisent la survenue
d’ostéomes et de fibrose.
Après 48 heures, le patient débute les mobilisations passives sur arthromoteur
[4-6]. L’attelle motorisée permet une mobilisation passive continue, lente et non
douloureuse souvent mieux tolérée que les mobilisations manuelles. Elle complète les
mobilisations effectuées par le kinésithérapeute à raison de deux séances par jour. Le
patient dispose d’une commande pour inverser le sens du mouvement en cas de
douleur. Le réglage des amplitudes en flexion et extension est réalisé selon les
amplitudes maximales obtenues lors de la séance de kinésithérapie préalable. Du fait
de la limitation des réglages, l’attelle permet un mouvement entre 20° et 110° de flexion.
Puis le patient apprend à réaliser des mobilisations auto-passives douces qu’il répétera
pluri-quotidiennement entre les séances de kinésithérapie [5, 6].
Après ablation des redons, vers le 3ème ou 4ème jour postopératoire, l’attelle plâtrée
est remplacée par des orthèses réalisées en matériau thermoformable dans les amplitudes extrêmes de flexion et d’extension. Elles sont portées en alternance entre les séances
de rééducation et modifiées en fonction des gains articulaires obtenus. L’orthèse
d’extension est toujours portée la nuit. L’orthèse articulée verrouillable permet d’alterner plus facilement les postures dans les secteurs extrêmes d’extension et de flexion. À
partir du 15ème jour, la rééducation est progressivement intensifiée, en surveillant la
régression des signes inflammatoires locaux. Des exercices actifs plus globaux sont
réalisés en utilisant l’effet de la pesanteur et en variant les positions de travail. Les
techniques de gain d’amplitude du type «contracter-relacher» sont utilisées. Dès
cicatrisation, la balnéothérapie est employée pour ses effets décontracturants et antalgiques, permettant de nombreux exercices sans déclencher de réaction inflammatoire. Le
travail contre-résistance autre que manuelle ou hydraulique est à proscrire pendant les
trois premiers mois. La prise en charge en ergothérapie permet d’utiliser les amplitudes
acquises par le travail analytique.
À partir du 3ème mois, le travail de renforcement musculaire, statique et dynamique,
est réalisé en surveillant attentivement les réactions inflammatoires.
La rééducation se poursuit jusqu’à obtention des amplitudes peropératoires, entre
3 et 6 mois, et tant qu’une progression est notée [6].
1.1.7. RESULTATS
Les complications sont rares : hématomes, sepsis, complications nerveuses essentiellement cubitales et récidive en cas d’ostéoarthropathie neurogène.
Les meilleurs résultats concernent les raideurs par brûlures, puis par atteinte neurogène ; les raideurs post-traumatiques sont de moins bon pronostic, sans doute en raison
de l’atteinte de l’interligne articulaire. Il est possible d’annoncer un gain prédictif moyen
d’environ la moitié de l’amplitude totale manquante en préopératoire [5].
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À 3 mois de l’intervention, on note le plus souvent une aggravation par rapport aux
amplitudes obtenues en peropératoire, mais à long terme les études montrent une
amélioration de la situation [3-5]. Le patient doit donc être extrêmement motivé pour
poursuivre la rééducation au-delà de 3 mois. Globalement, les différents auteurs
obtiennent de 60 à 65 % de bons et très bons résultats [3, 4] et insistent sur le fait que le
résultat final dépend essentiellement de la participation optimale du patient à sa
rééducation.
1.2. TENOLYSE DES FLECHISSEURS
1.2.1. OBJECTIF
La ténolyse a pour but de libérer chirurgicalement les adhérences du tendon fléchisseur des tissus avoisinants en respectant, si possible, le système des poulies digitales.
La ténolyse représente une agression chirurgicale importante et en postopératoire de
nouvelles adhérences sont inéluctables. La rééducation précoce indispensable va
permettre la transformation de ces adhérences en mésotendon, afin de redonner au
tendon une fonction la plus proche possible de la normale.
1.2.2. ETIOLOGIES DES ADHERENCES
Les adhérences peuvent survenir dans deux circonstances : après réparation chirurgicale des tendons fléchisseurs (suture simple primitive ou secondaire, greffe tendineuse)
ou au décours d’un traumatisme sans lésion tendineuse, écrasement de la main, fractures de métacarpien ou de phalange, phlegmon de la gaine des fléchisseurs ou syndrome
algodystrophique. Après réparation tendineuse, la cicatrisation relève de deux mécanismes : extrinsèque et intrinsèque. La cicatrisation extrinsèque est due à une prolifération
de tissu fibroblastique richement vascularisé provenant des tissus conjonctifs voisins.
