Eléments de botanique Université de Mons Année académique 2016-2017 Denis Michez 1 Avertissement: objectifs et contenu du cours La conceptualisation et l’abstraction ont pris une importance déterminante dans les progrès de la biologie moderne. La reconnaissance du phénomène d’évolution et la compréhension de plus en plus fine que nous avons de ses mécanismes, ont joué à cet égard un rôle essentiel. A quelque niveau d’observation que l’on se place, de la macromolécule à la biosphère, le phénomène vivant ne peut être pleinement appréhendé qu’à la lumière de l’évolution (Dobzhansky). Toutefois, cette conceptualisation et cette abstraction ne peuvent se concevoir que solidement enracinées dans une connaissance profonde des organismes vivants eux-mêmes, de leur structure, leur fonctionnement, leur mode vie. C’est la diversité même de ses manifestations qui constitue un des aspects les plus fascinants du phénomène vivant. Ce cours reflète cette dualité de la biologie. Il cherche à dégager des principes et des concepts généraux, mais toujours à la lumière de l’observation d’organismes modèles. Dans ce cadre, une grande importance est apportée à la rigueur organographique et terminologique, ainsi qu’à la qualité des représentations graphiques. Cette rigueur organographique et terminologique ne doit pas être perçue comme une contrainte inutile, mais comme un outil de communication. Les biologistes, comme tous les professionnels dans leurs domaines respectifs, utilisent par nécessité des termes techniques, la plupart dérivés du grec ou du latin. Une maîtrise correcte de ce vocabulaire technique est indispensable pour aborder la biologie au niveau universitaire. Phanérogame ou Angiosperme ne sont pas des mots plus rébarbatifs que photographie ou thermomètre... Le cours d'Eléments de botanique (30h théorique et 30h pratique) a pour thèmes la diversité des structures et des cycles de reproduction des végétaux au sens le plus large du terme (Cyanobactéries, Algues, Protoctistes « fongiformes », Champignons, Métaphytes). La première partie du cours introduit les notions de biologie générale indispensables à la compréhension du système de classification moderne des êtres vivants et à l’étude des cycles de reproduction. Elle est complémentaire au cours de biologie générale dispensé en première bachelier biologie et pharmacie. Je considère comme un prérequis des notions élémentaires concernant la structure des acides nucléiques, la synthèse des protéines, le concept de gène et d’allèle, la mitose et la méiose. La seconde partie du cours est un exposé de l’évolution et de la diversité des végétaux. La diversité y est envisagée comme une propriété essentielle du phénomène vivant, digne d’intérêt en tant que telle. Un fil conducteur est constitué par l’étude des cycles de reproduction, en tant que mécanismes générateurs de variations nouvelles. L’étude des structures sera réduite à l’examen des principaux plans d’organisation et de leur signification fonctionnelle en relation avec les contraintes imposées par l’habitat. Enfin, le cours comprend 30 h de travaux pratiques au cours desquels l’étudiant se familiarise avec les démarches de base des sciences naturelles : observation, notamment au microscope, réalisation d’un rapport comprenant des dessins, interprétation des observations. De plus chaque étudiant réalisera un herbier comprenant 30 échantillons. Les principaux groupes de métaphytes devront y être représentés, notamment : Bryophytes, Ptéridophytes, Gymnospermes et Angiospermes. D. Michez 2 Ouvrages de références Les ouvrages suivants sont des références générales très utiles pour ce cours; ils comprennent une iconographie en couleur tout à fait remarquable: RAVEN P.H., EVERT R.F. & EICHHORN S.E., 2000. Biologie végétale. De Boeck, Bruxelles. Note : Un des meilleurs livres de botanique générale en français existant sur le marché. Les étudiants lisant bien l’anglais préféreront sans doute l’édition originale, étant donné son prix beaucoup moins élevé : RAVEN P.H., EVERT R.F. & EICHHORN S.E. - Biology of plants. Ed. 6. Worth, New York. CAMPBELL N.A., 1995. Biologie. De Boeck, Bruxelles. Note : Référence utile pour tous les cours de biologie des trois bacheliers. Bon rapport qualité/prix. MAUSETH J.D., 1995. - Botany, an introduction to plant biology. Saunders, Philadelphia. Note : Un des meilleurs livres de botanique générale sur le marché. NIKLAS K. 1997. The evolutionary biology of plants. Chicago University Press. Note : La synthèse la plus moderne concernant l’évolution des Plantes. Les illustrations de ces notes de cours seront présentées ex cathedra et disponibles sous format PDF sur la plateforme Moodle. 3 Avant-propos La subdivision de la biologie en botanique et zoologie est un héritage de l’époque, pas si éloignée, où on croyait que tous les êtres vivants étaient soit des végétaux, soit des animaux. Cette croyance procède très clairement d’une vision anthropocentrique de l’univers: tout ce qui ressemble (par sa forme, son mode de vie, ...) à un être humain est un animal et ce qui n’y ressemble pas est un végétal. Le grand naturaliste français Buffon (1707-1788) notait déjà l’absurdité de ce raisonnement: « Comme on veut absolument que tout être vivant soit un animal ou une plante, on croirait n’avoir pas bien connu un être organisé si on ne le rapportait à l’un ou à l’autre de ces noms généraux ». Cette vision du monde, si elle n’est plus celle des hommes de science d’aujourd’hui, semble très vivace dans l’inconscient collectif, comme en témoigne par exemple la définition que donne le «Petit Robert» du mot botanique: «science qui a pour objet l’étude des végétaux», végétal y étant défini comme un «être vivant caractérisé par rapport aux autres (animaux) par une motilité et une sensibilité plus faibles, une composition chimique particulière (v. chlorophylle, cellulose), une nutrition à partir d’éléments simples». Depuis un siècle, le développement de la biologie en tant que science à part entière et les progrès des techniques d’investigation ont considérablement transformé cette vision classique du monde vivant. Cette transformation se manifeste par un paradoxe étonnant. En effet, cependant que la grande unité d’organisation et de composition chimique des êtres vivants s’imposait avec de plus en plus de force, la description incessante de formes nouvelles mettait petit à petit en lumière la diversité extraordinaire des manifestations de la vie. La recherche de critères objectifs et opératoires de subdivision a conduit à la reconnaissance non plus de deux mais d’au moins cinq sous-ensembles fondamentaux (Règnes). Les végétaux de jadis se distribuent dans quatre d’entre eux ! 4 CHAPITRE 1 Quels sont les caractéristiques des êtres vivants et des végétaux ? 1 Propriétés générales de la vie La vie est un état particulier de la matière. Elle se prête difficilement à une définition qui soit à la fois simple et universelle. Le phénomène vivant montre une combinaison unique de propriétés. 1.1. La séparation entre l’environnement et l’individu : la cellule La première propriété de la vie est la capacité des organismes vivants de constituer une entité stable (au moins pour un laps de temps) et distincte de leur environnement. En d’autre terme, on peut distinguer une structure interne à l’organisme et une structure externe à celui-ci. L’entité la plus simple, la délimitation la plus simple est celle de la cellule. La vie n'est pas un état diffus: tous les organismes vivants sont constitués de cellules. La séparation entre l’intérieure de la cellule et l’environnement se fait par au moins une membrane. La découverte de la cellule est liée à l’invention du microscope. C’est un des principaux événements de l'histoire de la biologie. Le microscope révèle en effet une des propriétés essentielles de la vie, à savoir son organisation en cellules. La théorie cellulaire reste un des fondements de la biologie moderne. C’est en 1665 que l’anglais HOOKE, examinant un fragment d’écorce de chêne à l’aide d’un microscope de sa fabrication grossissant 30x, découvrit que les végétaux étaient formés de petits éléments répétés un grand nombre de fois, qu’il appela “cellules”. Le hollandais van LEEUWENHOEK, contemporain de HOOKE, fut le premier à décrire des organismes unicellulaires, en observant des gouttelettes d’eau d’étang. En 1839, les allemands SCHLEIDEN et SCHWANN, sur base des observations microscopiques accumulées pendant près de deux siècles, formulèrent la théorie selon laquelle tous les organismes sont constitués de cellules. Ce concept fut complété par l’allemand VIRCHOW (1858) qui proclama que “toute cellule naît nécessairement d’une autre cellule”. Ces généralisations constituent la base de ce que nous appelons maintenant la théorie cellulaire, une des étapes les plus importantes du développement de la biologie. Il a fallu le microscope électronique, introduit en biologie à la fin de la seconde guerre mondiale, pour que l'on puisse distinguer les détails des structures cellulaires. L’architecture de la membrane est la même chez presque toutes les cellules vivantes. Il s’agit d’une bicouche lipidique. Dans une membrane, chaque molécule de lipide est constituée d’une partie polaire, donc soluble dans l’eau (hydrophile), et de deux chaînes hydrogénocarbonées (acides gras) non solubles dans l’eau (hydrophobes). En raison de cette propriété, ces molécules placées en milieu aqueux s’organisent spontanément en une bicouche, avec les chaînes hydrophobes dirigées vers le centre de la structure. 1.2. Systèmes ouverts Les organismes vivants sont des systèmes ouverts, au sens thermodynamique du terme, c'est-àdire capables d'échanger de la matière et de l'énergie avec le monde extérieur. Avec la matière et l'énergie qu'ils puisent dans leur environnement, ils peuvent croître et se reproduire, en transmettant à leurs descendances leurs propriétés. 5 1.3. Composition chimique particulière Les organismes vivants montrent une composition chimique particulière, à base de composés carbonés. Beaucoup de ces composés carbonés caractéristiques de la vie sont des macromolécules, dont les principales classes sont: les protéines, les lipides, les acides nucléiques et les polysaccharides. Une connaissance élémentaire de la structure et des propriétés de ces grandes classes de molécules est un prérequis de ce cours. Le chapitre 2 résume quelques points essentiels particuliers à la botanique. 2 Métabolisme énergétique et thermodynamique Les organismes vivants sont capables d'activités multiples (croissance, mouvement, production d'électricité, de lumière, etc …). Actuellement, on peut ramener ces activités à un ensemble de réactions chimiques auquel on donne le nom de métabolisme. On considère généralement que le métabolisme d'une cellule ou d'un organisme est formé de deux groupes principaux de réactions chimiques, anabolisme et catabolisme. Anabolisme : groupe les réactions chimiques dont le rôle consiste à élaborer des molécules complexes à partir d’éléments ou de molécules simples; Catabolisme : groupe l'ensemble des réactions aboutissant à la dégradation chimique de molécules complexes en produits plus simples. Dans une cellule, les réactions anaboliques et cataboliques ont lieu simultanément. Les réactions anaboliques nécessitent la fourniture d'énergie alors que les réactions cataboliques en produisent. Tous les êtres vivants sont constitués de composés carbonés complexes et réduits, c'est-à-dire que le carbone s'y trouve en moyenne à un étage d'oxydation bas en raison de la présence de nombreux atomes d'hydrogène. Exemples: glucose: C6H12O6 : carbone en moyenne à l'étage d'oxydation 0; glycine (acide aminé): CH2NH2COOH : carbone en moyenne à l'étage d'oxydation +1; dioxyde de carbone: CO2 : carbone à l'étage d'oxydation + 4. Il en découle que la plupart des réactions de biosynthèse qui se déroulent dans les cellules sont des réductions. Exemple : 2CO2 + NO3- + 14 e- + 15 H+ CH2NH2COOH (glycine) D'autre part, la plupart des biosynthèses, en particulier la synthèse des macromolécules, sont des condensations déshydratantes qui ne se déroulent en milieu aqueux que grâce à un apport d’énergie (réactions endothermiques). L'ATP (adénosine triphosphate) est le véhicule universel d'énergie chimique chez les êtres vivants. L'hydrolyse de l'ATP en ADP + P libère environ 30 kJ/mol. 6 Une réaction de biosynthèse est presque toujours couplée à l’hydrolyse de l’ATP de la manière suivante: X-OH + YH XY + H2O ATP + H2O ADP + P _________________________________ X-OH + Y-H + ATP XY + ADP + P où X-OH et Y-H peuvent être deux acides aminés engagés dans la synthèse d'un polypeptide, ou deux sucres ( polysaccharide), ou deux nucléotides ( acide nucléique), etc. Une fois hydrolysé, l'ATP doit être régénéré par la cellule à l'aide d'une source d'énergie issue du milieu extérieur (pour les détails voir le cours de biologie générale). En résumé, un organisme vivant doit résoudre trois problèmes : Se procurer l'énergie nécessaire à la régénération de l'ATP, Se procurer du carbone, Se procurer le pouvoir réducteur (H+ et e-) à un potentiel suffisamment élevé pour que le NADH puisse être régénéré. On appelle métabolisme énergétique d'une cellule l'ensemble des réactions par lesquelles elle accroît son niveau d'énergie chimique (sous forme d'ATP) et de pouvoir réducteur (sous forme de NADH). Selon la source d'énergie utilisée par la cellule, on peut distinguer : - les métabolismes chimiotrophes utilisent l'énergie chimique contenue dans des molécules (organiques ou non) prélevées dans le milieu extérieur. - les métabolismes phototrophes utilisent le rayonnement électromagnétique du soleil (essentiellement dans la gamme de longueurs d'onde de la lumière visible et de l'infrarouge proche) comme unique source d'énergie. Selon la source de carbone utilisée comme matière première, on peut distinguer : - les métabolismes hétérotrophes si il s'agit de carbone réduit, sous forme de molécules organiques complexes élaborées par d'autres organismes. - les métabolismes autotrophes si au contraire il s'agit de carbone minéral (CO2), donc de carbone oxydé. 7 La combinaison de ces deux dichotomies donne quatre types fondamentaux de métabolismes : chimioautotrophe, photoautotrophe, chimiohétérotrophe et photohétérotrophe. Les métabolismes photoautotrophes et chimiohétérotrophes concernent plus de 99,9% des espèces d'êtres vivants actuels. Source d’énergie Source de carbonne Minérale Organique Autotrophie Hétérotrophie Lumière -Bactéries sulfureuses Phototrophie -Cyanobactéries -Quelques bactéries -Algues (cas non traité dans ce cours) -Métaphytes Chimie -Certaines bactéries -Nombreuses bactéries Chemotrophie -Protoctistes non pigmentés -Animaux -Champignons 3 Classification des grands groupes d’êtres vivants et des plantes Près de trois millions d'espèces d'êtres vivants ont été décrites à ce jour et ce nombre ne cesse de grandir. En région équatoriale, des pans entiers de la biodiversité, particulièrement dans certains groupes comme les insectes ou les champignons ou -a fortiori- les microorganismes, n'ont pas encore été décrits et, selon certaines estimations, le nombre réel d'espèces existant actuellement sur Terre pourrait dépasser 30 millions. Une mission importante de la biologie est de décrire et d’inventorier la biodiversité. La systématique est le domaine de la biologie qui s'occupe d'inventorier et de classer cette extraordinaire diversité de formes vivantes en un système structuré et logique. Ce système de classification est hiérarchisé. Le niveau le plus fondamental de ce système est celui de l'espèce. Dans le cadre de ce cours, retenons-en une définition simplifiée. Une espèce est constituée d'un ensemble d'organismes très semblables entre eux, en principe potentiellement interféconds, et descendant d'un ancêtre 8 unique. La démarche qui permet de "mesurer" le degré de ressemblance entre des organismes vivants, et donc de les regrouper en espèces, est complexe. Son examen sort du cadre de ce cours. Un groupe d'espèces ressemblantes constituent un genre. La notion de genre remonte à Bauhin (1560-1624). Elle constitue une avancée importante, puisqu'elle ouvre la voie aux systèmes de classifications hiérarchisés actuels. Linné (1707-1778) invente la nomenclature binomiale. Dans ce système, le nom de chaque plante comporte deux mots: un substantif, qui indique le genre, et une épithète, qui indique l'espèce. Ex.: L'ail se nomme Allium sativum. Dans le genre Allium, on range également le poireau (Allium porrum), l'oignon (Allium cepa), l'échalote (Allium ascalonicum) et la ciboulette (Allium schoenoprasum). L'appartenance à un même genre implique que toutes ces espèces ont un ancêtre commun qui appartenait lui-même au genre Allium. Les genres sont regroupés en familles, les familles en ordres, les ordres en classes, les classes en embranchements, et les embranchements en règnes. 9 Le tableau ci-dessous illustre ce système pour deux organismes: l'homme et le poireau. Règne Homme Poireau Animalia (Animaux) Plantae (Plantes) Phylum = Division = Chordata (Cordés) Embranchement Classe Mammalia (Mammifères) Angiospermophyta (Angiospermes) Liliidae Ordre Primates (Primates) Liliales (Liliales) Famille Hominidae (Hominidés) Genre Homo (Homme) Alliaceae (Alliacées) Allium (Ail) Espèce sapiens (Homme moderne) porrum (Poireau) Note 1: le nom de tous les niveaux commence par une majuscule, sauf le nom d'espèce qui est toujours écrit avec une minuscule. Note 2: on peut utiliser indifféremment la terminologie latine ou son équivalent français. Dans le cadre de ce cours, nous nous attacherons principalement aux unités supérieures de ce système, le règne et l'embranchement. Dans ce chapitre, nous allons rechercher les critères objectifs permettant la délimitation de sousensembles fondamentaux parmi le monde vivant. L’histoire des conceptions en cette matière illustre bien l’évolution de la pensée en biologie et des mutations fondamentales qu’a connues cette science au cours des deux derniers siècles. Nommer et classer les organismes vivants est une préoccupation ancienne. En ce qui concerne les plantes, les travaux les plus anciens sont ceux des Grecs. Théophraste (env. 300 av. J.-C.), élève de Platon et d'Aristote, distinguait déjà les plantes à fleurs et les plantes sans fleurs; il décrivit environ 500 espèces de plantes. L'ouvrage le plus important de l'Antiquité est le Materia Medica de Dioscoride (1er siècle après J.-C.), qui décrit 600 espèces de plantes et indique leur valeur thérapeutique. Il a été la plus importante source en la matière jusqu'au Moyen Age. 3.1. Historique : le système à deux règnes Depuis ARISTOTE (4ème siècle avant notre ère) jusqu'au début du 20ème siècle, la plupart des biologistes se contentaient de diviser le monde vivant en deux règnes: les végétaux et les animaux. Tout organisme ressemblant à l’homme (c'est-à-dire possédant des membres et des organes sensoriels, ingérant des proies, susceptible de s’accoupler, etc.) était reconnu comme un animal 10 et tous ceux qui s’écartaient de ce modèle étaient rejetés dans le groupe des végétaux. Cette subdivision avait un caractère nettement axiomatique, reflétant une vision anthropocentrique et anthropomorphique du monde qui a profondément influencé la pensée occidentale jusqu’au 19 ème siècle. Si cette vision du monde vivant n'est plus celle des scientifiques actuels, il faut remarquer qu'elle reste encore extraordinairement vivace dans l'inconscient collectif: les coraux, les éponges, etc. sont couramment perçus par le non-spécialiste comme plus proches des végétaux que de l’homme. Par ailleurs, le développement des techniques microscopiques, faisant découvrir la diversité insoupçonnée des micro-organismes, a fortement contribué à ébranler ce système. Les formes unicellulaires douées de motilité et ingérant de la nourriture furent reconnues tout naturellement comme un groupe d’animaux inférieurs, les protozoaires, tandis que d’autres, immobiles et photosynthétiques, constituèrent le groupe des végétaux inférieurs ou protophytes. A côté de ces organismes “rassurants”, restaient une large gamme de formes jugées aberrantes, chez lesquelles la non-motilité, la possession de flagelles ou de pseudopodes, la photosynthèse, la capacité de capturer des proies sont combinées de diverses façons qui ne relèvent strictement ni de l’état animal ni de l’état végétal, au sens où ces mots étaient habituellement définis. Les champignons n’entrent pas non plus de façon satisfaisante dans un système à deux règnes, puisqu’ils ne sont pas pigmentés mais ne capturent pas non plus de proies. Enfin, la découverte des cellules sans noyau a achevé de convaincre les biologistes de l’inadéquation du système à deux règnes. Quels sont les critères objectifs sur lesquels peut se baser un système moderne de subdivision des organismes vivants en règnes ? Les métabolismes énergétiques et la complexité structurale sont de bons candidats. 3.2. Classification basée sur la complexité structurale : 5 règnes La distinction entre unicellulaires et pluricellulaires, va rapidement s'imposer comme la principale dichotomie reconnaissable parmi les formes vivantes. Cette dichotomie n'est plus considérée aujourd'hui comme un hiatus évolutif important, pour deux raisons. Premièrement, le perfectionnement des techniques microscopiques a permis la découverte, au 19ème siècle, de l'existence de cellules pourvues d'un noyau (cellules "eucaryotiques") et d'organismes à cellules dépourvues de noyau (cellules "procaryotiques"). Les mots eucaryote et procaryote sont entrés dans l'usage courant à partir de 1937 (Chatton). On admet aujourd’hui que cette dichotomie reflète un hiatus évolutif le plus important existant parmi les formes vivantes. 11 Deuxièmement, les progrès de biologie structurale montrent que le nombre de cellules d'un organisme n'est pas en soi un caractère très important. C'est ce que montre notamment l'étude des organismes cénobiaux (voir plus loin). Par contre, l'existence d'une spécialisation structurale et fonctionnelle entre les cellules d'un même organisme revêt une importance toute particulière. Le niveau d'organisation procaryotique. La cellule procaryotique se distingue par l'absence de noyau et d'organites spécialisés dans l'accomplissement du métabolisme énergétique. L'ADN est constitué d'une seule molécule fermée, directement au contact du cytoplasme: on parle d'ADN circulaire nu. Les complexes d'enzymes intervenant dans le métabolisme énergétique sont portés par la membrane plasmique elle-même ou par des invaginations de celle-ci. Ces cellules ont généralement une taille inférieure à 5 m. Le niveau d'organisation eucaryotique unicellulaire. Chez la cellule eucaryotique, le matériel génétique est organisé en plusieurs molécules ouvertes, enveloppées par une membrane dans un organite spécialisé: le noyau. Le métabolisme énergétique se déroule en grande partie dans des organites spécialisés. La mitochondrie est le siège de la respiration. Chez les phototrophes, la cellule comprend en outre un ou plusieurs chloroplastes, organites pigmentés accomplissant la photosynthèse. D'un point de vue fonctionnel, la compartimentation relève d'une spécialisation intracellulaire. Il faut admettre que celle-ci offre des avantages en termes d'efficacité. Un des avantages est lié à la perte par la membrane plasmique, d'une grande partie des enzymes dont elle était le support. Ceci permet à la membrane d'améliorer l'efficacité de ses fonctions propres. Il s'agit notamment de la fonction de reconnaissance cellulaire, qui est d'une grande importance dans l'origine de la sexualité, inconnue chez les procaryotes. Leur mode de nutrition est varié, depuis des espèces strictement hétérotrophes pratiquant la phagocytose jusqu'à des espèces chlorophylliennes obligatoirement autotrophes. Dans les anciens systèmes de classification, les premières constituaient le groupe des protozoaires et les secondes celui des protophytes. Cette distinction masque pourtant une réalité biologique plus complexe. En effet, chez les unicellulaires, des caractères habituellement considérés comme propres aux animaux (motilité par flagelles, ingestion de proies par phagocytose) peuvent se trouver associés, chez une même espèce, à des caractères habituellement considérés comme typiques des "végétaux" (pigments photosynthétiques, plastes, paroi polysaccharidique, réserves sous forme d’amidon). Plus surprenant encore est le cas d'organismes capables de modifier leur mode de nutrition en fonction des conditions environnementales. Certaines espèces d'euglènes, notamment, se comportent comme des photoautotrophes dans des eaux bien éclairées, mais peuvent perdre leurs pigments et phagocyter des proies quand l'éclairement diminue (par exemple dans des eaux eutrophisées, à turbidité élevée et très chargées en matière organique). Au retour de conditions 12 de luminosité normales, elles peuvent reconstituer des chloroplastes fonctionnels et revenir au mode de vie phototrophe. Certains groupes d'organismes primitifs, combinent des caractères typiques de l' "état animal' et d'autres typiques de l'état "champignon". Les Myxomycètes, par exemple, qui ne seront pas étudiés en détails dans le cadre de ce cours, passent une phase de leur cycle de vie à l'état de cellules amiboïdes libres et une autre à l'état d'organisme pluricellulaire sessile élaborant des spores. Il apparaît donc que, au niveau d'organisation unicellulaire: a) des métabolismes énergétiques différents n’impliquent pas de différenciation morphologique nette, b) des caractères habituellement considérés comme «typiquement végétaux» (autotrophie, pigments, parois) et «typiquement animaux» (motilité par flagelles, sensibilité au milieu, ingestion de proies) peuvent se trouver combinés chez un même organisme. Le niveau d'organisation pluricellulaire à cellules peu différenciées. Les systématiques anciennes accordaient beaucoup d'importance à la distinction entre organismes unicellulaires et organismes pluricellulaires. L’étude des algues vertes de l’ordre des Volvocales montre bien le caractère fallacieux de cette distinction. Les algues vertes flagellées regroupées aujourd'hui dans l'ordre des Volvocales sont très homogènes au point de vue biochimique et cytologique. Elles montrent une série continue de formes, depuis des formes unicellulaires jusqu'à des cénobes comprenant plusieurs milliers de cellules. On appelle cénobe une colonie constituée d'un nombre déterminé de cellules identiques entre elles et effectuant les mêmes fonctions (pas de différenciation cellulaire, voir chapitre 7). Les organismes cénobiaux sont presque tous microscopiques. En fait, chacune des cellules d'un organisme cénobial ressemble étroitement à une espèce unicellulaire. Chlamydomonas représente le niveau unicellulaire, chez lequel les cellules-filles mènent des vies indépendantes. Chez Oltmannsiella, après division longitudinale, les cellules-filles, toutes semblables entre elles et à des cellules de Chlamydomonas, restent associées de façon lâche et forment des colonies de quatre cellules dont la cohésion est assurée par une gelée polysaccharidique. Chez Gonium, le cénobe est plan et comprend 16 cellules; chez Pandorina, les cellules s'associent par 16 en un cénobe sphérique; chez Eudorina, et Pleodorina, le cénobe adopte la forme d'une sphère creuse à 32 et 128 cellules respectivement. Le point culminant de cette voie évolutive est atteint chez le genre Volvox. V. globator (diamètre: 2 mm) possède jusqu'à 20.000 cellules. Entre les cellules d'un même cénobe s'établissent des ponts cytoplasmiques qui forment finalement un réseau qui s'étend sur toute la surface de la sphère creuse, reliant les cellules dans un continuum 13 cytoplasmique. Il apparaît donc clairement qu'une séparation des Volvocales en deux ensembles (uni- et pluricellulaires) n'est justifiée par aucun hiatus évolutif majeur. Il existe aussi des organismes phototrophes multicellulaires non cénobiaux, à faible niveau de différenciation cellulaire. Leur appareil végétatif est un thalle. La laitue de mer, Ulva lactuca, est une algue verte possédant un thalle foliacé d'une dizaine de centimètres de diamètre, constitué de deux couches de cellules. Toutes les cellules d'un thalle sont équivalentes d’un point de vue fonctionnel et structural. Par rapport au niveau d'organisation unicellulaire, un thalle pluricellulaire ne représente un niveau d'organisation beaucoup plus élevé. La différence fonctionnelle entre l'état pluri- et unicellulaire réside essentiellement dans l'accroissement de taille qui l'accompagne. Un organisme planctonique de plus grande taille échappe aux prédateurs de ses ancêtres unicellulaires. Par rapport à un unicellulaire, un cénobe montre une meilleure flottabilité. Il existe aussi des organismes qui peuvent passer d'un état unicellulaire à un état multicellulaire au cours de leur cycle de vie. C'est le cas des Myxomycètes et des Acrasiomycètes. Le niveau d'organisation pluricellulaire à haut degré de différenciation cellulaire. L'état pluricellulaire ouvre la voie à un gain de complexité, consistant en une différenciation cellulaire. On parle de différenciation cellulaire lorsque les cellules montrent une différenciation structurale en relation avec une spécialisation fonctionnelle. Un état élémentaire de différenciation cellulaire existe chez certains organismes cénobiaux de la lignée des Volvocales. Il consiste en une différenciation de cellules végétatives, dites somatiques, et de cellules à vocation exclusivement reproductive, dites germinales. Souvent, les cellules à fonction différenciée se structurent en organes spécialisés. Ceci s'observe à un niveau élémentaire chez certains thalles. Par exemple, chez certaines algues brunes, on observe: des crampons, assurant l'ancrage de l'organisme à un substrat dur, et un limbe, partie laminaire du thalle accomplissant la photosynthèse. Ces deux parties sont connectées par une structure cylindrique, le stipe. Parmi les organismes autotrophes, le niveau de différenciation le plus poussé s'observe toutefois chez les plantes terrestres. Chacun sait que l'appareil végétatif d'une plante comporte une racine, organe spécialisé dans la capture de l'eau et des sels minéraux dans le sol, une tige, organe aérien de soutien et des feuilles, organes de capture de la lumière et du dioxyde de carbone. Sur base de ces deux critères principaux, il est possible d'établir un système de cinq règnes, qui est celui généralement admis depuis Whittakker (1957). Les végétaux de jadis se retrouvent dans quatre de ces règnes ! 