Sommaire du CHAPITRE 10 TUBERCULES ET RACINES Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 2 La pomme de terre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Description de la plante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3 Origine, centre de domestication et évolution de la culture de la pomme de terre . . . . . . . . . . 4 Écologie et culture de la pomme de terre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Statistiques de production pour la pomme de terre (FAOSTAT 2001, révisé) . . . . . . . . . . . . . . . 9 Le manioc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Description de la plante de manioc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Origine et évolution . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Écologie, méthodes de culture et utilisation du manioc . . . . . . . . Amélioration génétique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Statistiques de production du manioc pour 2001 (FAOSTAT, révisé) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 . . . . . . . . . . . . . . 11 . . . . . . . . . . . . . . 12 . . . . . . . . . . . . . . 13 . . . . . . . . . . . . . . 13 La patate douce Description de la plante . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Origine et évolution de la patate douce . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14 Écologie, méthodes de culture, variétés et utilisation de la patate douce . . . . . . . . . . . . . . . . 16 Statistique de production pour 2001 (FAOSTAT, révisé) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18 -1- TUBERCULES ET RACINES Introduction uelques 428 espèces de plantes appartenant à 63 familles ont été répertoriées comme plantes ayant été Q cueillies ou étant présentement cultivées pour l'utilisation de leurs organes souterrains de réserve comme aliment. Les réserves sont principalement des glucides (sous forme d'amidon) enfermées dans une matrice riche en eau. Sauf pour quelques exceptions, les racines et les tubercules contiennent en général très peu de protéines et des quantités réduites de vitamines, de minéraux et de lipides. Ces plantes ne peuvent fournir tous les éléments nutritifs en concentrations suffisantes pour satisfaire les besoins de l'Homme. Plusieurs espèces de ce groupe ont probablement été les premières à être cultivées dans les régions tropicales et sous-tropicales, car elles peuvent être propagées végétativement. Ce moyen de propagation demande beaucoup moins d'efforts que la plantation des graines. Dans le contexte et le temps alloué à ce cours, nous allons décrire les espèces les plus importantes pour l'alimentation humaine directe telles que choisies par l'organisation pour l'Alimentation et l'Agriculture des Nations-Unies (FAO). La pomme de terre, le manioc, la patate douce et les ignames sont les espèces dont l'importance alimentaire, la production et la superficie cultivée sont, de loin, les plus importantes. Ces plantes ont eu et continuent à avoir un impact sur le développement socio-économique global rattaché à l'agriculture des régions tempérées aux régions tropicales de tous les continents. Nous allons aussi faire mention de la culture du taro qui, bien que d'une importance régionale et locale, est une culture qui a encore un impact socio-économique important dans certaines régions tropicales du monde. -2- La pomme de terre ien que les céréales majeures forment la base de l'alimentation humaine, la pomme de terre (Solanum tuberosum L., famille des Solanacées) est aussi importante comme source alimentaire dans les régions tempérées de l'hémisphère Nord du globe. Pourtant l'origine de sa culture se situe dans les régions montagneuses des zones tropicales et subtropicales d'Amérique du Sud et son adoption comme aliment en Europe et en Amérique du Nord ne remonte qu'à environ 250 ans. L'intérêt de sa culture est dû à l'apport énergétique des tubercules produits dans les portions souterraines des tiges de la plante. Comparée aux céréales des régions tempérées, la pomme de terre produit un rendement plus élevé par unité de surface plantée et son apport en calories par hectare est plus de deux fois celui du blé et du riz et 1,5 fois celui de maïs.. Par contre la valeur nutritive de la pomme de terre est inférieure à celle des céréales car la teneur en proD. téines, bien que de bonne qualité, est très basse, entre 1% et 3% du poids des tubercules. À part une quantité appréciaE. ble de vitamine C, concentrée dans la région périphérique (périderme) des tubercules, la teneur en vitamines est réduite. L'atout principal de la pomme de terre est sa richesse en glucides en forme d'amidon (17 à 34 % du poids du tubercule), lequel après cuisson, est facilement digérable. Une alimentation basée presque exclusivement de pommes de C. terre conduit inexorablement à des problèmes graves de malnutrition. B Description de la plante : La pomme de terre (Solanum tuberosum L. (2n = 48) est une plante tétraploïde et allogame qui, du fait qu'elle à la capacité de se propager végétativement à partir de ses organes souterrains, est considérée une plante vivace. Les plantes peuvent être issues de la germination de graines ou par propagation végétative à partir des bourgeons ("yeux") situées sur les tubercules. La plupart des plantations sont initiées par propagation végétative, mais la production de graines est importante pour produire de nouvelles variétés issues de croisements contrôlées. Suite à la germination des graines ou des bourgeons végétatifs, les deux premières feuilles produites sont simples et alternées tandis que celles qui suivent sont composées de 5-9 folioles de dimensions variables. Lors du développement végétatif les parties souterraines des tiges A. B. Figure 1. Solanum tuberosum (L.): Pomme de terre. Plante entière. A.- Tige secondaire tubérisée; B.- Racines; C.- Feuille; D.- Fleur; E.- Fruit (Adapté de Heiser 1990). -3- produisent des ramifications latérales qui portent des tubercules en position terminale. La croissance des tubercules est complétée vers la fin de l'été, à mesure que les journées raccourcissent. La croissance de la plante est de type déterminée et une inflorescence en forme de cyme est produite à l'apex de la plante environ 4 à 5 mois après la germination. Dans les régions de climats tempérés froids au Nord du 42ème degré de latitude Nord, les plantes fleurissent rarement à la fin de la saison de croissance. Les fleurs, au nombre de 8 à 15, sont régulières (actinomorphes), composées de 5 sépales et 5 pétales soudés (gamosépales et gamopétales), de 5 (parfois 4-6) étamines ancrées à la base de la corolle, d'un pistil dimère et d'un ovaire à deux loges contenant de nombreux ovules. Suite à une pollinisation croisée entomophile, il y a production d'une baie triloculaire. Les plantes atteignent entre 80 cm et 1m 40 de hauteur lorsqu'elles complètent leur développement (FF i g u r e s 1 & 2). Noeud Rhizome Bourgeon terminal Jeune tubercule Germe (oeil) Épiderme Jeune tubercule Tissu vasculaire Moëlle Graine de pomme de terre Figure 2 . Formation d'un tubercule de pomme de terre. Origine, centre de domestication et évolution de la culture de la pomme de terre Le genre Solanum, auquel appartient la pomme de terre, contient plus de 1500 espèces d'origine américaine distribuées dans les régions montagneuses de l'Amérique centrale, de l'Amérique du Sud, du Mexique au Chili. Solanum tuberosum (2n = 48) a été placée dans la section Tuberarium, de la série Tuberosum, du genre qui contient les espèces capables de produire des tubercules à partir des tiges souterraines. La section Tuberarium comprend un grand nombre d'espèces tellement variables morphologiquement qu'il est difficile de se mettre d'accord sur le nombre d'espèces. Certains, comme Corell (l962) et Hawkes (1966) en classifient près de 159 espèces distribuées dans 17 séries différentes, tandis que d'autres, comme Ugent (1966), n'en reconnaissent