Ce mode de cicatrisation est facteur d’adhérences quasi inévitables. La cicatrisation
intrinsèque fait appel à la capacité du tendon à cicatriser par ses cellules propres, les
ténoblastes, sans tissu de granulation et sans adhérences. La nature du traumatisme
influe sur la qualité de la cicatrisation tendineuse et il a été démontré que les adhérences
étaient proportionnelles à l’importance du traumatisme tendineux. Ainsi, les plaies
tendineuses franches sont de meilleur pronostic que les lésions par écrasement. Il est
également prouvé que la qualité de la réparation chirurgicale initiale conditionne les
résultats fonctionnels des réparations tendineuses : suture la moins traumatisante et
dévascularisante possible, réparation systématique des deux tendons fléchisseurs
superficiel et profond dans le canal digital, respect et si possible réparation de la gaine
digitale qui a un rôle de surface de glissement et de nutrition par le liquide synovial. Le
suivi postopératoire et la rééducation précoce protégée, passive ou activopassive sans
tension sur la suture, diminuent le risque d’adhérences [7].
1.2.3. INDICATIONS
Une ténolyse est envisagée lorsque la mobilité passive du doigt est supérieure à la
mobilité active ; c’est l’importance de la différence entre les mobilités actives et passives
qui signe la présence d’adhérences péritendineuses. Le geste chirurgical est indiqué
lorsque le déficit d’amplitude active entraîne un retentissement fonctionnel.
Les adhérences, dans le canal digital en zone 2 (classification de l’IFSSH), sont les
plus fréquentes et les plus difficiles à traiter. Par contre, les adhérences en zones 3 à 6
(de la paume de la main à l’avant-bras) sont de bon pronostic, quelle que soit leur
étiologie.
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1.2.4. CONDITIONS POUR EFFECTUER UNE TENOLYSE
Il est préférable de réaliser une ténolyse des fléchisseurs chez un patient ayant
récupéré une bonne flexion passive du doigt, sous peine d’un échec de l’intervention.
La rééducation, comportant mobilisations et orthèses dynamiques, doit être poursuivie
jusqu’à l’intervention afin d’entretenir ou de récupérer la mobilité passive. La ténolyse
est réalisée lorsqu’aucun progrès fonctionnel n’est constaté après une période de
4 à 6 semaines de rééducation quotidienne et d’appareillage adapté [7, 8].Toutefois, s’il
persiste une raideur articulaire, un geste d’arthrolyse associée peut être envisagé. Un
délai minimum de 3 mois est nécessaire au décours d’une chirurgie tendineuse primaire
avant d’envisager un geste de ténolyse. Ce délai est de 6 mois après greffe tendineuse
ou après guérison d’un phlegmon des gaines et de 18 mois après le début d’une algodystrophie. L’état trophique cutané, en particulier palmaire, la vascularisation et
l’innervation du doigt sont également pris en compte. La motivation et la coopération
du patient doivent être certaines car il devra parfaitement collaborer après l’intervention pour suivre une rééducation longue et difficile, indispensable au succès de la
ténolyse. Ceci implique un véritable contrat de soin avec le patient qui doit être averti
en préopératoire des contraintes du traitement [8].
1.2.5. TECHNIQUE CHIRURGICALE [8, 9, 10]
L’intervention est réalisée habituellement sous anesthésie locorégionale par bloc
plexique et avec garrot pneumatique. Au niveau digital, la voie d’abord est dorsolatérale ou palmaire en zigzag de type Bruner [8]. Les tendons fléchisseurs superficiels
et profonds sont libérés et individualisés progressivement en étant le plus atraumatique
possible. La ténolyse entraîne une dévascularisation et donc une fragilisation des
tendons. Le geste est techniquement plus difficile au niveau du canal digital. Il faut
conserver le plus grand nombre de poulies, au minimum A2 et A4 dont le rôle biomécanique est essentiel. Elles peuvent être reconstruites, à l’aide d’un transplant libre de
petit palmaire, avec un montage suffisamment solide pour permettre une mobilisation
immédiate. Si, en fin d’intervention, il persiste un déficit d’extension de l’articulation
interphalangienne proximale (IPP), une arthrolyse avec libération des freins de la
plaque palmaire est réalisée dans le même temps opératoire. Lorsque la ténolyse est
terminée, le libre jeu des tendons fléchisseurs est systématiquement vérifié en demandant au patient une flexion active des doigts (bloc sensitif pur), après la levée du garrot
pneumatique pour supprimer la paralysie due à l’ischémie musculaire [8, 9], ou en
réalisant une traction sur le tendon grâce à une courte incision au quart inférieur de
l’avant-bras. Certains auteurs effectuent ce geste en fin d’intervention pour laisser les
doigts fléchis dans le pansement afin que les premières adhérences, inéluctables, se
forment en flexion [11] Ainsi, à l’ouverture du pansement, 48 à 72 heures plus tard, les
adhérences pourront facilement céder en demandant au patient de réaliser une
extension active des doigts. Si, elle est incomplète, une extension passive douce sera
réalisée par le chirurgien. Les mêmes auteurs mettent en place, en fin d’intervention, un
ou deux cathéters à proximité des troncs nerveux intéressant le ou les doigts ténolysés.