14 Le règne des Procaryotes ou Monères Organismes à cellules procaryotiques. Unicellulaires ou pluricellulaires à faible degré de différenciation cellulaire. Historique: HAECKEL (biologiste allemand du 19ème siècle) considérait les bactéries et les algues bleues comme un groupe d’organismes à cellules dépourvues de noyau, qu’il subordonnait à son règne des protistes (unicellulaires). Les Monères constituent un groupe assez bien caractérisé au point de vue cytologique, mais très hétérogène au point de vue des métabolismes énergétiques. Tous les types de métabolismes y sont représentés. Des travaux récents suggèrent que les Procaryotes constitueraient eux-mêmes un groupe très hétérogène: sur base de leur grande originalité biochimique, les Archébactéries méritent, pour certains auteurs, d’être élevées au rang de règne à part entière (voir ci-dessous). Ce point ne sera pas discuté plus en détails dans le cadre de ce cours. Dans le cadre de ce cours, nous ne reparlerons en détails que des Procaryotes pratiquant la photosynthèse oxygénique: les Cyanobactéries ou algues bleues. Le règne des Protistes (Protoctiste) Ce dont des eucaryotes, unicellulaires, ou pluricellulaires mais à niveau de différenciation cellulaire faible. Historique: dès le milieu du 19ème siècle, l'allemand HAECKEL (1834-1919), avait proposé la reconnaissance d'un troisième règne regroupant des formes vivantes “inférieures”, généralement unicellulaires, dont notamment les bactéries et les algues bleues à cellules dépourvues d'un noyau délimité par une membrane, pour lesquelles les termes de Protiste ou Protoctiste furent créés. Règne très hétérogène sur le plan des métabolismes énergétiques. a) Les Protoctistes obligatoirement ou facultativement autotrophes constituent le groupe des algues. On introduit le terme de thalle pour désigner l'appareil végétatif des Protoctistes chlorophylliens (voir chapitre 7). Il s’agit d’un appareil végétatif très simple, ne montrant ni tige, ni feuilles, ni racines. b) Les Protoctistes hétérotrophes se nourrissant par phagocytose sont appelés Protozoaires (ex.: l'amibe). Les Protozoaires flagellés sont les Zooflagellés (ex.: le Trypanosome). Quelques groupes de Protozoaires: Foraminifera (foraminifères), Ciliophora (paramécies), Rhizopoda (amibes), Actinopoda (radiolaires), etc. 15 c) Il existe enfin des Protoctistes hétérotrophes se nourrissant par assimilation de petites molécules organiques. C'est un ensemble hétérogène constitué principalement d'organismes microscopiques parfois réunis aux champignons (ex.: le mildiou de la vigne, Plasmopara viticola (Phycomycètes)). Certains Protoctistes constituent des formes intermédiaires entre ces trois modes de vie. Rappelons le cas des euglènes, déjà évoqué (autotrophes facultatifs). Les Acrasiomycètes et les Myxomycètes, constituent des états intermédiaires entre le mode vie "animal" et le mode de vie "fongique". Par tradition, les cours de botanique n’envisagent que les Protoctistes photoautotrophes (algues) et les Protoctistes apparentés aux champignons (Phycomycètes, Myxomycètes, etc.), réservant aux cours de zoologie les Protoctistes phagocyteurs. Le règne des Plantes Eucaryotes pluricellulaires photoautotrophes, à haut degré de différenciation cellulaire et à organes très spécialisés. L'appareil végétatif est un cormus. Il comporte au minimum un axe feuillé (exception: certaines hépatiques) et le plus souvent des racines (exception: tous les Bryophytes). Ce règne est encore caractérisé par la possession d'archégones et d'anthéridies, mais ce point ne sera développé que plus tard. Au niveau des organismes pluricellulaires de grande taille, l'architecture est directement en relation avec le métabolisme énergétique. En particulier, chez les organismes phototrophes, l'optimisation de la capture de la lumière a constitué une pression de sélection qui a conduit à un mode de vie sessile et à l'acquisition d'organes aériens laminaires, les feuilles. Les Plantes sont essentiellement des organismes terrestres. En fait, leur haut niveau de différenciation cellulaire et de spécialisation d'organes est directement en relation avec les contraintes qu'impose le mode de vie terrestre. La séparation spatiale des ressources (aériennes: CO2, lumière; souterraines: eau, sels minéraux) impose l'acquisition d'organes spécialisés (racine et feuilles). Au contraire, chez les algues, cette nécessité n'existe pas, puisque toutes les cellules du thalle ont accès à toutes les ressources. La séparation spatiale impose aussi l'acquisition de tissus conducteurs spécialisés: vaisseaux de xylème transportant la sève brute vers les feuilles et tubes criblés du phloème, transportant la sève élaborée vers la racine. L'évapotranspiration impose l'acquisition d'un revêtement de cellules imperméables: l'épiderme. L'épiderme doit toutefois permettre des échanges gazeux avec l'air. Ce sont les stomates qui contrôlent ces échanges. 16 La poussée d'Archimède est infiniment plus faible dans l'air que dans l'eau. Le soutien mécanique des organes aériens doit être assuré par des cellules rigides, constituant une espèce de squelette rigide: les fibres. Toutes les Plantes partagent les caractères biochimiques suivants: chlorophylles a et b dominantes, caroténoïdes, parois cellulosiques, réserves sous forme d’amidon. Cette homogénéité contraste avec la diversité des algues pour ces mêmes caractères. Le règne des Champignons (ou Fungi) Eucaryotes pluricellulaires à haut degré de différenciation cellulaire, chimiohétérotrophes, se nourrissant par assimilation de petites molécules organiques. Historique: longtemps considérés comme des végétaux (organismes immobiles, cellules à paroi rigide, etc.), les Champignons ont été élevés au rang de règne à part entière par Whittaker en 1957. Le terme champignon est utilisé dans le langage courant pour désigner une structure temporaire, vouée à la reproduction sexuée. En termes techniques, c'est un sporocarpe (on dit aussi carpophore). Il faudrait donc lui substituer un terme technique ayant une acception taxonomique précise. Il n'en existe malheureusement pas qui soit totalement dépourvu d'ambiguité, hormis peut-être le mot latin "fungus". Le terme "mycète" prête aussi à confusion depuis que certains embranchements (Oomycètes, Chytridiomycètes, etc.) ont été séparés du règne des Champignons sensu stricto pour être rattachés à celui des Protoctistes. L'appareil végétatif des champignons est un thalle diffus: le mycélium. Le mycélium est constitué d'hyphes, c'est-à-dire de filaments, généralement ramifiés et cloisonnés. Le sporocarpe montre une complexité structurale plus élevée que celle du mycélium. Les parois cellulaires des champignons sont rigides. Ils sont donc incapables d’ingérer des proies par phagocytose. Ils ne peuvent absorber que des molécules organiques simples: sucres, acides aminés, etc. L'efficacité de ce mode de nutrition dépend de l'établissement d'un contact intime entre l'appareil végétatif (mycélium) et un substrat riche en matière organique. Si cette matière organique se trouve à l'état polymérisé, le champignon doit pouvoir sécréter des enzymes hydrolytiques, qui réaliseront une digestion extracellulaire du substrat organique. Ce type de comportement est caractéristique des champignons saprophytes, c'est-à-dire capables de décomposer les débris et cadavres de plantes et d'animaux. L'appareil végétatif le plus adapté à ce mode de vie est un thalle diffus (mycélium), constitué d'un feutrage dense de filaments ramifiés (cloisonnés ou non) à croissance et forme indéterminées. Les 17 seules structures aériennes (c'est-à-dire émergeant du substrat organique) qui sont formées sont des carpophores, organes producteurs de méiospores haploïdes souvent dispersées par le vent. Par plusieurs caractères biochimiques, les champignons ont des affinités avec les animaux. Les parois cellulaires sont constituées de chitine (polymère d'acétylglucosamine), polysaccharide qu'on retrouve dans la cuticule des arthropodes, notamment. Les réserves énergétiques intracellulaires sont constituées de glycogène, comme chez les animaux. Le règne des Animaux Eucaryotes pluricellulaires à haut degré de différenciation cellulaire, à métabolisme chimiohétérotrophe, se nourrissant par ingestion de matière organique. Le mode de vie hétérotrophe des animaux consiste en l'ingestion de particules de matière organique ou d’organismes entiers. Des fragments de ces proies franchissent la membrane de cellules spécialisées (ex.: cellules tapissant le tube digestif) et subissent une digestion intracellulaire. Les caractéristiques morphologiques originales des animaux, les distinguant des deux autres règnes d'eucaryotes complexes, sont en grande partie le résultat des contraintes exercées par leur mode de nutrition. Leurs ressources sont distribuées dans l'environnement sous formes d'entités discrètes (proies). L'optimisation des activités de quête des ressources a impliqué l'acquisition 1°) d'organes locomoteurs et sensoriels coordonnés par un système de contrôle (système nerveux), 2°) d'un corps compact à symétrie bilatérale. Il est intéressant de noter que les animaux qui s'écartent de ce plan d’organisation typique (symétrie radiaire, mode de vie sessile: Cnidaires, Bryozoaires; pas de symétrie, mode de vie sessile: Eponges; etc.) ont des modes de vie particuliers (organismes filtrants) qui n'imposent pas l'acquisition des adaptations morphologiques caractéristiques des animaux prédateurs. 3.3. Classification phylogénétique basée sur l’évolution des organismes : 3 domaines Le séquençage de l’ARN ribosomial de plusieurs organismes ont permis de préciser les liens de parentés et les distances génétiques entre les grands groupes du vivant. Ces études ont montré que la diversité du vivant était mieux définie en trois grands Domaines : (1) le domaine des Bactéries, (2) le domaine des Archées (Archaea ou Archaebactéries) et (3) le domaine des Eucaryotes ou Eukarya1. En effet, d’un point de vue génétique les bactéries et les archaebactéries sont aussi distantes entre elles qu’elles ne le sont chacune des Eucaryotes. Par contre, les différents règnes Eucaryotes (protistes, fungi, plantes et animaux) sont eux relativement semblables 18 Bactéries et Archées sont toutes des organismes unicellulaires, elles étaient classées ensemble dans le règne des Procaryotes. Leur matériel génétique n'est pas entouré d'un noyau. Les cellules procaryotes (Bactéries et Archées) sont généralement plus petites que les cellules eucaryotes. La plus étudiée des cellules procaryotes est la Bactérie Escherichia coli qui vit dans le tube digestif de l'être humain. La cellule de E. coli, appelée aussi colibacille, a une taille d'environ 1 μm de diamètre pour 2-3 μm de long (1 μm = 10-6 m). Les Archées ont des tailles du même ordre de grandeur. Les Eucaryotes quant à eux possèdent un noyau entourant leur matériel génétique. Les cellules eucaryotes, plus grandes, ont généralement des tailles allant de 5 à 750 μm de diamètre (Il y a bien entendu des exceptions dans chaque cas). Le domaine des Eucaryotes contient les règnes des protistes, des fungi, des plantes et des animaux. 19 C'est le microbiologiste américain Carl Woese qui fut le premier à proposer cette classification à trois domaines en 1977 suite à sa découverte des Archées. 20 CHAPITRE 2 Métabolisme végétal Dans ce chapitre seront abordés les grands principes du métabolisme des végétaux au sens large. Nous présenterons uniquement les points qui sont communs aux différents groupes : métabolisme photo-autotrophe et chimie végétale. Les points plus particuliers à chaque clade de plante seront présentés dans les chapitres suivants. 1 Le métabolisme photoautotrophe Les organismes photoautotrophes sont capables d'utiliser le C minéral (CO2) pour synthétiser du glucose et ce en utilisant l'énergie lumineuse. Cette fonction est appelée photosynthèse. Formule générale : 6 CO2 + 6 H2O C6H12O6 + 6 O2 La photosynthèse s'effectue au niveau des chloroplastes en deux temps : Capture d'énergie lumineuse par les pigments (chlorophylles et pigments associés) au sein des thylakoïdes. Capture enzymatique du CO2 (= fixation du carbone) dans le stroma. Capture d’énergie par les pigments Le rayonnement visible ou lumière est constitué de rayonnements électromagnétiques de longueurs d'onde comprises entre 380 et 750 nm. La lumière "blanche" du soleil est la superposition des couleurs de l'arc-en-ciel, à savoir par ordre de longueur d'onde croissante : violet, bleu, vert, jaune, orange et rouge. Chaque radiation monochromatique est caractérisée par sa longueur d'onde () dans le vide, exprimée en nm. Dans l'échelle des longueurs d'onde du rayonnement électromagnétique, faisant suite à la lumière visible, on rencontre d'un côté le rayonnement infrarouge (IR) ( comprise entre 750 et 105nm) et de l'autre côté le rayonnement ultraviolet (UV) ( comprise entre 3 et 400 nm) Les pigments sont des molécules qui apparaissent colorées, c'est-à-dire qui n'absorbent pas dans la même proportion toutes les longueurs d'onde du spectre de la lumière visible. Un pigment est caractérisé par sa couleur, qui dépend de son spectre d'absorption. Un spectre d'absorption peut se représenter comme un graphique portant l'absorbance du pigment en fonction de la longueur d'onde. La couleur d'un pigment est celle correspondant aux rayonnements qui ne sont pas absorbés par la molécule. Les chlorophylles sont vertes parce qu'elles absorbent principalement le bleu et le rouge, et transmettent le vert. Ce sont les pigments les plus répandus et elles existent 21 chez tous les végétaux pigmentés. La molécule de chlorophylle est capable de capter l'énergie lumineuse et de la transformer en énergie thermochimique. Toutes les chlorophylles contiennent un noyau porphyrinique dont les 4 atomes d'N des noyaux pyrroliques sont complexés avec du Mg. Ce noyau constitue le pôle hydrophile. La longue chaîne ou phytol (= un terpène) constituant le pôle hydrophobe, rend la molécule soluble dans les graisses. Les différents types de chlorophylle ne diffèrent que par des détails de structure. La chlorophylle a existe chez tous les eucaryotes photosynthétiques et chez les Cyanobactéries. Elle est essentielle à la photosynthèse chez les végétaux supérieurs et elle constitue environ les ¾ de la teneur totale en chlorophylle. Les autres chlorophylles sont des pigments accessoires qui élargissent la gamme de longueur d'onde utilisable sans participer directement à la photosynthèse. L'énergie absorbée est finalement transférée à la chlorophylle a. Ces chlorophylles secondaires se rencontrent dans certains groupes d'algues uniquement. Seule la Chl a est capable de transformer l'E lumineuse en E chimique. Les autres Chl élargissent la gamme de lumière utilisable mais la transmettent cette E à la Chl a. Les caroténoïdes sont des pigments rouges, orangés ou jaunes, insolubles dans l'eau et contenus dans les plastes des végétaux. On les rencontre également chez les bactéries et les animaux. Dans les feuilles vertes, la couleur des caroténoïdes est masquée par celle de la chlorophylle plus abondante; mais en région tempérée, dès l'automne, les chlorophylles se dégradent et les caroténoïdes deviennent visibles. Les caroténoïdes sont des terpènes, c'est-à-dire, des polymères de l'isoprène (C5H8). Les caroténoïdes proprement dits (en C 40) sont constitués de 8 unités d'isoprène réunies de telle sorte que les 4 groupements méthyle (CH3) latéraux soient disposés de part et d'autre du centre de la molécule. Beaucoup de caroténoïdes sont d'ailleurs symétriques par rapport au centre de la molécule. La série de doubles liaisons conjuguées constitue le système chromatophore des pigments caroténoïdes. Les caroténoïdes absorbent principalement le bleu et le vert. Ils peuvent transmettre à la chlorophylle l'énergie lumineuse qu'ils reçoivent et fonctionnent comme des pigments de la photosynthèse en élargissant les possibilités de captation des photons. Capture enzymatique du CO2 Chez la plupart des plantes, la CO2 arrive aux cellules photosynthétiques par les stomates (ouvertures spéciales dans l'épiderme des feuilles et des tiges vertes). Pour les Algues et les Cyanobactéries, le CO2 se trouve en solution dans l'eau environnante. La réduction du CO2 s'effectue par le biais d'une série de réactions appelée cycle de Calvin (prix Nobel en 1961). Intervention d'une enzyme quantitativement importante, probablement l'enzyme la plus abondante au monde (jusqu'à 40 % de l'ensemble des protéines solubles dans la plupart des feuilles): la RuDP carboxylase /déshydrogénase ou Rubisco [Ru pour Ribulose (pendose)]. 22 La première molécule décelable produite après fixation du CO2 est un triose, le glycéraldehyde 3phosphate (GAP). La majorité des plantes utilisent cette voie métabolique et sont appelées plantes en C3. Une minorité de plantes appartenant aux Angiospermes utilise une autre voie métabolique que le cycle de Calvin. Le premier composé formé lors de la photosynthèse est une molécule en C4, l'oxaloacétate; on les appelle les plantes en C4. Importance de la photosynthèse La photosynthèse est une des plus grandes merveilles de l'évolution. C'est d'elle que dépend toute vie y compris la nôtre. Elle contribue à la rotation du cycle du carbone. Chaque année, 30 % du CO2 atmosphérique (200.1010 t) passe par les végétaux soit 60.1010t dont les 9/10 peuvent représenter le carbone contenu à la surface des océans (dans les algues et le phytoplancton) et 1/10 dans les plantes terrestres. Elle reconstitue le potentiel thermodynamique des cellules par apport d'énergie extérieure. Elle est responsable de la productivité des écosystèmes. La productivité primaire nette (PN1) est la somme de tous les tissus formés pendant l'année et de toutes les matières nouvellement emmagasinées dans les organes. Elle est égale à la productivité primaire brute (PB) c'est-à-dire le produit de la photosynthèse totale moins la matière brûlée par la respiration (R 1) pendant le temps de mesure : PN1 = PB - R1 En effet, les plantes pratiquent simultanément la photosynthèse et la respiration; toutefois, le bilan de l'équation est toujours nettement positif. PN1 est une valeur fondamentale en écologie car elle constitue la seule source d'énergie pour l'ensemble des organismes hétérotrophes (consommateurs et décomposeurs). L’efficacité photosynthétique Le rayonnement global (G) arrivant sur la terre est la somme du rayonnement émis par le disque solaire et des flux diffusés par le ciel et les nuages. Il s’étend de 300 à 3.000 nm. Le rayonnement photosynthétiquement actif (RPA) représente environ 50 % du rayonnement global (de 350 à 780 nm). L’efficacité réalisée (EPR) est souvent très différente de l’efficacité maximale (Emax). L’efficacité maximale théorique des RPA, basée sur le fait qu’il faut environ 10 quanta de lumière pour fixer une molécule de CO2, est d’environ 25 %. Or, dans le cas d’une culture expérimentale de céréales réalisée aux U.S.A. dans des conditions optimales de température, d’irrigation et de fumure, 23 l’efficacité photosynthétique maximale obtenue fut, durant les jours favorables, de 5,3% du rayonnement global (G) et 12 % des RPA. En conclusion, il semblerait que, même dans des conditions de culture optimale, le rendement photosynthétique soit assez faible. Ceci est dû au fait qu’une grande partie des RPA est transformée en chaleur et est utilisée avec les infra-rouges proches pour vaporiser de l’eau et chauffer le sol par conduction. 8 % des RPA sont aussi réfléchis par les feuilles. Pour la plus grande partie de l’Europe du Nord, la valeur de 1 à 1,5 % par rapport aux RPA est probablement le maximum pour les cultures au champ en conditions normales, et représente, sur une saison de végétation, une récolte de biomasse sèche de 20 à 30 T/ha. 2 Glucides Les glucides ou hydrates de carbones sont formés dans les plantes vertes par photosynthèse. La photosynthèse est la combinaison chimique du CO2 et de l'eau qui se réalise grâce à l'absorption d'énergie lumineuse par la chlorophylle. 6 CO2 + 6 H2O C6H12O6 + 6O2 G'o = 2 876 KJ glucose Chez les végétaux, 2 sucres simples sont importants, glucose et fructose. Ils ont la même formule globale C6 H12 O6. Dans les végétaux, glucose et fructose n'existent à l'état libre que dans certains organes à certains moments (essentiellement fruits charnus mûrs et glandes nectarifères des fleurs) ou sous forme d'esters phosphoriques et donc en association avec un ou plusieurs ions phosphates (Ex: glucose 6 phosphate, fructose 1,6 diphosphate). Remarque: le glucose est généralement présenté comme le produit glucidique de la photosynthèse dans les équations schématisées. En réalité, très peu de glucose libre est produit par la cellule photosynthétique. La plus grande partie du C fixé est transformé soit en saccharose (forme de transport), soit en amidon (forme de stockage). Le D glucose est l'hexose naturel le plus répandu. Il apparaît à l'état brut dans les bulbes et tubercules en germination et les fruits (ex: dattes 32 % du poids frais, raisin 8 %, bananes 6 %, tomates 1,6 %, autres fruits sucrés : 1 à 3 %). Il est constitutif du saccharose, de l'amidon, du glycogène, de la cellulose, … C'est une forme de passage très fréquenté sur les voies de synthèse ou de dégradation des réserves. Il est fabriqué dans l'industrie à partir de pommes de terre ou de blé et il est utilisé comme source carbonée dans de nombreux milieux de culture artificiels pour organismes hétérotrophes (champignons) ou organes et tissus isolés. 24 Le D fructose (ou sucre des fruits) se rencontre dans de nombreux fruits (dates 24 % du poids frais, raisins : 7 – 8 %, pommes et cerises 5 – 7 % du poids frais, bananes 4 % du poids frais, fraises et framboises 2,5 % du poids frais, oranges 1,8 % du poids frais, tomates 1,2 % du poids frais). Le fructose est associé au glucose dans le saccharose et il est constitutif de l'inuline, polyoside de réserve dans certaines familles végétales (Asteraceae, Campanulaceae). 2.1. Les polysaccharides Ce sont des polymères résultant de l'enchaînement O-glycosidique de diosides. Le nombre d'oses simples associés va de 15 à plusieurs milliers. Les fonctions remplies par ces macromolécules sont surtout de deux types : Substances de réserve intracellulaires (amidon et glycogène). Ils conviennent mieux pour cette tâche que les petites molécules solubles; en effet en étant moins solubles les polyosides ne développent qu'une pression osmotique faible et leur accumulation dans la cellule ne modifie pas ses propriétés. Elément important de l'architecture des organismes par leurs grande résistance mécanique : cellulose des végétaux et chitine de l'exosquelette des arthropodes (Myriapodes, Arachnides, Crustacés, Insectes). 2.2. L'amidon L’amidon est la substance de réserve accumulée sous forme de grains dans les amyloplastes des tubercules, bulbes et graines. Des acides gras (jusqu'à 1 %) et du phosphore (0,01 à 0,2 %) sous forme de glucose –P accompagnent fréquemment l'amidon dans le grain. L'amidon est constitué par un mélange de 2 polymères : 2.3. - 20 à 30 % d'amylose - 70 à 80 % d'amylopectine La cellulose La cellulose est le matériel de soutien le plus abondant chez les végétaux (paroi cellulosique). On la rencontre aussi chez beaucoup de bactéries et même chez certains animaux (les Tuniciers, animaux marins primitifs). La cellulose est un polymère non ramifié et non hélicoïdal, formé par l'enchaînement O-glycosidique 1-4 de 1.500 à 5.000 (voire plus) molécules de cellobiose. Son poids moléculaire est élevé : 500.000 à 2.000.000. 25 Selon les secteurs, la disposition des macromolécules de cellulose est peu ordonnée ou au contraire très régulière, donnant à l'ensemble une structure cristalline accessible à l'analyse par les rayons X. Les molécules de cellulose sont associées entre elles ainsi qu'à des hémicelluloses et à divers composés pectiques pour constituer des paquets de microfibrilles; les liaisons hydrogène et les liaisons de Van der Waals interviennent pour lier entre elles ces microfibrilles. 2.4. Conclusions La différence entre les monosaccharides constitutifs des dimères de la cellulose (le cellobiose) et ceux de l'amidon ou du glycogène (le maltose) est assez faible. Dans les deux cas, il s'agit de glucopyrannose de la série D; mais, dans la cellulose, il appartient à la forme et dans l'amidon et le glycogène à la forme alpha. Cette simple différence a de très importantes conséquences biologiques car le polymère du D-glucopyrannose a des propriétés radicalement différentes de celles du polymère de l' D-glucopyrannose. 3 Les protéines 3.1. Structure Les protéines sont des polymères d'acides aminés. Dans un acide aminé, un atome de carbone central porte une fonction acide carboxylique (-COOH), une fonction amine (-NH2), un atome d'hydrogène (-H) et un radical variable (R). Ces quatre groupements sont orientés comme les sommets d'un tétraèdre. Il existe 20 acides aminés différents dans les protéines des êtres vivants, différant par la structure du radical R (ex.: si R = H: glycine; si R = CH3: alanine, etc.). Les fonctions acide et amine de deux acides aminés peuvent réagir entre elles: après élimination d'une molécule d'eau, il s'établit une liaison covalente, appelée lien peptidique. La polymérisation de plusieurs acides aminés produit un polypeptide. Les protéines des êtres vivants sont des polypeptides comprenant en général 100 à 150 acides aminés. La séquence des acides aminés d'une protéine constitue sa structure primaire. En termes d'information, on compare souvent cette séquence à un mot très long, comprenant jusqu'à plusieurs centaines de lettres, écrit avec un alphabet de vingt lettres - les vingt acides aminés. La structure spatiale des protéines dans les cellules vivantes est complexe. La chaîne polypeptidique adopte une structure évoquant une « pelote ». Vers l’extérieur de la molécule s’orientent les acides aminés « hydrophiles », c’est-à-dire porteurs de groupements chimiques polaires, solubles dans l’eau. Vers l’intérieur de la molécule s’orientent les acides aminés porteurs de radicaux hydrophobes, n’ayant pas d’affinités pour l’eau. 26 3.2. Fonction : catalyse enzymatique Les enzymes sont des molécules hérissées de fonctions chimiques variées et présentant une surface marquée de cavités et de reliefs. Ce sont les outils biochimiques de la cellule, capables de catalyser des réactions chimiques précises. Par exemple, la combinaison des molécules A et B en une molécule C n’est possible qu’en présence de l’enzyme E1 : A + B C Parmi l’infinie diversité des réactions dans lesquels les centaines de types moléculaires que comprend une cellule pourraient être engagés, seules un ensemble précis de réactions se déroulent effectivement. C’est l’arsenal enzymatique de la cellule qui détermine sa spécificité biochimique. Chaque espèce d ‘organisme vivant possède une batterie d’enzymes qui lui sont propres. 4 Les acides nucléiques 4.1. Nécessité d’une information Une propriété essentielle de la cellule vivante est sa capacité de se reproduire, c’est-à-dire de fabriquer d’autres cellules qui lui ressemblent. Cette ressemblance implique en particulier une similitude métabolique. La spécificité du métabolisme dépend entièrement de l’équipement enzymatique de la cellule. Le problème réside dans le fait que les protéines ne peuvent pas être copiées. Une synthèse par assemblage au hasard des acides aminés n'est pas non plus envisageable: la séquence correcte d'une protéine de 150 acides aminés n'a qu'une chance sur 20150 de se produire par assemblage aléatoire d'acides aminés! Une cellule doit donc disposer, sous une forme fidèlement reproductible et aisément transmissible à sa descendance, d'une information permettant de fabriquer avec une précision rigoureuse, le pool de protéines qui font sa spécificité. Ce sont les acides nucléiques qui sont les supports de cette information. 4.2. Structure des acides nucléiques Nous ne considérerons, dans le cadre de ce cours, que les acides désoxyribonucléiques. Les acides nucléiques sont des polymères de nucléotides. Un nucléotide est constitué de trois sous-unités: (i) un sucre à 5 carbones (désoxyribose chez les désoxyribonucléotides), (ii) un acide orthophosphorique et (iii) une base azotée. Les bases azotées sont au nombre de 4. Les 2 bases azotées constituées d'un seul cycle sont dites bases pyrimidiques: cytosine (C), thymine (T); les 2 bases azotées constituées de deux cycles sont dites puriques: adénine (A), guanine (G). L’assemblage d’une base azotée et d’un acide orthophosphorique avec la molécule de sucre s’accompagne de l’élimination d’une molécule d’eau. 27 Les nucléotides s'attachent l'un à l'autre grâce à une liaison entre le phosphate d'un nucléotide et le carbone 3 du sucre d'un autre nucléotide, s’établissant après l’élimination d’une molécule d’eau. L'ADN (acide désoxyribonucléique) est un copolymère de 4 types de nucléotides différant par leur base azotée (A, T, C, G). Il est constitué de deux chaînes complémentaires, liées par des ponts hydrogènes s'établissant entre leurs bases azotées. La cytosine ne peut se lier qu'à la guanine (3 ponts hydrogènes), et l'adénine à la thymine (2 ponts hydrogènes). Le double brin d'ADN ainsi construit s'organise en "double hélice". Une molécule d'ADN est caractérisée par sa séquence de bases azotées. Cette séquence est analogue à un texte écrit à l'aide de 4 lettres (ATCG). Ainsi, une molécule d'ADN de n nucléotides peut être construite de 4n façons différentes. L'ADN possède une propriété fondamentale d'autoréplication semi-conservative. Les deux brins de l'hélice peuvent en effet se séparer et servir chacun de modèle pour l'élaboration d'un brin complémentaire. Par le jeu de l’appariement des bases azotées (A avec T et C avec G), les 2 molécules d'ADN qui sont ainsi formées sont donc strictement identiques entre elles et à l'ADN de départ. Elles comportent chacune un brin hérité de l'ADN "parental" et un brin néoformé. Ainsi, la cellule peut établir de son ADN des copies conformes, qui sont ensuite transmises à ses descendants. 4.3. Fonction de l’ADN, le code génétique L'ADN d'une cellule est équivalent à un message codé spécifiant la séquence des acides aminés de toutes les protéines que synthétisera cette cellule. Sachant que ce “texte” est écrit avec 4 lettres différentes (A, T, C, G), combien de lettres au minimum doit comporter chaque “mot” pour qu’il y ait suffisamment de mots différents pour désigner les vingt acides aminés dont sont constituées les protéines ? Un raisonnement de logique mathématique élémentaire montre que des groupes de 3 nucléotides sont nécessaires pour désigner sans ambiguïté un acide aminé parmi une collection de 20 acides aminés différents. Il existe 43 = 64 arrangements possibles de 3 nucléotides de 4 types différents. Le message ADN est "lu" par la cellule comme un texte formé de mots de 3 lettres, un triplé de nucléotides ou codon, signifiant un acide aminé. Le code génétique est la clé de correspondance, le dictionnaire de traduction entre le langage ADN et les 20 acides aminés des protéines. 5 Les lipides Les lipides sont les graisses et les substances apparentées. Ils sont généralement hydrophobes, insolubles dans l’eau. Les plantes utilisent essentiellement les lipides pour stocker de l’énergie (ex : 28 huiles végétales) et pour la structure (ex : membranes phospholipidiques). Les lipides sont généralement des macromolécules, non issues d’une polymérisation. 5.1. Triglycérides De nombreuses plantes stockent l’énergie sous forme d’huile, particulièrement dans les graines et les fruits (ex : olive, tournesol, colza). Les huiles possèdent une proportion de liaisons carbonehydrogène à haute énergie supérieure à celle des glucides. En moyenne, à poids égal, les huiles libèrent trois fois plus d’énergie que les sucres ou les protéines. Les huiles ont la même structure chimique. Toutes sont formées de trois molécules d’acides gras unies à une molécule de glycérol. Ces molécules sont appelées triglycérides et ne renferment pas de groupements polaires hydrophiles. Elles ont tendance à s’agglutiner dans l’eau. Les acides gras des végétaux sont généralement insaturés. Ils présentent donc des atomes de carbone unis par des doubles liaisons entre eux. Les huiles formées par les triglycérides à acides gras insaturés présentent un point de fusion plus bas que les graisses à acides gras saturé. Les phospholipides qui forment la membrane plasmique sont composés de deux acides gras fixé à un glycérol, le troisième carbone du glycérol étant lié à un groupement phosphate. Ce groupement phosphate est hydrophile et donne la polarité à la molécule de phospholipide en milieu aqueux. 