d’acheter tout le vermillon de l’île de Kéos et de l’exporter en franchise1. Les
princes du Bosphore Cimmérien leur octroyèrent un traitement de faveur en ce
qui concerne le blé. De même les Chalcidiens reçurent du roi de Macédoine
Amyntas III le privilège de se pourvoir chez lui de poix et de bois de
construction2. Les Romains se lièrent aussi par des conventions commerciales.
Quand l’État eut aménagé les salines d’Ostie, ils s’engagèrent à approvisionner
de sel les Sabins3. A deux ou trois reprises avant les guerres puniques, des
traités intervinrent entre eux et les Carthaginois, pour établir sous quelles
conditions les navires marchands de chaque peuple auraient accès dans les
possessions de l’autre4. Un pacte conclu avec Tarente leur interdit longtemps de
naviguer au delà du cap Lacinien, sur la côte de la mer Ionienne5. Le plus grand
obstacle au trafic était en Grèce l’extrême variété des systèmes monétaires. On
essaya d’y remédier par des unions semblables à notre Union latine. La monnaie
athénienne finit même par être acceptée librement comme instrument d’échange
international, et dans la suite il en fut de même des monnaies frappées par
Philippe et Alexandre. C’est, au contraire, par voie d’autorité que Rome chercha à
réaliser l’unité monétaire dans son empire, en donnant partout cours légal à ses
monnaies d’or et d’argent, et en adaptant au type romain les monnaies locales
dont elle tolérait la fabrication.
La juridiction consulaire, qui ne date en France que de trois siècles et demi,
fonctionnait déjà chez les Athéniens. Il y avait un tribunal, celui des juges
maritimes, qui connaissait des contestations nées entre gens de mer et
négociants, pour expéditions faites d’Athènes ou sur Athènes. Afin d’éviter toute
perte de temps, les audiences ne se tenaient que pendant la mauvaise saison, de
septembre à avril, quand la navigation était suspendue, et il fallait que la
sentence fût prononcée dans le délai d’un mois. L’arrêt était aussitôt exécuté, et,
tandis que la loi prohibait la contrainte par corps en matière civile, elle
l’admettait en matière commerciale.
S’il est un genre de trafic qui semble propre aux sociétés modernes, c’est le
commerce de l’argent. Les capitaux sont si abondants autour de nous, ils rendent
tant de services, ils engendrent tant d’abus, ils occupent enfin une si large place
dans les esprits, et ils influent tellement sur les événements, qu’on se figure
volontiers, par une illusion très naturelle, que cette force est d’origine toute
nouvelle, et que les anciens ne l’ont pas connue. Il est indubitable que ceux-ci
avaient beaucoup moins d’argent à leur disposition ; mais qu’importe, si, alors
comme aujourd’hui, il était, sous une forme infiniment plus restreinte, un des
outils essentiels de l’activité humaine ?
Les Athéniens savaient à merveille tirer parti de leurs capitaux. Ils distinguaient
l’argent oisif et l’argent qui travaille, et ils voulaient que leurs drachmes
travaillassent le plus possible. Quiconque avait des économies s’évertuait pour
découvrir un emprunteur ; aussi remarque-t-on que la plupart des successions
comprenaient quelques créances. C’était en effet un appât bien séduisant que
l’espoir de toucher un intérêt de 12, 18 et même, quand on courait un gros
risque, de 30 p. 100. Presque toutes les villes avaient des banques, qui se
1 Corpus inscriptionum atticarum, II, 546.
2 Michel, Recueil d’inscriptions grecques, 5.
3 Pline, XXXI, 89.
4 Polybe, III, 22-24. L’authenticité du premier traité (celui de 509 av. J.-C.) a été mise
en doute.
5 Appien, Sur les affaires Samnites, VII, 1.