Une injection d’anesthésique local de longue durée est réalisée en fin d’intervention
pour améliorer le confort postopératoire, puis une deuxième injection au moment de
l’ouverture du pansement et de la première séance de kinésithérapie. Le cathéter peut le
plus souvent être retiré après cette deuxième injection [11].
1.2.6. REEDUCATION POSTOPERATOIRE
Afin de limiter la constitution de nouvelles adhérences, la rééducation doit débuter
le jour même ou le lendemain de l’intervention.
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302 MAP AR 2000
1.2.6.1. Principes
La rééducation est pluri-quotidienne et ininterrompue durant les 10 premiers jours
postopératoires, week-end compris. Les séances de kinésithérapie sont réalisées quatre
fois par jour et limitées à 10 minutes pour éviter les phénomènes inflammatoires qui
fragilisent le tendon et augmentent la fibrose, source d’enraidissement secondaire. Seule
la contraction active des fléchisseurs permet le glissement complet du tendon libéré
dans toute sa course tendineuse.
Avant de prendre en charge le patient, le rééducateur doit être informé des
conditions de réalisation de la ténolyse, de la mobilité préopératoire et du mécanisme
lésionnel initial sachant qu’un tendon avulsé est plus sensible à la rupture et qu’un
tendon écrasé a moins de capacité de revascularisation et adhère plus rapidement. Le
compte-rendu opératoire doit mentionner l’aspect des tendons et leur fragilité éventuelle, l’état de la vascularisation et des poulies ainsi que les gestes chirurgicaux associés
(arthrolyse, greffe de poulie, greffe nerveuse, lambeau cutané). Le chirurgien doit
indiquer la mobilité active et passive obtenue en fin d’intervention car ces amplitudes
constituent l’objectif à atteindre et à maintenir pour le kinésithérapeute. Toutes ces
informations sont nécessaires pour adapter les techniques, moduler l’intensité de la
rééducation et choisir le type d’appareillage.
1.2.6.2. Suivi de la rééducation après ténolyse en zone 2
Il convient de distinguer 3 périodes successives : de J1 à J10, de J11 à J 21, après J21.
La période de J1 à J10 est la plus délicate. Elle est dominée par l’œdème, véritable
colle biologique, et par la douleur. Il faut cependant mobiliser «à tout prix» les tendons
libérés de leurs adhérences, sachant qu’ils peuvent se recoller en quelques jours, mais
qu’un travail excessif peut entraîner douleurs, inflammation et conduire à la rupture.
Les mobilisations doivent être dosées et adaptées à chaque cas. Le travail musculaire
actif des fléchisseurs est réalisé de manière analytique sans appliquer de résistance. Le
fléchisseur superficiel et le fléchisseur profond sont sollicités séparément puis simultanément. Chaque exercice comporte une dizaine de mouvements actifs. Les mobilisations
passives sont réalisées en début de séance afin de reprogrammer le mouvement et
d’entretenir les amplitudes articulaires. Le traitement de l’œdème fait appel à la mise
en position déclive, aux massages, aux compressions tubulaires élastiques [10]. La surveillance clinique est rigoureuse et le rythme des séances est diminué en cas de souffrance
cutanée ou de réaction inflammatoire. La reconstruction de poulie par greffe, le plus
souvent A2 ou A4, doit être protégée par le port d’un anneau en cuir ou en velcro
pendant quatre à six semaines [8]. Pendant les mobilisations actives, le kinésithérapeute
protège la poulie reconstruite par un contre appui manuel sur la face palmaire de P1 ou
P2 pour plaquer le tendon contre le squelette. Si un geste d’arthrolyse de l’IPP a été
réalisé, une orthèse dynamique d’extension par lame de Levame est confectionnée.
Cette orthèse est portée quelques heures par jour puis, si elle est bien tolérée, progressivement toute la nuit.