que 36 espèces. Il est maintenant accepté que seulement une quinzaine de ces espèces soit impliquée dans l'évolution de la pomme de terre. Nous nous rapportons à la synthèse de Grun (l990) et aux recherches évolutives rapportées par Gepts 1993 qui sont basées sur la biologie moléculaire, qui proposent l'évolution indépendante de deux sous-espèces de pomme de terre cultivées, la première S. tuberosum ssp. andigena (2n=48) dans l'Altiplano bolivien-péruvien, l'autre S. tuberosum ssp. tuberosum (2n=48) au sud du Chili, dans les régions de l'île de Chiloe ( S c h é m a à l a F i g u r e 3). Des espèces diploïdes (2n=24) placées dans le complexe S. brevicaule se seraient hybridées naturellement entre elles et auraient été impliquées dans l'évolution de S. stenotomum, une espèce diploïde qui pourrait être la première à être cultivée de façon primitive dans le Plateau Andéen. Deux autres espèces diploïdes, dérivées de l'hybridation des espèces du complexe S. brevicaule, auraient été cultivées pendant de brèves périodes: S. goniocalyx dans les régions andéennes et S. phureja dans les basses terres côtières sur le versant du Pacifique. La culture de ces espèces aurait été abandonnée au profit des espèces tétraploïdes cultivées par la suite. Un croise-4- Evolution de la pomme de terre Genre Solanum = 1800 - 2000 espèces; Section Petota èces (20 séries); Série de terre cultivé ée. ées dans l'évolution de la pomme Espèces diploïdes (2n = 24) ées dans l'évolution du complexe S. brevicaule; **S. brevicaule, **S. multidissectum, (12 espèces) **S. bukasovii, **S. canasense *, **S. goniocalyx égions andéennes) **S. stenotomum (complexe) (2n=24; cultivée sur les plateaux des Andes, hautes altitudes) S. phureja ée dans les régions côtières de la Colombie et du Pérou) *, X *S. sparsipilum (2n=24) (Autopolyploïdisation) *, **S. tuberosum ssp. andigena (2n=48) (Introgressions multiples) *, **S. tuberosum ssp. andigena ïdie, cultivé plateaux des Andes X *, **S. maglia ? *, ** ? ( )? (2n=24, Chili, Argentine) *, **S. tuberosum ssp. tuberosum (2n=48, cultivée au Chili (Chiloe) et en Argentine) *, preuves basé **, preuves basé électrophorétiques des allozymes Figure 3. Évolution de la pomme de terre (Tiré de Grun, P. (1990) The evolution of cultivated potatoes. Econ. Bot. 44: 39-55. et Gepts, P. (1993) Evol. Bot. 27:51-94.) ment entre S. stenotomum et l'espèce spontanée diploïde S. sparsipilum aurait produit un hybride qui aurait subit par la suite un processus d'autopolyploïdisation et une série de croisements et d'introgressions supplémentaires. Les formes introgressées de S. tuberosum ssp. andigena (2n=48), auraient produit des tubercules plus volumineux et auraient été cultivées dans les régions intra montagneuses et les hauts plateaux des Andes, dans une période aussi lointaine que 4000 à 6000 années A.P. Bien plus tard, au cours de l'expansion de la civilisation inca, vers ll00 de notre ère, des variétés cultivées de cette sous-espèce auraient été transportées et cultivées dans les régions du sud du Chili et en Argentine. Les plantes se seraient croisées naturellement avec des espèces diploïdes spontanées locales produisant l'hybride S. tuberosum ssp. tuberosum (2n = 48). Cette plante aurait été cultivée par la suite dans cette région qui avait déjà été proposée comme centre secondaire d'origine de la pomme de terre par Vavilov (l928). -5- Ce schéma est basé sur les analyses génétiques et cytogénétiques faites au cours des derniers 50 ans et est appuyé, dans ses grandes lignes, par les analyses biochimiques plus récentes (protéines, allozymes et ADN) telles que décrites par Gepts (l993). Malgré cela, il comporte encore bien des éléments inconnus et difficiles à vérifier. Par ailleurs, l'élément temporel de l'évolution de la pomme de terre reste très spéculatif, car les données archéologiques concernant la domestication et la culture de la pomme de terre sont imprécises, peu nombreuses et de datation trop récente par rapport à ce que l'on devrait s'attendre intuitivement. Le problème ici est le fait que les artéfacts des végétaux qui pourraient établir la preuve de la domestication et culture de la pomme de terre, ainsi que ceux d'autres plantes utilisées pour leurs organes et tissus végétatifs mous, sont mal conservés et ont tendance à disparaître des sites archéologiques. De plus, l'augmentation du volume des tubercules lors du processus de domestication a été graduelle. Il est donc difficile de déterminer avec certitude à quelle phase de développement d'un tubercule nous nous retrouvons en présence d'une preuve irréfutable indiquant la présence d'une plante cultivée. Les tubercules des espèces sauvages du complexe S. brevicaule ont probablement été ramassés et utilisés comme aliment par les peuples de cueilleurs-chasseurs sud-américains plusieurs milliers d'années avant leur domestication. Les fouilles archéologiques effectuées au site de Monteverde, dans le centre-sud du Chili, font état de restes de ces plantes accompagnant les ossements des habitants datés d'il y a 12 000 années. La preuve archéologique la plus ancienne de la présence de l'utilisation de la pomme de terre cultivée ne vient pas des régions intra montagneuses de l'Altiplano bolivien-péruvien mais des régions côtières désertiques du centre du Pérou, à l'embouchure de la rivière Casma. Une vingtaine de tubercules desséchés, mais bien conservés, ont été découverts dans des niveaux d'occupation humaine datés entre 4000 et 3200 années A.P. On considère que ces tubercules appartiennent à des plantes domestiquées, car leurs grains d'amidon sont de grande taille et de forme elliptique. Ils sont différents de ceux des formes spontanées qui sont de taille réduite et plus allongée. Bien que d'autres tubercules, possédant certaines caractéristiques des formes cultivées, aient été retrouvés dans la vallée de Chilcas à l'intérieur des terres, dans des couches de sédiments datés d'il y a 10 000 ans, il faudra attendre une confirmation indépendante de datation, car il y a des doutes de la possibilité de contamination des strates de sédiments. Des restes de tubercules de pomme de terre, datés de 4000 ans, ont aussi été découverts dans le site archéologique de Taihuanaco, dans la région du lac Titicaca, mais il n'est pas certain que ces tubercules proviennent de plantes cultivées. Les preuves les plus évidentes de la culture de la pomme de terre proviennent des dessins et des reliefs de poterie développés par les individus des civilisations Pré-Incas datant du deuxième siècle de notre ère. Ces dessins et ces poteries montrent, de façon stylisée, différentes parties de la plante. Celles-ci sont encore plus abondamment dépeintes par les artisans des civilisations Mochica et Chimu, les ancêtres directs des Incas, qui ont peuplé l'Altiplano bolivien-péruvien à partir de 800 A. D. A l'arrivée des Espagnols sur le continent sud-américain, la culture de la pomme de terre s'étendait des régions montagneuses de la Colombie jusqu'au sud du Chili. Les Espagnols découvrirent pour la première fois cette plante en 1537 quand ils remontèrent la rivière Magdalena et explorèrent les hauts plateaux andéens de la Colombie. A haute altitude dans les Andes, les Amérindiens cultivaient la pomme de terre par la méthode de "chacras" (plantation horticole), souvent dans des champs établis en terrasse et à l'aide d'irrigation. Pour préserver les tubercules après la moisson, les agriculteurs plaçaient ceux-ci sur la surface des champs où ils demeuraient exposés pendant la nuit à des températures bien au-dessous du point de congélation. Les tubercules gelaient et le lendemain ils étaient piétinés afin d'éliminer le plus possible l'eau des tissus. L'eau s'évaporait rapidement pendant la période d'ensoleillement sous l'atmosphère sèche à haute altitude. Après quelques jours, l'on obtenait des masses de tubercules macérés et séchés, légèrement fermentés, appelés chuno (prononcer ''Chugno'') qui pouvaient être entreposés sans détérioration pendant plusieurs mois. Le chuno possédait aussi l'avantage d'avoir son amidon partiellement hydrolysé par le processus de fermentation. Il pouvait ainsi être cuit plus rapidement à des températures inférieures à 100o C, un atout important à haute altitude. Des échantillons de pomme de terre, que les Espagnols assimilaient à des ''truffes'', furent ramenés en Espagne en 1570 où cette espèce fut, pendant un certain temps, confondue avec la patate douce (Ipomoea batatas ), d'où son nom de "patata", qui provient du nom de "batata", un des termes utilisés par les Amérindiens des Caraïbes pour nommer la patate douce. Ce nom fut adopté dans la langue espagnole et éventuellement -6- traduit en France (et au Québec) sous le nom de "patate", un terme fort utilisé dans le langage commun. Jusqu'en 1600, la pomme de terre fut cultivée comme curiosité dans les jardins botaniques établis par la royauté, car les Européens ne l'apprécièrent guère comme nourriture, la jugeant sans goût, trop bourrative et produisant la flatulence. Ce manque d'intérêt fut probablement accentué par le fait que la famille des Solanacées était représentée en Europe par des espèces riches en alcaloïdes mortels ce qui plaçait la pomme de terre dans une catégorie suspecte et dangereuse. Un regain de popularité de courte durée s'établit lorsque membres de la royauté espagnole et française attribuèrent un pouvoir aphrodisiaque à cette plante, probablement due à l'association aux truffes. La pomme de terre finit par s'établir comme culture européenne par sa capacité de produire un aliment riche en calories dans ses parties souterraines. Pendant les longues guerres entre le royaume de Suède et celui de l'Empire Austro-Prussien au cours du 18e siècle, les champs de céréales étaient constamment détruits ou brûlés lors des avances et retraits des armées en lice. Par contre, les champs de pomme de terre étaient piétinés, mais une partie de la récolte de tubercules sous terre était préservée et permettait de sauver de la famine les populations qui survivaient aux envahisseurs. En constatant cet avantage, les rois de Suède, et par la suite, ceux de l'alliance Austro-Prussienne, décidèrent d'imposer la culture de la pomme de terre. Les régions de l'Europe centrale et du Nord, où cette culture fut imposée, étaient soumises à un climat favorable à sa culture, car il était très semblable aux zones de culture de la pomme de terre à haute altitude dans les régions tropicales et subtropicales de l'Amérique du Sud. Vers la fin du 18e siècle, la culture de la pomme de terre sur le continent européen était bien implantée et cette plante, plus que n'importe qu'elle autre, est considérée comme ayant contribué à l'augmentation de la population humaine dans ces régions. La pomme de terre fut introduite en Angleterre de façon indépendante vers la fin du 16e siècle. Une controverse existe à savoir si c'était Sir Walter Raleigh, ou Sir Francis Drake, qui est le responsable de son introduction sur l'Ile. L'on raconte que la reine Elizabeth I accusa Drake de vouloir l'empoisonner quand, par mégarde, les cuisiniers lui servirent une salade de feuilles de pomme de terre (qui contient de la solanine, un alcaloïde qui peut être mortel), au lieu d'un plat de tubercules cuits à partir de la plante offerte par son navigateur favori. Par la suite, la pomme de terre fut quand même adoptée comme aliment en Angleterre et sa culture pris une importance quasi exclusive dans la voisine Irlande qui subissait le joug de l'occupation anglaise. Non seulement les conditions climatiques humides et fraîches de l'Irlande se prêtaient admirablement à la culture de la pomme de terre, mais cette plante pouvait produire assez de calories sur des lopins de terre de petites dimensions afin de satisfaire les besoins alimentaires de base d'une famille nombreuse. Hors, la structure de sous-division excessive des terres agricoles dans les zones rurales de l'Est de l'île et la politique de propriété et de sous-location de cellesci, obligeaient les fermiers à l'autarchie dans un contexte de pauvreté extrême. Vers 1840, l'Irlande rurale était devenue dépendante de la pomme de terre à tel point que cette plante avait remplacé les céréales comme aliment de base sur de grandes étendues de territoire. La consommation journalière de pomme de terre par personne était en moyenne de 3 à 6 kg de tubercules, qui étaient préparés en bouillie et servis aux trois repas quotidiens. Quelques suppléments de viande (mouton), de thé, de sucre, de pain de seigle ou d'orge et de beurre s'ajoutaient en petites quantités et de façon irrégulière sur une base hebdomadaire. En 1845-46, les plantations de pomme de terre de l'Irlande furent ravagées par l'attaque d'un champignon, Phytophtora infestans, introduit accidentellement d'Amérique. Ce fléau détruisit presque entièrement la culture de la pomme de terre sur l'île en moins de 5 ans. Il est estimé que près de 1.5 millions d'irlandais moururent de faim au cours des 4 à 5 ans qui suivirent à l'épidémie initiale. Le manque de nourriture et une politique d'émigration agressive favorisée par les intérêts économiques anglais, forcèrent plus de un million d'habitants des régions rurales à émigrer, la plupart aux État-Unis et au Canada. L'épidémie de champignons s'étendit aux plantations de pomme de terre de l'Angleterre et en Europe continentale où, du fait d'une agriculture plus diversifiée, elle eue un impact moindre sur la population humaine de ces régions. La susceptibilité des plantations de pomme de terre de l'Irlande et de l'Angleterre étaient due au fait qu'elles étaient toutes issues d'une seule introduction. De plus, l'uniformité génétique de la variété originale était préservée par l'utilisation de semence végétative, ce qui revient à propager des individus qui sont des clones identiques. Au fait, toutes les plantations européennes étaient issues, tout au plus, de deux ou trois introductions indépendantes dont l'identité génétique avait été perpétuée par la propagation végétative. -7- Suite à la débâcle irlandaise, les améliorateurs et associations de fermiers européens développèrent des programmes de sélection pour produire des variétés de pomme de terre résistantes à Phytophtora et à d'autres maladies. De nouvelles sources de germoplasme furent obtenues à partir d'espèces, spontanées et cultivées, de pommes de terre dans diverses régions du centre et du sud des Amériques et un programme d'hybridation intensif fut développé à partir de 1880. Par exemple, des sources de résistance à Phytophtora infestans furent retrouvées parmi des populations de Solanum demissum, une espèce mexicaine. Jusqu'en 1870, les quelques introductions qui avaient été la source des premières plantations européennes provenaient de Solanum tuberosum ssp. andigena, des régions tropicales et subtropicales des hauts plateaux des Andes. À partir de cette date, des variétés de S. tuberosum spp. tuberosum provenant du sud du Chili seront introduites en Europe, sélectionnées et utilisées par la suite dans des programmes d'hybridation avec des variétés de la ssp. andigena. Au cours des derniers 30 ans, près de 550 variétés de pomme de terre ont été issues de ces programmes d'amélioration. La qualité et l'uniformité des tubercules se sont beaucoup améliorées par rapport au début du siècle. Sous des conditions favorables de culture, la production par hectare d'une ferme de l'Idaho, nommé l'état de la pomme de terre aux États-Unis, peut atteindre aujourd'hui les 70 tonnes de tubercules, quatre fois la production atteignable en 1930. Les généticiens considèrent que le potentiel de production de tubercules de cette plante pourrait atteindre les 200 tonnes métriques par hectare en utilisant des variétés améliorées et des conditions de pratiques agricoles et de culture optimales. Écologie et culture de la pomme de terre: La pomme de terre est adaptée aux climats tempérés froids et humides, conditions qui sont aussi retrouvées en altitude dans les régions tropicales et subtropicales des Andes, leurs régions d'origine. Bien que la culture de la pomme de terre puisse être effectuée sur toutes sortes de sols, la production optimale est obtenue sur des sols de texture moyenne à argileuse, légèrement acides (pH 6.0-6.5), enrichis en cations échangeables, en phosphore et en matière organique. Un bon drainage des sols est important pour éviter des malformations des tubercules. Si les conditions climatiques ne permettent pas de maintenir les sols humides au cours de la saison de croissance, il est nécessaire de d'irriguer les champs artificiellement. Les sols doivent être bien préparés au moyen de disques brise-mottes avant de semer les semences végétatives qui sont des morceaux de tubercules comprenant de deux à trois bourgeons à partir desquels se développerons les tiges et racines primaires. Traditionnellement, les plantations de pomme de terre sont initiées tôt au printemps avec des semences végétatives, car les plantes de pomme de terre fleurissent de façon irrégulière et un fort pourcentage des fleurs sont infertiles. Près de 90 % des plantations dans le monde sont initiées à partir de semences végétatives qui proviennent de la moisson de l'année antérieure. Le désavantage des semences végétatives est la possibilité de celles-ci de transmettre des pathogènes (en particulier des virus) et des nématodes d'une année à l'autre. A partir des années 50, les compagnies de semences ont commercialisé des semences végétatives qui sont certifiées libres de pathogènes. Plus récemment, une nouvelle de variété de pomme de terre appelée "Pioneer" a été développée en Amérique du Nord. Elle est plantée directement de graines issues des fruits. Les plants de pommes de terre qui émergent de semences, placées à une équidistance de 40 cm sur le rang et de 60-70 cm entre les rangs, se développent sur une période de 3 à 5 mois. La croissance des nombreux tubercules, produits à l'extrémité des rhizomes de chaque plante, est favorisée par le raccourcissement des journées vers la fin de l'été et la récolte peut être effectuée au début de l'automne. Traditionnellement, la récolte est effectuée manuellement aux moyen de fourches ou assistée par des charrues voltigeuses tirées par des animaux de trait. Dans les pays industriels, l'on utilise des récolteuses mécanisées pourvues de fourches frontales qui s'enfoncent en diagonale dans le sol et qui remontent les tubercules en surface. Ceux-ci sont laissés exposés pendant quelques heures à la surface du champ afin de permettre au périderme de "durcir" ce qui réduit les dommages occasionnés au cours du ramassage et du transport. Par la suite, les tubercules sont ramassés sur des convoyeurs, secoués de leur terres sur des tamis et transportés aux lieux d'entreposage. Les tubercules peuvent être entreposés pendant plusieurs mois à l'obscurité, soit dans des chambres froides à des températures de 4 à 6o C, soit à des températures de 15-18o C suite à une fumigation d'hydrazide maléique. Les deux traitements ont pour objectif d'empêcher la germination des bourgeons latents (yeux) des tubercules et éviter la synthèse de chlorophylle. La formation de tissus chlorophylliens à la lumière favorise une -8- synthèse accélérée d'alcaloïdes (solanine) et de certains phénols, tels que les isoflavones, lesquels à basses doses peuvent provoquer des avortements chez les mères enceintes. Dans le cas du traitement au froid, les tubercules doivent être reconditionnés avant d'être mis en vente pour la consommation. Pour ce faire, ils sont placés dans des entrepôts bien aérés maintenus à 18-20o C pendant 3 à 4 semaines afin d'éliminer la coloration brunâtre due à une réduction des sucres qui se développe de façon provisoire et réversible pendant l'entreposage au froid. Les plus grands producteurs de pomme de terre sont la Chine, la Fédération Russe, la Pologne et l'Inde qui, à eux seuls produisent plus des deux tiers de la production mondiale estimée à plus de 308 millions de tonnes métriques de tubercules en 2001. Les États-Unis suivent avec moins de 5 % de la production mondiale. A part de la Chine, où presque toute la récolte est utilisée directement pour l'alimentation humaine, environ 40 % de la production européenne et américaine est destinée, à parts égales, à l'alimentation du bétail et à l'usage industriel de son amidon (papier et tissus) et d'alcools. Seulement 60 % de la production est utilisée pour l'alimentation humaine, mais la moitié de cette production et soumise à une préparation industrielle avant d'être consommée ("chips", pommes de terre frites congelés, purées déshydratées, amidon ajouté à d'autres aliments, etc.). Les principaux états producteurs américains de pomme de terre sont l'Idaho, Washington et l'Oregon, où les conditions de climats tempérés froids et humides favorisent la croissance de cette plante. La pomme de terre est toujours un aliment important des peuples des régions andines de l'Amérique du Sud ainsi que du Mexique et d'autres régions montagneuses de l'Amérique centrale où cette plante fut introduite par les Espagnols. A la suite de la débâcle occasionnée par l'attaque de Phytophtora en Irlande, des programmes d'amélioration génétique de la pomme de terre furent développés dans le but de conférer de la résistance aux maladies et de diversifier les sources de germoplasme de cette culture. De nombreux croisements, utilisant des variétés traditionnelles collectées dans les régions andéennes et des espèces spontanées de ces régions et du Mexique, furent effectués dans le but de sélectionner des variétés résistantes adaptées à des conditions plus variées de climats et de sols. Depuis 1960, ces activités ont été concentrées au Centre International de Recherche sur la Pomme de Terre situé près de Lima au Pérou. Les recherches plus récentes ont permis de développer des variétés de pomme terre plus productives, adaptées non seulement aux régions de climats tempérés, mais aussi avec un certain succès aux basses terres de certaines régions situées dans les tropiques. Statistiques de production pour la pomme de terre en 2001 (FAOSTAT, révisé)) La production mondiale de la pomme de terre en 2001 était de 308,2 MTM réparties dans 152 pays sur une superficie d'environ 19,3 millions d'hectares. Les pays producteurs les plus importants étaient la Chine (64,0 MTM), la Fédération russe (34,5 MTM), l'Inde (25,0 MTM), la Pologne (20,4 MTM), les États-Unis (20,2 MTM), l'Ukraine (13,5 MTM), l’Allemagne (10,9 MTM), les Pays-Bas (7,7 MTM) et la France (6.5 MTM). L e C a n a d a é t a i t p l a c é e n 1 7è m e p o s i t i o n a v e c u n e p r o d u c t i o n d e 4 . 