5.2. Stéroïdes On distingue les stéroïdes des autres lipides par la présence de 4 cycles hydrocarbonés interconnectés. Des chaînes hydrocarbonées peuvent s’ajouter à ces cycles. Les stéroïdes avec une chaine de minimum 3 carbones sur leur groupement hydroxyle sont appelés stérols. Les stérols (phytostérols) présents chez les plantes possèdent un total de 28 ou 29 carbones. Ils ont un rôle majeur dans la stabilisation des membranes plasmiques. 6 Les métabolites secondaires Les métabolites secondaires, à l’opposé des métabolites primaires (sucres, acides aminés, protéines et lipides), ont une répartition limitée dans la plante. Ils n’ont pas de fonction majeure dans le métabolisme de la plante mais ont un rôle majeur dans sa protection et sa propagation. Ils sont emmagasinés dans les vacuoles pour limiter les interférences avec les autres molécules du métabolisme primaire. Les trois grandes classes des métabolites secondaires chez les plantes sont les alcaloïdes, les terpénoïdes et les substances phénoliques. Les alcaloïdes sont des composés azotés alcalins. Ils figurent parmi les substances les plus importantes pour leurs propriétés pharmacologiques et médicinales. On trouve comme molécules bien connues : la morphine, la cocaïne, la caféine, la nicotine ou encore l’atrapine. 29 Les terpénoïdes sont composés d’unités isoprènes. Ils existent chez toutes les plantes et comprennent notament les huiles essentielles des Lamiaceae. Plus de 22000 molécules ont été déjà décrites. Le caoutchouc est un des terpénoïdes le plus connu, avec une molécule composée de plus de 400 unités isoprènes. Les substances phénoliques englobent une vaste gamme de composés possédant tous un groupement hydroxyle attaché à un cycle aromatique. Parmi les composés les plus communs on compte : les flavonoïdes, les tanins ou l’acide salicylique. 30 CHAPITRE 3 Evolution des plantes : le pré-Cambrien et les Cyanobactéries 1 L’échelle des temps géologiques La Terre a 4,2 et 4,6 milliards d'années. Au cours de son histoire, l'environnement géologique de la Terre et son peuplement biologique se sont évidemment profondément transformés. Pour des raisons pratiques, les géologues et paléontologues partagent l'histoire de la Terre en différentes époques, caractérisées notamment par la nature des fossiles conservés dans les roches sédimentaires. Le Précambrien commence à l'origine de la Terre et s'achève à l'époque où apparaissent les plus anciens fossiles d'animaux multicellulaires visibles à l'œil nu (environ 600 millions d'années). Les seuls fossiles présents dans des roches du Précambrien correspondent à des organismes microscopiques (microfossiles, notamment des Cyanobactéries). Le Précambrien est partagé en trois époques: L’Hadéen (gr. hados: le feu): de la naissance de la Terre (-4,6 109 années) à l’origine des premières cellules (environ -3,5 109 années); l’Archéen (gr. archeos: vieux): de -3,5 109 années à -2,5 109 années, dont l’essentiel des fossiles sont des Cyanobactéries; le Protérozoïque (gr. proteros: ancêtre, zoon: animal): de -2,5 109 années à -0.57 109 années, durant lequel apparaissent des microfossiles plus diversifiés, certains étant eucaryotiques. Le Phanérozoïque (gr. phaneros, visible; zoon, animal) est l'époque postérieure au Précambrien; les roches datées du Phanérozoïque ont livré de très nombreux fossiles d'animaux et de plantes macroscopiques. La Phanérozoïque débute par une période appelée Cambrien (-570 à -505 millions d’années). Il faut apprendre à situer sur l'axe du temps des événements importants de l'histoire de la vie; ex.: la disparition des dinosaures (65 millions d'années), l'apparition des Hominidés (10 millions d'années), la colonisation des terres émergées par les Plantes (450 millions d'années), etc. 2 Les premières cellules vivantes Les roches datées du Précambrien offrent principalement des fossiles microscopiques (microfossiles), difficiles à étudier et à rapporter à des groupes d'organismes existant encore à l'heure actuelle. Leur étude révèle cependant deux traits importants du développement de la vie sur Terre. 31 Premièrement, les plus anciens microfossiles connus à ce jour ont été trouvés dans des roches datées d’au moins 3,8 milliards d’années, démontrant que l’apparition de la vie sur Terre a été un événement très précoce, survenu peu de temps après la solidification de la croûte terrestre et la formation des océans. Deuxièmement, tous les microfossiles antérieurs à -1,5 milliards d’années ressemblent à des bactéries actuelles, ce qui suggère que ces organismes ont été les seuls êtres vivants sur la Terre pendant au moins deux milliards d’années. Très peu de preuves directes permettent de préciser l'aspect et le mode de vie des premières cellules vivantes. Le scénario suivant est généralement considéré comme un des plus probables. Les premières cellules vivantes devaient ressembler à des bactéries hétérotrophes, capables d'utiliser les composés organiques de la "soupe chaude primitive" comme source de carbone et d'énergie. A mesure que leur nombre s'est accru, la quantité de matière organique libre en solution a dû diminuer. Une compétition intense a pu s'établir entre ces cellules pour l'acquisition des ressources carbonées. Dans ce contexte, l’acquisition d’un mode nutrition autotrophe a dû constituer un avantage considérable pour son possesseur. En effet, l’autotrophie permet de puiser directement le carbone à une source virtuellement inépuisable: le dioxyde de carbone de l’atmosphère. Il semble donc bien que, même si elle est apparue secondairement, l’autotrophie a suivi de près l’apparition de la vie. Il est difficile de dire quel type d’autotrophie est apparu en premier lieu: chimio- ou photoautotrophie et, dans cette dernière, photosynthèse sulfureuse ou oxygénique. Toutefois, des preuves indirectes suggèrent qu’un groupe de bactéries à photosynthèse oxygénique sont apparues très tôt sur Terre: les Cyanobactéries. En raison de l’importance capitale de ce groupe au cours de l’évolution, et notamment du rôle qu’il a joué dans le développement d’une atmosphère riche en oxygène, nous consacrerons à son étude une place importante dans ce cours, en dépit de la place relativement modeste, ou du moins peu perceptible, qu’il occupe dans la biosphère actuelle. 3 Les Cyanobactéries (ou Algues bleues ou Cyanophycées) Les Cyanobactéries (7.500 espèces décrites) sont le seul groupe de Procaryotes pratiquant la photosynthèse oxygénique. Ce sont aussi les Procaryotes montrant le plus haut niveau de complexité. Les Cyanobactéries méritent une attention particulière, en raison notamment: i) de leur grande importance écologique, notamment dans le cycle de l'oxygène et de l'azote, 32 ii) du rôle essentiel qu'elles ont joué dans le développement de la vie sur Terre, puisqu'elles ont été les premiers organismes producteurs d'oxygène moléculaire iii) du fait qu’elles sont les ancêtres des chloroplastes des cellules eucaryotiques. 3.1. Structure cellulaire Les Cyanobactéries sont d’énormes bactéries (diamètre cellulaire souvent compris entre 5 et 20 µm, soit 10 fois plus que la plupart des autres bactéries) colorées en vert-bleu par la chlorophylle et les phycobilines. On observe, de l'extérieur vers l'intérieur : - une gaine mucilagineuse plus ou moins épaisse (non constante), - une paroi complexe, comprenant une couche de muréine, doublée vers l’extérieur d’une membrane lipidique d’un type particulier, - une membrane plasmique, - un chromatoplasme coloré par des pigments, - un centroplasme incolore. Les Cyanobactéries ne possèdent aucune cellule flagellée. Le chromatoplasme Le chromatoplasme est riche en thylakoïdes, sacs membranaires aplatis, plus ou moins régulièrement agencés en feuillets parallèles. Les thylakoïdes sont le siège de la photosynthèse oxygénique. Ils portent les enzymes et les pigments s'y rapportant. Le complexe pigmentaire comprend: de la chlorophylle a, du -carotène et d'autres caroténoïdes, et des phycobilines; il n’y jamais de chlorophylle b. Les phycobilines sont organisées en globules, les phycobilisomes, organites de 40 nm de diamètre environ, disposés en files régulières à la surface des thylakoïdes. Le rapport phycocyanine/phycoérythrine varie d'une espèce à l'autre, ce qui peut expliquer la grande diversité des couleurs observées chez les Cyanobactéries. Certaines espèces marines ont une coloration rouge complémentaire de la lumière verte qui prédomine à la profondeur où elles vivent (C'est le cas de Trichodesmium erythraea, espèce dont les pullulations saisonnières ont donné son nom à la Mer Rouge). Le centroplasme 33 Le centroplasme contient une molécule annulaire d'ADN, de poids moléculaire variant selon les espèces entre 1,6 et 8,6 109 daltons. Les inclusions sont variées : - ribosomes de type procaryotique - grains de volutine (réserves de polyphosphates) - carboxysomes: réserves de protéines enzymatiques sous forme cristalloïde - polysaccharides voisins du glycogène - chez les espèces planctoniques: vacuoles gazeuses (airosomes) à rôle hydrostatique. 3.2. Cellules particulières Certaines Cyanobactéries pluricellulaires montrent une ébauche de différenciation cellulaire. On distingue notamment: a) les hétérocystes: grandes cellules incolores à paroi épaissies, spécialisées dans la fixation de l'azote atmosphérique: 1/2 N2 + 4H+ NH4+ Cette réaction fournit de l'azote ammoniacal, susceptible d'être incorporé aux acides aminés. Cette réaction permet aux Cyanobactéries d'avoir accès au stock d'azote moléculaire atmosphérique et d'échapper à la contrainte que constitue la faible abondance des formes minérales solubles de l'azote sur la Terre (ammonium NH4+ et nitrate NO3-). Elle est inhibée par l'oxygène moléculaire et ne peut donc se dérouler que dans une cellule non photosynthétique et protégée par une paroi peu perméable à ce gaz. b) les akinètes (ou acinètes): cellules de grande dimension, à paroi épaisse, riches en matières de réserve. Ce sont des cellules de résistance qui entrent en dormance durant une période défavorable (froid, sécheresse, ...) et qui germent avec le retour de conditions favorables. c) les hormogonies: fragments de thalle constitués de quelques cellules entourées d'une paroi épaissie, et qui assurent la propagation végétative de l'espèce. 4. Les lignées de diversification morphologique Chez les Cyanobactéries, le passage de l'état uni- à l'état pluricellulaire a emprunté deux voies: 34 a) formation de cénobes (Ordre des Chroococcales): un cénobe est une colonie de cellules non différenciées les unes des autres, lâchement assemblées dans une matrice mucilagineuse polysaccharidique. Un cénobe comporte de 2 à plusieurs dizaines de cellules selon les espèces; sa forme est plate, cubique, ou irrégulière. b) formation de filaments ou trichomes (gr. trichos, poil): - filaments non ramifiés ou à fausses ramifications simples ou multiples, avec ou sans hétérocystes (Nostocales), - filaments plus massifs, à ramifications véritables et produisant des hormogonies (Stigonemales). Les Cyanobactéries de l'ordre des Stigonemales, à thalle très ramifié, relativement massif, composé de filaments rampants sur le substrat et de filaments dressés, constituent le groupe de Procaryotes montrant le plus haut niveau de complexité morphologique. Ecologie et biologie Amplitude écologique La place des Cyanobactéries dans l’environnement est considérable. Partout où la vie est possible se rencontrent des Cyanobactéries: milieux aquatiques divers (eaux chaudes ou froides, douces ou riches en sels, stagnantes ou courantes, même polluées), terre humide, etc. Elles affectionnent les biotopes trop difficiles pour la plupart des autres organismes vivants. Elles peuvent résister à de grands écarts de température, d’hydratation et de salinité et contribuent de façon importante à la microflore des régions désertiques. Leur résistance aux milieux hypersalés (espèces halophiles), souvent remarquable, s’explique par leur capacité d’augmenter leur pression osmotique interne en accumulant de très fortes concentrations de certains glucides (saccharose, tréhalose, etc.). Des espèces thermophiles (appartenant aux genres Phormidium, Lyngbia, Oscillatoria) supportent des températures de l'ordre de 85°C (sources hydrothermales). Au contraire, des espèces cryophiles peuvent vivre sous une épaisse couche de glace dans la banquise. Dans les marais salants, les Spirulines (Nostocales) vivent au contact des cristaux de sel en formation. Les Cyanobactéries sont moins abondantes, par contre, dans les eaux acides. Espèces planctoniques On appelle plancton (gr. plaktos = errant) un ensemble d'organismes microscopiques vivant en suspension dans les eaux douces ou salées. 35 Le phytoplancton des eaux douces comprend 17 genres de Cyanophycées, qui peuvent y constituer des amas rappelant le frai des Batraciens, car elles sécrètent un abondant mucilage. Ces masses gluantes sont appelées "fleurs d'eau" (ex.: genre Microcystis, montrant des pullulations saisonnières dans les eaux douces eutrophes). Elles représentent également une part importante dans la masse planctonique océanique (20 à 80% de la photosynthèse totale des océans seraient l’œuvre des Cyanobactéries; comme elles servent de nourriture à des protozoaires, leur contribution aux chaînes alimentaires en milieu marin est très appréciable). Aphanizomenon et Anabaena sont des fixatrices d'azote moléculaire vivant dans des eaux où les formes assimilables de l'azote (NH4+, NO3 ) sont peu abondantes. Espèces benthiques On appelle benthon (gr. benthos = profondeur), un ensemble d'organismes vivant sur ou dans le substrat du fond des pièces d'eau, ou nageant dans son voisinage immédiat. Les Cyanophycées benthiques sont abondantes sur les fonds vaseux ou rocheux mais aussi à la surface des algues et des plantes aquatiques; elles contribuent à donner l'odeur et le goût de vase à certains poissons d'eau douce qui s'en nourrissent. Certaines espèces, dites perforantes, sont capables de pénétrer et déliter leur substrat rocheux sur 1 cm de profondeur, en fragmentant et dissolvant les carbonates. D'autres, au contraire, sont capables de précipiter le carbonate de calcium et d'édifier ainsi des concrétions calcaires. La réaction chimique est la suivante: CaCO3 + H2O + CO2 = 2 HCO3- + Ca++ En prélevant le CO2 dissous dans l’eau, les Cyanobactéries déplacent cet équilibre chimique vers la gauche, c’est-à-dire dans le sens d’une précipitation du carbonate de calcium. Certains types de Cyanobactéries édifient ainsi des dépôts de calcaire à structure feuilletée (précipitation saisonnière de calcaire), en forme de dôme: les stromatolites. A l'heure actuelle, des stromatolites ne se forment plus qu'en quelques endroits de la Terre, sur des rivages marins des régions tropicales. L’abondance des stromatolites dans les roches calcaires sédimentaires du Précambrien, depuis au moins 3 milliards d’années constitue ainsi une preuve indirecte indiscutable de leur grande ancienneté évolutive. Espèces terrestres Les Nostocs sont des Cyanobactéries terrestres reviviscentes: pendant les périodes humides de l'année, leurs colonies entourées d'un abondant mucilage polysaccharidique hydraté forment à la surface du sol des tapis vert fonce d'aspect glaireux ("crachats du diable”) et peuvent se dessécher complètement durant l'été et rentrer en état de vie active au retour des pluies. 36 Espèces symbiotiques Les Cyanobactéries peuvent vivre en symbiose à l'intérieur même des tissus d'organismes les plus divers: éponges, amibes, algues vertes, mousses, hépatiques, fougères. Certaines algues eucaryotiques unicellulaires sont dépourvues de chloroplastes véritables, mais hébergent dans leur cytoplasme des Cyanobactéries particulières qui y font office de chloroplastes: ces pseudochloroplastes sont appelés cyanelles. Il s'agit d'un remarquable exemple d'endosymbiose, dans lequel chaque partenaire retire un bénéfice de la présence de l'autre: l'algue acquiert l'autotrophie grâce à la présence des cyanelles et les cyanelles vivent dans un environnement riche en ressources et relativement protégé des variations du milieu ambiant; ce type d'association constitue un argument indirect en faveur de la théorie de l'origine endosymbiotique des chloroplastes des eucaryotes (ch. 4). Les lichens sont une autre forme remarquable de symbiose impliquant des Cyanobactéries. Ces organismes résultent d'une association étroite entre les hyphes (cellules filamenteuses) d'un champignon et les cellules d'une Cyanobactérie. Le tout constitue un organisme original, aux propriétés nouvelles, différentes de celles des deux constituants. Intérêt pratique Les Cyanobactéries fixatrices d'azote ont un intérêt pratique pour l'homme. Par exemple, des petites fougères flottantes du genre Azolla, possèdent des feuilles munies de cavités hébergeant des Cyanobactéries fixatrices d’azote (Anabaena); elles sont cultivées dans les rizières comme "engrais vert". Les Spirulines, atteignent des teneurs en protéines extrêmement élevées (jusqu'à 50% du poids sec). Dans certaines régions d'Afrique, elles sont récoltées à la surface des lacs (Lac Tchad, notamment). Séchées et compactées en galettes, elles sont consommées par les populations locales. L'absence de cellulose dans leurs parois assure une bonne digestibilité. La culture massive des Spirulines a été envisagée comme moyen de lutte contre la malnutrition dans les régions pauvres du globe et la première exploitation à caractère industriel a été réalisée au Mexique (Lac Texcoco). La production atteindrait 300 quintaux/ha/an (contre seulement 60 pour le blé et 140 pour le maïs, qui ne contiennent jamais plus de 10% de protéines!). Influence des Cyanobactéries sur le déroulement l’évolution de la vie sur Terre L'apparition de cellules autotrophes est un événement capital sans lequel le développement de la vie sur Terre aurait été entravé par la disponibilité limitée des composés organiques élaborés par 37 des processus abiotiques. Les autotrophes les plus efficaces furent ceux dotés d'un système leur permettant d'utiliser le rayonnement solaire comme source primaire d'énergie: la photosynthèse. Les premiers organismes capables d’utiliser la molécule d’eau comme donneur d’électrons ont dû connaître un véritable “boom” écologique, submergeant la biosphère grâce à une meilleure compétitivité expliquée par: - une conversion plus efficace de l’énergie lumineuse, - l’emploi d’une source d’électrons toujours disponible et inépuisable - une élimination de formes concurrentes par les effets toxiques de l’oxygène sur des espèces mal armées pour lui résister. Des preuves indirectes très convaincantes suggèrent que la photosynthèse oxygénique est apparue très tôt, probablement vers -3 milliards d'années: - microfossiles: parmi les plus anciens microfossiles connus à ce jour, certains montrent des similitudes frappantes avec des Cyanobactéries actuelles, de l'ordre des Chroococcales - stromatolites: leur abondance dans les roches sédimentaires postérieures à -2,5 milliards d'années, suggère que les Cyanobactéries ont longtemps été la forme de vie la plus répandue sur Terre; la relative raréfaction des stromatolites au Phanérozoïque est attribuée à l'apparition d'animaux prédateurs. - "formations de fer rubané (banded-iron formations)": les formations géologiques connues sous ce nom sont des roches sédimentaires présentant une alternance plus ou moins régulière de dépôts de couleur rouille riches en fer oxydé et de dépôts pauvres en fer oxydé. Ces assises curieuses sont interprétées comme le résultat d'une oxydation intermittente du fer ferreux en solution dans les océans (Fe++) par de l'oxygène libéré en petite quantité dans l'eau par l'activité d'organismes photosynthétiques. Tout se serait donc passé comme si le fer ferreux des océans avait "rouillé" et avait précipité sous forme d'oxydes de fer insolubles (FeO.Fe 2O3 = Fe3O4). L'alternance de couches riches et pauvres en fer ferrique correspondrait à une alternance de périodes de plus ou moins grande activité des organismes photosynthétiques. Un point important est que toutes les formations connues de fer rubané sont antérieures à -2 milliards d'années. A partir de cette époque, elles font place à des roches uniformément riches en oxydes de fer ("Red Beds"). Ce changement dans l'enregistrement sédimentaire correspondrait au moment où le taux d'oxygène libre dans l'atmosphère a commencé à s'élever, entraînant l'oxydation massive des matériaux détritiques d'origine continentale. La teneur en oxygène de l'atmosphère s'est ensuite élevée progressivement jusqu'à sa valeur actuelle (21%), atteinte seulement dans le courant du Phanérozoïque. 38 L'apparition d'oxygène moléculaire dans l'atmosphère a eu une importance déterminante pour la suite de l'évolution biologique: 1°) une partie des molécules d'oxygène ont été converties en ozone (O3) qui s'est accumulé progressivement dans la haute atmosphère. L'ozone a la propriété d'absorber le rayonnement ultraviolet, néfaste pour les organismes vivants (abîme l'ADN). Vers -450 millions d'années, l'épaisseur ce filtre atmosphérique à UV (la fameuse "couche d'ozone") est devenue suffisamment importante pour permettre à la vie de sortir de l'eau des océans (qui absorbe également les UV) et des conquérir les terres émergées. 2°) L'accroissement de la teneur en oxygène a permis le développement d'un nouveau type de métabolisme énergétique hétérotrophe: la respiration, beaucoup plus efficace en termes de rendement énergétique que les fermentations. Ainsi, progressivement, les bactéries anaérobies ont vu leur niche écologique se rétrécir et n'ont pu se maintenir que dans des habitats très particuliers, pauvres en oxygène (ex.: vases lacustres riches en matière organique en décomposition, dont l'oxygène a été épuisé par l'activité des microorganismes aérobies). 39 CHAPITRE 4 Evolution des plantes : les végétaux eucaryotes Structure de la cellule 1 Généralités Les principaux constituants de la cellule végétale eucaryotes sont : la Paroi, la membrane et le protoplasme. 2 La paroi Structure et composition Les parois cellulosiques ont une épaisseur très variable dépendant : de l'âge de la cellule et du rôle joué par la cellule dans la plante (tissus végétaux). Chez les organismes pluricellulaires, la lamelle moyenne est une sorte de ciment unissant les cellules végétales les unes aux autres et assurant leur cohésion. La lamelle moyenne est donc commune à deux cellules contiguës. Elle est constituée de composés pectiques normalement insolubles dans l'eau. La paroi primaire 40 Epaisseur : 1 – 3 Constitution : - cellulose dont les microfibrilles sont disposées sans ordre (sauf le premier dépôt pour les cellules devant s'allonger), - hémicelluloses, - composés pectiques, - protéines de structure (glycoprotéines), - enzymes, - eau. Remarque : les fibrilles de cellulose sont enrobées dans une matrice constituée des autres molécules. Celles-ci sont reliées entre elles mais aussi à la cellulose. La rupture des liaisons (notamment liaisons hydrogène) permet l'étirement de la paroi lors de la croissance cellulaire. Il y a ensuite "réparation" par intercalation de nouveaux matériaux et reconstitution des liaisons. Caractéristique : elle est susceptible de croître tant en longueur qu'en épaisseur par étirement du réseau de microfibrilles et synthèse de nouveaux constituants. Type cellulaire : c'est la première formée; elle est présente chez toutes les cellules végétales. La paroi primaire est la seule paroi des cellules indifférenciées, des cellules dont la croissance n'est pas achevée et de la plupart des cellules adultes impliquées dans des processus métaboliques tels que la photosynthèse, la respiration et la sécrétion. La paroi secondaire Epaisseur: très variable; considérable dans certains tissus (tissus de soutien, xylème) où l'on observe 3 assises distinctes différant les unes des autres par l'orientation de leurs microfibrilles de celluloses. Constitution : - cellulose abondante avec microfibrilles disposées de façon régulière et décrivant parallèlement les unes aux autres des hélices par rapport au grand axe de la cellule. Les dépôts sont denses et cette structure lamellaire augmente fortement la résistance. Dans ces cellules, le cytoplasme meurt souvent après le dépôt de la paroi secondaire. 41 - hémicelluloses - composés pectiques peu abondants, voire absents. Remarque : il peut y avoir beaucoup de cellules mortes dans un végétal (tronc, branches et racines des arbres) ; elles ont néanmoins des rôles importants à jouer. Caractéristique : la paroi secondaire se forme essentiellement quand la cellule a terminé sa croissance. Elle est rigide et ne peut s'étirer. Type cellulaire : la paroi secondaire n'est pas toujours présente dans les tissus adultes. Elle se rencontre essentiellement dans les tissus de soutien et les cellules du xylène spécialisées dans la conduction de l'eau. Rôle de la paroi cellulosique Aspects mécaniques. La paroi cellulaire détermine la taille et la forme de la cellule ainsi que la morphologie du tissu et la forme finale de l'organe auquel elle appartient. Elle empêche la rupture de la membrane plasmique dans les cellules turgescentes (vacuoles gonflées d'eau). Sa grande résistance mécanique permet l'apparition de végétaux terrestres plus élevés. Aspects physiologiques. Longtemps considérée comme une structure externe et inerte, on lui reconnaît aujourd'hui des fonctions physiologiques spécifiques et indispensables au fonctionnement des cellules: Elle contient diverses enzymes. Elle joue un rôle dans l'absorption, le transport et la sécrétion de certaines substances. Site d'activités de digestion (comme les vacuoles). Rôle actif de défense contre les pathogènes bactériens et fongiques → activation de certains gènes et développement d'une résistance aux pathogènes: - en produisant des substances antibiotiques - en faisant barrière avec de la lignine. Echange avec les autres cellules Les plasmodesmes. Ce sont de fins canaux de 30 à 60 nm de diamètre, qui traversent totalement les parois cellulaires et la lamelle moyenne. Ils sont limités par une membrane plasmique. Ils permettent une continuité parfaite de tous les cytoplasmes du végétal. Parfois, les plasmodesmes n'existent qu'au niveau des ponctuations où ils sont groupés en plage. 42 Les ponctuations. Elles se présentent comme des amincissements de la paroi cellulosique qui favorisent les échanges entre cellules. Modification chimique de la paroi cellulosique La lignification La lignification représente une étape importante dans l'évolution des plantes terrestres. Les parois cellulaires non lignifiées résistent à de grandes forces de tension mais elles sont très sensibles aux forces de compression dues à la pesanteur. Avec la lignification, les plantes terrestres ont acquis la capacité d'accroître leur taille et de développer un système de ramification capable de supporter de grandes surfaces foliaires. On retrouve les cellules lignifiées dans les cellules de tissus qui ont pour fonction de soutenir la plante. On observe deux modalités principales de lignification : - imprégnation totale de la paroi par de la lignine; dans ce cas, la lamelle moyenne et la paroi primaire sont souvent les plus lignifiées (ex. : sclérenchyme) - dépôt secondaire de lignine dans la paroi primaire (ex. : vaisseau du xylème). Après la cellulose, les lignines représentent le composé organique le plus important sur terre. Les lignines sont des substances amorphes, résistantes, insolubles dans les solvants habituels et participant avec la cellulose à l'édification des parois cellulaires. Les lignines ne forment pas de microfibrilles; elles se déposent dans la matrice de la paroi où elle remplace l’eau. Contrairement aux autres composés phénoliques, les lignines ne sont pas déposées dans les vacuoles. Leur composition chimique est complexe. Ce sont des polymères formés de trois types de molécules dont les proportions varient selon le groupe systématique (Angiospermes, Gymnospermes) et l'organe. L'imperméabilité des vaisseaux du xylème, due à la lignine, facilite la montée de l'eau vers le sommet des plantes de grande taille. Lors de blessure ou d'attaques de champignons, de la lignine est déposée sur les parois des cellules de la plaie avec les avantages suivants : résistance mécanique contre la pénétration des pathogènes, protection contre les activités enzymatiques étrangères, réduction de la diffusion des toxines fongiques dans la plante. Les cellules des végétaux supérieures ne peuvent dégrader la lignine, qui ne sera décomposée qu'après leur mort, par les bactéries du sol et les champignons mais souvent très imparfaitement (alors que la cellulose peut, dans certains cas, jouer le rôle de substance de réserve). 43 La minéralisation Imprégnation de la paroi par : du carbonate de calcium (calcification) CaCO3 : cas des cellules épidermiques de certaines famille (Cucurbitaceae, Boraginaceae) et du thalle de certaines algues dont l'accumulation est à l'origine de certaines roches. - de la silice (SiO2) : cas des épidermes des Prêles, des Carex et des Poaceae. Modifications assurant l'imperméabilité La paroi peut d’imprégner de cutine, de subérine ou de cire à la face externe des épidermes (Exemples: cire brillante des épidermes des feuilles de chou et des tiges et feuilles du palmier à cire). La cutine, la cire et la subérine appartiennent au groupe des lipides. Ce sont des esters d'acides gras à longue chaîne (de C 20 à C 32) et de monoalcools également à très longue chaîne constituant des solides très hydrophobes, imperméables et non mouillables. Gélification, mucilages et gommes La gélification est une solubilisation de la lamelle moyenne en pectines solubles, et ce, sous l'action de pectinases (enzymes rompant les liaisons glycosidiques). La cohésion des cellules disparaît alors et celles-ci se trouvent dispersées dans une gelée. Elle intervient dans : - La maturation de certains fruits charnus (pulpes des groseilles, melons, tomates,… - La formation de certains éléments reproducteurs : cas des spores et des grains de pollen formés à partir d'une cellule subissant une méiose et formant une tétrade de cellules collées ensemble et qui vont se désolidariser les unes aux autres. Il en résulte la formation des méats ou lacunes que l'on rencontre dans les parenchymes lorsque la gélification est faible, limitée et ponctuelle. Dans certains tissus, les cellules sécrètent en abondance des composés pectiques. Ceux-ci se gélifient et s'accumulent entre les cellules qu'ils écartent en constituant un mucilage. Ils sont plus abondants dans les racines et les graines (graines d’Ispaghul, de psyllium). Les algues peuvent en contenir beaucoup (additifs alimentaires) : alginates (E400 à E405), extraits d’algues rouges ; agar44 agar (E406), extrait d’algues rouges (Gracilaria) ; carraghenane (E407), extrait d’algues brunes (Laminaria). Enfin, dans le cas d'hypersécrétion de composés pectiques gélifiés, il peut y avoir épanchement à l'extérieur du végétal de gomme après destruction lytique de certaines cellules. A l'air, ils se dessèchent et durcissent en devenant des gommes. Le rejet de gomme est très important chez les plantes de certaines familles (Rosaceae, Légumineuses du genre Acacia : gomme arabique). Il n'existe pas de distinction chimique précise entre gommes et mucilages. 