De J11 à J21, les mobilisations actives sont intensifiées mais toujours sans appliquer de résistance. Le travail analytique du FCP et du FCS est plus exigeant. Le FCS est
sollicité en plaçant tous les autres doigts longs en extension pour inhiber le fléchisseur
profond. Le FCP est sollicité en stabilisant P1 et P2. Une orthèse d’enroulement global
est portée dans la journée par périodes de 10 min. Dans cette position, le patient réalise
un travail actif statique en flexion. Si de nouvelles adhérences se forment en flexion,
celles-ci cèdent rapidement avec les mobilisations passives en extension et le port
nocturne de l’orthèse dynamique d’extension. Les séances de kinésithérapie sont
biquotidiennes mais le patient doit également travailler seul. L’ergothérapie peut
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débuter à ce stade, si l’état cutané est satisfaisant et si les tendons ne sont pas fragiles.
Elle favorise l’intégration psychomotrice du ou des doigts opérés et contribue à
améliorer les amplitudes grâce à la sollicitation des fléchisseurs.
Après le 21ème jour, le travail actif des fléchisseurs est réalisé contre résistance
manuelle progressive. L’ergothérapie participe à l’amélioration de la force et de
l’endurance. La rééducation est prolongée jusqu’au 3ème mois postopératoire en cas de
ténolyse simple et jusqu’à 6 mois en cas d’arthrolyse associée pour éviter une récidive
de la raideur [8].
1.2.6.3. Complications
La désunion cutanée partielle est la plus fréquente, favorisée par la mobilisation
immédiate. Si la désunion est limitée, la rééducation est poursuivie. Par contre, si la
nécrose cutanée entraîne une exposition tendineuse, un lambeau doit être réalisé, la
mobilisation est interrompue et le risque de récidive des adhérences est très important.
Les ruptures tendineuses, survenant dans 8 % des ténolyses, sont dramatiques pour
l’avenir fonctionnel du doigt [10]. Pour les éviter, il faut respecter le délai de trois mois
minimum après la réparation tendineuse. Si les tendons sont d’aspect fragile, la rééducation doit être encore plus prudente et douce, avec travail statique sans résistance et
utilisation de l’effet ténodèse.
Les suites opératoires douloureuses peuvent déclencher ou réactiver un syndrome
algodystrophique.
1.2.7. RESULTATS
Certains facteurs assombrissent le pronostic des ténolyses : lésions par écrasement,
greffes, dévascularisation tendineuse, retard de cicatrisation, destruction des poulies,
raideur articulaire nécessitant des gestes associés [10]. La technique chirurgicale doit
être minutieuse et la rééducation précoce, adaptée à chaque cas et prolongée pour
obtenir chez un patient coopérant et très motivé, un résultat fonctionnel satisfaisant.
2. EVALUATION DE LA DOULEUR POSTOPERATOIRE
2.1. POURQUOI EVALUER ?
L’évaluation de la douleur et de l’efficacité thérapeutique est indispensable car, pour
un patient et une chirurgie donnés, il est impossible de prédire le niveau de la douleur
perçue et la consommation en antalgiques [1].
2.2. COMMENT EVALUER ?
L’outil d’évaluation permet de quantifier l’intensité de la douleur perçue et de vérifier l’efficacité thérapeutique. Il constitue un support de communication entre
l’évaluateur et le prescripteur. Chez l’adulte et l’enfant de plus de 5 ans, l’autoévaluation par des méthodes unidimentionnelles est la règle. En effet, la douleur aiguë
postopératoire est plus influencée par la composante sensori-discriminative que par les
facteurs affectifs et émotionnels, ce qui justifie l’emploi de méthodes d’évaluation unidimentionnelles. L’échelle visuelle analogique (EVA) est l’outil de référence le plus
utilisé. C’est une méthode simple, rapide, sensible, reproductible et validée [1]. Elle se
présente sous la forme d’une réglette avec une face patient et une face évaluateur. Sur la
face patient, elle présente une ligne continue non graduée, avec une inscription à chaque extrémité: absence de douleur à gauche et douleur maximale à droite. Après avoir
reçu les explications nécessaires, le patient place le curseur de la réglette entre les deux
extrémités. Sur la face évaluateur, la ligne est graduée de 0 à 100 mm permettant de
quantifier la douleur. Une douleur inférieure à 30 mm correspond à une douleur faible,
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entre 30 et 60 mm à une douleur modérée, supérieure à 60 mm à une douleur forte et
intense.
