Rev Mens Suisse Odontostomatol, Vol 113: 2/2003
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Pratique quotidienne · formation complémentaire
5mois. Pour cette raison, nous avons décidé après ce délai d’ob-
servation de procéder à la réhabilitation définitive du maxillaire
supérieur. Après un enregistrement tridimensionnel des excur-
sions dynamiques des condyles à l’aide de l’axiographie, les
dents ont été repréparées, avant la prise de l’empreinte définiti-
ve (fig. 11). Les couronnes provisoires de longue durée ont en-
suite été rebasées et adaptées à la situation modifiée. Suite à
l’enregistrement et au transfert par arc facial, le modèle de tra-
vail supérieur a été monté en articulateur, le modèle antagonis-
te étant de nouveau positionné par des enregistrements check-
bite en cire.
Pour cette étape, la distance interocclusale entre le moignon de
la 11 et du bord incisif de la 42 a été enregistrée par un «jig» en
matériau thermoplastique (KOECK & UTZ 1995), réalisé après le
rescellement de toutes les autres couronnes provisoires. Le blo-
cage de la tige incisive de l’articulateur dans la position corres-
pondante permettait dès lors de reproduire fidèlement la di-
mension verticale d’occlusion de la réhabilitation provisoire.
Après un essai des armatures et finalisation des céramiques, les
couronnes céramo-métalliques sur les 12, 11, 21, 22 et 27, ainsi
que les ponts 13–17 et 13–26 ont été scellés provisoirement sui-
te à un essai final. A ce stade, de petites retouches de l’occlusion
ont été nécessaires pour optimiser le guidage de groupe. Les
travaux prothétiques sont restés scellés provisoirement pendant
quatre semaines. Après un contrôle radiographique (fig. 10), les
pièces prothétiques ont ensuite été scellées définitivement dans
les deux maxillaires (fig. 13 à 17). Pour le suivi ultérieur des in-
tervalles de recall de 6 mois ont été convenus.
Discussion et conclusions
A l’instar de ce que nous pratiquons depuis quelque vingt ans
dans nos cliniques, nous avons employé pour la motivation du
patient la méthode de la démonstration répétée du saignement
des papilles (SAXER & MÜHLEMANN 1975). Ce faisant, notre ob-
jectif était de rendre le patient conscient du fait que le traite-
ment prothétique à lui seul ne saurait suffire à la prévention ou
au traitement causal de la carie et de la parodontite, mais que le
secret du succès à long terme se fonde au contraire sur la mise
en pratique conséquente, i.e. quotidienne, de soins d’hygiène
personnels adéquats. Bien entendu, un traitement préprothé-
tique approfondi, ainsi que la réalisation consciencieuse et dans
les règles de l’art du traitement de réhabilitation lui-même, de
même que la prise en charge ultérieure, revêtent une importan-
ce tout aussi significative (GABERTHÜEL et coll. 1988, REICH 1989).
Du point de vue du pronostic, il est préférable de rechercher,
dans la mesure du possible, une solution prothétique conjointe
plutôt que de réaliser une prothèse amovible (KERSCHBAUM et
coll. 1991, ERPENSTEIN et coll. 1992).
Contrairement à une «loi» postulée dans le temps par ANTE
(1926), les ponts, même ceux de très longue portée, bénéficient
d’un bon pronostic au long cours (KOCHER & PLAGMANN 1988,
LANG et coll. 1988, NYMANN & ERICSSON 1982).
Selon nos propres expériences pratiques, il convient toutefois de
mettre un certain bémol à cette remarque générale: en effet, les
ponts de longue portée dans les segments latéraux du maxillai-
re inférieur, lorsqu’ils sont réalisés en une seule pièce, sont en
général grevés de certains risques concernant la durée de survie
en bouche. L’une des raisons de ce phénomène réside dans la
déformation élastique du maxillaire inférieur: l’influence des
muscles masticateurs provoque une torsion de la mandibule, le
centre de rotation étant situé dans la région des racines des in-
cisives inférieures. La flexion consécutive de l’os se manifeste
tout particulièrement dans les zones dorsales des segments la-
téraux des arcades dentaires de la mandibule (JUNG 1960, KOECK
& Sander 1978, Marx 1966, Richter 1999).