0 M T M. Le rendement moyen par hectare était estimé à 15,9 TM avec des rendements pouvant atteindre 46 TM/Ha (Hollande, Danemark) ou être aussi bas que 2 à 5 TM/Ha (Burkina Faso, Rwanda, Swaziland). Les généticiens prévoient que la pomme de terre offre un potentiel de production qui pourrait facilement atteindre les 250-300 TM/Ha avec des variétés améliorées quand elles sont cultivées et entreposées sous des conditions optimales. -9- Le manioc e manioc, cassava, mandioca ou yucca, est pratiquement inconnu des régions tempérées. Pourtant, c'est la source alimentaire principale dérivée d'un organe de réserve souterraine d'une plante dans les régions tropicales de trois continents. Cette ressource alimentaire est utilisée par plus de 600 millions de personnes qui habitent les régions tropicales et sous-tropicales du globe. Cette espèce, Manihot esculenta Crantz, appartient à la même famille que l'arbre caoutchouc (la famille des Euphorbiacées) et elle contribue à près de 38 % des calories consommées en Afrique et plus de 11 % de l'énergie alimentaire utilisée par les habitants de l'Amérique latine. Originaire de l'Amérique du Sud, son importance s'est accru au cours des dernières décennies en Afrique et en Asie où elle remplace la culture de l'igname dans bien des régions. Les raisons de cette popularité croissante sont que le manioc produit plus par hectare que les sources d'igname cultivées locales tout en étant plus facile à cultiver, plus tolérant à la sécheresse et plus résistant aux maladies et aux attaques des herbivores. L'inconvénient principal du manioc comme aliment, est sa basse concentration de protéines dans ses racines tubéreuses, qui en moyenne est de 1 % et rarement excède 3 %. De plus, il y a la présence de substances toxiques cyanogéniques qui requière une préparation spéciale des racines avant qu'elles puissent être consommées. L Description de la plante de manioc : Le manioc (Manihot esculenta Crantz, 2n = 36) est un arbuste ligneux, vivace et ramifié qui peut atteindre jusqu'à 5 m de hauteur. Il produit de larges feuilles fortement lobées et spiralées de formes très variables. Lors de leur croissance, les arbrisseaux produisent plusieurs racines tubéreuses de réserve, contenant jusqu'à 35 % d'amidon, qui peuvent atteindre jusqu'à 1 m de longueur et peser collectivement jusqu'à 40 kg. Le manioc est une plante monoïque qui produit des fleurs régulières (actinomorphes) femelles et mâles de petites dimensions réunies en petits racèmes séparés. Les fleurs femelles, portées sur des racèmes à l'aisselle des feuilles, sont composées de 5 sépales, 5 pétales, parfois réduits, et d'un ovaire supère à trois loges soutenant un stigmate simple. Les fleurs mâles sont apétales et comportent 5 sépales et 10 étamines. Suite à une pollinisation croisée, il y a maturation d'un fruit triloculaire (schizocarpe) qui est, en fait, une capsule non charnue ( F i g u r e 4 ). Le système photosynthétique du manioc est de type C4 et cette espèce est une héliophyte qui pousse sous les conditions de hautes températures et d'ensoleillement caractéristiques des régions tropicales et subtropicales. D F C E G B A - 10 - I H Figure 4. Manihot esculenta (Crantz): Manioc. A.- Jeune tige avec feuille; B.- Feuille avec stipule; C.Tige avec des fleurs; D.- Fleur femelle; E.- Fleur mâle en coupe longitudinale; F.- Fleur femelle en coupe longitudinale; G.Fruit; H.- Graine; I.- Tubercule. Origine et évolution : Le manioc est la seule espèce du genre à avoir été domestiquée et on ne lui connaît pas de formes sauvages. Le genre Manihot comprend quelques 17 espèces spontanées originaires des régions tropicales et subtropicales de la région amazonienne. Le centre de diversité du genre est localisé dans la région comprenant le sud du Brésil et le Paraguay. La variabilité des formes cultivées de Manihot esculenta et la grande dispersion de sa culture en Amérique au cours des périodes préhistoriques ont créé des difficultés pour interpréter son évolution et déterminer son centre d'origine de domestication. Les analyses d'ADN récentes, utilisant les enzymes de restriction, indiqueraient que l'espèce spontanée M. aesculifolia ssp. flabelliformis serait l'ancêtre du M. esculenta, bien que deux autres espèces, M. rubricaulis et M. pringlei pourraient aussi être impliquées. Par contre, il n'est pas possible de retracer des formes spontanées de M. esculenta. Il est probable, sans en être certain, que M. aesculifolia soit l'espèce spontanée du manioc. Bien que certains placent l'origine de domestication du manioc en Amérique centrale (Mexique et Bélize-Guatemala), la plupart des experts optent pour une origine sud américaine suivie d'une expansion de sa culture en Amérique centrale pendant la période pré colombienne. Bien que l'on n'exclue pas que sa domestication puisse avoir été initiée dans le sud du Brésil, l'on favorise plutôt la région nordest du Brésil. La situation est compliquée du fait de la présence de deux types de variétés de manioc, le manioc "amer" et le manioc "sucré". Cette classification fait état de différences dans la distribution de deux glycosides cyanogéniques, la linamarine et la lotaustraline (manihotoxine) ( F i g u r e 5 ) , qui sont présentes dans toutes les parties de la plante, mais qui sont distribuées différemment dans les racines tubéreuses des H3C O-Glc O-Glc CH3CH2 deux types de manioc. Les racines des variétés C C "sucrées" contiennent ces produits toxiques en H3C C N H3C C N basse concentration et seulement dans les celLotaustraline Linamarine lules corticales périphériques adjacentes au périderme, alors que les racines des variétés "amères" possèdent des concentrations élevées Figure 5.- Ia linamarine et la lautostraline produites par le manioc de ces glycosides distribuées dans toute leur masse parenchymateuse. D'après la plupart des experts, les variétés amères auraient été domestiquées les premières dans le nord-est de l'Amérique du Sud, dans une vaste région que délimitent les frontières actuelles du Brésil, du Venezuela et des Guyanes. Les variétés de manioc "sucrées" auraient été domestiquées plus tard dans les terres basses de la Colombie et de l'Équateur, sur la côte du versant Pacifique. Par contre, Renvoize (1972) a proposé une hypothèse discordante en affirmant que le manioc sucré aurait été domestiqué par les Mayas en Amérique centrale, au Guatemala et au Mexique, au cours de périodes relativement plus récentes. Les découvertes archéologiques nous donnent peu de renseignements sur ce point, car s'il est vrai que des restes de manioc datés du premier millénaire av. J.C. ont été découverts au Mexique, des grattoirs destinés au manioc (budares) vieux de 4 000 ans ont été retrouvés dans des sites archéologiques du Venezuela. Ceux-ci ne font leur apparition dans les sites archéologiques de l'Amérique centrale que bien plus tard au cours des premiers siècles de notre ère. A l'arrivée des Espagnols en Amérique, la culture du manioc était déjà bien implantée chez les Amérindiens des îles des Caraïbes et ceux d'Amérique centrale. Le manioc a été introduit en Afrique par les Portugais dès l570, mais sa culture est devenue importante à partir de la fin du 19e siècle lorsque l'on découvrit que cette plante était facile à cultiver, produisait plus sur des sols pauvres que d'autres cultures et, de surcroît, était résistante aux maladies et à l'attaque de sauterelles qui faisaient des ravages dans diverses régions d'Afrique occidentale. A partir de 1910, le manioc déplace et remplace peu à peu la culture des espèces et variétés d'ignames locales, et ce dans bien des régions de l'Afrique tropicale. Une situation semblable se développe en Asie où le manioc fait son entrée à partir de 1950 en Inde, en Thaïlande, en Chine et, particulièrement, en Indonésie qui est actuellement le quatrième pays producteur le plus important après le Nigeria, le Brésil et la Thaïlande. - 11 - Écologie, méthodes de culture et utilisation du manioc : Le manioc est une plante bien adaptée aux climats tropicaux et subtropicaux sous des conditions d'ensoleillement et tolère bien la sécheresse. Sa croissance est favorisée dans des sols bien drainés et humides, mais est affectée par des périodes d'inondation prolongée. Elle peut générer une bonne production de racines tubéreuses de réserve même dans des sols pauvres et requière un minimum de labours et de soins tout en ayant un taux de production par hectare très élevé. Les plantations sont effectuées par propagation végétative sans labourage préalable des sols dont on a coupé ou brûlé la végétation de surface. Des tiges de 30 cm de longueur, portant plusieurs bourgeons axillaires, sont enfoncées latéralement dans le sol à des distances d'environ 1 m l'une de l'autre. Chaque plant produira un arbrisseau et des racines tubéreuses dans les 12 à 18 mois qui suivent. Celles-ci peuvent être récoltées ou laissées en place jusqu'au moment requis. Dépendant des conditions et de la période de croissance écoulée, chaque plant peut produire entre 5 et 30 kg de racines (avec un record de 72 Kg à Cali (Colombie)) . La présence de glycosides cyanogéniques dans les racines du manioc rend nécessaire un procédé d'extraction pour éliminer ces substances nocives. Pour les variétés "amères", les racines doivent être coupées finement ou grattées et la masse est ensuite comprimée pour en extraire le jus. Ce procédé libère l'enzyme linamarase de son compartiment cellulaire. Celle-ci hydrolyse les deux glycosides cyanogéniques produisant de l'acide cyanhydrique (HCN*) qui s'évapore rapidement ( F i g u r e 6 ). H3C CN* O-Glc C H3C C HO C N CH3 CH3 Glucose + acetone cyanohydrine Linamarine O C CH3 CH3 HCN* + Acetone Linamarase (enzyme) Figure 6.