2.3. QUAND EVALUER ?
Les techniques d’analgésie ainsi que la méthode d’évaluation de la douleur sont
présentées au patient dès la consultation d’anesthésie préopératoire [2]. Après l’intervention, l’évaluation de la douleur doit être systématique, en salle de surveillance
post-interventionnelle (SSPI) puis en secteur d’hospitalisation. Le patient n’est autorisé à quitter la SSPI que s’il présente un score de douleur limité à une valeur préalablement
définie et nécessairement faible (EVA < 30 mm par exemple). La prise en charge en
rééducation, de façon précoce après l’intervention, nécessite d’évaluer la douleur au
repos mais également pendant les mobilisations et après les séances de
kinésithérapie [1].Toutes les informations sur la douleur doivent être notées dans le
dossier du patient pour permettre un ajustement thérapeutique.
3. CHOIX DES TECHNIQUES D’ANALGESIE
Le contrôle de la douleur au repos n’est plus un problème majeur, par contre le
contrôle de la douleur liée aux mobilisations reste plus difficile.
3.1. ANALGESIQUES MORPHINIQUES OU NON MORPHINIQUES
Pour tous les produits, l’administration systématique selon un protocole préétabli
est préférable à une administration à la demande.
3.1.1. ANALGESIQUES NON MORPHINIQUES
Le paracétamol est efficace sur les douleurs d’intensité faible à moyenne. Sa pharmacocinétique impose une anticipation de sa prescription et il doit être donné à posologie
efficace (60 mg.kg-1 par jour). Les AINS sont recommandés après chirurgie à forte
composante inflammatoire. Ils ont une action d’épargne morphinique et améliorent la
qualité de l’analgésie, en particulier à la douleur provoquée. Leur utilisation est donc
intéressante après chirurgie orthopédique du membre supérieur, lorsque des mobilisations précoces sont indispensables (arthrolyses, ténolyses). Les posologies efficaces les
plus faibles sont utilisées pour une durée maximale de 5 jours per os et de 48 heures par
la voie IV. La prévention des accidents graves passe par le respect des contre-indications et l’arrêt du traitement dès les premiers signes d’intolérance [1].
3.1.2. ANALGESIQUES MORPHINIQUES
La codéine et le dextropropoxyphéne sont fréquemment utilisés en association avec
le paracétamol pour contrôler les douleurs modérées. La morphine reste le produit de
référence pour l’analgésie postopératoire. Son utilisation pour traiter la douleur postopératoire n’induit pas de dépendance. Les effets indésirables sont pour la plupart
dépendants de la dose, indépendants de la voie d’administration et antagonisés par la
naloxone. La dépression respiratoire est favorisée par l’association à un autre
traitement sédatif ou à un terrain particulier. On peut également observer des nausées et
vomissements, un prurit, un ralentissement du transit et une rétention d’urine. Le traitement initié par de la morphine IV, titrée par faibles doses séquentielles, permet le contrôle
le plus rapide de la douleur. Le relais est pris par voie sous-cutanée (une injection
toutes les 4 à 6 heures) ou par voie IV sous forme d’analgésie contrôlée par le patient [1].
3.2. ANALGESIE CONTROLEE PAR LE PATIENT : «PCA»
La PCA est une technique de titration de la dose de morphine par bolus de
0,75 à 1,5 mg administrés à l’aide d’une pompe par le malade lui-même, qui adapte la
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dose délivrée en fonction de la variabilité de ses besoins durant la période postopératoire. Après initiation du traitement, la surveillance est effectuée toutes les 4 heures
et toutes les 15 min dans l’heure suivant chaque changement de prescription. Les paramètres de surveillance portent sur la douleur (EVA), la vigilance (échelle de sédation)
et la respiration. Les limites de la PCA intraveineuse résident dans la persistance des
douleurs liées aux mobilisations postopératoires pendant les séances de kinésithérapie [1-12].
3.3. ANALGESIE LOCOREGIONALE PERIMEDULLAIRE OU PERIPHERIQUE
3.3.1. ETUDES CLINIQUES
De nombreuses études ont évalué l’incidence du type d’analgésie sur la morbidité
et la durée d’hospitalisation après différents types de chirurgie [13]. En chirurgie orthopédique, des études ont été réalisées pour tenter de montrer un lien entre le pronostic
fonctionnel et le type d’analgésie postopératoire chez des patients bénéficiant d’une
rééducation postopératoire intensive [14]. Après arthroplastie du genou, trois
techniques analgésiques ont été comparées : PCA intraveineuse de morphine, bloc
continu du nerf fémoral et analgésie péridurale continue [15]. Les scores de douleur au
repos et à la mobilisation sont plus faibles pour les anesthésies locorégionales. Par
rapport à la PCA intraveineuse, le bénéfice des techniques locorégionales est démontré
jusqu’à la 6ème semaine avec une récupération des amplitudes articulaires et une reprise
de la marche plus rapides, une durée d’hospitalisation moins longue. Par contre les
résultats ne sont pas significatifs à 3 mois. L’incidence plus élevée d’effets secondaires
avec l’analgésie par voie périmédullaire est confirmée dans une étude similaire [16].