3 La membrane plasmique 3.1 Structure et composition En microscopie électronique, sa structure apparaît en triple feuillet (deux couches sombres séparées par une couche claire) d'une épaisseur totale de 7,5 nm. I est généralement admis que la membrane plasmique a une structure en "mosaïque fluide", c'est-à-dire comprenant des molécules protéiques enrobées dans une bicouche lipidique et se déplaçant constamment. Beaucoup de ces protéines membranaires traversent la bicouche et font saillie des 2 côtés de la membrane plasmique. La bicouche lipidique est responsable de la structure de base et de l'imperméabilité des membranes cellulaires et la plupart des autres fonctions membranaires sont confiées aux protéines. La majorité des membranes est composée de 40 à 50 % de lipides et de 60 à 50 % de protéines. Cette composition chimique est variable et adaptée à la fonction de la zone cellulaire que la membrane limite. Il existe une continuité de structure et dans la plupart des cas, une continuité tout court entre la membrane plasmique et les membranes du système endomembranaire (c'est-à-dire : enveloppe nucléaire, réticulum endoplasmique, appareil de Golgi, vacuoles). 3.2 Rôle La membrane plasmique agit comme un filtre de grande sélectivité. Elle contrôle l'entrée et la sortie de nombreuses substances; sa perméabilité est sélective. Les transports de molécules à travers la membrane sont : des transports passifs, ne consommant pas d'énergie ; des transports actifs consommant de l'énergie fournie par l'hydrolyse de l'ATP. La membrane maintien des différences de concentrations ioniques entre les milieux extra et intracellulaires. La membrane coordonne la synthèse et l'assemblage des micro-fibrilles de cellulose composant la paroi cellulosique. Elle reçoit et transmet des signaux hormonaux et environnementaux impliqués dans la croissance, la différenciation des cellules et de nombreux mécanismes physiologiques. 45 On comprend aisément pourquoi une cellule, pour survivre et accomplir ses multiples fonctions, mobilise une part importante de son activité pour assurer le maintien de l'organisation membranaire. 4 Le cytosquelette. Il est présent dans pratiquement toutes les cellules eucaryotes. Il est constitué d'un réseau complexe de filaments protéiques appelés: (i) microtubules, (ii) filaments d'actine et (iii) filaments intermédiaires Microtubules: - croissance méthodique de la paroi cellulosique → orientation des microfibrilles de cellulose - dirigent vers la paroi en croissance les vésicules golgiennes - fibres fusoriales → déplacement des chromosomes - formation de la plaque équatoriale (phragmoplaste) dans les cellules en division - composants des flagelles et intervenant dans leurs mouvements (Les flagelles sont rares chez les végétaux: certaines algues, gamètes ♂ des Bryophytes, Ptéridophytes, Cycades et Ginkgo). Filaments d'actine: - dépôt de la paroi cellulosique - courants cytoplasmiques et mouvements des organites - déplacement du noyau après la division - croissance terminale des tubes polliniques - organisation du RE. 5 Cytoplasme On distingue le cytosol (= hyaloplasme) qui c’est le surnageant obtenu après ultra centrifugation ayant éliminé les organites. Le cytoplasme contient les organites limités par 2 membranes (Plastes et Mitochondries) et les organites ou « systèmes » limités par 1 membrane (Peroxysomes (= 46 microbodies) + glyoxysomes, Vacuoles, limitées par le tonoplaste ( + lysosomes) , Réticulum endoplasmique (ensemble des dictyosomes) + vésicules de transition, Appareil de Golgi + vésicules golgiennes). Il contient aussi le cytosquelette, les ribosomes et les oléosomes (gouttelettes huileuses). Le système endomembranaire est un terme collectif qui désigne le plasmalemme, le tonoplaste, le réticulum endoplasmique, l’appareil de Golgi et l’enveloppe nucléaire. 6 Noyau Le noyau est entouré par une enveloppe nucléaire (2 membranes). Il contient le nucléoplasme (matrice nucléaire), les nucléoles et la chromatine (ensemble des chromosomes). Toutes ces notions sont considérées comme connues. Elles sont développées dans le cadre du cours de biologie générale. 7 Mitochondries et plastes Les mitochondries et les plantes sont des organites semi-autonomes de quelques µm de longueur. Ils se divisent par scissiparité. Ils contiennent : une molécule circulaire d'ADN de l'ARN permettant la synthèse d'une partie de leurs enzymes (mais pas toutes) des ribosomes (type bactérien) Dans une cellule végétale on trouve donc de l'information génétique dans 3 compartiments: le noyau les mitochondries les plastes Les plastes et les mitochondries peuvent coder certains de leur polypeptides, mais pas tous. Cette synthèse se réalise au niveau de leurs ribosomes. La plupart des protéines des plastes et mitochondries restent néanmoins codées par l’ADN nucléaire ; elles sont synthétisées dans le cytoplasme et ensuite importées dans l’organite. Le génome nucléaire demeure beaucoup plus important que le génome du plaste et de la mitochondrie. Exemple : l’enzyme Rubisco (Ribulose 1,5-diphosphate carboxylase/ déshydrogénase) qui fixe le CO2 atmosphérique au RuDP, est constituée de 2 sous-unités dont 47 l’une est codée par le génome des plastes et l’autre par le génome nucléaire. Cette protéine très ancienne fut vraisemblablement formée dès le début de l’évolution des organismes vivants. 8 Particularités de la cellule végétale eucaryote La paroi cellulosique caractérise, plus que tout autre élément, la cellule végétale. Présence de vacuoles qui résultent de la dilatation du réticulum endoplasmique à certains endroits. Des organites entiers, comme les mitochondries et les plastes, peuvent être déposés et dégradés dans les vacuoles. En raison de cette activité de digestion, les vacuoles ont une fonction comparable aux organites appelés lysosomes que l'on trouve dans les cellules animales Contrairement aux cellules animales, les cellules végétales (ainsi que les champignons et les Procaryotes) ne contiennent pas de centrosome (ensemble de 2 centrioles) sauf rares exceptions pour les cellules végétales flagellées (certaines algues unicellulaires, gamète ♂ des Bryophytes, Ptéridophytes, Cycadophyta et Ginkgophyta). Présence de gouttelettes huileuses ou oléosomes. Ces structures ne sont pas délimitées par une membrane (ce ne sont donc pas des organites). Très répandues dans les cellules végétales, elles sont surtout abondantes dans les fruits et les graines. En effet, l'huile représente 45 % du poids de nombreuses graines oléagineuses. Présence de plastes; ce sont des organites cytoplasmiques propres aux cellules végétales. Ils accumulent des substances qu'ils ont parfois synthétisées eux-mêmes. Selon la nature des substances qu'ils contiennent ou selon leur fonction, on distingue : Des chloroplastes : ce sont des disques de 3 à 10 d'épaisseur. Dans une cellule chlorophyllienne, on en compte en moyenne une cinquantaine par cellule (1 ou 2 chez certaines algues). Ce sont les organites cellulaires où se localise exclusivement la chlorophylle; pigment vert capable de capter l'énergie lumineuse. Des leucoplastes (plastes incolores) : les amyloplastes accumulent de l'amidon, les oléoplastes accumulent des lipides, et les protéoplastes accumulent des protéines Des chromoplastes qui contiennent des pigments caroténoïdes de couleur jaune ou rouge; ces derniers sont souvent associés à la chlorophylle. Les cellules végétales sont généralement plus grandes que les cellules animales. 9 Origine des plastes et des mitochondries 48 Il existe des ressemblances étroites entre, d'un côté les Procaryotes et de l'autre, les mitochondries et les chloroplastes. Ces organites cellulaires sont probablement, à l'origine, des Procaryotes ayant trouvé refuge dans les cellules hétérotrophes plus volumineuses et ayant vécu en symbiose avec elles en leur transférant tous les mécanismes nécessaires à la capture et à la transformation de l'énergie. Ces grosses cellules sont les précurseurs des Eucaryotes. Chez les végétaux, le génome mitochondrial se réorganise fréquemment de façon spontanée, avec pour conséquence qu’il n’est pas très utile pour élucider les relations phylogénétiques. Le génome du chloroplaste est beaucoup plus stable. Les réarrangements de ce génome sont suffisamment rares à l’échelle de l’évolution pour qu’il puisse servir à distinguer des groupes. Le génome nucléaire est stable (au moins au sein des espèces), mais il est complexe et moins bien connu. Pour des raisons historiques, la plupart des données disponibles proviennent de l’ADN chloroplastique et des gènes nucléaires de l’ARNr. La séquence du gène chloroplastique rbcL, est utilisée par de nombreux systématiciens du monde entier. Il code pour la plus grande sous-unité de l’enzyme photosynthétique Rubisco, principal accepteur de C chez les organismes photosynthétiques. On a choisi ce gène parce que : il est assez long pas de problèmes d’alignement ; faisant partie du chloroplaste, la cellule en contient de nombreuses copies. 49 CHAPITRE 5 Evolution des plantes : les végétaux eucaryotes Reproduction 1 Reproduction asexuée ou multiplication végétative Les bactéries se reproduisent par fission binaire. La molécule annulaire d'acide désoxyribonucléique subit d'abord une réplication. La cellule subit ensuite une fission binaire. Un étranglement transversal se produit dans la région médiane de la cellule. Chacune des deux cellules-filles hérite d'une molécule d'ADN. Les Eucaryotes unicellulaires peuvent se reproduire selon des modalités semblables à celles des Procaryotes. Les détails cytologiques sont évidemment très différents, en raison de l’organisation particulière du matériel génétique. La capacité pour un organisme d'en produire un ou plusieurs autres identiques (au sens génétique du terme) à lui-même s’appelle la reproduction asexuée. Chez les végétaux, on parle souvent de multiplication végétative. Les modalités de la reproduction végétative varient selon le groupe considéré. Chez les algues Eucaryotes unicellulaires, la fission binaire et l'endosporulation sont les deux mécanismes les plus répandus. - La fission binaire s'observe par exemple chez les Euglènes. La cellule se dédouble d'abord au pôle flagellaire et se découpe ensuite longitudinalement en deux vers le pôle opposé. A l'issue du processus, l'ensemble des structures et matières qui constituaient la cellule-mère se retrouvent, intégralement, dans les deux cellules-filles. - L'endosporulation s'observe par exemple chez Chlamydomonas. Le protoplasme de la cellulemère se divise en quatre entités; chacune élabore sa propre paroi cellulosique rigide; ces quatre cellules-filles sont, un certain temps, enveloppées par la paroi de la cellule-mère. On les appelle endospores. Ensuite, la paroi de la cellule-mère se déchire et libère les quatre cellules-filles. A l'issue du processus, la paroi cellulosique de la cellule-mère, vidée de son contenu vivant, est abandonnée. Le terme de spore désigne d'une façon générale une cellule totipotente, flagellée ou non, qui se détache d'un organisme, est emportée éventuellement à grande distance de celui-ci et est susceptible de se différencier en un nouvel organisme identique ou non à celui dont elle est issue. On distingue des mitospores, ou spores directes, produites par mitose (les endospores de Chlamydomonas sont des mitospores) et des méiospores, formées par méiose au cours d'un cycle de reproduction sexuée (voir plus loin). 50 La reproduction végétative existe aussi chez les organismes pluricellulaires. Chez beaucoup d'algues multicellulaires, des cellules isolées ou des groupes de cellules de l'appareil végétatif peuvent s'en détacher et fonder un organisme indépendant: ce sont des propagules. Cette reproduction par fragmentation est une propriété universelle des êtres vivants. Elle constitue un mécanisme de multiplication banal chez les plantes (songeons par exemple à la multiplication du fraisier). Elle est moins répandue chez les Animaux (ex.: Coelentérés: l’hydre), mais elle existe même chez l'espèce humaine: des jumeaux vrais sont issus de la reproduction asexuée d'un zygote unique! On appelle clone un ensemble d'individus issus les uns des autres par multiplication végétative et, par conséquent, génétiquement identiques entre eux (aux mutations près). La mitose La reproduction végétative nécessite la copie exacte de tout le matériel génétique (ADN) de la cellule-mère, son partage en deux ensembles rigoureusement identiques, et leur attribution à chacune des cellules-filles. L'ensemble des processus cytologiques complexes qui aboutissent à ce résultat s'appelle la mitose. La complexité de la mitose tient à l'organisation du matériel génétique chez les Eucaryotes. Chez les Procaryotes, le problème est considérablement plus simple, puisque l'ADN est organisé en une seule molécule fermée. Chez les Eucaryotes, l'ADN est structuré en plusieurs molécules ouvertes, chacune étant considérablement plus longue qu'une molécule d'ADN bactérien. Une connaissance élémentaire du déroulement de la mitose est un co-requis de ce cours (voir cours de biologie générale). 2 La reproduction sexuée Pour pouvoir dégager les caractéristiques essentielles et la fonction de la reproduction sexuée, il est nécessaire de se libérer au préalable du carcan intellectuel que constitue la sexualité de l’Homme. 2.1 Etude de cas n°1: l'espèce humaine L’espèce est représentée par deux catégories d’organismes. Les uns, dits mâles, produisent des cellules flagellées mobiles à cytoplasme très réduit (les spermatozoïdes); les autres, dits femelles, 51 produisent des cellules immobiles et beaucoup plus volumineuses (les ovules, au sens zoologique du terme). La fusion d’un ovule et d’un spermatozoïde engendre une cellule diploïde qui, par un processus de multiplication et différenciation cellulaires se transforme en un nouvel organisme. L’étude des cycles de reproduction des végétaux va nous montrer qu’aucune des particularités que nous avons l’habitude d’associer au phénomène de sexualité n’en est une caractéristique générale: existence de deux catégories d’individus complémentaires très reconnaissables, existence de deux catégories de gamètes, formation des gamètes par méiose, etc. 2.2 Etude de cas n°2: Chlamydomonas Les Chlamydomonas constituent un genre d'algues vertes unicellulaires. Ce sont les organismes les plus simples connus actuellement qui pratiquent la reproduction sexuée. Les populations sont constituées de cellules à deux flagelles apicaux égaux, se reproduisant ordinairement de façon végétative. Chaque cellule adulte subit n mitoses (généralement 2) et son contenu s'organise en 2n endospores identiques à la cellule-mère, mais de taille réduite; elles sont libérées par déchirement de la paroi de celle-ci et fondent une nouvelle génération de cellules végétatives. Un comportement alternatif s'observe occasionnellement, en général à la fin de la saison de croissance active. A ce moment, les cellules élaborées par un processus d'endosporulation identique à celui qui vient d'être décrit, montrent un tout autre comportement. Dès leur libération dans l'eau, ces cellules se rapprochent et fusionnent deux par deux. La cellule résultante perd ses 4 flagelles, s'entoure d'une paroi épaisse, entre en état de vie latente et sédimente au fond de la pièce d'eau. Au retour des conditions favorables (printemps), elle sort de dormance et germe en libérant 4 cellules biflagellées susceptibles d’entamer un nouveau cycle. On notera que, chez Chlamydomonas: i) il n’existe pas deux catégories d’individus identifiables a priori, ii) les cellules qui fusionnent ne sont pas non plus morphologiquement différenciées. Ces deux premières constatations indiquent que des particularités qui nous semblent indissolublement attachées au concept de sexualité n’en sont pas des attributs universels! Nous verrons plus loin que, à d’autres égards, le cycle de l’Homme comme celui de tous les animaux apparaît comme un cas particulier parmi beaucoup d’autres. Essayons donc de dégager les processus essentiels qui caractérisent le sexe de façon tout à fait générale. 52 2.3 Définitions et propriétés générales du sexe Gamètes, gamie; haploïdie, diploïdie Le point commun le plus évident entre le cycle de Chlamydomonas et celui de l’Homme est un processus de fusion entre deux cellules. Cette fusion est appelée gamie ou conjugaison. Les cellules engagées dans une gamie sont des gamètes. La cellule résultant d’une gamie est un zygote. L’examen cytologique révèle que le zygote ne contient qu’un seul noyau. Celui-ci comporte donc une quantité de matériel génétique (donc un nombre de chromosomes) double de celle de chaque gamète. Chez les espèces à reproduction sexuée, on qualifie de diploïdes les cellules qui ont le même nombre de chromosomes que le zygote, et d'haploïdes les cellules qui ont le même nombre de chromosomes que les gamètes. Le bon sens suggère que la complétion du cycle doit faire intervenir un mécanisme de division par deux de la quantité de matériel génétique. Cette division réductionnelle est la méiose. L’étude des modalités de la méiose révèle la propriété la plus fondamentale du sexe. La méiose est le mécanisme par lequel une cellule diploïde produit, par deux divisions successives (d. réductionnelle et d. équationnelle), quatre cellules haploïdes. Une connaissance élémentaire du déroulement de la méiose est un prérequis de ce cours. Rappelons que deux événements essentiels distinguent la méiose de la mitose. 1. A la première métaphase, les chromosomes homologues (issus des gamètes ayant fusionné), se rapprochent et constituent des bivalents. Dans chaque bivalent, l'orientation des chromosomes homologues vers l'un ou l'autre pôle du fuseau se fait au hasard. A l'anaphase I, il se produit une ségrégation indépendante et aléatoire des n paires de chromosomes homologues. On montre aisément qu'il y a 2 n-1 manières possibles de séparer n paires de chromosomes homologues en 2 lots haploïdes. 2. A ce moment, des enjambements (crossing over) se produisent éventuellement entre régions homologues de chromatides différentes. Si l'échange de matériel génétique qui s'ensuit se produit entre deux chromatides non-soeurs (c'est-à-dire appartenant à deux chromosomes homologues), il y a recombinaison entre les informations génétiques différentes portées par deux chromosomes homologues. A partir de ce moment, chaque tétrade est, dans ce cas, formée de quatre chromatides différentes. Par conséquent la méiose produit quatre cellules. En l'absence de crossing over (cas jamais réalisé), ces cellules sont génétiquement semblables deux à deux; elles ne sont identiques aux gamètes qui ont généré la phase diploïde qu’à une probabilité très faible (1/2n-1 où n = nombre de 53 chromosomes à l'état haploïde). Si un (ou plusieurs) crossing(s) over a (ont) eu lieu, les 4 cellules portent un génome différent, forcément distinct de celui des gamètes de la génération haploïde précédente. Le fait essentiel est que les informations génétiques des cellules issues d’une méiose diffèrent entre elles et diffèrent de celles des gamètes qui avaient fondé le zygote. Le sexe apparaît donc comme un mécanisme de recombinaison des informations génétiques et, donc, générateur de cellules aux caractéristiques nouvelles. C’est en cela que la reproduction sexuée diffère de la reproduction asexuée, qui ne peut générer que des cellules génétiquement identiques à celles de la génération précédente. Quels sont les avantages procurés par ces variations nouvelles et qui pourraient expliquer le succès évolutif de la sexualité? 2.4 Avantages de la reproduction sexuée Recombinaisons génétiques La reproduction sexuée est fondamentalement un mécanisme d’échange d’informations génétiques. Elle permet donc l’apparition de nouvelles combinaisons de caractères et, par conséquent, d'individus aux propriétés nouvelles. Qu’entend-on par propriété nouvelle et pourquoi ces nouveautés sont-elles tellement importantes? Imaginons une population de Chlamydomonas comprenant deux catégories d’individus; les uns portent un gène de résistance G1 à un agent pathogène et les autres un gène de résistance G2. Introduisons dans la mare où elle se développe un agent pathogène nouveau (bactérie, champignon, virus), qui tue toutes les cellules n’ayant pas à la fois les gènes G1 et G2. Si notre population ne se reproduit que de façon asexuée, elle disparaîtra totalement. Si, au contraire, elle pratique la reproduction sexuée, il existe une chance pour que certaines cellules reçoivent les deux gènes G1 et G2 et échappent donc à la maladie. Avantages liés à la diploïdie Il existe une faille importante dans le raisonnement que nous venons de tenir. L’avantage de la sexualité ne s’y manifeste qu’à long terme et seulement à l’échelle de toute une population. Les premières cellules qui ont pratiqué la sexualité ne l’ont pas fait “parce que ceci pouvait éventuellement un jour constituer un avantage pour leur descendance”! 54 Il nous faut trouver des avantages plus immédiats à l’accomplissement d’une gamie. On peut en trouver dans le dédoublement de la quantité d’information génétique. La réplication de l’ADN est sujette à des erreurs, analogues à des “fautes de frappe” dans un texte dactylographié. Ces erreurs peuvent avoir des conséquences fatales si elles conduisent la cellule à fabriquer des protéines non fonctionnelles. La correction de ces erreurs n’est possible que si la cellule dispose d’une seconde information (“un texte original sans erreur”). Une cellule haploïde est donc dans l’incapacité de le faire. Les biologistes s’accordent aujourd’hui à penser que l’avantage immédiat de l’état diploïde est la possibilité pour la cellule de réparer les erreurs de recopiage de l’ADN, exactement comme nous corrigeons les fautes de frappe d’un document dactylographié, par comparaison avec un manuscrit original. 2.5 “Coût” de la sexualité Si les avantages du sexe étaient réellement déterminants en toutes circonstances, on devrait s’attendre à ce que toutes les espèces vivantes aient adopté le sexe comme mode de reproduction exclusif. La suite du cours montrera qu’il n’en est rien. Recherchons les désavantages éventuels associés au sexe et qui pourraient expliquer cette observation. Les mécanismes moléculaires de la méiose sont plus complexes que ceux de la mitose. La durée moyenne d'un cycle mitotique varie entre 15 minutes et 4 heures, tandis que celle d'un cycle méiotique oscille entre 10 heures et 100 heures selon les espèces. La conjugaison est également un processus long. De plus, la probabilité pour un gamète de rencontrer un partenaire est en règle générale extrêmement faible; les gamètes qui restent “célibataires” constituent une perte de matière et d'énergie pour la population. De plus, la conjugaison est un stade du cycle de vie particulièrement vulnérable aux prédateurs; elle favorise également la transmission et l'extension dans la population d'organismes pathogènes (bactéries, virus). On appelle coût de la sexualité l'ensemble des pertes de temps, de matière et d'énergie et des risques que représente un cycle de reproduction sexuée relativement à cycle de reproduction végétative. Ce coût se traduit en fin de compte par un taux d'accroissement relatif (dN/Ndt) plus faible chez les unicellulaires à reproduction sexuée que chez les unicellulaires à reproduction asexuée, toutes choses étant égales par ailleurs. L'existence d'un coût à la sexualité rend compte notamment des observations suivantes : 1°) la sexualité paraît rare ou inexistante chez beaucoup d’organismes unicellulaires (Pyrrhophyta, Euglenophyta); 55 2°) chez les algues unicellulaires à reproduction sexuée, la sexualité est typiquement intermittente, n'intervenant le plus souvent qu'une seule fois, à la fin de la saison favorable; en effet, dans ces conditions: - la population a atteint une densité élevée, ce qui maximise le taux de conjugaisons réussies - la méiose et la conjugaison interviennent au moment où la population a presque fini de croître et n'ont donc que peu de conséquences négatives sur son effectif final. - l'occupation rapide du milieu pendant la saison favorable est assurée par la reproduction végétative. 3°) chez les organismes pluricellulaires en règle générale, la reproduction sexuée est assurée par un petit nombre de cellules spécialisées (“germen”) et interfère relativement peu avec la croissance des autres cellules (“soma”) de l'organisme. Les quelques situations évoquées ci-dessus illustrent combien le compromis entre coûts et avantages de la reproduction sexuée est spécifique du groupe d'organismes envisagé. Au total, on peut conclure que la reproduction sexuée est favorable principalement dans des environnements variables dans l'espace (hétérogènes) et/ou dans le temps (fluctuants). Au contraire, la multiplication végétative est le mécanisme le plus efficace pour la colonisation rapide et l'occupation maximale d'habitats stables et homogènes. 3 La notion d’alternance de phases Un cycle de reproduction sexuée comprend toujours, par définition, une méiose et une gamie. On appelle haplophase la phase haploïde du cycle, c’est-à-dire celle qui commence à la méiose et s’achève à la gamie suivante. La diplophase est la phase diploïde du cycle, c’est-à-dire celle qui commence à la gamie et s’achève à la méiose suivante. Il y a donc alternance de deux phases cytologiques au cours d'un cycle sexué : Dans le cycle de l’Homme, l’haplophase est réduite aux gamètes; ceux-ci sont formés par une méiose. Toutes les autres cellules sont diploïdes. Cette situation, qui nous paraît générale n’est qu’un cas particulier. Aloes qu'elle prévaut chez les Animaux, elle est par contre exceptionnelle chez les autres organismes vivants. Par exemple, dans le cycle de Chlamydomonas, toutes les cellules sont haploïdes sauf le zygote; la méiose a lieu au moment de la germination du zygote. 56 En fait, l’importance relative de l’haplophase et de la diplophase permettent de définir trois types fondamentaux de cycles de reproduction. 4 Les trois types fondamentaux de cycle de reproduction sexuée 4.1 Cycles monogénétiques haploïdes (type: Chlamydomonas) Dans le cycle sexué de Chlamydomonas, la phase haploïde est représentée par des cellules végétatives engagées dans plusieurs cycles successifs de mitoses. La phase diploïde, au contraire, n'est représentée que par une seule cellule, le zygote, qui ne subit aucune mitose avant de subir la méiose. On ne trouve pas, par conséquent, de Chlamydomonas diploïde dans la nature. Ce type de cycle est dit monogénétique haploïde et la méiose qui y correspond est dite zygotique. Le qualificatif monogénétique signifie que le cycle ne comporte qu’une seule génération morphologique. 4.2 Cycles monogénétiques diploïdes (type: Homo sapiens) Dans le cycle de l’Homme, la phase cytologique haploïde n’est représentée que par les gamètes. Ceux-ci sont formés par méiose. Cette méiose est qualifiée de gamétique. Toutes les autres cellules du cycle sont diploïdes. Ceci découle du fait que, contrairement à ce qui se passe chez Chlamydomonas, les cellules formées par méiose subissent immédiatement une gamie, sans qu’il y ait eu de multiplication mitotique de ces cellules. Ce type de cycle est qualifié de monogénétique diploïde. 4.3 Cycles digénétiques haplo-diploïdes (type: Ulva lactuca) Ulva lactuca est une algue verte pluricellulaire marine très commune sur les côtes d’Europe occidentale. Elle forme des lames foliacées vertes et minces à bord sinueux, ressemblant à des feuilles de laitue, d’où son nom commun de laitue de mer; elle peut d’ailleurs être consommée en salade. Chez tous les individus d’une population, les cellules de la marge du thalle produisent des cellules flagellées qui sont libérées par une ouverture de la paroi. Chez certains individus, ces cellules sont biflagellées et ressemblent très fort à des Chlamydomonas. Ces cellules sont destinées à fusionner deux par deux: ce sont donc des gamètes. La gamie fait intervenir deux gamètes obligatoirement produits par des individus différents. 57 Le zygote ne se comporte pas comme chez Chlamydomonas. Au lieu de subir immédiatement une méiose, il germe (sur un rocher, un brise-lame, etc.) et produit, par une succession de divisions mitotiques, un individu morphologiquement identique à ceux qui avaient produit les gamètes. Cet individu libère, lui aussi, des cellules flagellées (à quatre flagelles). Toutefois, le destin de ces cellules est tout différent de celui des gamètes. Elles germent sur un substrat adéquat (rocher, etc.) et produisent, par une succession de divisions mitotiques, un nouvel individu. Celui-ci se comportera comme celui dont nous étions partis. L’interprétation la plus logique qu’on puisse donner à ce cycle est la suivante. Les individus producteurs de gamètes sont haploïdes. Ils produisent des gamètes par mitose, comme Chlamydomonas. Le zygote génère un individu diploïde, qui produit des spores par méiose (méiospores). Ces spores fondent de nouveaux individus haploïdes. On arrive donc à la conclusion étonnante que les populations de Ulva lactuca sont constituées de deux catégories d’individus morphologiquement indistingables: des individus haploïdes producteurs de gamètes (gamétophytes) et des individus diploïdes producteurs de spores (sporophytes). Cette espèce n’est donc à proprement parler ni haploïde, ni diploïde! Ce cycle, comprenant deux générations morphologiques multicellulaires, est qualifié de digénétique haplo-diploïde. La méiose est dite sporique. Cette situation est proprement inimaginable si on ne se débarrasse pas au préalable du carcan intellectuel que constitue l’exemple de la sexualité humaine! Chez Ulva, la phase sporophytique et la phase gamétophytique sont représentées par des organismes morphologiquement indistingables. On qualifie ce cycle de digénétique isomorphe. Toutefois, chez beaucoup d’espèces digénétiques, le gamétophyte et le sporophyte ont des morphologies très différentes. Le cycle est alors qualifié d’hétéromorphe. Les cycles digénétiques sont très répandus chez les Algues et sont les seuls représentés chez les Métaphytes. Ils n’existent pas chez les animaux (sauf certains protozoaires). 5 Terminologie généralisée pour un cycle digénétique haplo-diploïde chez une algue pluricellulaire 5.1 Phase haploïde Le gamétophyte élabore des cellules spécialisées, les gamétocystes (du grec kustis, vessie), qui se différencient chacun en 2n gamètes par n mitose(s) ou dont le contenu tout entier se transforme en un seul gamète (cas où n = 0). 58 Les gamètes, libérés ou non dans le milieu extérieur, fusionnent par deux selon des modalités très variées. Les gamètes conjugants peuvent être morphologiquement identiques (isogamie) ou différents (anisogamie). 5.2 Phase diploïde Le zygote germe et à la suite d'un processus de développement par mitoses, se transforme en un organisme pluricellulaire diploïde, le sporophyte. Celui-ci élabore des cellules spécialisées, les sporocystes, dont le noyau subit une méiose. Chaque sporocyste libère donc 4 méiospores haploïdes (parfois plus si la méiose est suivie d'une ou plusieurs mitoses). La germination des méiospores commence une nouvelle phase haploïde. 