- Libération de cyanure par l'action de l'enzyme linamarase. Par la suite, le séchage des morceaux de racines ou la cuisson de la pâte (ou de la farine produite) permet d'éliminer les résidus de cyanure qui pourraient être encore présents. Le procédé pour les variétés "sucrées" est plus simple, car il suffit de peler la zone péridermale des racines tubéreuses pour éliminer les substances cyanogéniques qui sont concentrées dans les cellules corticales périphériques. Les Amérindiens des régions amazoniennes avaient développé un procédé d'extraction en employant le "tt i p i t i", sorte d'exprimoir vertical à tourniquet en forme de manche. En suivant le même principe, des pressoirs horizontaux ont été développés plus b u d a r e s", sortes de grattoirs faits récemment dans plusieurs pays d'Afrique équatorial. Dans le même but, les "b en pierre ou de treillis de végétaux tressés, ont été développées au cours de la période pré colombienne par les amérindiens de l'Amérique Centrale et du nord-est de l'Amérique du Sud.. Les racines ainsi traitées sont séchées et sont moulues en farine. Celle-ci est utilisée pour la préparation de galettes plates ou ajoutée en forme d'une purée gélatineuse à différents mets cuisinés. Au Brésil et au Venezuela, pays où le manioc est une denrée alimentaire importante, les racines sont traitées par un procédé mécanisé qui coupe celles-ci en lanières qui sont, par la suite, pilées jusqu'à formation d'une pâte informe. Celle-ci est laissée au repos pendant la nuit ce qui permet au cyanure d'être libéré et évaporé. Cette pâte humide est par la suite utilisée pour préparer des galettes plates et minces de l m de diamètre ("tortillas de yucca") qui sont cuites au four et qui peuvent être entreposées pendant de nombreuses semaines. La cuisson permet d'éliminer tous les résidus d'acide cyanhydrique qui pourraient encore persister. La pâte de manioc peut être séchée et moulue en farine. La farine est rôtie pour préparer le f a f a r o, une nourriture de base des peuples amazoniens. La pâte de manioc peut aussi être décantée de son eau et l'amidon obtenu est purifié par un processus en chaîne d'hydratations et de décantations multiples. L'amidon purifié peut être utilisé par l'industrie ou déposé sur des - 12 - plaques métalliques, ou dans des tambours chauffés, pour la préparation du t a p i o c a, qui est composé de conglomérats (pellets) d'amidon gélatinisées et séchés par la chaleur. Le tapioca est un excellent gélifiant qui est utilisé comme ingrédient pour la préparation de poudings, de tartes à fruits et d'aliments pour nourrissons. L'eau drainée issue du processus de préparation et purification des farines de manioc et de tapioca contient assez d'amidon pour être fermenté afin de produire des bières locales. Amélioration génétique : Les programmes d'amélioration génétique du manioc sont relativement récents et ont été concentrés principalement au Centre International de Recherches sur les Cultures Tropicales de Cali, en Colombie. De nombreuses sources de germoplasme, comprenant non seulement des variétés traditionnelles de Manihot esculenta, mais aussi des collections de formes spontanées de d'autres espèces de Manihot, ont été utilisées dans les programmes d'hybridation et de sélection. L'objectif le plus important est de produire des variétés dont le contenu de protéines est significativement plus élevé que celui des variétés traditionnelles. Au cours de la dernière décennie, plusieurs nouvelles variétés contenant jusqu'à 8 % de protéines ont été développées et sont présentement sujettes à sélection. Le deuxième objectif est de réduire la concentration de glycosides cyanogéniques des racines sans affecter leurs concentrations dans les feuilles et parties aériennes. L'objectif est de remplacer les variétés "amères" par des variétés "sucrées" de haute productivité sans que leur résistance aux maladies et aux pestes en soit affectée. Le botaniste américain D. J. Rogers a découvert en 1962 que les feuilles du manioc contenaient des hautes concentrations de protéines de bonne qualité pouvant atteindre 36 % de leur poids, ce qui place cette source de protéines au même niveau que celle des graines de légumineuses. Cette découverte a engendré un programme culinaire innovateur qui a proposé l'apprêt de plats combinant la cuisson de feuilles et de racines afin de corriger les déficiences nutritives de ces dernières. Bien que les coutumes et usages soient difficiles à changer, ces nouveaux plats, proposés sur le modèle des tamales de maïs, sont maintenant bien acceptés par plusieurs communautés rurales dans les régions tropicales des trois continents où le manioc est une nourriture de base des peuples les plus démunis. Statistiques de production du manioc pour 2001 (FAOSTAT, révisé) La production mondiale de manioc en 2001 était de 178,9 MTM réparties dans 100 pays sur une superficie plantée d'environ 17,0 millions d'hectares. Les cinq principaux pays producteurs étaient le Nigeria (33,9 MTM). Le Brésil (24,1 MTM), la Thaïlande (18,3 MTM), l'Indonésie (16,2 MTM) et la République Démocratique du Congo (15,4 MTM). Le rendement moyen par hectare était environ de 10,5 TM; il pouvait atteindre les 27,2 TM/Ha (Barbade) et être aussi bas que 2 à 5 TM/Ha (Burkina Faso, Malawi, Togo, Polynésie Française). La patate douce a patate douce (Ipomoea batatas Lam.) était cultivée pour ses racines dans les régions tropicales et subtropicales en Amérique et dans les îles du Pacifique bien avant l'arrivée des premiers explorateurs européens. La distribution de cette plante, conjointement avec celles du cocotier et de la gourde d'eau, a été utilisée comme argument pour appuyer l'hypothèse de contacts et d'échanges préhistoriques entre les peuples d'Amérique du Sud et ceux des îles de l'Océanie. Jusqu'à très récemment les arguments proposés pour expliquer l'évolution de la domestication et la culture de la patate douce étaient sujets à controverse. Les études taxonomiques et évolutives récentes ainsi que les découvertes archéologiques des deux dernières décennies indiquent que la domestication et la culture de cette espèce ont débuté dans les régions tropicales de la côte L - 13 - nord-ouest de la Colombie, en Amérique du Sud. Cette plante, qui fournit un aliment de meilleure qualité que la plupart des autres plantes cultivées pour leurs racines et tubercules, a été et est encore un aliment de base traditionnel important pour les populations habitant les régions côtières et les îles du bassin de l'océan Pacifique. La culture de la patate douce s'est étendue aux régions tempérées aux cours des deux derniers siècles. La production mondiale en 2001 était estimée à environ 136 MTM, production se rapprochant à celle du manioc, mais près de 2.5 fois inférieure à celle de la pomme de terre. La Chine est de loin le premier producteur du monde avec une production en 2001 de 115 MTM, représentant plus de 83 % de la production mondiale. Description de la plante : La patate douce, Ipomoea batatas Lam, placée dans la famille des Convolvulacées, est la seule espèce économiquement importante des quelques 400 espèces que comporte ce genre. Cette herbacée est une vigne rampante hexaploïde (2n=6X=90) qui est vivace dans les zones tropicales, mais qui se comporte