Pour ces auteurs, la technique d’analgésie par bloc continu du nerf fémoral, avec un
meilleur rapport bénéfice/risque, s’impose en premier choix dans la chirurgie majeure
du genou.
Au niveau du membre supérieur, les techniques d’analgésie nerveuse périphérique
(cathéter interscalénique ou axillaire) sont efficaces sur la douleur mais leur incidence
sur le résultat fonctionnel a été peu étudié. La comparaison entre 2 groupes de patients,
après chirurgie du coude, bénéficiant soit d’une analgésie par cathéter axillaire, soit
d’une PCA intraveineuse de morphine, montre un meilleur confort, une possibilité de
mobilisations passives plus précoces et une progression initiale plus satisfaisante dans
le premier groupe mais pas de différence significative sur le résultat final des amplitudes articulaires [17].
3.3.2. CATHETERS PERINERVEUX
3.3.2.1. Indications et contre-indications
Ce type d’analgésie peut être indiqué pour un acte chirurgical nécessitant une
rééducation précoce qu’il s’agisse de ténolyses, d’arthrolyses ou des deux gestes
associés [18].
La pose d’un cathéter est contre-indiquée en présence d’une atteinte cutanée infectieuse ou d’un état septique généralisé. Une anomalie constitutionnelle de l’hémostase
est considérée par tous les auteurs comme une contre-indication absolue à la réalisation
d’une anesthésie locorégionale. Par contre, les patients sous traitement par antiagrégants plaquettaires ou par héparines de bas poids moléculaire peuvent bénéficier d’un
bloc nerveux périphérique après évaluation du rapport bénéfice/risque. En cas d’insuffisance respiratoire sévère, tous les blocs au niveau du cou sont contre-indiqués [19].
3.3.2.2. Techniques
La préparation cutanée est identique à celle utilisée lors de la pose d’un cathéter
veineux central avec respect du protocole à quatre temps. Un champ stérile isole la
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306 MAP AR 2000
zone de ponction. L’opérateur, après lavage des mains chirurgical (type 3) porte un
calot, un masque, des gants et une casaque stériles. La technique de repérage fait appel
à la neurostimulation associée à la perception du passage aponévrotique de la gaine par
l’aiguille. Le cathéter à usage unique doit être introduit d’au moins 4 à 5 cm dans la
gaine pour obtenir une bonne analgésie postopératoire [19]. Un filtre antibactérien
(0,2 µ), permettant les injections à travers le cathéter, est placé de façon stérile lors de
la pose et ne doit plus être changé. L’orifice de sortie à la peau du cathéter est recouvert
d’une compresse stérile pendant 24 heures puis d’un pansement stérile transparent semiperméable permettant de visualiser le point de ponction et laissé en place durant toute
la durée du cathéterisme.
Le cathéter est mis en place par voie interscalénique ou par voie supraclaviculaire
(chirurgie de l’épaule), par voie infraclaviculaire ou par voie axillaire (chirurgie du
coude ou de la main) ou par abord au niveau du poignet (chirurgie de la main) [12-19].
L’abord axillaire peut être difficile, voire impossible, lorsque la mobilité de l’épaule est
limitée ou douloureuse. La technique de bloc continu au niveau du poignet par cathéter
placé à proximité d’un ou des trois nerfs, médian, cubital et radial, est intéressante
après les ténoarthrolyses digitales. Le respect de la motricité rend possible la mobilisation active indispensable [11-19]. Cependant, la diffusion de l’anesthésique local
jusqu’au 1/4 supérieur de l’avant-bras entraîne une diminution de la force musculaire
des fléchisseurs par blocage des branches motrices au niveau de l’avant-bras [19]. La
mise en place d’un garrot pneumatique quelques centimètres au-dessus des points
d’injection et laissé gonflé une vingtaine de minutes permet de limiter la diffusion et le
blocage moteur qu’elle entraîne.
La bupivacaïne est l’analgésique de référence pour la période postopératoire. Son
action est plus marquée sur les fibres sensitives que sur les fibres motrices. Les concentrations de bupivacaïne habituellement utilisées sont de 0,125 % ou 0,25 % selon
l’objectif recherché (présence ou non de bloc moteur, effet sympathicolytique …). La
quantité administrable est limitée à 150 mg. L’utilisation plus récente de la ropivacaïne
à la concentration de 2 mg.mL-1 [19] offre certains avantages par rapport à la bupivacaïne : délai d’installation des blocs plus court (10 à 25 min), bloc moteur moins
important facilitant la mobilisation précoce, meilleur rapport entre la dose efficace et la
dose toxique permettant d’utiliser des doses de 250 à 300 mg. La durée du bloc est
comparable, entre 6 et 10 heures [12]. L’action des anesthésiques locaux peut être
potentialisée par l’adjonction d’adrénaline ou de clonidine [12-19].