6 Diversité des modalités de la gamie Chez les plus primitifs des groupes à reproduction sexuée, il n'y a pas de différenciation de deux catégories de gamètes. On dit qu'il y a isogamie. Cette situation, relativement étonnante puisqu’elle ne se rencontre pas chez les animaux, illustre le fait que la reproduction sexuée n’implique pas nécessairement la différenciation d’individus “mâles” et “femelles”. L'isogamie est parfaite si la probabilité de conjugaison est la même pour toutes les paires de gamètes possibles. Cette situation est rare. Le plus souvent, il y a anisogamie physiologique même dans les cas où l'isogamie morphologique est stricte. Ainsi, chez beaucoup d'espèces de Chlamydomonas, deux gamètes ne peuvent conjuguer que s'ils appartiennent à deux types physiologiques complémentaires (souvent notés, par commodité, “+” et “-”). En cas d'isogamie morphologique, on ne peut pas parler de gamète mâle et de gamète femelle. Au sens strict, les cycles de reproduction caractérisés par une isogamie ne pourraient pas être qualifiés de sexués mais seulement de gamétiques. L'usage, pourtant, a généralisé l'emploi de l'adjectif sexué à tous les cycle gamétiques. En cas d'anisogamie morphologique, par convention, les gamètes de grande dimension sont dits femelles, tandis que les gamètes de petite dimension sont dits mâles. Si ces deux catégories de gamètes peuvent être produits par un même individu, on parle d'homothallisme, et d'hétérothallisme dans le cas contraire. L'anisogamie morphologique est toujours associée à une anisogamie physiologique. L'oogamie est un cas d'anisogamie extrême où le gamète femelle, appelé alors oosphère, est considérablement plus gros que le gamète mâle et est dépourvu de flagelles. Le gamète mâle, ou spermatozoïde, est souvent presque dépourvu de cytoplasme. Nous étudierons plus tard les modalités très particulières de la gamie chez d'autres groupes, comme les Spermatophytes et les champignons. 59 Chez certains champignons (Basidiomycètes), ni gamétocystes ni gamètes ne se différencient et la gamie réunit deux cellules somatiques qu'aucune différenciation préalable ne paraît destiner à un rôle sexuel, d'où le terme de somatogamie. Un cas très étonnant, que l'on peut rapprocher de la somatogamie est l'hologamie, ou fusion d'individus entiers, se comportant alors eux-mêmes comme des gamètes. L'hologamie ne concerne évidemment que des êtres unicellulaires (ex.: Algues Desmidiées, Levures, etc...). L'existence de phénomènes tels que la cystogamie, la somatogamie et l'hologamie montre que le rôle sexuel peut être dévolu à des éléments qui ne sont pas forcément différenciés en gamètes, mais qui en assurent néanmoins la fonction. Les Algues montrent des modalités de gamie très diversifiées (voir chapitre 7). En particulier, tous les stades intermédiaires entre l'isogamie morphologique et l'oogamie peuvent se rencontrer au sein d'un même embranchement (ex.: Algues brunes, Algues vertes), voire au sein d'un même genre (ex.: Chlamydomonas et Volvox, deux genres d'Algues vertes). En règle générale, cependant, cette différenciation croissante de deux types gamétiques semble aller de pair chez ces groupes d'algues (spécialement les algues brunes), avec la complexité croissante de l'appareil végétatif et avec l'accroissement de la phase sporophytique dans le cycle de reproduction. 7 Origine de l'anisogamie Le niveau le plus élémentaire de la différenciation de deux catégories d'individus sexuellement complémentaires dans les populations à reproduction sexuée est l'anisogamie. Parmi les eucaryotes actuels, l'isogamie ne se rencontre que chez quelques groupes primitifs. Il faut donc admettre que l'apparition de l'anisogamie représente un gain d'efficacité par rapport à l'isogamie. L'anisogamie physiologique et l'anisogamie morphologique seront envisagées successivement. 7.1 Anisogamie physiologique La rencontre de deux gamètes nageant chacun selon une trajectoire aléatoire et indépendante dans un milieu aqueux est un mode de gamie forcément peu efficace. Dans un tel système, toute innovation qui permet à un gamète d'être informé de la présence d'un partenaire et d'orienter ses déplacements vers ce partenaire accroît considérablement la probabilité de fusion des gamètes. La situation la plus simple est celle où chaque gamète signale sa présence en émettant dans le milieu une molécule-signal (phéromone) et est pourvu sur sa membrane de récepteurs chimiques susceptibles de reconnaître cette molécule signal et d'induire un déplacement orienté vers la cellule émettrice (chimiotactisme). Dans ces conditions, chaque gamète de la population informe les autres de sa présence et est informé de la leur. La faible efficacité de ce système est évidente. En effet, les récepteurs d'un gamète ont une probabilité non nulle d'entrer en contact avec une 60 molécule de phéromone émise par ce même gamète, et suivant un raisonnement symétrique, les phéromones émises par un gamète risquent de ne pas pouvoir diffuser efficacement dans le milieu, puisqu'elles sont reconnues par la cellule émettrice elle-même. Dans ces conditions, la perte par une partie des gamètes de la capacité de produire la phéromone accroît l'efficacité de leurs récepteurs, et accroît donc l'efficacité avec laquelle ils peuvent se diriger vers un partenaire. Par conséquent, ce type de gamètes à une probabilité plus élevée de pouvoir conjuguer, et les individus produisant ce type de gamètes vont se répandre dans la population à chaque cycle sexué. Suivant un raisonnement symétrique, la perte par une partie des gamètes de départ des récepteurs membranaires de la phéromone améliore leur performance "d'émetteur" de phéromones et, de là, accroît leur probabilité de conjuguer. Par conséquent, le système de départ, isogame, à gamètes ambivalents, apparaît donc instable et tend à être remplacé par un système à 2 catégories de gamètes complémentaires, les uns émetteurs et les autres récepteurs de phéromone. Il semble donc que le chimiotactisme conduit nécessairement à l'anisogamie physiologique. Cette hypothèse semble confirmée par le fait que le chimiotactisme n'a pas pu être mis en évidence chez les algues strictement isogames. 7.2 Anisogamie morphologique L'anisogamie morphologique est une solution au conflit d'intérêt qui existe inévitablement entre l'individu producteur de gamètes et ses descendants issus de la gamie (ou de méiose après gamie). La sélection naturelle tend évidemment à favoriser la production de descendants nombreux. L'individu producteur de gamètes " a intérêt" à produire des gamètes petits, très mobiles et en grand nombre pour maximiser le nombre de zygotes qu'il peut contribuer à former. Par contre, le zygote “a intérêt” à être le plus gros possible, puisque la probabilité pour un zygote de fonder avec succès une nouvelle génération croît avec la quantité de réserves dont il dispose; cette quantité de réserves dépend elle-même de la taille des gamètes qui ont formé le zygote. L'anisogamie est une solution à ce dilemme puisque chacune des deux catégories de gamètes optimise une fonction différente: les gamètes mâles petits et mobiles assurent une probabilité de gamie élevée, tandis que les gamètes femelles gros et peu nombreux maximisent la quantité de ressources transmises au zygote. 61 CHAPITRE 6 Les Champignons 1 Définition Au sens très large du terme, les Champignons ou Mycètes constituent un groupe très hétérogène d'organismes eucaryotiques ayant pour la plupart en commun: • Un appareil végétatif constitué de filaments (mycélium) mais parfois unicellulaire (levure) • Un métabolisme chimiohétérotrophe • Vivent dans leur nourriture et l’assimilent grâce à la production d’enzyme (assimilation de petites molécules organiques par osmotrophie) • Paroi de la cellule contenant de la chitine • Un cycle de vie comprend une phase « spore » Par ailleurs, les champignons sont généralement : • Non mobiles • Une reproduction sexuée ou asexuée • Des décomposeurs importants Dans le système de Margulis, on les trouve séparés dans deux règnes. - Le règne des Champignons au sens restreint, comprend des organismes le plus souvent multicellulaires, présentant généralement un certain degré de différenciation cellulaire, à mycélium cloisonné, et ne possédant aucune cellule flagellée. - Le reste des Mycètes est conservé dans le règne des Protoctistes. Ce sont des organismes généralement microscopiques, à très faible degré de différenciation cellulaire et dont au moins un type cellulaire est pourvu de flagelles. A ces Protoctistes "fongiformes", on adjoint généralement deux groupes constituant un état de transition entre le monde animal et le monde des champignons: les Myxomycètes et les Acrasiomycètes. Les Protoctistes "fongiformes" demeurent une énigme taxonomique, même dans le système moderne des cinq règnes. Ils ressemblent aux Champignons sensu stricto par l'apparence et le mode de vie. Tous produisent à un moment de leur cycle de vie des spores haploïdes. 62 Nota bene: Dans le langage courant, le mot champignon n'a pas le même sens qu'en botanique. Il désigne l'organe reproducteur (carpophore) de certains mycètes. 2 Protoctistes "fongiformes" 2.1 Embranchement des Myxomycètes Les Myxomycètes, avec les Acrasiomycètes, illustrent bien l'absence de limite nette entre le "mode de vie animal" et le "mode de vie fongique" au niveau des Protoctistes. L'appareil végétatif présente une structure tout à fait originale: c'est un plasmode. Un plasmode est un thalle cénocytique sans forme définie. Cénocytique signifie qu'il est constitué d'une masse cytoplasmique unique, non cloisonnée en cellules distinctes, dans laquelle on trouve des milliers de noyaux. Le plus souvent, les noyaux du plasmode sont diploïdes et leur division est synchrone. Le plasmode étend ses pseudopodes dans l'humus humide, le bois pourri, etc., ce qui lui permet d'augmenter sa surface de contact avec un substrat riche en matière organique. Il se comporte un peu comme une amibe géante. Il englobe des particules de matière organique par phagocytose. Il manifeste donc un mode de vie intermédiaire entre celui des champignons (l'appareil végétatif ressemble à un mycélium) et celui des Protozoaires (phagocytose). A un moment donné du cycle de vie, le plasmode cesse son activité d'acquisition de nourriture. Il s'immobilise, et s'organise en structures productrices de spores: les sporocarpes. Chaque sporocarpe comprend des cellules qui subissent la méiose. Il libère des méiospores haploïdes, munies d'une paroi résistante. Lorsqu'une spore trouve des conditions favorables, elle germe et produit une cellule haploïde active. Fait extraordinaire, chaque spore donne naissance à une cellule végétative, qui peut être alternativement amiboïde ou flagellée. Les cellules de même type s'apparient (les flagellées ensemble, les amiboïdes ensemble; isogamie) et forment un zygote diploïde. Le noyau du zygote entre en mitose, sans qu'intervienne de division du cytoplasme, et forme un plasmode en phase de croissance. Le cycle est du type monogénétique diploïde. Espèces fréquentes et faciles à observer: Reticularia lycoperdon: le plasmode forme une masse mousseuse, ressemblant à de la semoule; cette masse se déplace sur le sol et "grimpe" le long des tiges des plantes au moment de l'élaboration des spores. 63 Lycogala epidendron: les sporocarpes atteignent 1 cm de diamètre et ressemblent à des petites "vesses de loup" de couleur rose. 2.2 Embranchement des Acrasiomycètes Les Acrasiomycètes sont des organismes hétérotrophes existant soit à l'état de cellules libres, soit d'un pseudoplasmode cellularisé. Ce groupe d'organismes est "doublement" intermédiaires: - transition entre l'état uni- et l'état pluricellulaire, - transition entre le mode de vie "animal" et le mode de vie "fongique". Pendant le stade de croissance du cycle de développement, les Acrasiomycètes sont représentés par des cellules isolées, de type amiboïde, pratiquant la phagocytose. Quand la source de nourriture est épuisée, les cellules se regroupent en un amas multicellulaire de forme indéfinie (pseudoplasmode), qui fonctionne comme une unité. Ce pseudoplasmode se déplace un peu comme une limace. Le pseudoplasmode peut s'organiser en sporocarpe: à ce moment se manifeste une différenciation cellulaire: certaines cellules se dessèchent et constituent le pédicelle du sporocarpe, alors que d'autres cellules rampent par-dessus ces cellules mortes, et s'unissent en une masse ovoïde et se différencient en spores résistantes. Celles-ci sont dispersées par le vent. Le plus souvent, le cycle se déroule sans l'intervention d'une gamie. Il est haploïde, et ne comprend aucune cellule flagellée. 2.3 Embranchement des Oomycètes (= Phycomycètes) Organismes hétérotrophes à thalle constitué de filaments cénocytiques ramifiés (hyphes). Les hyphes comportent une paroi rigide. Par tous ces caractères, les Oomycètes se rapprochent très fort du règne des Champignons sensu stricto. Toutefois, cette ressemblance ne reflète probablement pas une parenté évolutive très étroite. En effet, les Oomycètes se distinguent des champignons par les caractères fondamentaux précisés dans le tableau 1. Tableau 1. Différences entre Oomycètes et champignons au sens strict. 64 Paroi cellulaire Oomycètes Champignons au sens strict Cellulose (polymère de glucose) Chitine (polymère d'acétyglucosamine) Cycle de À phase diploïde dominante reproduction Spores flagellées, nageuses différent Toujours sans flagelles Tous les Oomycètes sont des organismes microscopiques, revêtant l'aspect de moisissures. Beaucoup d'Oomycètes sont aquatiques. Ils forment des masses duveteuses sur les animaux ou les algues morts, ou sont parasites de poissons. La plupart des Oomycètes terrestres sont principalement des parasites de plantes vasculaires. Certains des agents pathogènes les plus redoutés en agriculture sont des Oomycètes: le mildiou de la pomme de terre (Phytophtora infestans) et le mildiou de la vigne (Plasmopara viticola). Le mildiou de la vigne, Plasmopara viticola est un parasite redoutable. Originaire d’Amérique du Nord, ce champignon a été introduit en France en 1878, en même temps que des cépages américains. Observé d’abord dans le Bordelais, il se propagea en cinq ans aux vignobles de toute l’Europe. La maladie peut toucher les feuilles, les tiges et les fruits. Prenons l’exemple de l’atteinte foliaire. Le thalle du mildiou est constitué d’hyphes cénocytiques ramifiées, à paroi constituée principalement de cellulose. Les hyphes du parasite envahissent les espaces intercellulaires du mésophylle. Elles émettent des suçoirs s’enfonçant dans les cellules. Elles se nourrissent des sucres produits par les cellules du parenchyme chlorophyllien de la feuille. Les portions de feuille envahies, ou taches d’infection, ne tardent pas à se décolorer. Par les stomates de la face dorsale de la feuille, font saillie des portions du thalle spécialisées dans la production de zoosporangium (=sporocystes). Ce sont des hyphes ramifiées en grappe, dont chaque rameau se termine par trois pointes, portant chacune un zoosporangium. Les zoosporangia se détachent et sont emportés par le vent ou par la pluie, assurant ainsi la dispersion de l’organisme. Une fois déposé sur une feuille de vigne, le zoosporangium s’ouvre et libère 5 à 8 spores à deux flagelles (comme elles sont mobiles, on les appelle zoospores). Chaque zoospore germe aussitôt en émettant un filament mycélien qui, par un stomate, pénètre dans une feuille. Ce mode d’infestation peut recommencer plusieurs fois par un cycle de reproduction asexué au cours de l’été (infections secondaires). A la fin de l’été, dans certaines tâches d’infection, des antheridium et des oogonium peuvent se former pour une reproduction sexuée. Les zygotes et ensuite les oospores (2n) se forment. Les oospores sont des œufs formées à l'intérieur des tissus de la vigne au cours de l'automne. Après la chute des feuilles, ils survivent dans la litière au sol. Au printemps, lorsque la température dépasse le 12 °C, les oospores germent et donnent naissance à de nombreuses zoospores. À l'occasion de 65 pluies printanières, les zoospores sont projetées par les éclaboussures d'eau sur les organes aériens de la vigne les plus proches du sol. Les zoospores migrent alors vers les stomates, perdent leurs flagelles et émettent un promycélium qui pénètre le limbe (infection primaire). Celui-ci produit de nombreux hyphes mycéliens qui s'infiltrent entre les cellules, envahissent complètement une zone de tissus et provoquent une lésion locale. La maladie se répand particulièrement vite lorsque certaines conditions climatiques sont réunies (temps doux et humide). La lutte consiste traditionnellement à appliquer préventivement des bouillies cupriques (bouillie bordelaise : mélange d’eau, sulfate de cuivre et chaux). Le mildiou de la pomme de terre a provoqué en 1846-1848 une telle famine en Europe occidentale qu'en 5 ans, l'Irlande y a perdu un quart de ses habitants, émigrés vers les Etats-Unis (parmi eux l'ancêtre du futur président Kennedy !). 2.4 Embranchement des Chytridiomycètes Non vu. 3 Le règne des Champignons 3.1 Embranchement des Zygomycètes L’embranchement des Zygomycètes est le moins diversifié dans le règne des champignons (~1000 espèces). Le mycélium est souvent siphonné, c'est-à-dire dépourvu de cloisons transversales. Il n’y a pas de carpophore comme chez les Ascomycètes et les basidiomycètes. Aspect général: moisissures. Mode de vie: la plupart sont saprophytes. Exemple: le Mucor et le Rhizope, moisissures blanches à sporocystes noirs, se développant sur le pain ou la confiture. 3.2 Embranchement des Ascomycètes Généralités Plus de 48000 espèces d’Ascomycètes ont été décrites à ce jour. Le mycélium est cette fois cloisonné. Les sores mûrissent à l'intérieur d'un sporocyste, l'asque, généralement en forme de massue. Beaucoup sont des moisissures, et se reproduisent le plus souvent de façon asexuée (pas de production d'asques) (Ex.: Les Penicillium. Moisissures souvent vertes) Les levures sont des Ascomycètes particuliers, qui ne présentent plus de mycélium. Elles sont constituées de cellules isolées se reproduisant par bourgeonnement. A l'état naturel, elles se développent sur la peau des fruits. 66 Certains Ascomycètes forment des carpophores visibles à l'œil nu, dont certains sont comestibles (Ex.: les Truffes, les Morilles, les Pezizes). Cycle de reproduction et structure du carpophore d'un Ascomycète à carpophore cupuliforme (Discomycète) Les spores germent sur le sol et produisant un filament cloisonné à articles uninucléés, haploïdes. Ces filaments se ramifient abondamment et constituent le mycélium primaire. Lorsque deux mycéliums primaires se rencontrent, ils peuvent entrer en phase de reproduction sexuée. Sur un des deux mycéliums primaires, se différencie alors une cellule multinucléée qui se comporte comme un gamétocyste mâle (antheridium). A proximité immédiate de celui-ci, l'autre mycélium primaire différencie une grosse cellule multinucléée, l'ascogone, ayant valeur de gamétocyste femelle. Le transfert des noyaux mâles dans l'ascogone se fait par l'intermédiaire d'un filament émis par celui-ci, le trichogyne, établissant une communication entre l'ascogone et le gamétocyste mâle. Dans l'ascogone fécondé, les noyaux mâles et femelles se rapprochent par paires, mais sans cependant fusionner. L'ascogone fécondé émet des hyphes cloisonnés dont chaque article contient deux noyaux: l'un descendant d'un noyau gamétique femelle, l'autre d'un noyau gamétique mâle. Le carpophore est élaboré à la fois par des filaments haploïdes dérivés des deux mycéliums primaires, et par les hyphes dicaryotiques formées après la fécondation. Le carpophore, en forme de coupe, comporte un faux tissu extérieur haploïde et une surface fertile, l'hyménium. L'hyménium est constitué d'une assise dense et très régulière d'asques, entremêlées de poils stériles haploïdes, les paraphyses. Aux extrémités des hyphes dicaryotiques, se différencie une cellule ayant valeur de sporocyste: l'asque. Elle est le siège de la caryogamie, produisant un zygote diploïde. Celle-ci est suivie d'une méiose et d'une mitose. L'asque contient alors 8 ascospores haploïdes, alignées en une file. Les spores sont expulsées par un opercule s'ouvrant au sommet de l'asque. Il s'agit donc d'un cycle digénétique: la phase haploïde a valeur de gamétophyte; la phase dicaryotique, quoiqu'elle ne mène pas d'existence indépendante, peut être considérée comme un sporophyte. 3.3 Les Basidiomycètes Plus de 30.000 espèces de Basidiomycètes ont été décrites. Ces champignons présentent un mycélium cloisonné. Les spores sont produites généralement par quatre et murissent à l'extérieur 67 du sporocyste (la baside). Les basides sont portées par une structure complexe, le carpophore. La plupart des "champignons" au sens commun du terme, sont des carpophores de Basidiomycètes. Cycle d'un Basidiomycète Les spores germent et produisent un mycélium à articles uninucléés: le mycélium primaire. Une gamie est possible entre mycéliums primaires sexuellement compatibles. Ce sont deux cellules banales qui s'engagent dans un processus de gamie. Leurs contenus fusionnent, mais les noyaux restent séparés. C'est donc une plasmogamie (fusion des cytoplasmes). Le résultat de la plasmogamie est une cellule binucléée, ou dicaryon. Cette cellule fonde par mitoses un mycélium secondaire dicaryotique. Dans des conditions d'humidité et de température particulières, le mycélium secondaire peut élaborer un organe reproducteur, la carpophore ou sporocarpe. Le carpophore, peut comporter un pied et un chapeau. Les tissus qui élaborent les spores se forment à la face inférieure du chapeau, et s'organisent en pores ou en lames. Les pores et les lames sont tapissés de basides. Chaque baside est un méiosporocyste. Les deux noyaux y subissent d'abord une caryogamie. Celle-ci est suivie immédiatement par une méiose. Les quatre noyaux haploïdes migrent au sommet de la baside et sont incorporés à des spores. Chaque spore est portée par un appendice filiforme, le stérigmate. A maturité, elles s'en détachent et sont emportées par le vent. Le cycle peut être interprété comme digénétique. Le mycélium primaire joue le rôle de gamétophyte. Le mycélium secondaire joue le rôle de sporophyte. L'existence d'une génération morphologique dicaryotique est unique dans le monde vivant. Modes de vie des Basidiomycètes Trois modes de vie sont représentés dans ce groupe: le parasitisme, le saprophytisme et la symbiose. Les Basidiomycètes parasites se développent dans les tissus d'un organisme vivant, le plus souvent une plante. Ils absorbent des molécules organiques simples. Certains Basidiomycètes parasites sont très redoutés en sylviculture, notamment l'armillaire couleur de miel (Armillaria mellea). Les Basidiomycètes saprophytes se développent aux dépens de matière organique morte. Ils possèdent un arsenal varié d'enzymes hydrolytiques: cellulases (dégradation de la cellulose), ligninases (dégradation de la lignine), etc. Ce sont des agents essentiels de la décomposition de la matière organique végétale morte dans la plupart des écosystèmes terrestres. En particulier, la décomposition du bois (pourriture) est essentiellement l'œuvre des champignons. 68 Les basidiomycètes symbiotiques sont incapables de dégrader la matière organique. Ils vivent en association avec les racines des plantes vertes qui leur fournissent des molécules organiques simples (sucres, acides aminés, etc.). Ces champignons forment autour des racines de leur hôte un manchon mycélien (mycorhize). Certaines hyphes pénètrent dans la racine, mais restent confinées aux espaces intercellulaires. Il s'agit bien d'une association à caractère mutualiste. Le champignon fournit à la plante des composés minéraux, en particulier du phosphore. Le phosphore est un élément peu abondant dans les sols, que les plantes se procurent difficilement (faible solubilité des phosphates). Les hyphes des champignons améliorent l'approvisionnement des plantes en phosphore par au moins deux mécanismes. D'une part, elles explorent un volume de sol beaucoup plus important que celui auquel les racines non mycorhizées ont accès. D'autre part, les hyphes possèdent la capacité de mobiliser des formes du phosphore qui sont normalement inaccessibles aux plantes. Les mycorhizes sont indispensables au développement normal des plantes sur les sols pauvres en éléments minéraux. 3.4 Mycorhizes Une mycorhize est une association mutualiste à caractère symbiotique, entre un champignon et l'appareil racinaire d'un métaphyte. On distingue plusieurs types de mycorhizes; les deux types les plus répandus sont les ectomycorhizes et les endomycorhizes. Ectomycorhizes Les ectomycorhizes (ou mycorhizes ectotrophes) concernent 3% des espèces de Spermatophytes, essentiellement des arbres des forêts tempérées et boréales (familles des Fagaceae et des Pinaceae, notamment). Les champignons impliqués sont principalement des Basidiomycètes supérieurs, appartenant notamment à l'ordre des Agaricales (champignons formant un carpophore constitué d'un pied et d'un chapeau à lamelles). Une grande partie des champignons forestiers de nos régions (plusieurs centaines d'espèces) sont mycorhiziens. Quelques Ascomycètes forment également des mycorhizes; un des plus connus est la Truffe, en symbiose obligatoire avec le chêne. Chez les ectomycorhizes, les hyphes du champignon forment autour des racines de l'arbre un manchon ou une gaine d'aspect plus ou moins feutré atteignant quelque dizaines de micromètres d'épaisseur. De cette gaine rayonnent des hyphes dans le substrat, tandis que d'autres hyphes envahissent les espaces intercellulaires des assises externes du cortex, y formant le "réseau de Hartig". Ces hyphes ne pénètrent pas dans les cellules et n'envahissent jamais la stèle. 69 La racine mycorhizée subit des modifications morphologiques: elle perd ses poils absorbants, sa croissance en longueur est ralentie et elle adopte un aspect caractéristique, coralloïde, dendroïde ou noduleux. Si beaucoup d'essences forestières sont obligatoirement mycorhizées, d'autres ne le sont que facultativement et certaines pas du tout (par ex.: le peuplier tremble est toujours mycorhizé, mais le peuplier noir, jamais). De même, si certains champignons sont obligatoirement mycorhiziens, d'autres ont aussi la possibilité de vivre en saprophytes des litières. Plus de 5000 espèces de macromycètes (terme sans valeur taxonomique désignant les champignons à carpophore de grande dimension) peuvent être mycorhiziennes. La mycorhization montre une spécificité variable selon les champignons : certains ne peuvent entrer en symbiose qu'avec une seule espèce de plante, d'autres ont des partenaires plus diversifiés. Endomycorhizes Les endomycorhizes (ou mycorhizes endotrophes) sont de très loin les mycorhizes les plus répandues. Elles concernent au moins 80% des Spermatophytes ainsi que de nombreux Ptéridophytes et Bryophytes. Contrairement aux ectomycorhizes, on les rencontre aussi bien chez des plantes herbacées que chez des ligneux, et sous tous les climats. Seules trois familles d'Angiospermes en paraissent dépourvues : les Chenopodiaceae, Brassicaceae et Cyperaceae. Les champignons engagés dans des endomycorhizes appartiennent à l'embranchement des Zygomycètes, ordre des Mucorales (champignons inférieurs, sans carpophore, du type "moisissure", à hyphes non cloisonnées). Deux genres, (Glomus et Endogone), comprenant quelques dizaines d'espèces, ont pu être identifiés. Ces champignons ne peuvent pas être cultivés in vitro sans leur hôte : ils sont donc obligatoirement mycorhiziens. Etant donné le petit nombre d'espèces de champignons impliquées, cette symbiose est forcément peu spécifique. Chez deux familles d'Angiospermes (Ericaceae et Cistaceae) comprenant principalement des sousarbrisseaux constituant les landes acides sur mor en région tempérée et boréale et des maquis sur sol siliceux très sec en région méditerranéenne, les endomycorhizes, toujours présentes, sont formées par des champignons supérieurs à hyphes septées (Ascomycètes). Chez les endomycorhizes, on n'observe pas de gaine mycélienne périracinaire, tout au plus les hyphes forment-elles un réseau lâche à la surface de la racine. De là, rayonnent dans le sol des hyphes éventuellement productrices de spores énormes, atteignant 200 micromètres (reproduction asexuée), et des hyphes qui pénètrent dans la racine. A la grande différence des ectomycorhizes, les endomycorhizes montrent des hyphes intracellulaires. Elles peuvent être de 70 deux formes. On observe d'une part des hyphes formant des pelotonnements intracellulaires très ramifiés ("arbuscules"), et d'autre part des hyphes terminés par une grosse "vésicule" intracellulaire (100 micromètres). Pour cette raison, on parle souvent de mycorhizes vesiculoarbusculaires ("V.A.M."). Les hyphes ne pénètrent habituellement pas dans la stèle. Toutefois, chez les Ericaceae et les Cistaceae, elles envahissent l'appareil aérien et atteignent même le fruit: au moment de leur dispersion, les graines emportent avec elles un fragment d'hyphe qui assure ainsi la mycorhization précoce de la plantule. Dans les autres cas, la mycorhization est réalisée à partir des spores présentes en abondance dans la majorité des sols. Ecophysiologie des mycorhizes Les connaissances actuelles sur l'écophysiologie des mycorhizes peuvent être résumées comme suit. 1. Les champignons mycorhiziens sont généralement incapables de dégrader la cellulose et la lignine et ne peuvent donc pas se comporter comme des saprophytes. Leur alimentation carbonée dépend donc entièrement des hydrates de carbone solubles fournis par la plante. 5 à 40% de la production primaire nette de la plante est investie dans les mycorhizes. Les hydrates de carbone y sont stockés sous forme de glycogène. 2. La mycorhization améliore considérablement la vitesse de croissance, la biomasse végétative et la reproduction de la plante. 3. Les plantes mycorhizées ont une teneur tissulaire en N, P et K notablement plus élevée que les mêmes espèces non mycorhizées cultivées sur le même sol. On admet aujourd'hui que le champignon améliore l'alimentation minérale de la plante, en lui fournissant de grandes quantités de phosphore et d'azote. 4. Le phosphore est le poly-élément le plus souvent limitant dans les sols naturels. Il s'y trouve principalement sous des formes insolubles, organiques (phytate de calcium; le phytate est un hexaphosphate d'inositol; l'inositol est un alcool cyclisé à six carbones) et minérales (hydroxyapatite Ca10(OH)2(PO4)6 dans les sols calcaires, strengite FePO4. 2H2O et variscite AlPO4. 2H2O dans les sols acides). La teneur de la solution du sol en H2PO4- et HPO4= est toujours très faible et la mobilité de ces ions est réduite. 5. Les mécanismes par lesquels la mycorhize se procure de grandes quantités de phosphore sont encore mal connus. On invoque habituellement : - la grande surface d'absorption que représentent les hyphes rayonnant dans le sol - la longue durée de vie des racines mycorhizées 71 - une vitesse de pénétration et de transport du phosphate plus importante dans les hyphes que dans les poils absorbants de la plante - la présence abondante, à la surface des hyphes, d'enzymes (phosphatases acides) assurant l'hydrolyse du phytate en inositol et orthophosphate. Le champignon pourrait avoir accès à des formes du phosphore inaccessibles à la plante. La connaissance des propriétés des mycorhizes a débouché sur la pratique de "fertilisation biologique" des sols, qui consiste à inoculer des spores de champignons mycorhiziens dans des terres agricoles peu productives (sols tropicaux) ou du mycélium de champignons ectomycorhiziens au moment de la plantation d'arbres forestiers sur une terre privée d'arbres depuis très longtemps. On signalera également que les mycorhizes sont impliquées dans la problématique du dépérissement forestier, qui concerne déjà plus de la moitié des surfaces forestières en Europe. On constate en effet une très nette régression des champignons ectomycorhiziens dans les peuplements les plus touchés par le dépérissement. 