comme une annuelle dans les régions tempérées. Ses racines de réserve sont de vraies racines souterraines. Elles se développent à partir des racines adventices par Cortex croissance secondaire, de façon similaire au développement de la betterave à sucre. Cependant, Xylème au lieu que la croissance secondaire se développe Cambium en anneaux concentriques, elle se forme de façon désorganisée dans la masse de la racine (FF i g u r e Phloème 7 ). Bien que les plantations soient initiées par Panais propagation végétative à partir de portions de Radis tiges aériennes ou, parfois, de racines de réserve, les plantes fleurissent de façon sporadique sous les tropiques (et plus fréquemment dans les régions subtropicales et tempérées). Elles produisent des fleurs bisexuelles régulières (actinomorphes) dont Xylème les 5 sépales et les 5 pétales sont soudés à leur Cambium base (FF i g u r e 8). Suite à une fertilisation croisée, Phloème Carotte il y se développe une baie triloculaire semblable à Xylème Navet celle des espèces de Solanacées, famille très proche Cambium des Convolvulacées. Anneaux concentriques Phloème de tissus vasculaires Origine et évolution de la patate douce : On ne connaît pas de formes spontanées de Ipomoea batatas, mais deux espèces hexaploïdes (2n=6x=90) spontanées d'origine américaine, I. trifida et I. tiliaceae, sont considérées les ancêtres de la patate douce à cause de leur morphologie et de leur caryologie similaires à celles de l'espèce cultivée. Ipomoea trifida originaire du Mexique, a été proposée par la botaniste japonaise Ichizo Nishiyama comme étant l'espèce ancestrale de la patate douce. Par contre, plusieurs botanistes considèrent que I. trifida n'est pas une espèce sauvage, mais une forme de I. batatas qui a subit une réversion des caractéristiques associées aux plantes cultivées. Douglas Yen, un ethnobotaniste de l'Université d'Hawaii, favorise Ipomoea tiliaceae, distribuée dans régions des basses terres - 14 - Patate douce Faisceaux vasculaires secondaires entourés de cellules d'entreposage Betterave Figure 7. Coupe transversale de différentes racines. Dans cellesci, différentes zones sont le site d'accumulation de l'amidon. Chez le radis et le navet, le parenchyme du xylème se développe et accumule l'amidon. Chez le panais et la carotte, l'amidon est emmagasiné dans le cortex. Chez la betterave, on retrouve des bandes successives de tissus vasculaires, chacune de ces bandes accumule de l'amidon. Chez la patate douce,l'amidon est accumulé dans le parenchyme au centre de la racine dans lequel on retrouve plusieurs faisceaux de xylème. (Modifié de Simpson & Ogorzaly1995) B1 B2 A C B3 E D Figure 8. Ipomoea batatas: Patate douce. A.- Tige végétative; B.- (1-3) Différentes formes de feuilles; C.Fleur; D.- Fleur ouverte artificiellement; E.- Racine. tropicales du nord-ouest de la Colombie, comme étant l'ancêtre spontané de la patate douce. Les analyses de biologie moléculaire effectuées récemment et les considérations linguistiques lui donnent raison. De plus, il n'existe aucune preuve archéologique ancienne de la présence de la patate douce en Amérique centrale et sa culture n'a jamais été particulièrement développée au Mexique, ce qui n'appuie pas l'hypothèse que cette plante aurait été domestiquée initialement en Amérique centrale. Des restes fossilisés de patates douces datés d'il y a 8 000 et 10 000 ans ont été retrouvés dans les contreforts des Andes en Amérique du Sud. Les fouilles archéologiques démontrent que cette espèce était cultivée et domestiquée en Amérique du Sud depuis au moins 4 500 ans. L'énigme qui n'est toujours pas expliqué est la présence de la patate douce en Polynésie, en Nouvelle Zélande, en Nouvelle Guinée, et dans d'autres îles du Pacifique Sud dans les périodes pré colombiennes remontant au 13ème siècle de notre ère. L'hypothèse la plus acceptée et celle d'échanges préhistoriques entre les peuples d'Amérique du Sud et des îles du Pacifique Sud, ce qui aurait permis d'introduire la culture de la patate douce dans ces régions. Bien que près de 6 000 km de mer ouverte séparent ces deux régions, le voyage du radeau Kon Tiki, effectué par le navigateur norvégien Thor Heyerdahl en 1947, a suggéré très fortement que des navigateurs sud-américains de la période pré colombienne habitant les côtes du Pacifique aient pu atteindre les îles polynésiennes en employant des méthodes de transport maritime de l'époque. Ces voyages auraient pu être organisés, mais il est bien plus probable qu'ils auraient été accidentels - 15 - causés par des tempêtes qui auraient éloigné les radeaux des côtes américaines après quoi ils auraient dérivé à la faveur des courants prévalent vers l'Ouest. Un seul voyage réussi aurait pu suffire pour introduire cette plante, mais la question est de savoir si des racines de patate douce, qui n'ont pas une capacité de conservation particulière, auraient pu survivre à la suite d'un voyage de plusieurs semaines ou mois. Quel que soit le moyen d'introduction de la patate douce dans les îles d'Océanie, cette plante faisait partie intégrale de l'agriculture pratiquée par les peuples maoris qui ont colonisé ces îles, plusieurs siècles avant l'arrivée des premiers explorateurs européens. Cette plante était aussi cultivée en Nouvelle-Guinée et dans certaines régions de l'Indonésie et de la Malaisie, où des systèmes de caches souterrains élaborés avaient été développés pour entreposer les racines. Les fouilles archéologiques dans l'archipel des îles Hawaii rapportent des fragments de patate douce datées du 10-11éme siècle de notre ère, époque qui coïncide avec la colonisation de ces îles par les navigateurs maoris venant de la Polynésie. Il est intéressant de noter que les premiers habitants d'Hawaii nommaient cette plante "Uala". Karl Reich, expert linguistique de l'Université Nationale d'Australie, associe ce nom à la famille des langages Cuna utilisés par les peuplades pré colombiennes du nord-ouest de la Colombie, région, qui comme nous l'avons mentionné, est considérée le centre d'origine de domestication de la patate douce. À l'arrivée des Espagnols, la patate douce était cultivée dans les îles et basses terres de l'Amérique centrale et du sud. Dépendant des régions de culture, les Amérindiens lui donnaient des noms différents: apichu au Pérou, camote au Mexique, et aje (variétés amidonneuses) et batata * (variétés sucrées) dans les régions des Caraïbes. La patate douce fut ramenée par Colomb en Espagne où elle fut cultivée comme plante exotique dans les jardins botaniques. Au début du 16ème siècle, elle fut transportée du Mexique à l'île de Guam. À cette époque l'île de Guam était une colonie asiatique de l'Espagne, et la patate douce y fut cultivée pour nourrir les marins des bateaux espagnols faisant la navette entre les diverses colonies asiatiques. De leur côté, entre 1740 et 1770, les Portugais introduisirent la culture de la patate douce dans les régions côtières de leurs colonies d'Inde (Goa), de Ceylan (Sri Lanka), des îles Moluques et d'Indochine. À cette époque, des patates douces cultivées en Espagne furent exportées en Angleterre où, pour une raison étrange, elles furent considérées aphrodisiaques ce qui augmenta leur popularité pendant un certain temps. Bien que la patate douce soit encore utilisée de façon intensive dans les régions tropicales et sous-tropicales des Amériques et qu'elle soit devenue une culture importante dans les états du sud-est des États-Unis, sa production est maintenant concentrée en Afrique et en Asie, où l'on retrouve les dix pays producteurs les plus importants. La Chine est de loin le premier producteur mondial, accaparant plus de 83 % de la production mondiale. Bien que la production au Japon, le septième producteur mondial en 2001, ait diminué au cours des deux dernières décennies, elle est plus élevée que dans tous les pays américains réunis. Dans plusieurs pays asiatiques, la