Le choix entre une administration continue par seringue électrique, associée ou non
à des bolus PCA ou discontinue par bolus itératifs dépend de plusieurs facteurs.
L’administration continue favorise une analgésie de qualité en maintenant des concentrations efficaces constantes. Elle évite les pics plasmatiques et réduit donc les risques
de toxicité. Par contre, il est nécessaire de disposer de matériel adapté miniaturisé afin
de ne pas limiter les déplacements du patient lorsque celui-ci a bénéficié d’une chirurgie du membre supérieur [20]. Certains auteurs préconisent une perfusion continue de
bupivacaïne 0,125 % ou de ropivacaïne à 0,20 % avec un débit de 5 à 15 mL.h-1
associée à des bolus PCA de 2,5 mL avec période d’interdit de 30 min. Cette technique
permet au patient de renforcer rapidement l’intensité du bloc en cas de douleur ou avant
mobilisations, tout en réduisant la consommation d’anesthésiques locaux [12-19]. Le
patient bénéficiant d’une PCA sur cathéter périnerveux doit être instruit de la zone
couverte par le cathéter afin d’éviter les déclenchements intempestifs liés à une douleur
hors zone [19]. Les injections discontinues par bolus seuls sont d’utilisation plus
simple et de coût limité. Elles nécessitent cependant de travailler en parfaite adéquation
DOULEUR
avec l’équipe de rééducation pour faire correspondre horaires des séances de rééducation et horaires d’injection [12].
3.3.2.3. Complications
L’incidence des effets secondaires des blocs est faible, par comparaison avec la
PCA ou avec l’analgésie péridurale.
Les accidents liés à une toxicité systémique sont rares et surtout neurologiques à
type de crises comitiales (états d’agitation et d’anxiété extrêmes avec la ropivacaïne).
Les accidents cardiovasculaires sont encore plus rares malgré la cardiotoxicité de la
bupivacaïne. L’incidence des complications varie en fonction du mode d’injection et
du site du bloc [12]. Lors de la perfusion continue représentant un mode lent d’administration, les problèmes de toxicité sont rares. Pour les injections itératives de bolus, il
est nécessaire que chaque ré-injection soit lente et fractionnée. Il faut utiliser une dosetest et effectuer des tests d’aspiration.
Le risque de traumatisme d’un tronc nerveux est faible grâce à l’utilisation du
neurostimulateur. Il est préférable, chaque fois que cela est possible, de faire le bloc
chez un patient éveillé [12].
Le risque infectieux est lié à la présence d’un corps étranger laissé en place plusieurs jours, en particulier au niveau du creux axillaire. Les manipulations itératives
pour les injections répétées augmentent ce risque. Il est indispensable que la pose du
cathéter mais aussi les réinjections ultérieures soient réalisées dans des conditions de
stérilité absolue. Si ces précautions sont respectées, le risque infectieux est mineur pour
les durées d’utilisation inférieures à 5 jours.
La mauvaise position ou le déplacement du cathéter peuvent compromettre son
efficacité.
3.3.2.4. Surveillance - Contraintes
Pour chaque injection, le patient est placé en position semi-assise, la voie veineuse
périphérique est vérifiée et la pression artérielle, la fréquence cardiaque et l’EVA sont
notées. Un test d’aspiration est réalisé, suivi d’une dose-test de 3 mL. Si les paramètres
de pression artérielle et de fréquence cardiaque restent stables, l’injection est poursuivie de façon lente, non douloureuse, en réalisant un test d’aspiration tous les 5 mL. Il
faut rechercher des signes précurseurs d’une intoxication systémique : bourdonnements
d’oreille, fourmillements autour de la bouche. Après chaque bolus, une évaluation de
l’efficacité (EVA, bloc sensitif et moteur) et des effets secondaires (pression artérielle,
fréquence cardiaque) est réalisée toutes les 5 min pendant 15 min, puis toutes les 15 min
pendant 1 heure, puis toutes les 4 heures. Le pansement et l’orifice du cathéter doivent
être surveillés chaque jour (fuites, déplacement secondaire). L’apparition de signes
inflammatoires au niveau du point de ponction ou d’un syndrome fébrile impose le
retrait du cathéter et sa mise en culture.