3.5 Les Lichens Définition Les lichens sont des organismes composites, résultant de l'association symbiotique d'un champignon et d'une algue. Le champignon impliqué dans une symbiose lichénique (mycobionte) appartient presque toujours à la classe des Ascomycètes, représentés par plusieurs milliers d'espèces obligatoirement lichénisées. Un quart des Ascomycètes ne sont connus que sous forme lichénisée. L’algue (phycobionte) appartient soit au groupe des Cyanobactéries (Nostocales), soit des Algues vertes unicellulaires (Chlorococcales: quatre genres totalisant quelques dizaines d'espèces qui existent aussi dans la nature à l'état libre: Trentepohlia, Trebouxia, Pseudotrebouxia). La morphologie d’un lichen et de ses organes reproducteurs en particulier, est déterminée principalement par le mycobionte. On connaît plus de 30.000 espèces de lichens, dont la classification repose essentiellement sur les caractères du mycobionte. En toute rigueur, les lichens ne pourraient être rangés dans aucun des 5 Règnes du système de Margulis. En pratique, on les place, avec le rang d'embranchement (Mycophycophyta), dans le Règne des Champignons. Types de thalle On distingue classiquement quatre types d'organisation du thalle. 72 a) les lichens crustacés ont un thalle formant une croûte adhérant intimement à la surface du substrat, ou se développant immédiatement sous la surface d'un substrat rocheux; la plupart sont d'ailleurs saxicoles b) les lichens foliacés ont la forme habituelle des thalles de ce type : en lame appliquée sur le substrat, plus ou moins lâchement attachée à celui-ci par des rhizoïdes constituées de faisceaux d'hyphes c) les lichens fruticuleux ont une forme d'arbuscule plus ou moins densément ramifié, à rameaux généralement cylindriques et creux d) les lichens podétiés ont un thalle plus ou moins foliacé ou squamuleux appliqué sur le substrat, portant des structures érigées en forme de trompette, les podétions, qui porteront les fructifications. Anatomie Nous ne considérerons que le type le plus fréquent : les lichens à structure hétéromère. Les lichens à structure hétéromère sont secs. Cette structure concerne la majorité des lichens. L'examen microscopique d'une coupe transversale montre une zone médullaire lâche, constituée d'hyphes formant un réseau très peu cohérent. Cette zone médullaire est comprise entre deux zones corticales, supérieure et inférieure, constituées d'un tissu pseudoparenchymateux dense et compact (plectenchyme) constitué d'hyphes à parois très épaissies et soudées entre elles. Les cellules de l'algue (gonidies) sont généralement localisées à la partie externe de la zone médullaire, sous le cortex supérieur. L'algue représente 3 à 10% seulement de la masse sèche de ces lichens. Les relations morphologiques entre myco- et phycobionte sont très différentes selon les espèces : - simple voisinage de l'algue et du champignon - gonidies entourées d'hyphes appliquées contre elles comme des doigts de la main tenant un ballon - présence de suçoirs mycéliens (haustoires) traversant, en tout ou partie, la paroi gonidiale. Ecophysiologie Les relations métaboliques entre mycobionte et phycobionte sont très complexes et ont fait l'objet de nombreux travaux. Selon la théorie classique de SCHWENDENER (1870), il y aurait une relation mutualiste entre l'algue et le champignon, la première fournissant notamment des glucides et le 73 second fournissant à l'algue des composés vitaminiques et une protection contre les herbivores et la dessiccation. La théorie symbiotique semble confirmée par l'observation que beaucoup de lichens sont capables de coloniser des substrats extrêmement ingrats, sous des climats très rudes (ex.: rochers nus de l'étage alpin) où ni le mycélium du champignon, ni les gonidies, ne pourraient survivre indépendamment l'un de l'autre. L'association avec un champignon affecte profondément la nature des produits du métabolisme de l'algue. Par exemple, les algues vertes sécrètent de grandes quantités de deux alcools, le sorbitol et le ribitol, uniquement lorsqu'elles sont en symbiose. De même, les champignons lichénisés produisent des métabolites secondaires appelés acides lichéniques (acides phénoliques faibles) qui peuvent représenter 10% du poids sec d'un lichen; plus de 350 de ces substances ont été identifiées. Certains d'entre eux sont pigmentés en rouge, jaune ou orange et sont parfois utilisés comme colorants naturels. La fonction biologique de ces substances n'est pas connue avec certitude, mais il est probable qu'elles jouent un rôle répulsif à l'égard des herbivores. Une protection efficace contre les prédateurs est capitale pour la survie de ces organismes à croissance très lente, colonisant des habitats où la photosynthèse est limitée par le froid, la sécheresse ou la rareté des éléments minéraux biogènes. Ecologie Les lichens sont extrêmement répandus dans la nature. On les trouve depuis les déserts chauds et arides jusqu'aux pôles. Ils colonisent des rochers nus (espèces saxicoles), la terre (esp. terricoles), les troncs d'arbres (esp. lignicoles), les feuilles vivantes des arbres tropicaux (esp. épiphylles), etc. Certains sont presque invisibles à l'œil nu, d'autres au contraire dominent la végétation de la toundra (les "lichens des rennes"). En Antarctique, il y a plus de 350 espèces de lichens (dont 7 à plus de 86° de latitude!) et seulement deux espèces de plantes vasculaires! Les lichens sont, par excellence, les pionniers des substrats minéraux bruts. Dans ces conditions, ils jouent un rôle fondamental dans l'amorçage de la colonisation végétale (succession primaire). Les espèces dont le phycobionte est une Cyanobactérie sont capables de fixer l'azote atmosphérique. Ces lichens facilitent l'installation d'autres végétaux pionniers (Bryophytes, puis plantes vasculaires), en contribuant à l'accumulation d'humus, à l'enrichissement du substrat en azote et à l'altération physicochimique du substrat (par des sécrétions d'acides organiques et de CO2). La plupart des lichens passent la plus grande partie de leur existence à l'état déshydraté (2-10% d'humidité). Dans ces conditions, la photosynthèse et la respiration sont inexistantes, mais cet état permet au lichen de tolérer des températures extrêmes (hautes ou basses) et des éclairements 74 intenses, qui seraient létaux à l'état humecté. Ces espèces sont reviviscentes : le retour d'une atmosphère saturée en eau (pluie, rosée, brouillard) entraîne leur imbibition immédiate, suivie de la restauration de la photosynthèse. Comme celle-ci n'est active que quelques heures par jour et quelques jours par an, on comprend pourquoi la vitesse de croissance des lichens est extrêmement lente (0,1-1mm par an chez beaucoup d'espèces saxicoles). Certains sont capables de vivre plusieurs milliers d'années. L'approvisionnement des lichens en éléments minéraux est assuré essentiellement par les eaux météoriques. Comme les lichens n'ont aucun moyen d'excréter les éléments toxiques qu'ils absorbent, ils sont particulièrement sensibles à la pollution atmosphérique, et particulièrement aux polluants attaquant la chlorophylle (SO2, HF). On les utilise d’ailleurs depuis une trentaine d'années comme bioindicateurs de qualité de l’air. Cette utilisation consiste soit à surveiller régulièrement la vitesse de croissance et l'état de santé des lichens d'une région "sensible" (zones urbaines et industrielles), soit à doser un élément toxique dans le lichen lui-même. Par rapport à des dosages directs des polluants dans l'atmosphère, ces mesures offrent notamment l'avantage d'intégrer les variations spatio-temporelles du niveau de pollution. Les espèces étant différemment sensibles au SO2, la cartographie et la fréquence des diverses espèces de la flore lichénique régionale permettent d'évaluer l'intensité et l'étendue de la pollution. Ainsi, les villes et les sites industriels dégageant du SO2 sont particulièrement pauvres en lichens. Beaucoup d'espèces sont d'ailleurs en voie d'extinction en Europe occidentale. Dans les régions nordiques, l'accumulation d'isotopes radioactifs (Sr90, Cs137, issus notamment d’expérimentations sur les armes nucléaires) par les lichens peut avoir des conséquences dramatiques. Les lichens y sont en effet à la base d'une chaîne trophique passant par les rennes et aboutissant aux populations humaines (Esquimaux), le long de laquelle on assiste à la bioconcentration de ces polluants. La composition chimique de l’atmosphère est profondément altérée par les activités humaines, spécialement dans les régions industrialisées. Cette altération affecte considérablement l’état de santé et la distribution de certaines catégories d’organismes. Les lichens sont particulièrement sensibles aux polluants oxydants, notamment le SO2, généré par la combustion du charbon et de dérivés du pétrole riches en soufre et par l’industrie métallurgique (grillage des sulfures de fer et de zinc); les zones urbaines et industrielles d’Europe sont devenues de véritables « déserts lichéniques » pour cette raison. Les champignons mycorhiziens sont également en forte régression. Celle-ci accompagne une dégradation générale de l’état sanitaire des forêts (« dépérissement forestier »), sans qu’on sache si elle en est une cause ou une conséquence. Le rôle des polluants acidifiants paraît indiscutable. Au contact de la vapeur d’eau, le SO2 se transforme en acide sulfurique et les oxydes d’azote (NOx) 75 en acide nitrique. Les oxydes d’azote sont formés par la réaction de l’oxygène et de l’azote atmosphérique qui se produit dans les processus de combustion à haute pression, spécialement dans les moteurs à explosion. Les pluies des régions industrialisées sont devenues des solutions d’acide sulfurique et nitrique, de pH compris entre 3 et 5. En plus de leur effet direct sur les organismes, ces pluies acides transforment progressivement les propriétés chimiques des sols. En particulier, elles lessivent les cations Ca++ et Mg++ et mettent en solution des composés toxiques comme Al3+ et Mn++. On attribue au moins en partie le phénomène de dépérissement forestier à cette dégradation des sols. 76 CHAPITRE 7 Les Algues “Plants have no eyes or ears, yet they sense their environment, no lungs or gills, yet they exchange gasses, and no stomach or heart, yet they assimilate and move nutrients. To understand how plants work, it helps to look at them not from the perspective of animal physiology, but instead to start by considering the common ancestor of plants and animals, and then to compare the evolutionary paths each lineage followed. What opportunities and limitations did each evolutionary transition provide? For the algae we can see three monumental events in the evolutionary history of plants: the acquisition of the chloroplast, the transition to a multicellular body form, and the transition to life on dry land.” 1 Généralités 1.1. Définition On regroupe sous l’appellation d’algues, les embranchements de Protoctistes comprenant une majorité d’espèces phototrophes. L'appareil végétatif des algues est un thalle. C'est un appareil végétatif de structure simple, c'està-dire présentant un niveau peu développé de différenciation cellulaire et, en principe, dépourvu d'organes spécialisés. 1.2. Diversité de l’appareil végétatif I.2.1. Thalles unicellulaires Les algues unicellulaires sont: - soit flagellées et donc nageuses: algues monadoïdes (Euglènes, Chlamydomonas, Péridiniens, beaucoup de Chrysophycées, etc.); on les appelle souvent les phytoflagellés; - soit dépourvues de flagelles et alors incapables de se mouvoir par elles-mêmes: algues coccoïdes Chlorella (algue verte), toutes les Diatomées, etc. La division cellulaire s’opère soit par bipartition (Euglènes, etc.), soit par endosporulation (Chlamydomonas, Chlorella, etc.). Des microfossiles semblables à des algues eucaryotiques unicellulaires actuelles sont bien représentés depuis -1 milliard d’années. 77 I.2.2. Le passage à la multicellularité I.2.2.1. L’état cénobial L'état multicellulaire représente évidemment une condition dérivée par rapport à l'état unicellulaire. Le niveau le plus élémentaire d'organisation multicellulaire est l'état cénobial. Un cénobe est une colonie cellulaire comprenant un nombre déterminé de cellules. Chez beaucoup d’espèces d'algues cénobiales toutes les cellules du thalle sont équivalentes et ne sont assemblées que de façon relativement lâche, souvent par l'intermédiaire d'un gel polysaccharidique. Exemples chez les algues vertes : Eudorina (32 cellules), Pandorina (16 cellules) : chaque cellule ressemble très fort à une cellule de Chlamydomonas. Ce sont des organismes très apparentés, regroupés dans l'ordre des Volvocales. Toutes les cellules sont orientées dans le même sens et leurs flagelles battent de façon synchrone. Toutes les cellules peuvent se reproduire; ces organismes sont donc potentiellement immortels, comme des unicellulaires. L'état cénobial existe chez des groupes d'algues très divers, flagellées ou non, notamment les algues dorées. La notion de colonie ou de cénobe est claire quand toutes les cellules sont identiques et participent toutes à la propagation de l’espèce par bipartition ou sporulation. Il existe d’autres cas plus complexes comme l’algue verte Volvox. Le thalle de Volvox a la forme d'une sphère creuse (jusqu'à un millimètre de diamètre) constituée d'une seule couche de cellules biflagellées unies par un gel polysaccharidique. C'est un état cénobial très élaboré, puisque les cellules sont reliées entre elles par des ponts cytoplasmiques, qui permettent l'échange de signaux chimiques assurant une certaine coordination des activités. De plus, il existe une différenciation cellulaire, qui procède d'une division du travail. En effet, seules quelques cellules particulières, située dans une région bien délimitée du cénobe, assurent la reproduction sexuée, en fabriquant des gamètes. Il existe donc, chez Volvox, une différenciation entre des cellules somatiques, c'està-dire purement végétatives, et des cellules germinales, appelées à jouer un rôle dans la reproduction. II.2.2.2. Avantages de la multicellularité Des organismes fossiles identifiables comme étant des algues multicellulaires deviennent de plus en plus abondants vers la fin du Précambrien. Cet extraordinaire succès évolutif des organismes multicellulaires n’est explicable que si cette organisation nouvelle présente des avantages décisifs. 1. Le changement le plus immédiat qu’entraîne la multicellularité est évidemment l’accroissement de taille. Quels avantages peut-il procurer? - diminution de la vitesse de sédimentation, avantage important pour des organismes planctoniques; 78 - évitement des prédateurs, parce qu’un cénobe est moins facilement phagocyté qu’une cellule isolée; - comme le volume et la surface d’un objet augmentent respectivement selon le cube et le carré de ses dimensions linéaires, le rapport surface/volume diminue avec la taille de l’objet; la diminution des surfaces de contact avec le milieu extérieur facilite l’homéostasie de l’organisme et peut limiter l’impact des agressions physicochimiques ou des maladies. 2. Un avantage plus subtil est lié à la division du travail. Chez un unicellulaire, la reproduction est un moment critique du cycle de vie durant lequel l’accomplissement de la division cellulaire interrompt les autres activités de la cellule (notamment les déplacements, l’acquisition des ressources, etc.) et met tout l’organisme au service de la reproduction. Chez un organisme pluricellulaire, certaines cellules peuvent se spécialiser dans la fonction de reproduction, alors que les autres poursuivent l’accomplissement normal de toutes les fonctions végétatives. 3. Chez un unicellulaire, un événement de reproduction (une mitose) produit deux cellules, mais l’organisme de départ n’existe plus en tant que tel; le gain net pour la population est donc d’un seul individu. Chez un pluricellulaire dont une ou plusieurs cellules se spécialisent dans la reproduction, l’organisme “parental” survit à la production de ses descendants: une mitose d’une cellule germinale produit deux cellules qui fonderont chacune un nouvel individu, le gain net est donc deux fois plus élevé que dans le cas d’un unicellulaire et le taux d’accroissement de la population sera évidemment plus rapide. I.2.3. Thalles foliacés Les cellules constituent une nappe, soit unistrate (ne comporte qu'un seule couche de cellules : ex.: gamétophyte de Porphyra) soit pluristrate (plusieurs couches de cellules : ex.: Ulva). Pas de différenciation et de spécialisation cellulaires, hormis l'existence de sporocystes ou de gamétocystes. I.2.4. Thalles filamenteux et cladomes; foliarisation Il s'agit de thalles multicellulaires, dont les cellules sont assemblées en files. La forme la simple est celle d'un filament unisérié non ramifié (une seule file de cellules), comme chez la Spirogyre. Une variante consiste en l'apparition de ramifications, elles-mêmes de structure unisériée. Ici aussi, toutes les cellules ont les mêmes fonctions. 79 Les cladomes sont des thalles en principe dressés, présentant des ramifications plus régulières. Ils comportent un axe principal. Cet axe peut être constitué d'une seule file (cladome uniaxial) ou de plusieurs files de cellules parallèles et étroitement accolées (cladome multiaxial). L’axe porte à intervalles réguliers des bouquets de ramifications filamenteuses. Si plusieurs filaments parallèles et leurs ramifications restent étroitement accolés dans un même plan, le thalle peut s’organiser en une “feuille” plus ou moins découpée. Cette foliarisation est fréquente chez les algues rouges. Les algues brunes sont un groupe d'algues exceptionnelles par la complexité de leur thalle. Elles montrent un degré de différenciation cellulaire plus important que celui des autres groupes d'algues et leur thalle comporte souvent plusieurs régions très distinctes, correspondant à des organes spécialisés dans une fonction particulière. On se reportera au chapitre correspondant pour plus de détails. I.2.5. Le thalle siphonal Une autre voie évolutive a conduit à des cellules tubuliformes de grande taille. Ces cellules deviennent polynucléées à la suite de nombreuses divisions nucléaires sans formation de paroi cellulaire. Cette organisation cénocytique (gr. céno: en commun, cyto: cellule) ou siphonale est fréquente chez les algues vertes, notamment Cladophora et Caulerpa. Ces organismes violent donc le principe couramment admis selon lequel une cellule ne comporte obligatoirement qu’un seul noyau! 1.3. Les critères de classification des algues La classification moderne des algues accorde une importance prépondérante aux critères biochimiques (nature des pigments, des matières de réserve et des parois cellulaires) et cytologiques (organisation cellulaire, présence d'organites particuliers). I.3.1. Les pigments I.3.1.1. Trois groupes de couleurs Sur base de la composition de l’équipement pigmentaire, trois grands ensembles peuvent être dégagés: 1°) Dominance de phycoérythrine: algues rouges. Un seul embranchement: les Rhodophyta. La chlorophylle a (éventuellement accompagnée de chl d) est toujours masquée par des phycobilines (seul groupe d'Eucaryotes, avec les Cryptophyta, possédant ces pigments!). 80 2°) Dominance de xanthophylles: lignée des algues brunes et dorées (jadis réunies sous l'appellation de Chromophytes). Quatre embranchements morphologiquement et cytologiquement très divers (Cryptophyta, Chrysophyta, Phaeophyta, Pyrrhophyta) ont en commun un équipement pigmentaire comprenant: chl a + chl c et des xanthophylles abondantes masquant les chlorophylles; leur couleur varie du jaune doré au brun. 3°) Dominance des chlorophylles: lignée des algues vertes. Deux embranchements (Euglenophyta et Chlorophyta sensu lato) possèdent les chl a et b comme pigments dominants déterminant leur couleur verte caractéristique. I.3.1.2. Importance écologique de la pigmentation En milieu marin, la vie des algues n’est possible qu’à des profondeurs relativement faibles (maximum 100 à 200 m selon la turbidité de l’eau) où l’intensité lumineuse est suffisamment élevée pour permettre la photosynthèse: cette gamme de profondeurs est appelée la zone euphotique. Toutefois, la qualité de la lumière (composition spectrale), autant que son intensité, est d’une importance écologique considérable. L’absorbance de l’eau est spécifique de la longueur d’onde considérée. En première approximation, on peut retenir que les longueurs d’onde les plus longues sont les plus fortement absorbées. Il s’ensuit que la composition spectrale de la lumière varie avec la profondeur, avec une tendance générale à un enrichissement relatif en rayonnement de courte longueur d’onde (bleu et vert) aux grandes profondeurs. Par conséquent, une algue doit être capable d’utiliser d’autant mieux les longueurs d’onde courtes qu’elle vit à plus grande profondeur. Ainsi, les algues vertes, dont les pigments absorbent très bien la lumière rouge, sont généralement cantonnées très près de la surface. A l’extrême opposé, les algues rouges, disposant de pigments donc le pic d’absorption est décalé vers les courtes longueurs d’onde, constituent la majorité du peuplement algal aux niveaux les plus profonds compatibles avec la photosynthèse. Cette adaptation chromatique se traduit donc globalement par l’étagement suivant, de haut en bas du rivage: algues vertes algues brunes algues rouges. Cette règle générale souffre toutefois de nombreuses exceptions, car l’écologie des algues est également déterminée par d’autres facteurs du milieu, comme, par exemple, la durée d’exondaison à marée basse et le degré d’agitation de l’eau. I.3.2. Les matières de réserve 81 Les produits de l’activité de la photosynthèse qui s’accumulent dans les cellules varient selon les groupes. Les substances de réserve appartiennent essentiellement au groupe des glucides. Elles sont dites figurées lorsqu'elles forment des amas solides visibles au microscope. Ce sont : . l'amidon, caractéristique des Chlorophyta, où il est stocké dans les plastes; . le rhodamylon ou amidon floridéen, caractéristique des Rhodophyta (extraplastidial); . le paramylon caractéristique des Euglenophyta, le cryptamylon (Cryptophyta), etc. Les réserves sont dites non figurées lorsqu'elles sont en solution dans le suc vacuolaire; citons: . la laminarine, polymère de glucose des Phaeophyta . le mannitol, polyalcool dérivé du mannose, présent chez de nombreuses algues, en particulier les Phaeophyta. Enfin, des globules lipidiques existent chez beaucoup d'algues, spécialement les Phaeophyta et Chrysophyta. I.3.3. La paroi La paroi cellulaire de beaucoup d'algues eucaryotiques est formée de polysaccharides acides, groupés sous le nom de composés pectiques. Ils peuvent être associés à de la cellulose, notamment chez les algues vertes. En outre, les algues rouges et les algues brunes possèdent des composés très particuliers apparentés aux polysaccharides et désignés sous le nom de phycocolloïdes (alginates des algues brunes, carragénanes des algues rouges). Nous en étudierons les propriétés plus loin. La paroi peut aussi s'imprégner de composés minéraux qui la rendent rigide, principalement: - la silice (polymère amorphe de SiO2): beaucoup de Chrysophyta, en particulier toutes les Diatomées; - le carbonate de calcium: beaucoup de Rhodophyta et de Chlorophyta. Cette minéralisation constitue une stratégie de défense contre les prédateurs. I.3.4. Les caractères cytologiques 82 Le nombre et la forme des chloroplastes sont extrêmement variés chez les algues et permettent de caractériser certains groupes (ex.: Conjugatophycées: plastes hélicoïdaux, réticulés, perforés, etc..). A l'appareil plastidial sont souvent liés un ou plusieurs organites incolores, réfringents, de forme circulaire, appelés pyrénoïdes, enfermés dans l'enveloppe du ou des plastes, et au niveau desquels peut s'accumuler de l'amidon. La position et la morphologie des flagelles sont variées: - flagelles insérés latéralement (la cellule est dite pleurokontée) ou au sommet (cellule acrokontée); - flagelles sont semblables entre eux, la cellule est dite isokontée, si ils sont différents, elle est dite hétérokontée. La différence porte sur leur longueur, leur orientation et leur structure. Chez une cellule hétérokontée, un des deux fouets est souvent dépourvu de toute appendice et est dirigé vers l'arrière, tandis que l'autre porte des appendices appelés mastigonèmes et est dirigé vers l'avant de la cellule. Chez les algues pluricellulaires (Chlorophyta, Rhodophyta, Phaeophyta) les flagelles, quand ils existent, ne sont présents que chez les gamètes et/ou les spores. 83 Tableau récapitulatif des caractères distinctifs des principaux groupes d’algues N Spp. Pigments Réserves Paroi Pyrrhophyta 2000 - chl a, c, caroténoïdes amidon 3000 (péridinine) cellulose plaques Euglenophyta 1000 Chl a, b, caroténoïdes Chrysophyta 6700 Chl a, c, caroténoïdes chrysolaminarine (fucoxanthine) + lipides Paramylon Chl a, b, caroténoïdes Amidon Chlorophyceae Charophyceae Rhodophyta Phaeophyta 4000 - Chl a, phycobilines, rhodamylon 5000 caroténoïdes 1500 Chl a, c, caroténoïdes Mannitol (fucoxanthine) Laminarine 84 Habitat mer + eau douce eau douce mer + eau douce cellulose (+ 2, apicaux, silice, + calcaire) inégaux cellulose 2, apicaux, inégaux silice + cellulose 0 cellulose + autres polysac. 2 (4) apicaux égaux 2 subapicaux cellulose + agar aucune ou carragéen cellule (+ CaCO3) flagellée cellulose + 2, latéraux alginates inégaux Xanthophyceae 7000 Uni ou pluricellula ires 2, uni en 0 ou latéraux inégaux pellicule souple 1-3 apicaux uni protéinique inégaux Chrysophyceae Diatomophyceae Chlorophyta Flagelle uni-pluri uni-pluri uni uni-pluri uni - pluri pluri pluri pluri mer + eau douce + terrestres mer + eau douce + terrestres eau douce Marines (eaux chaudes) mer (eaux froides) 2. EMBRANCHEMENT DES PYRRHOPHYTA (Dinophycées : Péridiniens) (3000 espèces) Pigments : Chl a, c2, caroténoïdes abondants (diadinoxanthine, diatoxanthine, dinoxanthine, péridinine). Couleur rouge-brunâtre. Hétérotrophie facultative ou obligatoire chez certaines espèces. Parois : Plaques cellulosiques polygonales sous la membrane plasmique. Réserves : Amidon Flagelles : 2, latéraux, inégaux (voir ci-dessous). La cellule se déplace en tournoyant. Organisation-type : Organisation cellulaire très originale. Deux thèques séparées par un sillon équatorial parcouru par un des flagelles. Thèque inférieure avec un sillon longitudinal perpendiculaire au sillon équatorial et parcouru par le second flagelle. Cellule souvent protégée par une carapace de plaques cellulosiques polygonales Types morphologiques : En grande majorité unicellulaires. Espèces aberrantes sans sillons ni thèques à l'état adulte, mais présents au stade de la spore. Quelques espèces cénobiales (ex. : Polykrikos) ou pluricellulaires filamenteuses. Particularité cytologique : Chromosomes visibles durant tout le cycle mitotique, ainsi que la membrane nucléaire et le nucléole (caractères considérés comme primitifs). Reproduction : - Asexuée par bipartition ou endosporulation - Sexuée : très rare et/ou mal connue Ecologie : Plancton marin, avec adaptations morphologiques et physiologiques favorisant la flottabilité: appendices, etc. (voir diatomées). Nombreuses espèces vivant en symbiose dans des cellules de certains animaux. Chez les coraux : péridiniens symbiotiques : "zooxanthelles" dépourvues de paroi cellulosique et de flagelles ; rôle clé dans le fonctionnement du récif corallien (dépôt de carbonate de calcium). Fossiles : Tests (= paroi cellulaire plus ou moins incrustée de minéraux) abondants dans divers types de sédiments marins au moins depuis le début du Cambrien. Affinités évolutives : Par leurs pigments et leurs cellules pleuro-hétérokontées, se rapprochent des Chrysophycées. La présence de pseudopodes (permettant la phagocytose) chez certaines espèces de Dinophycées est un des arguments qui permettent de rapprocher cet embranchement de certains Protozoaires (Foraminifères, Radiolaires, Thécamibiens). Divers : Dans des conditions climatiques particulières, les pullulations de Péridiniens peuvent conduire à des phénomènes de "marées rouges", fréquemment observés sur les côtes atlantiques. De telles pullulations sont redoutables dans le cas des Gonyaulax sp. qui secrètent une substance toxique pour les animaux marins, poissons et mollusques notamment. Cette toxicité est transmissible à l'homme par ingestion de fruits de mer. La toxine paralyse la fonction respiratoire. 85 Une Dinophycée aberrante, Noctiluca miliaris, à cellules incolores sphériques portant un gros tentacule court, est responsable de phénomènes de phosphorescence nocturne de l'eau de mer (bioluminescence). 3. EMBRANCHEMENT DES EUGLENOPHYTA (800 espèces) Fiche signalétique Pigments : Chl a, b, béta-carotène, caroténoïdes divers; couleur verte. Hétérotrophie facultative ou obligatoire (absence de pigments) chez beaucoup d'espèces Paroi : Pellicule souple, striée, constituée de bandelettes protéiniques hélicoïdales Réserves : Paramylon extraplastidial Flagelles : (1)-2-(3), apicaux, inégaux, insérés dans un puits flagellaire. Paraissent souvent 1flagellées Organisation-type : Unicellulaires. Cellules cylindriques à ovoïdes, à extrémité antérieure aplatie creusée d'un puits et postérieure pointue. Chloroplastes souvent nombreux. Plastes annulaires géants à paramylon. Stigma très visible. Reproduction : Asexuée par bipartition, à partir du puit flagellaire. Reproduction sexuée inconnue. Nutrition : Autotrophes, hétérotrophes (facultatives ou obligatoires). Chez les espèces facultativement hétérotrophes : chloroplastes se désorganisant quand l’intensité lumineuse est faible et/ou la teneur de l’eau en matière organique est élevée: remarquable exemple de plasticité phénotypique. Ecologie : Eaux douces, souvent enrichies en matière organique. Souvent indicatrices de pollution. Certaines espèces obligatoirement hétérotrophes sont commensales du tube digestif de certains invertébrés. Toutes les espèces ne croissent qu'en présence de vitamine B12, mais une teneur de 10-13 g/ml leur suffit. Leur croissance est utilisée comme contrôle commercial dans la fabrication de cette vitamine Affinités évolutives : Par leur couleur et leur équipement pigmentaire, les Euglènes se rapprochent des Algues vertes et des Plantes. De nombreux autres caractères, biochimiques (présence de xanthophylles particulières, absence d'amidon) et cytologiques (pas de paroi cellulosique, cytopharynx, flagelles inégaux) les en éloignent cependant. Les espèces non pigmentées son très voisines de certains groupes de Protozoaires. 