des Espaces Naturels
Crédits photo Couverture :
A.Goudour, Limoges Métropole,
M.Mady, R. Günter, Fotolia
Illustrations :
Julie Maubras ( www.monakini.com)
Conception :
Agence l’Eet Papillon (www.eetpapillon.fr)
La biodiversité
Dossier [06]
Novembre 2013
La flore
des champs
et des moissons
Rouge, blanc, bleu, jaune, rose…
Telles étaient autrefois les couleurs qui émaillaient
nos cultures.
Et l’on venait dès le printemps composer des bouquets
de ces fleurs aux noms évocateurs : bleuet,
coquelicot, nielle des blés… Mais depuis les
années 1960, les pratiques agricoles ont
changé et ces plantes se sont raréfiées
au point parfois de disparaître.
Quatre années d’inventaires ont
permis de dresser un bilan de la
situation de cette flore spécialisée
et méconnue sur le territoire de
Limoges Métropole.
Qu’est-ce qu’une plante
« messicole » ?
Les spécialistes désignent les plantes compagnes des
cultures (plus communément appelées « mauvaises herbes »)
par le terme « adventices ». Étymologiquement, cette
expression désigne une plante qui « s’ajoute à un peuplement
végétal auquel elle est initialement étrangère ».
La notion de plante « messicole » est plus précise encore.
Ce terme vient du latin « messis » (moisson) et « colo » (habiter)
et semble regrouper toutes les plantes se développant dans
les moissons.
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Une flore spécialisée
en déclin
À l’origine, cette flore provient des terres
chaudes et maigres du Moyen Orient et du
bassin méditerranéen. Ces plantes vivaient
parmi les ancêtres des céréales (orge, seigle,
blé). Ressemées de moisson en moisson, cette
flore « clandestine » s’est adaptée au cycle de
vie des céréales, avant de parvenir en Europe il
y a 5 000 ans au gré des migrations humaines.
Les espèces messicoles les plus emblématiques
sont sans nul doute les coquelicots, le Bleuet,
les camomilles et la Nielle des blés. Cette
dernière aux pétales roses violacés, dont les
graines toxiques ont été pendant longtemps
redoutées des agriculteurs, a régressé dans de
nombreuses régions françaises, en Limousin
notamment.
De même, l’Ivraie enivrante, autrefois abondante
dans nos cultures, a presque disparu de la
région. Ses graines infestées par un
champignon qui les rendait toxiques
provoquaient chez les personnes qui
les consommaient une sensation
d’ivresse d’où la plante tire son nom.
La flore messicole, encore
abondante dans les années
1960, est aujourd’hui en
déclin. Le tri mécanisé
des graines, la vente de
semences pures, l’abon-
dante utilisation des
pesticides et l’abandon
de certains types de
cultures (épeautre,
lin) peuvent expliquer
ce processus.
Certaines plantes ont
déjà fait les frais de cette
intensification agricole : deux
espèces de graminées du
nord de la France, le Brome
épais et le Brome des Ardennes,
qui étaient autrefois présentes dans les
cultures d’épeautre, ont aujourd’hui disparu
à l’état sauvage.
Des « mauvaises herbes »
dans nos cultures ? Pourquoi ?
La flore messicole est la base des chaines alimentaires des
écosystèmes agricoles. La variété des plantes adventices au
sein d’une culture conditionne la diversité animale puisqu’elles
constituent des abris indispensables aux insectes :
certains consomment directement ces plantes,
tandis que d’autres se nourrissent du pollen et
du nectar produits par les fleurs. Le Bleuet, le
Chrysanthème des moissons ou l’Odontite rouge
sont très nectarifères : leur présence participe
à la survie de nombreux insectes pollinisateurs.
Des espèces se sont même spécialisées au point de
devenir dépendantes d’un seul genre de plante. C’est
par exemple le cas de l’Anthocope du pavot
(
Hoplitis papaveris
) : cette abeille solitaire utilise
exclusivement des pétales de coquelicots
pour bâtir son nid avant d’y déposer ses
œufs. Des oiseaux comme la caille des blés
ou la perdrix grise ont également besoin des
plantes adventices, soit en
consommant les insectes
qu’elles abritent, soit en se
nourrissant de leurs graines.
Bon nombre de plantes messicoles
sont utilisées en médecine
traditionnelle : sirops contre la
toux (coquelicot), collyres pour
les yeux (Bleuet), traitements
homéopathiques (Soucis ocinal)…
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Autre témoignage de l’érosion
récente de notre patrimoine
naturel, certaines espèces
signalées au siècle dernier
dans nos champs, comme le
Brome des champs ou l’étrange
Peigne de Vénus, n’ont pas été revues.
L’étude indique également que 60 % des cultures
n’abritent aucune espèce messicole. Ce sont surtout
des parcelles de céréales (blés, orge, avoine, maïs) de grande taille et
soumises à de fréquents traitements herbicides. Les
parcelles les plus favorables aux plantes messicoles
sont les plus petites, cultivées traditionnellement
avec des céréales autres que le maïs. Parfois,
jusqu’à 10 espèces diérentes peuvent être
observées dans les bordures et les entrées
de champs, moins traitées aux herbicides. En
tout, plus de 200 espèces compagnes ont été
inventoriées dont la Matricaire inodore, le Gaillet
gratteron, la Lapsane commune
,
la
Renouée des oiseaux
,
la Renoncule
sarde
,
le Mouron des champs…
Vers une gestion
durable des champs
et des moissons
Les plantes messicoles ont une valeur patrimoniale
forte. Elles présentent, nous l’avons vu, un intérêt à la fois culturel,
économique et écologique. C’est ce patrimoine génétique original, aux
origines très anciennes, qui doit être transmis à nos descendants.
Et c’est l’un des défis
qui s’impose aujourd’hui au
monde agricole : combiner
durablement bon rende-
ment des cultures et
préservation de leur
biodiversité…
Une étude à l’échelle
de Limoges Métropole
Initiée en 2009, l’étude menée par Limoges
Métropole a permis d’aner les connaissances
sur la répartition des plantes messicoles de notre
territoire.
Pendant quatre ans, les cultures des 18 communes
ont été visitées, ce qui représente plus de 4 000 ha.
Les résultats obtenus sont étonnants : 30 espèces
messicoles ont été recensées sur plus de 1 800
localités.
Hormis l’élégante Pensée des champs toujours
très abondante, les plantes les plus fréquemment
rencontrées sont des graminées, comme l’Agrostis
jouet-du-vent,
qui colonisent parfois des parcelles
entières… En eet, beaucoup d’herbicides ciblent des
plantes autres que les graminées qui se développent
alors à profusion ! Ainsi, même menacé
au plan national, le Brome faux-seigle
est bien implanté sur notre territoire
puisqu’il a été identifié dans plus de
100 localités.
Des espèces protégées ont également
été retrouvées : quel plaisir de pouvoir
contempler les fleurs délicates de la Nielle
des blés
,
du Miroir de Vénus et du Chrysanthème
des moissons ! Cette dernière espèce n’avait d’ailleurs
pas été revue à proximité de
Limoges depuis un siècle…
À l’inverse, le Bleuet
présente des eec-
tifs plutôt réduits,
et rares sont les
cultures nappées de
bleu…
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