4. PRISE EN CHARGE DE LA REEDUCATION ET DE L’ANALGESIE APRES
CHIRURGIE ORTHOPEDIQUE DU MEMBRE SUPERIEUR
4.1. EVALUATION DE LA DOULEUR
L’outil d’évaluation choisi doit être le même pendant toute la durée de l’hospitalisation et dans les différents secteurs : SSPI, hospitalisation, rééducation. L’évaluation de
la douleur postopératoire doit être systématique, avec des mesures répétées et notées
sur la feuille de surveillance du patient. L’évaluation est réalisée au repos mais aussi en
condition dynamique, c’est-à-dire pendant la rééducation. Cela nécessite une formation de tous les thérapeutes, en particulier kinésithérapeutes et ergothérapeutes, aux
méthodes d’évaluation. Ceux-ci effectuent une mesure avant et après la séance de
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308 MAP AR 2000
mobilisations. Cette évaluation permet un ajustement thérapeutique pour obtenir une
analgésie de qualité avant l’acte douloureux [1].
4.2. CHOIX DU TYPE D’ANALGESIE
La douleur et l’œdème postopératoires limitent la mobilisation active et doivent
être traités. En l’absence de contre-indications, un traitement systématique par AINS et
par antalgiques est prescrit [2]. Le protocole habituel est le suivant : kétoproféne 50 mg,
3 comprimés par jour, associé à du paracétamol dextropropoxyphéne, 2 gélules 3 fois
par jour ou à du paracétamol codéine, 6 comprimés par jour, à raison d’un comprimé
toutes les 4 heures.
Le recours à un bloc périnerveux à la bupivacaïne ou à la ropivacaïne par cathéter
brachial est justifié dans de nombreux cas. Il est envisagé lors de la consultation
préopératoire lorsqu’une douleur postopératoire intense et prolongée est prévisible, si
le patient a des antécédents d’interventions algogènes ou s’il a présenté un syndrome
algodystrophique après le traumatisme initial. Dans ce cas, il faut éviter au maximum
tout stimuli nociceptif qui pourrait relancer l’algodystrophie. Souvent la pose du
cathéter est décidée après la première séance de rééducation, en fonction de l’échelle
visuelle analogique et de la qualité de la mobilisation [19].
Pour la chirurgie du membre supérieur, sont administrés des bolus de bupivacaïne
0,125 % adrénalinée au 1/200 000 (25 à 30 mL), avec un intervalle minimum de
8 heures entre deux injections. Si malgré une augmentation des doses, l’intervalle entre
deux injections tend à se réduire, on passe à la perfusion continue de bupivacaïne 0,25 %
(7 à 10 mL.h-1) [2]. L’injection continue avec bolus PCA est très intéressante dans le
cadre de la rééducation postopératoire, mais nécessite un matériel miniaturisé
adapté [19]. Si nécessaire un recours à la morphine reste possible.
Dans le cadre de la rééducation après ténolyse, seule la contraction active des
fléchisseurs est efficace, et le bloc périnerveux doit être uniquement sensitif. Les blocs
périnerveux ne doivent être réalisés que pour dépasser un seuil douloureux dû à l’intervention chirurgicale elle-même et aux mobilisations et non pas induit par une
complication, souffrance cutanée, hématome ou sepsis. L’analgésie permet d’intensifier la rééducation, mais l’absence de signal d’alarme douloureux nécessite une vigilance
accrue pour rechercher tout signe inflammatoire préjudiciable au résultat fonctionnel.
4.3. ORGANISATION DE LA PRISE EN CHARGE DE LA DOULEUR
Le développement de nouvelles techniques analgésiques permet de lutter efficacement contre la douleur postopératoire [14]. Cependant, une organisation des services
d’hospitalisation est nécessaire pour que chaque patient puisse bénéficier d’une prise
en charge efficace [1]. La rédaction de protocoles, adaptés à chaque type de chirurgie,
disponibles pour chaque thérapeute est nécessaire.
Cette organisation nécessite une formation des équipes soignantes médecins, infirmiers, kinésithérapeutes et ergothérapeutes.
CONCLUSION
Dans tous les cas l’analgésie multimodale est utilisée. Les blocs nerveux périphériques s’affirment comme des techniques simples, efficaces et sûres pour la prise en
charge de la douleur après chirurgie orthopédique lourde du membre supérieur.
Une collaboration étroite entre chirurgien, anesthésiste-réanimateur et équipe de
rééducation, est indispensable pour une prise en charge efficace de la douleur postopératoire en chirurgie orthopédique.
DOULEUR
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