4. EMBRANCHEMENT DES CHRYSOPHYTA (algues dorées) Trois classes (parfois élevées au rang d'embranchements autonomes) ayant en commun les caractères suivants : 86 Pigments : Chl a, c1, c2, masquées par des caroténoïdes (fucoxanthine, lutéine, diadinoxanthine, etc). Couleur jaune à brun-doré. Hétérotrophie obligatoire ou facultative chez certaines espèces. Parois : Cellulose et/ou composés pectiques, avec imprégnation fréquente de silice amorphe (opale) ou de calcaire (CaCO3). Réserves : Chrysolaminarine, lipides Flagelles : (1)-2, apicaux; présents parfois uniquement chez les gamètes mâles; totalement absents chez certaines espèces, notamment les Diatomées isogames. Cytologie : Présence de corps mucifères (corpuscules sous-membranaires accumulant un mucilage polysaccharidique susceptible d’être expulsé dans certaines circonstances) et ce corps physoïdes (corpuscules situés près du noyau et accumulant des composés chimiques fortement colorables, dont la fonction est mal connue). Classe des Chrysophyceae (500 espèces) (pour mémoire; non développé dans ce cours) Classe des Xanthophycées (600 espèces) (pour mémoire; non développé dans ce cours) Classe des Diatomophycées ou Bacillariophycées (5600 espèces) Classe très homogène bien caractérisée par l'organisation générale de la cellule. Unicellulaires à frustule siliceux (opale SiO2) constitué deux thèques emboîtées, portant des sculptures très régulières. Grande vacuole centrale. Jamais de flagelles (sauf gamètes mâles chez les espèces oogames) Types morphologiques: Unicellulaires (la majorité) et cénobiales (ex.: Asterionella, Chaetoceros) 2 types d'organisation: - Diatomées pennées: un plan de symétrie (marqué par une fente médiane dans chaque thèque: le raphé) - Diatomées centriques: un axe de symétrie. Mouvements : Les diatomées pennées peuvent se déplacer par glissement sur le substrat grâce à un courant cytoplasmique au niveau du sillon médian du frustule (raphé). Reproduction : - Asexuée par un processus de bipartition semiconservative du frustule; à chaque division une des deux cellules filles est toujours d'une taille inférieure à la cellule initiale. - Sexuée: cycle monogénétique diploïde par cystogamie isogame le plus souvent (cycle monogénétique diploïde), parfois anisogame, parfois oogamie (chez les Diatomées 87 centriques uniquement). Dans tous les cas le ou les zygote(s) formé(s) ont une taille supérieure à celle de chacune des cellules de départ. Ecologie : Constituant majeur des planctons marin et d'eau douce, avec des adaptations accroissant la flottabilité (appendices sétiformes, colonies en chaînettes, réserves lipidiques). Parfois épiphytes sur des plantes aquatiques (épiphyton). Certaines espèces ne tolèrent qu'une gamme très étroite de conditions environnementales (spécialement: pH, teneur en sels dissous) et sont utilisées comme bioindicateurs de la qualité des eaux. De même, comme les frustules accumulés dans les sédiments restent parfaitement identifiables, ils permettent de reconstituer l'histoire chimique d'un milieu lacustre (paléoécologie). Utilisations : Terre de diatomées: roche sédimentaire pulvérulente constituée de frustules fossiles, exploitée en carrière comme agent abrasif très doux ou entrant dans la composition de filtres industriels; mélangée à la trinitroglycérine, elle entre dans la fabrication des bâtons de dynamite. Cycle de reproduction sexué des diatomées isogames Deux individus morphologiquement semblables se rapprochent. Leur noyau diploïde subit une méiose; un seul des quatre noyaux haploïdes-fils est fonctionnel et se comporte comme un gamète. Les 2 thèques du frustule des deux partenaires s'écartent, et les deux cytoplasmes, puis les deux noyaux haploïdes, fusionnent. Le zygote diploïde, deux fois plus gros que les cellules parentales, synthétise un nouveau frustule. Le cycle est typiquement monogénétique diploïde. Il y a isogamie. Chaque cellule parentale se comporte comme un gamétocyste et, comme les gamètes sont dépourvus de motilité propre et se rencontrent grâce à la fusion des contenus des 2 gamétocystes, on peut parler de cystogamie. Le cas des diatomées illustre parfaitement le fait qu'une reproduction sexuée n'est pas un mécanisme de multiplication cellulaire : en effet à partir de 2 cellules parentales, ce cycle ne génère qu'un seul zygote-fils et conduit donc à une décroissance du nombre d'individus ! 5. EMBRANCHEMENT DES CHLOROPHYTA (algues vertes, 7000 espèces) Pigments : Chl a, b, (alpha), béta-carotène, xanthophylles diverses (lutéine, zéaxanthine). Couleur verte. Réserves : Amidon vrai, accumulé dans les chloroplastes ou dans des plastes incolores particuliers (amyloplastes) Paroi : Cellulose, parfois avec imprégnation de calcaire. Affinités évolutives et paléontologie : Ces caractères rapprochent les Algues vertes des Plantes supérieures (Règne des Métaphytes), qui en seraient issues. Les plus anciens fossiles rapportés aux 88 Algues vertes sont des unicellulaires du Précambrien en Californie, datés d'environ 1,3 milliard d'années. Parmi les groupes pluricellulaires, seules les espèces à paroi calcifiée, en particulier les Characées, ont laissé des fossiles abondants mais aucun n'est plus ancien que 500 millions d'années. Embranchement très homogène au point de vue biochimique, très hétérogène au point de vue morphologique. Les systèmes anciens sont basés sur la morphologie externe du thalle et les modalités de la reproduction et reconnaissent 3 classes parfois élevées au rang d'embranchements autonomes: Zygophycées, Chlorophycées, Charophycées. Ces classes sont définies plus loin. Cette classification apparaît actuellement artificielle et un système nouveau, fondé sur les caractères cytologiques (modalités de la division cellulaire, appareil flagellaire) a été proposé en 1975; il n'est pas développé dans le cadre de ce cours. Classe des Zygophycées ou Conjugatophycées (4000 espèces) (pour mémoire; non développé dans le cadre de ce cours) Classe des Chlorophycées (Algues vertes sensu stricto) Classe très diversifiée au point de vue de la morphologie du thalle et du cycle de reproduction. Flagelles : Chez la plupart des espèces, au moins un type cellulaire (spores ou gamètes mâles) montre 2 flagelles apicaux égaux et ressemble à des cellules végétatives du type Chlamydomonas Morphologie : Les algues vertes ont des représentants au niveau unicellulaire, cénobial et pluricellulaire. On peut expliquer leur grande diversité morphologique comme dérivant d’un type ancestral unicellulaire, par une succession de modifications élémentaires des processus morphogénétiques, selon différentes lignées. Biologie : - Reproduction asexuée par spores directes flagellées ou non. Chez les espèces cénobiales, les mitospores s'organisent immédiatement en cénobe-fils, parfois selon des modalités complexes (Volvox). - Reproduction sexuée. Les trois types fondamentaux de cycles de développement se rencontrent chez les algues vertes. Modalités de gamie très diverses, mais jamais de cystogamie. Planogamie isogame (ex. : certaines Ulva), anisogame (ex.: certaines Ulva), oogamie (ex.: certains Chlamydomonas, Volvox). Chez les types siphonés, les gamétocystes se forment par cloisonnement d'un diverticule du thalle; parfois la totalité du thalle se résout en gamètes (holocarpie). Les gamètes mâles ressemblent toujours à des Chlamydomonas. 89 Ecologie : Les Chlorophycées montrent la plus large amplitude écologique de toutes les classes d'algues. Elles sont marines (planctoniques ou fixées), dulcicoles, (planctoniques ou fixées), terricoles, saxicoles ou épiphytiques (ex.: Pleurococcus formant une poudre verte caractéristique à la surface des troncs d'arbre). En mer, elles occupent le plus souvent les faibles profondeurs. Certaines Chlorophycées unicellulaires vivent sur neige en montagne; elles produisent de grandes quantités de caroténoïdes, qui les protègent du rayonnement solaire très intense; elles donnent à la neige une teinte rouge ou orange caractéristique. Certaines espèces unicellulaires (zoochlorelles) entrent en symbiose avec des animaux (planaires, mollusques) ou avec des champignons (symbiose lichénique). Les chloroplastes de certaines algues vertes cénocytiques (ex.: Codium) peuvent vivre en symbiose avec certains mollusques marins nudibranches. Le mollusque broute l'algue, mais les chloroplastes ne sont pas digérés : ils pénètrent dans certaines cellules du mollusque et y restent actifs; l'animal peut, dans ces conditions, produire plus d'oxygène qu'il n'en consomme et se comporte donc comme un photoautotrophe ! Classe des Charophycées (300 espèces) Caractères de l'embranchement, plus: Flagelles : Spermatozoïdes hélicoïdaux à deux flagelles subapicaux déjetés latéralement Organisation cellulaire : Chloroplastes et amyloplastes très différenciés. Paroi souvent imprégnée de calcaire Morphologie : Classe très homogène, caractérisée par des thalles complexes, érigés, cladomiens, à rameaux verticillés. Biologie – Reproduction : La classe est caractérisée par un cycle oogame, monogénétique haploïde, mais surtout par des gamétocystes de structure complexe, protégés par des cellules stériles, annonçant les gamétanges tuniqués des Métaphytes. L'organe mâle est un globule, entouré d'écussons reliés au centre du globule par un pédoncule unicellulaire, le manubrium, et refermant plusieurs spermatocystes formant des chaînettes cellulaires. L'organe femelle est un nucule, formé d'une paroi de 5 filaments hélicoïdaux, surmonté d'une couronne à 5 dents, et renfermant une oosphère géante. La fécondation donne un zygote entouré d'une paroi résistante, qui sédimente sur le fond. La méiose a lieu à la germination. Trois des méiospores constituent une poche nourricière, la quatrième produit un nouveau gamétophyte. Ecologie : Eaux douces et saumâtres non polluées Divers : Les parois calcifiées des zygotes de Charophycées sont tellement résistantes que ces organes peuvent être retrouvés dans les sédiments anciens dont ils constituent des fossiles révélateurs de leur origine lacustre. Les entre-noeuds des Charophycées sont constitués d'une cellule géante et sont fréquemment utilisés, pour cette raison, comme matériel expérimental en physiologie végétale. 90 6. EMBRANCHEMENT DES RHODOPHYTA, Classe unique des Rhodophycées (Algues rouges) (5000 espèces) Pigments : Chl a, d. Phycoérythrine (pigment rouge dominant), phycocyanine, alpha et béta carotène; diverses xanthophylles (lutéine, ..) Réserves : "Amidon floridéen" (= rhodamylon) extraplastidial (polymère de glucose). 1,4 et 1,6 D- Parois : Interne: cellulose. Externe: (cellulose) + phycocolloïdes mucilagineux: agar-agar (à base de galactose) et carragéen (= carragéenanes, polymères complexes de galactose sulfaté). Parfois incrustation de CaCO3 (famille des Corallinaceae). Flagelles : Aucune cellule flagellée Organisation cellulaire : Présence de communications intercellulaires (synapses) obturées par un bouchon lenticulaire lipo-protéinique. Phycobilisomes à la surface externe des thylacoïdes. Variation morphologique : Presque toutes pluricellulaires. Morphologie très variée: trichomes, cladomes uni- ou multiaxiaux, etc. Certaines espèces montrent une convergence avec les Plantes (soudure de plusieurs filaments formant des thalles ressemblant à des feuilles).Thalles toujours moins massifs et à différenciation moins marquée que chez les algues brunes. Biologie : Cycles fondamentalement trigénétiques iso- ou hétéromorphes. La phase carposporophytique, diploïde, est toujours parasite du gamétophyte femelle. Le développement de cette phase diploïde supplémentaire, intercalée entre la phase gamétophytique et la phase méiosporophytique est propre aux algues rouges. On l'interprète comme un mécanisme compensant la rareté relative des gamies, liée à l'absence de flagelles chez le gamète mâle, par une multiplication clonale de chaque zygote formé. Ecologie : Presque toutes marines, surtout des régions chaudes et tempérées. Epilithes ou épiphytes, parfois parasites. Grâce à leur équipement pigmentaire particulier, elles sont capables d'utiliser la lumière verte et peuvent vivre à des profondeurs d'où sont exclues les algues vertes et brunes (jusqu'à 100 m). Une espèce a été notée à 268 m de profondeur, record absolu chez les algues: à cette profondeur, l'intensité lumineuse n'atteint que 0,0005% de sa valeur à la surface. Une famille particulière, les Corallinaceae, à thalle encroûté de calcaire, contribue à l'édification des récifs coralliens. Relations phylogénétiques : Les Rhodophyta montrent une originalité certaine au sein des Algues eucaryotes, en particulier par la présence constante de phycobilines, l'absence de flagelles, la nature des matières de réserve, la présence de synapses intercellulaires, etc. Par plusieurs de ces caractères, elles se rapprochent des Cyanobactéries, et il est maintenant admis que leurs plastes 91 descendent des Cyanobactéries par endosymbiose: c'est avec les plastes des algues rouges que les Cyanobactéries montrent le plus de points de ressemblance. Les Rhodophytes les mieux fossilisées sont les espèces encroûtantes, dont la présence est attestée au moins depuis 700 millions d'années. Utilisations : 1) Phycocolloïdes : agar-agar ou agarose. Extraction industrielle par ébullition, à partir de Gelidium (Etats-Unis, Japon, etc.: 10.000 tonnes/an). Usage: dans les laboratoires scientifiques, sert à solidifier les milieux de culture bactériologique; agro-alimentaire, cosmétiques, etc.: usages multiples semblables à ceux des alginates (voir algues brunes). 2) Phycocolloïdes : carragéen ou carrageenanes. Extraction industrielle par ébullition à partir de Chondrus et Gigartina (Europe, Etats-Unis) et Euchema (Indonésie: culture dans des “fermes marines”). 20.000 tonnes/an. Usages: industries alimentaires: épaississants et gélifiants des produits à base de lait et d’eau. Cosmétiques. 3) Amendements calciques: algues rouges encroûtantes (Lithothamnium), récoltées sur certaines côtes européennes (Bretagne : connues sous le nom de maërl), et épandues sur les champs après broyage. 4) Consommation directe de certaines espèces, (surtout Porphyra, cultivée en "parcs" comme les huîtres: 60.000 ha au Japon, chiffre d’affaires: 540 millions de dollars; recherche scientifique très active visant à l’optimisation des conditions de culture) ("Nori"; 35% de protéines, + vitamines, etc.). Cycle de Porphyra (Rhodophyta) Porphyra est une algue rouge dont la phase morphologique la plus visible est un thalle foliacé unistrate d'une dizaine de centimètres de diamètre. Ces thalles sont haploïdes et se comportent comme des gamétophytes: les cellules de leur marge se différencient en gamétocystes. Chez une partie des gamétophytes, identifiés a posteriori comme mâles, chaque gamétocyste se résout en de nombreux gamètes non flagellés et de petite dimension: les spermaties. Chez les autres thalles, chaque gamétocyste (oocyste) se transforme en une seule oosphère. La rencontre des gamètes se fait au hasard des mouvements de l'eau. Le zygote, contenu dans le gamétocyste femelle, se résout par mitoses en plusieurs cellules diploïdes, les carpospores, qui sont dispersées dans l'eau. Les carpospores germent habituellement sur une coquille de mollusque bivalve et produisent un petit thalle filamenteux très ramifié, qui passe habituellement inaperçu. Ce thalle est un méiosporophyte. Il différencie des méiosporocystes produisant chacun 4 méiospores haploïdes. Ces méiospores fondent une nouvelle génération gamétophytique. 92 En conclusion, le cycle peut être interprété soit comme trigénétique soit comme digénétique selon que l'on considère ou non les carpospores comme une phase à part entière. Il faut remarquer que le carposporophyte ne manifeste aucun accroissement par rapport au zygote. Dans les deux hypothèses, le cycle est hétérothallique (2 catégories de gamétophytes) et hétéromorphe. Le stade filamenteux (méiosporophyte) a longtemps été considéré comme une espèce à part entière (nommée Conchocelis) qui était classée dans un groupe d’algues rouges très éloigné de Porphyra. Cette confusion avait des conséquences néfastes pour la culture des Porphyra au Japon, puisque le stade Conchocelis présent dans les parcs à Porphyra, était considéré comme indésirable et à ce titre, était éliminé. Interprétation adaptative du carposporophyte La génération carposphorophytique est une caractéristique exclusive des algues rouges. Sa seule fonction connue est d'élaborer de nombreuses copies (carpospores) du zygote de départ, par multiplication végétative. Ce processus peut être interprété comme un mécanisme accroissant la probabilité pour un zygote de donner naissance à au moins un sporophyte. Un tel mécanisme est vraisemblablement avantageux chez les espèces où aucune cellule n'est flagellée. Dans ces conditions, la rencontre des gamètes est un événement rare, laissé au hasard des transports passif par l'eau. D'autre part, la rencontre d'un substrat favorable par le zygote et les spores est elle aussi rendue plus difficile par l'absence de flagelles. 7. EMBRANCHEMENT DES PHAEOPHYTA Classe unique des Phéophycées (Algues brunes) (1500 espèces) Pigments : Chl a, c, béta-carotène, caroténoïdes abondants (fucoxanthine, diatoxanthine, lutéine). Couleur brune Paroi : Cellulose. Imprégnation par alginates (polymères d'acides D-mannuronique et Lguluronique) ("phycocolloïdes") (jusqu'à 10-40% du poids sec du thalle) Réserves : Laminarine et mannitol vacuolaires. (+ lipides) Flagelles : 2 latéraux, inégaux (1 long flagelle à mastigonèmes dirigé vers l'avant et 1 flagelle lisse vers l'arrière); uniquement chez les spores et/ou gamètes. Organisation type : Toujours pluricellulaires. Thalles les plus complexes de toutes les algues, souvent très massifs, (jusqu'à 100 mètres!) avec différenciation de cellules particulières (notamment "cellules en trompette" transporteuses de produits de la photosynthèse) et d'organes spécialisés (crampons, stipes, frondes, flotteurs) constituant autant de convergences morphologiques avec les Métaphytes. Contrairement à ce qu’on observe chez la tous les autres groupes d’algues, la croissance du thalle des algues brunes est organisée par une cellule initiale 93 apicale ou par un massif méristématique intercalaire localisé entre le stipe et le limbe. Les laminaires possèdent par exemple des crampons servant à l'accrochage au substrat rocheux, un stipe (organe cylindrique de support) et un limbe élargi accomplissant la photosynthèse. On trouve à l'intérieur du stipe des cellules particulières, dites cellules en trompette; ce sont des cellules allongées, assemblées bout à bout et constituant des organes de conduction de matières organiques élaborées; les extrémités de ces cellules sont munies de perforations. Le thalle de la plupart des algues brunes est très massif, étant constitué de nombreuses couches de cellules. Ceci explique l'existence chez beaucoup d'espèces d'organes assurant la flottaison du thalle: les aérocystes ou vésicules aérifères. Ces organes sont des cavités du thalle gonflées d'air, jouant le rôle de bouées. Ces structures complexes ne peuvent se mettre en place que grâce à des centres organisateurs strictement localisés. Il s'agit d'une cellule souvent située à l'extrémité du thalle, et qui est le siège principal ou exclusif des activités mitotiques. Reproduction : - Reproduction sexuée très fréquente; cycles digénétiques iso- ou hétéromorphes; les espèces les plus massives sont généralement digénétiques à sporophyte dominant ou monogénétiques diploïdes. Planogamie ou oogamie. - Reproduction asexuée par fragmentation ou sporulation. Evolution des cycles: les espèces les moins massives, considérées comme primitives, ont des cycles digénétiques isomorphes isogames. Les espèces plus massives montrent une tendance à la réduction de l’haplophase, qui va de pair avec une anisogamie. Cette évolution culmine chez les Fucales, qui ont un cycle monogénétique diploïde et une oogamie. Ecologie : Presque toutes marines, surtout des régions tempérées et froides. Rivages rocheux océaniques; certaines espèces forment des populations très denses flottant en haute mer (Sargasses !). Affinités évolutives : Les cellules mobiles (gamètes et spores) des Phéophycées sont tout à fait semblables aux cellules végétatives des algues unicellulaires hétérokontées: Chrysophycées, Péridiniens, etc. desquels les algues brunes se rapprochent également par la nature de leurs pigments et de leurs matières de réserve. Utilisation par l'homme - Algine et sels dérivés (alginates) Extraction industrielle à partir des Laminaires en Europe et des Macrocystis en Californie: 20.000 tonnes/an. 94 La viscosité du colloïde peut être ajustée à volonté, elle dépend de sa concentration, de son degré de polymérisation, de la proportion des résidus ac. mannuronique et guluronique et est affectée par l'addition de différents sels de calcium. Les sels solubles forment des solutions incolores et inodores, ne coagulant pas à l’ébullition et restant stables à la congélation. Utilisation dans les industries alimentaires: liants, épaississants et stabilisateurs (additifs alimentaires E 401 - 402 - 403 - 404: sirops, crèmes, potages, sauces, etc.). Industrie du papier: encollage et glaçage. Produits cosmétiques: crèmes, savons, shampooings. Industries chimiques: peintures et vernis, cirages, etc., pharmaceutiques, chimiques (peintures et vernis, enduits divers) (producteurs: Californie, Grande-Bretagne: 20.000 T/an). Les sels insolubles servent à fabriquer des pellicules protectrices lavables pour toutes sortes d’objets. Industrie pharmaceutique: enrobage des gélules. - Jadis: Extraction industrielle d'iode et de potassium. Les algues brunes sont extrêmement riches en sels minéraux divers (jusqu'à 30% de K et Na dans les cendres). - Agriculture : épandage sur les terres cultivées comme fertilisant ("goémon"; surtout jadis); fabrication de farines pour bétail et pour volailles (richesse en sels minéraux) - Alimentation humaine, surtout en Extrême-Orient (Kombu: aliment à base de Laminaria japonica); contenu énergétique faible (polysaccharides non assimilables), mais apport minéral important - La laminarine et la fucoïdine (produits du métabolisme photosynthétique) sont des anticoagulants efficaces utilisés en pharmacie. Les algues brunes ont une productivité primaire très élevée et sont à la base de nombreuses chaînes trophiques en milieu océanique. Des tentatives de plantation ont été réalisées sur les côtes californiennes dans l'espoir d'y accroître la productivité secondaire (crustacés, poissons). Fossiles : Dépourvues d'incrustations minérales, les algues brunes se fossilisent mal contrairement aux algues vertes et rouges. Des empreintes datant du Trias sont les plus anciens témoignages certains de la présence des algues brunes; des données plus douteuses font remonter leur origine au Dévonien. Cycle d'un Fucus dioïque (Phaeophyta) Les thalles de Fucus sont diploïdes. Ils ont la forme de lanières rubanées ramifiées dichotomiquement, et montrent deux types d'épaississements. D'une part, le long de la nervure médiane, des vésicules gonflées de gaz jouent le rôle de flotteurs (aérocystes); d'autre part, aux extrémités du thalle, des réceptacles contiennent les structures productrices de gamètes. 95 Chaque réceptacle est criblé d'un grand nombre d'orifices qui assurent une communication entre autant de conceptacles et le milieu extérieur. Un conceptacle se présente comme une cavité tapissée de poils stériles pluricellulaires (paraphyses) mêlés de gamétocystes pédicellés. Les conceptacles d'un réceptacle mâle contiennent des filaments pluricellulaires courts, ramifiés, terminés par des gamétocystes mâles (spermatocystes). Chaque gamétocyste mâle subit une méiose et chacune des 4 cellules haploïdes qui en sont issues subissent immédiatement 2 à 5 mitoses qui aboutissent à la formation de petits gamètes pleurokontés hétérokontés, des spermatozoïdes, qui seront libérés dans l'eau. Les conceptacles d'un réceptacle femelle contiennent des oocystes à pédicelle unicellulaire non ramifié. Chaque oocyste subit une méiose suivie de 0 ou 1 mitose et produit donc 4 -8 oosphères, qui seront libérées dans l'eau. La rencontre des gamètes est guidée par un chimiotactisme. La gamie est une oogamie. Le zygote germe sur un substrat approprié et se développe en nouveau thalle. En conclusion, une seule génération morphologique assure le déroulement du cycle, et correspond à des thalles diploïdes. Le cycle est donc monogénétique diploïde. Les méiospores se comportent comme des gamètes et la méiose peut donc être qualifiée de gamétique. Chez ce type de cycle, par conséquent, les gamétophytes sont diploïdes. Certains auteurs, néanmoins, s'appuyant sur le fait que les cellules issues de la méiose subissent une ou plusieurs mitose, considèrent que la phase haploïde est pluricellulaire et que le cycle est digénétique à gamétophyte extrêmement réduit. Chez certaines espèces de Fucus qualifiées de monoïques, chaque thalle porte à la fois des réceptacles mâles et des réceptacles femelles. Chez d'autres, qualifiées de dioïques, chaque thalle ne produit qu'une seule catégorie de gamètes. CHAPITRE 8 Les Métaphytes – Généralités 1 Définition et origine Un événement essentiel dans l’évolution des végétaux, a été la colonisation des terres émergées. Cet événement, daté du milieu de l’ère primaire (fin de l’Ordovicien: -430 millions d’années), est marqué par un changement quantitatif et qualitatif important de l’enregistrement fossile. 96 Les assises géologiques antérieures à cette époque sont très pauvres en fossiles végétaux. Les mieux préservés d’entre eux se rapportent à des algues unicellulaires à paroi minéralisée, apparentées aux Chrysophyta. Les algues pluricellulaires ont par contre laissé très peu de fossiles. Ceci s’expliquerait soit par une origine tardive de ce groupe, ce qui paraît peu vraisemblable, soit, plus probablement, par le fait que leur appareil végétatif, dépourvu de tissus résistants, se prête mal à la fossilisation. A partir du Silurien et surtout du Dévonien (-395 à -345 millions d’années), les fossiles végétaux deviennent beaucoup plus abondants. Surtout, ils montrent des structures totalement nouvelles: appareil végétatif plus complexe, organisé en axes verticaux plus ou moins ramifiés, comportant plusieurs types de tissus, dont certains suffisamment résistants pour permettre la fossilisation, et produisant des spores à paroi résistante (Cooksonia). Ces fossiles sont toujours associés à une faune terrestre. Ils constituent les témoins les plus anciens d’un Règne nouveau, celui des Métaphytes ou Plantes terrestres. Les Métaphytes se distinguent des Protoctistes phototrophes par un niveau de différenciation cellulaire et de complexité structurale nettement plus élevé. Presque tous ses représentants montrent un appareil végétatif constitué de tiges et de feuilles, le cormus (on parle parfois de Cormophytes), souvent ancré au substrat par des racines. Le cormus s’oppose au thalle, appareil végétatif des Algues. Toutefois, certains Métaphytes (ex.: certaines hépatiques) primitifs montrent encore un thalle, mais celui-ci montre une structure plus complexe que celui des algues. Ce chapitre développe l’idée selon laquelle la plus grande complexité structurale des Métaphytes par rapport aux Algues est une conséquence de leur mode de vie terrestre, qui impose des contraintes originales ayant constitué autant de facteurs sélectifs puissants au moment du passage à la vie terrestre. Les Métaphytes comprennent aujourd’hui au moins 300.000 espèces: c’est, de loin, le groupe le plus vaste de végétaux phototrophes. 2 Contraintes de la vie terrestre et réponses adaptatives des Métaphytes 2.1 Evapotranspiration La contrainte nouvelle la plus évidente qu’impose la vie hors de l’eau est l’évapotranspiration. Au contact d’un air non saturé en vapeur d’eau (humidité relative inférieure à 100%), un organe végétal, constitué en moyenne de 80% d’eau, est le siège d’un flux de vapeur vers l’atmosphère. Une algue maintenue hors de l’eau flétrit de façon irréversible en quelques heures. 97 Comme mécanisme de lutte contre cette évapotranspiration, la sélection naturelle a retenu la solution qui consiste à imperméabiliser l’interface air-plante, au moyen d’une couche lipidique hydrophobe: la cuticule. Néanmoins, la plante est confrontée à la nécessité d’imperméabiliser ses organes aériens tout en maintenant des échanges gazeux (CO2, O2) avec l’atmosphère. La solution à ce dilemme est fournie par l’épiderme. L’épiderme est une assise unistrate de cellules jointives, imperméabilisées par une cuticule, recouvrant la totalité de l’appareil aérien; cette assise est criblée d’orifices, les stomates, dont l’ouverture et la fermeture sont commandées par la plante en fonction des besoins en CO2, du degré d’hydratation de ses tissus et des conditions extérieures. Les structures productrices de spores et de gamètes doivent elles aussi recevoir une protection contre la dessiccation. Le sporocyste et le gamétocyste des algues n'étaient constitués d'une seule cellule sporigène ou gamétogène; les spores et les gamètes n'étaient séparés du milieu extérieur que par la paroi de cette cellule. Les structures analogues des Métaphytes sont plus complexes et mieux protégées. Dans sa forme la plus complète, le sporange est constitué d’un massif de cellules mères de spores, protégé par une assise continue de cellules stériles. Les spores sont libérées par la déhiscence du sporange, au niveau d’un opercule, ou par l’action d’une assise mécanique. Dans leur forme la plus complète, les gamétanges (mâles: anthéridies; femelles: archégones) sont constitués d’une ou plusieurs cellules mères de gamètes, enveloppées par une assise de cellules stériles. L’archégone (gamétange femelle) ne contient qu’une seule oosphère renfermée dans le ventre d’une structure en forme d’amphore. Le col de l’archégone contient à maturité un mucilage qui constitue un milieu favorable à la progression des gamètes mâles. La structure particulière de l’archégone facilite l’oogamie en milieu aérien. En effet, le sommet du col peut retenir une goutte d’eau dans laquelle nagent des gamètes mâles, qui ont été libérés par éclatement de l’anthéridie au moment de l’impact d’une goutte de pluie. Ceux-ci sont attirés et dirigés vers l’oosphère par le col de l’archégone. Ce mécanisme compense la disparition de l’environnement aquatique continu, dans lequel la libre circulation des gamètes mâles du spermatocyste vers l’oosphère était possible. En raison de la possession d'archégones, on parle parfois du Règne des Archégoniates pour désigner les Métaphytes. 2.2 Séparation des ressources dans l’espace En milieu aquatique, l’organisme baigne tout entier dans une phase aqueuse isotrope, qui dispense à toutes les cellules du thalle l’eau, les sels minéraux et le CO2 dont elles ont besoin. En milieu terrestre, les ressources ne sont plus distribuées de façon isotrope: l’eau et les sels dissous sont dispensés par le sol, tandis que la lumière et le CO2 sont fournis au niveau aérien. Cette séparation des ressources impose: 1°) la différenciation d’organes d’absorption aériens et souterrains 2°) l’acquisition d’un système de transport de matière qui assure la distribution dans tout l’organisme des composés carbonés élaborés dans les feuilles et de l’eau puisée par les organes souterrains. 98 L’architecture des organes d’absorption est adaptée au mode de distribution des ressources dans l’espace qu’ils explorent. Dans le sol, l’eau est distribuée de façon isotrope. Cette caractéristique, combinée à la résistance mécanique du milieu solide, impose une morphologie cylindrique à la racine. Au niveau aérien, le CO2 est distribué de façon isotrope, mais la lumière est distribuée selon un flux vertical. Celui-ci a imposé l’acquisition d’organes d’absorption laminaires disposés perpendiculairement au flux de photons: les feuilles. La tige est un organe de soutien qui oriente les feuilles vers les régions de l’espace encore inoccupées. Chez toutes les plantes, sauf les Bryophytes, la tige comporte un système vasculaire. L’eau en provenance des racines est transportée dans le xylème, dont les canalisations sont constituées de cellules mortes mises bout à bout. La sève élaborée est une solution de sucres transportée des feuilles vers les autres parties de la plante par les tubes criblés constituant le phloème. Le caractère sessile des plantes est en partie compensé par une propriété de croissance indéterminée, qui contraste avec le mode de croissance déterminé des animaux. Cette capacité est conférée par des massifs de cellules qui conservent des propriétés embryonnaires durant toute la vie de la plante, situés aux apex des tiges: les méristèmes. Ceux-ci élaborent, durant toute la vie de la plante, de nouvelles feuilles et de nouvelles tiges, permettant notamment à la plante de réorganiser son appareil végétatif en réponse à une déplétion localisée des ressources due à la présence de compétiteurs. 