patate douce est considérée comme une protection contre les ravages des typhons. En effet, ceux-ci ravagent les cultures de surface tels que le riz et d'autres plantes de culture utilisés pour leurs fruits et végétation de surface et ne laissent intactes que les plantes cultivées pour leurs organes souterrains. Écologie, méthodes de culture, variétés et utilisation de la patate douce : Cette vigne d'origine tropicale est bien adaptée aux températures chaudes et à l'humidité des tropiques et ne tolère pas le gel. Dans ces conditions, la patate douce est traditionnellement cultivée comme une espèce vivace avec un prélèvement des racines à chaque année à partir de plants qui sont laissés sur place. Bien que cultivée principalement dans les régions côtières et dans les basses terres des régions tropicales, cette plante peut être cultivée avec succès, sous des conditions favorables, jusqu'à 2 800 m d'altitude. Dans les régions subtropicales _____________________________________________________________________________________________________________ * le nom batata fut plus tard attribué par erreur à la pomme de terre ("patata") lorsque celle ci fut introduite en Espagne en 1537, semant une confusion qui n'a jamais été corrigée. Les noms Kumar, kumara, ou une variante de ces mots, étaient aussi utilisés au Pérou et en Polynésie pour nommer la patate douce. L'utilisation de ces termes dans les deux régions était considérée comme une preuve de l'introduction de la patate douce du Pérou dans les régions du Pacifique du Sud. Le terme Kumar est maintenant considéré d'origine polynésienne par les experts linguistiques et l'on suppose que ce terme a été introduit au Pérou au cours du 16e siècle, pendant la période post-colombienne. - 16 - et tempérées chaudes, où les températures de la saison hivernale peuvent descendre en dessous de 14o C, la culture de la patate douce se fait sur une base annuelle, généralement en rotation avec d'autres cultures enrichissantes des sols comme le soja et l'arachide. Du fait de sa récolte souterraine, la culture de la patate douce est bien adaptée aux sols légers, même sablonneux, si ceux-ci sont maintenus humides pendant la saison de croissance. Par contre, sa production est affectée par des périodes prolongées d'inondation et les sols doivent posséder un bon drainage sous des conditions d'humidité excessive. L'ajout d'engrais riches en phosphore et en potassium améliore les rendements de cette culture. Les plantations de patate douce sont initiées par la propagation végétative de segments de tiges aériennes ou d'une racine de réserve entière. Dans le premier cas, des racines adventices à géotropisme positif seront produites dans la partie inférieure de la tige et un méristème végétatif surgira du sol et produira les premières feuilles ayant une forme de flèche. Dans le second cas, les nombreux bourgeons situés en surface de la racine produiront des racines adventices sur la partie inférieure et des tiges aériennes desquelles se développeront des feuilles sur la partie supérieure de la racine (FF i g u r e 9). Bien que des plantes de patate douce puissent être produites à partir de graines, les plantations sont rarement initiées de cette façon, car la floraison est peu fréquente et le développement des plantes et des racines à partir de graines prend beaucoup plus de temps. L'inconvénient le plus important est que les plantes issues de graines sont, contrairement à celles propagées végétativement, trop variables quant à leur physiologie et leur morphologie, ce qui affecte l'uniformité et la synchronisation dans la production et les récoltes des racines. La production de graines est par contre essentielle aux programmes d'amélioration basés sur les croisements contrôlés et les programmes de sélection qui suivent. Dans les tropiques, la récolte peut être effectuée en tout moment et dépendra de l'état du développement des racines de réserve. Dans les régions subtropicales et tempérées chaudes, les plantations sont effectuées au printemps afin que les récoltes soient faites à l'automne. Le développement des racines étant favorisé par une diminution de la photopériode. Des périodes de croissance allant de 3 mois à 6 mois (variétés hâtives Figure 2- (A) Les feuilles d'une patate douce peuvent se cultivées dans les régions plus septentrionales et var- développer à partir d'une racine basale mais la plupart des feuilles se développent à partir des bourgeons situés sur la iétés cultivées dans les régions les plus chaudes) sont partie supérieure (B) plant obtenu de la germination d'une nécessaires pour atteindre un développement racinaire graine. optimal. La plupart des régions productrices de patate douce utilisent des méthodes traditionnelles de culture où les pratiques agricoles sont manuelles et dépendent principalement d'une main-d’œuvre abondante. Par contre, cette culture s'est mécanisée aux États-Unis et dans certains pays d'Asie. Des équipements semblables à ceux utilisés pour la culture de la pomme de terre ont été adaptés pour les labours, l'ensemencement et la récolte de la patate douce. La valeur nutritive de la patate douce est supérieure à celles du manioc et de la pomme de terre. La quantité d'hydrates de carbone oscille entre 21 et 32 % dont 3 à 6 % en forme de sucres dont le contenu augmente suite à l'entreposage et à la cuisson. Bien que les racines de la plupart des variétés de cette plante contiennent 2 à 3 % de protéines, certaines variétés sélectionnées au cours des derniers 20 ans atteignent les 5 à 6 %, ce qui place cette plante en tête, avec l'igname, pour la qualité nutritionnelle de ces organes de réserve souterraine. Les racines sont presque aussi riches en vitamine A que les carottes et contiennent des taux de vitamine C semblables à la pomme de terre. C'est une bonne source de minéraux et sa valeur calorique est supérieure à celle de la pomme de terre. Deux types de patate douce ont été développés. Les variétés amidonneuses contiennent rarement plus de 2 % - 17 - de sucres dans leurs racines. Celles-ci sont généralement de couleurs jaune à brun clair et de structure fibreuse. Les racines des variétés sucrées, développées au cours des derniers trente ans, accumulent jusqu'à 6 à 8 % de sucres et contiennent aussi un pourcentage supérieur en vitamine A (carotènes) ce qui leur confère une coloration orangée et une structure plus dense et hydratée que les formes riches en amidon.. Dans la plupart des pays tropicaux producteurs de patate douce, les racines, issues de petites plantations privées ou communautaires, sont utilisées comme légumes accompagnant les plats cuisinés ou sont préparées en purées. Aux États-Unis, une partie importante, environ 40 % de la production, est utilisée pour l'alimentation du bétail et le reste comme légumes ou comme dessert après une cuisson des racines dans du sucre (confiserie). Au Japon et à Taiwan, près de la moitié de la production est utilisée pour l'extraction d'amidon destiné en grande partie à la fermentation pour la production de vins et d'alcools industriels. Statistique de production pour 2001 (FAOSTAT, révisé) La production mondiale de patate douce en 2001 était environ de 135,9 MTM distribuée dans 109 pays et couvrait une superficie d'environ 9,4 millions d'hectares. Les pays producteurs les plus importants de patate douce étaient la Chine (115,1 MTM) , le Nigeria (2,5 MTM), l'Ouganda (2,5 MTM), le Viêt-Nam (1,6 MTM), ), l'Indonésie (1,7 MTM), l'Inde (1,2 MTM), le Japon (1,1 MTM) et le Rwanda (1.1 MTM) . Il est possible que cette production soit sous-estimée, car dans bien des pays du Tiers-Monde la patate douce et cultivée dans des jardins privés et cette production n'est pas toujours rapportée dans les statistiques régionales. La production moyenne par hectare était estimée à 14,5 TM et les rendements peuvent varier entre 35 TM/Ha (Israël, Hong Kong) et 12 TM/Ha (Tanzanie, Chad, Swaziland). - 18 -