Lorsque les racines des molaires inférieures sont suffisamment
bien ancrées dans l’os alvéolaire, qu’elles ne présentent aucune
mobilité accrue et qu’elles ne sont pas affaiblies par des patho-
logies parodontales, les dents seront de ce fait forcées à subir les
conséquences de cette torsion mandibulaire, qui leur impose
ainsi des déplacements réciproques autour d’un axe sagittal.
Dès lors, si l’on solidarise les dents postérieures dans le maxil-
laire inférieur, par exemple par un pont de longe portée, ces
contraintes répétées se répercutent de manière particulièrement
délétère sur l’interface du film de ciment de scellement. Au
cours du temps, la rupture de continuité du ciment de scelle-
ment peut en être la conséquence. En outre, le risque de dé-
faillance du film de ciment par fatigue du matériau sera d’autant
plus grand que la hauteur clinique de couronnes des dents pi-
liers sera faible et que les couronnes présentent de ce fait une
rétention mécanique insuffisante. De telles situations sont fré-
quentes lorsque des dents de sagesse doivent servir d’ancrage
distal pour des ponts dans le maxillaire inférieur. Ceci explique
l’observation clinique selon laquelle un certain nombre de ponts
dans les segments latéraux du maxillaire inférieur sont suscep-
tibles de se desceller occasionnellement après quelque 10 ans;
dans la plupart des cas, le phénomène concerne les molaires,
mais les prémolaires peuvent également en être touchées.
D’après nos propres expériences, de tels descellements peuvent
survenir même dans les cas dans lesquels les piliers ont été pré-
parés en respectant une dépouille idéale et que le ciment au
phosphate de zinc a été mélangé «dans les règles de l’art». Il est
surprenant de constater que de tels désagréments peuvent sur-
venir à l’occasion même sur des ponts inférieurs ne comprenant
qu’un seul élément intermédiaire. Pour ces raisons, et sans vou-
loir prétendre nous fonder sur une quelconque «évidence»
scientifique – qui de toute façon n’existe pas actuellement, voire
qui ne peut exister pour l’instant –, nous utilisons depuis plus de
30 ans des glissières en T pour la réalisation des ponts inférieurs
de longue portée. Ce faisant, nous pensons introduire un élé-
ment «stress breaker» en conférant à ces bridges une liberté de
mouvement de faible amplitude. D’autres types de glissières
peuvent également convenir en la matière (fig. 10).
La partie femelle de la glissière en T devrait de préférence être
logée dans la partie distale du pilier mésial, du fait que le degré
de torsion est plus faible à ce niveau-là. Cette manière de faire,
à savoir le placement de la partie femelle de la glissière dans la
partie distale du pilier mésial, est en outre étayée par le fait
qu’en règle générale, les dents inférieures ont une fâcheuse ten-
dance à la version en direction mésiale: ce type d’assemblage
évite dès lors le risque de séparation entre la partie femelle et la
partie mâle de la glissière sous une contrainte de mésioversion
des molaires. Et une troisième raison: en cas de rupture du film
de ciment de scellement sur le pilier distal ou lorsque le pilier
devait être perdu pour toute autre raison, il sera alors possible
d’ancrer une prothèse partielle dans la glissière; le cas échéant,
la possibilité d’une telle une solution «élargie» peut être intéres-
sante pour sauver, avec un peu de chance, le reste de la cons-
truction.
Nous proposons d’utiliser les glissières en T pour les ponts de
longue portée, afin d’éviter que le patient ne puisse trop facile-
ment soulever l’élément intermédiaire avec la langue. Lorsque
l’on souhaite réaliser un pont segmenté comprenant un seul
élément intermédiaire, un simple appui peut sans doute être
suffisant (type Interlock, fig. 10), étant donné que dans ces cas,