2.3 Disparition de la force d’Archimède En milieu aquatique, l’organisme est soutenu par la force d’Archimède et aucune pression de sélection ne conduit à l’acquisition par les algues de tissus rigides. Ceux-ci seraient d’ailleurs désavantageux dans un milieu aqueux en mouvement permanent. En milieu terrestre, le poids spécifique des tissus végétaux étant plus élevé que celui de l’air, l’appareil végétatif n’est plus soutenu par le fluide dans lequel il baigne. La sélection a retenu la solution consistant en une “armature” interne constituée de cellules mortes aux parois épaissies et rigides: les fibres. Ces fibres sont agencées en cordons longitudinaux un peu comme les barres de fer dans du béton armé. L’appareil végétatif des plantes terrestres, comprenant de nombreux types cellulaires différents et structuré en organes spécialisés est appelé CORMUS, par opposition au THALLE des algues. Toutefois, certains groupes de Métaphytes primitifs, notamment les Bryophytes, ne possèdent pas encore tous les caractères d'un cormus typique (pas de racines, en particulier). 2.4 Avantages de la vie émergée 99 En présence des contraintes importantes qu’entraîne la vie émergée, l’immense succès évolutif des plantes terrestres (>300.000 espèces, contre moins de 50.000 algues) peut surprendre. Il faut toutefois remarquer que la vie hors de l’eau offre deux avantages décisifs. D’une part, l’eau est un milieu beaucoup plus absorbant vis-à-vis de la lumière que l’air, spécialement dans la gamme des longueurs d’ondes les plus efficaces pour la photosynthèse (le rouge). D’autre part, la vitesse de diffusion du dioxyde de carbone est environ 10.000 fois plus élevée dans l’air que dans l’eau. Ainsi, l’approvisionnement en deux ressources essentielles, la lumière et le dioxyde de carbone est beaucoup mieux assuré hors de l’eau que dans la mer. 3 Originalités du cycle de reproduction des Métaphytes: l’archégone et l’embryon Plus encore que par le cormus (incomplet chez les Bryophytes), les Plantes terrestres se caractérisent, sans exception, par la possession d’archégones; on les appelle parfois ARCHEGONIATES. Une autre particularité du cycle de reproduction des Métaphytes réside dans le destin du zygote. Chez la plupart des algues, le zygote devient physiquement indépendant du gamétophyte. C’est le cas, évidemment, quand l’oosphère est libérée par l’oocyste avant la gamie. Dans les cas où la gamie a lieu sur le gamétophyte femelle, le zygote ne tarde pas à s’en détacher avant de subir la méiose ou de fonder une phase diploïde indépendante de la phase haploïde. Il en va tout autrement chez les Métaphytes. Ici, en effet, le développement du zygote en un sporophyte se déroule complètement ou en partie sur le gamétophyte. Le zygote bénéficie ainsi d’une protection et évite les risques de mortalité associés aux aléas d’une dispersion au hasard et de la rencontre d’un milieu favorable à sa germination. Le jeune sporophyte qui se développe sous la protection du gamétophyte dont il est issu est appelé embryon. Le terme EMBRYOPHYTES est parfois utilisé comme synonyme de Plantes terrestres. Il s’établit entre le gamétophyte femelle et l’embryon des liens trophiques étroits. Des celles particulières de l’embryon assurent un contact intime et un transfert de nutriment du gamétophyte vers le zygote et ensuite le sporophyte. Nous verrons plus loin que cette particularité du cycle est également une réponse adaptative aux contraintes nouvelles imposées par le milieu terrestre. 4 Les premiers Métaphytes Comment peut-on imaginer les premières étapes de la conquête du milieu terrestre? Partons d'une espèce d'algue inféodée aux rivages marins, dans la zone de balancement des marées. Les conditions particulières de ce milieu doivent occasionner un taux de mortalité des zygotes assez 100 élevé, et un taux de succès dans la germination des spores assez faible également. Ces facteurs ont dû favoriser la rétention du zygote par le gamétophyte et le développement d'une phase sporophytique permettant d'augmenter le nombre de méiospores produites par le zygote. Des adaptations à l'évapotranspiration ont dû être favorisées. Ce sont les spores qui doivent être les mieux protégées, puisque ce sont elles qui risquent le plus de se trouver déposées sur le rivage et exposées à la dessiccation. L'observation des Bryophytes suggère que c'est la phase diploïde qui a dû acquérir en premier lieu la capacité de fabriquer une cuticule imperméabilisée par des composés chimiques hydrophobes. Une conquête efficace du continent nécessite de pouvoir disperser les spores le plus loin possible du rivage. On peut donc se représenter un Métaphyte primitif comme ayant un gamétophyte appliqué sur la vase, surmonté d'un sporophyte parasite, résistant à la dessiccation et portant des sporanges sur des axes dressés. Ce portrait-robot correspond assez bien aux fossiles les plus anciens de Métaphytes: Rhynia et Cooksonia. 5 A la recherche de l’ancêtre des Métaphytes Le problème de l’origine des Métaphytes est une question importante qui intéresse les botanistes depuis longtemps. Le développement des idées dans ce domaine illustre bien la démarche de reconstitution phylogénétique en biologie. 1. Il apparaît inévitable que les Métaphytes descendent des algues. Deux problèmes se présentent alors: - les différents embranchements de Métaphytes ont-ils un ancêtre commun unique parmi les algues? - quel(s) groupe(s) d’algues actuel(s) pourrait(aient) avoir fourni le ou les ancêtres des Métaphytes? 2. On a été frappé depuis longtemps par la grande homogénéité des Métaphytes au point de vue des caractères biochimiques et du cycle de reproduction, qui contraste avec la grande diversité des algues de ces points de vue. Tous les Métaphytes ont en commun: une couleur verte, due à des chlorophylles a et b masquant les xanthophylles, une paroi cellulaire cellulosique, des réserves polysaccharidiques sous forme d’amidon. Tous ont un cycle digénétique à sporophyte initialement parasite du gamétophyte. Tout ceci suggère fortement que les Métaphytes pourraient avoir une origine unique. Par leurs caractères biochimiques, les Métaphytes se rapprochent très nettement des algues vertes (Chlorophyta). 101 3. On a recherché quel groupe d’algues vertes actuelles ressemblent le plus aux Métaphytes les plus primitifs (Bryophytes). L’attention s’est d’abord portée sur des algues amphibies. Les algues du genre Fritschiella sont de petites algues vertes amphibies d’eau douce, susceptibles de tolérer des périodes d’exondaison prolongées. Leur thalle filamenteux ramifié comprend une partie rampant sur le substrat et des filaments dressés, et évoque en cela certaines mousses actuelles. Les algues du genre Coleochaete sont également amphibies; elles ont un thalle en forme de confetti. 4. Des travaux ont montré la grande hétérogénéité cytologique des algues vertes. Deux caractères semblent très variables: les modalités de la cytocinèse et la structure de l’appareil flagellaire. i) cytocinèse: le fuseau mitotique peut être orienté soit parallèlement soit perpendiculairement au plan de la nouvelle paroi; la formation de la nouvelle paroi mitoyenne peut se dérouler de façon centripète ou centrifuge; en combinant toutes ces possibilités, on obtient quatre variantes possibles dans le déroulement de la cytocinèse. ii) l’appareil flagellaire est soit acro-isokonté (type Chlamydomonas), ou bien il comprend deux flagelles déjetés asymétriquement vers l’arrière de la cellule (ex.: gamète mâle des Characées). 5. Au contraire des algues, les Métaphytes montrent une grande homogénéité cytologique. - la cytokinèse fait intervenir une plaque cellulaire à accrétion centrifuge, dont l’élaboration est guidée par un fuseau mitotique persistant, le phragmoplaste. - l’appareil flagellaire des gamètes mâles des Métaphytes primitifs (Bryophytes) consiste en deux flagelles apicaux déjetés latéralement vers l’arrière. Chez les algues vertes, cette combinaison de caractères cytologiques ne se rencontre que dans la classe des Charophycées (selon la définition moderne de celle-ci) et en tous cas pas chez le genre Fritschiella. 6. Les Charophycées, ancêtres probables des Plantes terrestres Une fois acquise l’assurance que les Métaphytes dérivent des Charophycées, on s’est attaché à rechercher parmi celles-ci un groupe plus particulièrement susceptible de ressembler à l’ancêtre présumé des Métaphytes. Il devrait posséder les caractères suivants: algue de petite taille, colonisant des vases temporairement exondées, pratiquant l’oogamie et à zygote retenu sur le gamétophyte. 102 La famille des Coleochetaceae est la seule réunissant ces caractères. Ce sont des petites algues à thalle en forme de pastille circulaire (diamètre de l’ordre du millimètre) colonisant la vase des étangs asséchés. Ce groupe a fait l’objet d’études très détaillées ces vingt dernières années. Elles ont révélé l’existence de plusieurs autres caractères préfigurant ceux des Métaphytes. -contrairement à ce qui se passe chez toutes les autres algues à cycle monogénétique haploïde, le zygote des Coleochetaceae ne se détache pas du gamétophyte femelle après la gamie. Il y reste fixé et le gamétophyte femelle élabore autour de lui une assise cellulaire protectrice qui préfigure un gamétange de Métaphytes. Ce zygote bénéficie d’apports nutritifs du gamétophyte femelle jusqu’à la méiose comme chez les Bryophytes. 7. L’origine du cycle digénétique des Métaphytes. Le passage du cycle monogénétique haploïde au cycle digénétique haplo-diploïde à sporophyte parasite du gamétophyte, aurait pu se produire par prolifération mitotique du zygote en un sporophyte multicellulaire. Cette tendance existe bel et bien chez certaines espèces actuelles de Coleochaete, dont les zygotes subissent quelques mitoses avant d’entrer en méiose: ils produisent donc 8-32 au lieu de 4 spores. Une multiplication du nombre de spores produites par chaque zygote pourrait avoir été avantageuse dans des sites où la fécondation aquatique aurait été difficile et où, par conséquent, la proportion d’oosphères fécondées aurait été faible. Les conditions écologiques particulières prévalant sur les rivages de plans d’eau à niveau variable, sur lesquels s’est probablement réalisé le passage de la vie aquatique à la vie terrestre, ont pu favoriser le développement d’un sporophyte parasite du gamétophyte. 6 La classification des Métaphytes Dans le cadre de ce cours, nous nous limiterons à l’étude de cinq groupes qui illustrent les grandes tendances évolutives se manifestant dans ce règne. Les principales différences entre ces groupes peuvent être résumées comme suit. Règne des Métaphytes : Photoautrophes pluricellulaires. Gamète femelle contenu dans un ARCHEGONE. Existence d’un EMBRYON retenu sur le gamétophyte femelle et nourri par celui-ci. Appareil végétatif le plus souvent organisé en CORMUS. 1. Cycle à gamétophyte dominant; plantes de petite taille (<10 cm) sans racines ni vaisseaux conducteurs: BRYOPHYTA, (Mousses et hépatiques) - Cycle à sporophyte dominant; appareil végétatif souvent plus grand, toujours muni de vaisseaux conducteurs et de racines: “Trachéophytes" ou Plantes vasculaires 2 103 2. Pas d’ovule; fécondation aquatique; phase gamétophytique indépendante de la phase sporophytique. PTERIDOPHYTES ou Fougères au sens large 3 - Ovule; fécondation en l’absence d’eau libre (siphonogamie); gamétophyte. femelle inclus dans les tissus du sporophyte: SPERMATOPHYTES ou Plantes à graines ou Phanérogames 4 3. Homosporie, exoprothallie; sporanges à la face inférieure des frondes: FILICOPHYTA - Hétérosporie, endoprothallie; sporanges à l’aisselle des feuilles: LYCOPODOPHYTA 4. Ovules nus: pas d’ovaire; cônes: CONIFEROPHYTA ou Gymnospermes pro parte - Ovules enfermés dans un ovaire; fleurs: ANGIOSPERMOPHYTA (Angiospermes ou Plantes à fleurs) Note: les noms soulignés sont des noms d’embranchements “officiels” dans le système de MARGULIS, les autres sont des subdivisions pratiques, mais qui n’ont pas de statut taxonomique officiel. 104 CHAPITRE 9 Les Bryophytes 1 Définition et origine Les Bryophytes sont un groupe de Métaphytes de petite taille, possédant plusieurs caractères considérés comme primitifs: - absence de racines - absence d’appareil vasculaire - cycle à gamétophyte dominant Les premiers stades de leur développement, après la germination de la spore, consistent en un thalle filamenteux très simple, le protonéma, évoquant le thalle de certaines algues vertes. Par ces caractères, les Bryophytes constituent un groupe de transition entre les Protoctistes et les Plantes vasculaires. Ils attestent aussi que les caractères spécifiques des Métaphytes n’ont pas été acquis simultanément au cours de l’évolution. Quoiqu’ils mènent généralement une vie aérienne, les Bryophytes ne sont donc pas complètement affranchis du milieu aquatique. Faute d’une vascularisation, l’hydratation de leurs tissus n’est assurée que dans des conditions écologiques où l’humidité est importante, au moins par épisodes; leur activité est ralentie ou suspendue si l’hygrométrie est faible et reprend par temps humide: cette propriété s’appelle la reviviscence. La fécondation est encore aquatique. Environ 25.000 espèces ont été décrites. L'origine des Bryophytes n'est pas claire. Pour certains auteurs, il s'agit d'un groupe dérivé des plantes vasculaires, et ayant perdu secondairement les vaisseaux conducteurs. Pour d’autres, c’est un groupe directement dérivé des premières plantes terrestres. 2 Cycle de reproduction d'une mousse de type Bryophyte sensu stricto (Polytrichum) II.1. Le gamétophyte et fécondation Le gamétophyte est un axe feuillé ne dépassant pas quelques centimètres de hauteur, comportant à sa base des poils absorbants, les rhizoïdes. Il est dépourvu d’épiderme, de vaisseaux conducteurs et de racines. Le sommet du gamétophyte porte un involucre protecteur constitué de feuilles plus grandes que les autres. Dans ce réceptacle, les gamétanges sont groupés en bouquets, mêlés de filaments stériles, les paraphyses. 105 Les anthéridies, en forme de massue pédicellée, comportent une seule assise protectrice de cellules stériles entourant un massif de quelques dizaines de cellules-mères de gamètes mâles ou cellules spermatogènes, qui se différencient chacune à maturité en un anthérozoïde hélicoïdal biflagellé. A ce moment, par temps humide, l'anthéridie éclate à son sommet et libère les anthérozoïdes dans la pellicule d'eau qui recouvre la plante. Les archégones, en forme d'amphore, comportent une partie basale renflée en ampoule, le ventre, surmonté d'un cylindre creux très allongé, le col. Le ventre abrite une grosse cellule macronucléée, sans membrane cellulosique, non flagellée : le gamète femelle ou oosphère. L'archégone comporte au niveau du ventre plusieurs assises de cellules stériles, mais une seule au niveau du col où elles forment un cylindre dont le canal est d'abord occupé par une file de cellules dites de canal du col. A maturité leurs parois se lysent et leur contenu se gélifie et forme un mucilage hydrophile. Selon les espèces, les gamétanges mâles et femelles sont portés par le même individu (monoécie) ou par des individus différents (dioécie), mais dans ce dernier cas, les gamétophytes mâle et femelle ne sont pas morphologiquement distinguables (pas de dimorphisme sexuel, sauf chez quelques espèces). Les anthérozoïdes, attirés par un chimiotactisme positif vis-à-vis du saccharose et d'autres molécules du mucilage archégonial, nagent jusqu'à l'archégone et parcourent le canal du col; l'un d'eux fusionne avec l'oosphère. II.2. Le sporophyte L'oeuf se développe sans phase de repos à l'intérieur de l'archégone. Plusieurs archégones peuvent être fécondés sur le même pied, mais un seul oeuf se développera sur chaque pied. Les mitoses successives de l'oeuf engendrent en quelques semaines une masse fusiforme qui s'accroît rapidement à ses deux extrémités. Sa pointe inférieure s'enfonce dans le sommet du gamétophyte et y forme un haustoire (suçoir) permettant l'absorption d'eau et de sels dissous. Le jeune sporophyte en croissance déchire bientôt l'archégone : la base de celui-ci subsiste sous forme d'une petite gaine au pied du sporophyte tandis que le sommet de l'archégone constitue la coiffe qui surmonte longtemps le sporophyte. A maturité, le sporophyte atteint quelques centimètres de longueur. Il est constitué d'une soie capillaire portant une capsule renflée. Cette capsule est un sporange, de structure plus complexe que le sporocyste des algues. Elle comporte plusieurs assises de cellules stériles, dont l'externe est un épiderme pourvu de stomates typiques. Elle renferme un massif de cellules-mères de spores qui subissent chacune une méiose. 106 Les méiospores qui en sont issues s'entourent d'une paroi imperméable. A maturité, la capsule s'ouvre par un opercule apical et libère les spores qui seront dispersées par le vent. Les spores germent immédiatement si elles rencontrent des conditions d’humidité et de luminosité favorables, mais peuvent rester dormantes plusieurs mois dans le cas contraire. La germination produit un filament vert ramifié multicellulaire, le protonéma, étroitement appliqué sur le substrat, auquel il est ancré par des rhizoïdes. Le protonéma produit de place en place de courtes ramifications verticales feuillées, qui seront à l'origine d'autant de gamétophytes de seconde génération. Chez les espèces dioïques où la détermination du sexe est haplogénotypique, c'est-à-dire due à la répartition de chromosomes sexuels à la méiose, tous les gamétophytes d'un même protonéma sont du même sexe. Au contraire, chez certaines espèces dioïques, la détermination du sexe est phénotypique de sorte qu'un même protonema peut produire des gamétophytes des deux sexes. En conclusion, le cycle est digénétique haplodiploïde à gamétophyte dominant. Le gamétophyte est éventuellement pérenne, effectue la photosynthèse et se fournit en eau et sels minéraux dans le milieu extérieur. Le sporophyte, éphémère, est dépourvu de feuilles et de racines et ne mène pas d’existence indépendante: il est parasite du gamétophyte. La fécondation est une oogamie. Les Bryophytes sont le seul embranchement de Métaphytes ayant un cycle à gamétophyte dominant. C’est aussi l’embranchement montrant les gamétanges les plus complexes et comportant le plus grand nombre de cellules. 3 Cycle d'une hépatique (Marchantiophyta, Marchantia polymorpha) Le cycle des hépatiques, à feuilles (Anthocerophyta) ou à thalle (Marchantiophyta), est fondamentalement du même type que celui des mousses (Bryophyta sensu stricto). Les différences concernent des détails de structure du gamétophyte et du sporophyte. Marchantia polymorpha est une plante des sentiers humides sur sol fertile. C’est une des hépatiques les plus spectaculaires et les plus répandues dans nos régions; c'est la raison pour laquelle elle est classiquement traitée dans tous les manuels de botanique bien qu'elle soit atypique par son thalle à structure relativement complexe. Le gamétophyte est un thalle monoïque foliacé vivace appliqué sur le sol, de structure complexe, ramifié dichotomiquement, ancré par des rhizoïdes. Il porte des corbeilles à propagules, assurant la multiplication végétative. Les gamétanges sont portés par des structures en forme de parasol, les gamétangiophores, composés d'un pédoncule et d'un chapeau. Les archégoniophores ont un chapeau à neuf lobes profondément découpés et portent à leur face inférieure les archégones. Les 107 anthéridiophores, à huit lobes peu marqués, portent les anthéridies dans des cryptes de leur face supérieure. La fécondation a lieu avant la croissance du pédoncule des archégoniophores. Le sporophyte, réduit à une capsule, se développe selon un géotropisme positif. La capsule s'ouvre par quatre valves. Elle contient, outre les spores, des élatères fréquentes chez la plupart des hépatiques. Les élatères sont des cellules stériles très allongées, dont la paroi présente des épaississements hélicoïdaux. A maturité, les élatères sont des cellules mortes, auxquelles les épaississements de la paroi confèrent des propriétés hygroscopiques, et dont les mouvements facilitent l'ouverture de la capsule et la dispersion des spores. 108 CHAPITRE 10 Les Ptéridophytes “Vascular plants evolved the ability to move water, solutes and information through specialized conducting tissues, which enabled plants to grow to great heights. Vascular plants have hollow water-conducting tissues (the xylem) and living solute-conducting tissues (the phloem). Hormones, small RNAs and proteins carry information through these transport tissues. The plant transport system is an “open” system, but considerable circulation occurs. The energy of transport comes from ion pumping and the evaporation of water (plants have no heart-like pump)” 1 Les fougères: définition et origine Peu après la colonisation des terres émergées, l’évolution des plantes a pris deux voies divergentes. Une voie évolutive a conduit à des organismes à gamétophyte dominant, de petite taille et non vascularisés : les Bryophytes. L’autre voie a consisté en un développement du sporophyte; elle a conduit aux fougères au sens large du terme. Les fougères au sens large, ou Ptéridophytes, sont des plantes vasculaires à sporophyte dominant et à sporanges nus. Ce sporophyte, complexe, possède désormais tous les organes spécifiques des Métaphytes: racines, tiges, feuilles. Il est muni d’un appareil vasculaire et de tissus de soutien assurant sa rigidité. La possession de racines rend les fougères moins étroitement tributaires des variations de l’humidité du substrat que les Bryophytes. La possession de tissus conducteurs et de soutien va de pair avec une taille plus élevée que chez les Bryophytes. Cette taille élevée favorise la dispersion des spores à grande distance. Néanmoins, l’affranchissement par rapport au milieu aquatique n’est pas parfait: la fécondation reste aquatique comme chez les Bryophytes, et le gamétophyte, sans épiderme et non vascularisé, reste inféodé à des conditions très humides. De plus, le jeune individu diploïde, encore dénué de toute protection particulière, doit se développer immédiatement et ne peut le faire que dans des conditions où l’eau est abondante au moins temporairement. Les fougères sont en quelque sorte les “amphibiens” du règne des Plantes. Les Fougères ont dominé le paysage pendant la seconde moitié de l’ère primaire. Au Carbonifère, en particulier (de -345 à -280 millions d’années), des fougères arborescentes appartenant à deux embranchements, les Sphenophyta et les Lycopodophyta, ont constitué des forêts très étendues, qui sont à l’origine des gisements de combustibles fossiles que nous exploitons aujourd’hui. Ces gisements proviennent de l’accumulation d’énormes quantités de matière organique morte produite par ces forêts, dans des conditions marécageuses où l’anaérobiose ralentissait l’activité des microorganismes décomposeurs. L’accumulation dans les sols de ces énormes quantités de matières carbonées est allée de pair avec l’accumulation dans l’atmosphère d’énormes quantités 109 d’oxygène moléculaire, dont la teneur actuelle de 21% a été atteinte à cette époque. Les représentants actuels de ces deux groupes de fougères sont tous des plantes herbacées de petite taille (Prêles et Lycopodes). 2 Les principaux embranchements de Fougères actuelles Feuilles consistant en frondes, c’est-à-dire enroulées en crosse dans leur jeune âge, souvent de grandes dimensions et profondément découpées, portant, souvent à la face inférieure, des sporanges groupés en sores ==== Filicophyta Plantes à feuilles réduites à des écailles verticillées, consistant en un axe principal articulé, portant aux nœuds des verticilles de rameaux articulés ; sporanges fixés sur des écailles peltées, groupés en un épi sporangifère terminal (strobile) ==== Sphenophyta (= CALAMOPSIDA) (Prêles) Feuilles jamais enroulées en crosse, linéaires ou réduites à des écailles disposées en hélice sur les axes ; sporanges à l’aisselle des feuilles supérieures organisées en épi ==== Lycophyta (= LEPIDOPSIDA) 3 Filicophyta III.1. Cycle de reproduction de Polypodium vulgare Dans le langage courant, le terme "Fougère" ne désigne en réalité que la phase diploïde, sporophytique, du cycle de reproduction. La phase haploïde du cycle est représentée par un organisme de très petite taille qui passe le plus souvent inaperçu: le prothalle. III.1.1. Le sporophyte Un pied de Polypode comprend une tige souterraine (le rhizome), vascularisée (c'est-à-dire comportant des cellules spécialisées dans la conduction de la sève brute, les trachéides), produisant des frondes (feuilles) pennatiséquées et des racines. Il s'agit donc d'un CORMUS typique, plus complexe que l’appareil végétatif des Bryophytes. Vers la fin du printemps, des sporanges groupés en sores, apparaissent à la face inférieure des frondes. Chez beaucoup de fougères, mais pas le Polypode, chaque sore est protégé par une écaille, l'indusie. Chaque sporange est pédicellé et comprend 16 cellules mères de spores enveloppées dans une assise protectrice de cellules stériles. Celle-ci est munie d’un anneau mécanique constitué d'une file de cellules à faces interne et latérales épaissies. Lorsque le sporange est mûr et que survient une période de sécheresse, la déshydratation des cellules de l'anneau mécanique entraîne une 110 dépression de la paroi externe; cette déformation tend à raccourcir le bord convexe de l'anneau mécanique et, par conséquent, à redresser celui-ci vers l'extérieur du sporange. La tension qui en résulte provoque la déhiscence brutale du sporange et l'expulsion des 64 spores (± 20µm) anémochores. III.1.2. Le gamétophyte La germination de la spore produit d'abord un filament puis un thalle chlorophyllien rudimentaire en forme de lamelle unistrate au bord et pluristrate au niveau d'un coussinet médian. Ce prothalle en forme de cœur porte sur sa face inférieure des anthéridies et des archégones respectivement dans sa partie postérieure et antérieure, ainsi que de nombreux rhizoïdes. Les anthéridies, sessiles et subsphériques produisent chacune 32 anthérozoïdes hélicoïdaux multiciliés. Les archégones ne comportent plus que 5 à 7 étages de cellules du col; leur ventre est incorporé dans la masse du prothalle. Les modalités de la fécondation sont les mêmes que chez les Bryophytes. Le zygote entre en mitose immédiatement et différencie rapidement un pied, qui assure durant quelques jours sa nutrition aux dépens du prothalle, une jeune feuille primordiale et une jeune racine. Quand ces dernières ont acquis un développement suffisant, le jeune sporophyte de seconde génération mène une vie autonome et le prothalle ne tarde pas à mourir. Le cycle est digénétique haplo-diploïde. Le gamétophyte présente une taille beaucoup plus réduite que le sporophyte et sa durée de vie est beaucoup plus courte. Seul le sporophyte a la structure d’un cormus typique et possède des vaisseaux conducteurs. Le sporophyte est donc la phase dominante du cycle. Il n’est parasite du gamétophyte que de façon transitoire. Par rapport aux Bryophytes, le gamétophyte manifeste une tendance à la simplification, particulièrement sensible chez les gamétanges, dont le nombre de cellules est beaucoup plus limité. III.2. Filicophyta de la flore de nos régions Pour mémoire : Adiantaceae, Azollaceae, Blechnaceae, Hymenophyllaceae, Marsileaceae, Ophioglossaceae, Osmundaceae, Salviniaceae, Thelypteridaceae Aspleniaceae : Asplenium ruta-muraria (Rue-de-Muraille). Petite fougère muricole à feuilles bipennatiséquées Dennstaediaceae : Pteridium aquilinum (la Fougère-aigle) 111 Dryopteridaceae : Dryopteris filix-mas (Fougère mâle). Feuilles de 30-100 cm, en touffes, bipennaticomposées, indusie insérée en son centre ; forets, haies, … ; Dryopteris carthusiana (Fougère des chartreux), Feuilles de 20-90 cm, en touffes, 3-4 fois composées, indusie insérée en son centre ; forêts. Woodsiaceae : Athyrium filix-femina (Fougère femelle). Feuilles de bipennaticomposées, en touffes, indusie insérée par son bord ; forêts fraîches 30-100 cm, Polypodiaceae : Polypodium vulgare (Polypode vulgaire), Feuilles de 10-30 cm, solitaires sur un rhizome rampant, pennées, à segments dentés ; rochers, murs, forêts. 4 Sphenopsida Ce groupe comportait de nombreuses espèces arborescentes qui donnaient leur physionomie caractéristique aux forêts du Carbonifère. Elles ont laissé de nombreux fossiles caractéristiques : troncs sillonnés à rameaux verticillés. Les Prêles actuelles sont des plantes herbacées. Chez deux espèces très répandues dans nos régions, la Prêle des champs (Equisetum arvense), et la Grande Prêle (Equisetum telmateia), les tiges portant les épis sporangifères (tiges « fertiles ») sont dépourvues de rameaux et possèdent peu de chlorophylles ; elles sont produites au printemps ; les tiges « stériles » vertes et ramifiées, se développent plus tard. 5 Lycopsida Les Lycopsida, avec les Sphenopsida, étaient les groupes dominants dans la forêt du Carbonifère. Les espèces actuelles sont herbacées. En Europe, les Lycopodes et les Sélaginelles comptent une vingtaine d’espèces, toutes rares et en régression. L’intérêt principal de ce groupe réside dans le fait que les Sélaginelles sont les seules fougères montrant deux caractères évolués qui préfigurent les Spermatophytes : l’hétérosporie et l’endoprothallie. Pour cette raison, ce groupe illustre une transition évolutive majeure au sein des plantes vasculaires. V.I. Cycle d'un Lycopodophyte hétérosporé : Selaginella spinulosa V.1.1. Le sporophyte L'extrémité de certains axes végétatifs se différencie en un épi sporifère. Dans ces épis, les feuilles, ou sporophylles, sont plus rapprochées les unes des autres que les feuilles végétatives et chacune porte sur sa face adaxiale (supérieure) un sporange. 112 Il existe deux types de sporanges différant par la taille et le nombre des spores qu'ils produisent. A la base de l'épi, les sporophylles (mégasporophylles) portent des mégasporanges. Un mégasporange, outre son assise de cellules stériles, ne contient qu'une seule cellule-mère de spores et ne produit par conséquent que quatre mégaspores de grande dimension (± 250 µm de diamètre). Les feuilles de la partie supérieure de l'épi sporifère, ou microsporophylles, portent chacune un microsporange qui produit plusieurs dizaines de microspores (± 30 µm de diamètre). Comme chez les Filicophytes, les spores sont dispersées après déchirure des sporanges grâce à un anneau mécanique. (N.B. Chez un petit nombre d'espèces, néanmoins, les mégaspores ne quittent pas les sporanges; cette situation exceptionnelle préfigure celle qui est de règle chez les Spermatophytes). V.1.2. Les gamétophytes Gamétophyte mâle Les mitoses successives du noyau de la microspore aboutissent à la formation d'un minuscule prothalle inclus dans la paroi sporique. Ce prothalle est réduit à une cellule végétative supportant une seule anthéridie constituée de 8 cellules stériles entourant 4 cellules spermatogènes. A maturité, ces dernières se différencient en un grand nombre d'anthérozoïdes biflagellés. Ainsi, ce gamétophyte mâle qui se développe exclusivement aux dépens des réserves contenues dans le cytoplasme de la microspore et reste contenu dans la paroi de celle-ci est dit endosporique; cette situation est appelée endoprothallie, par opposition l'exoprothallie de règle chez les Filicophytes. Gamétophyte femelle Les mitoses successives du noyau de la mégaspore génèrent d'abord un prothalle cénocytique qui ne tarde pas à se cellulariser à partir du pôle aperturé (= percé d'un pore germinatif) de la mégaspore. A cet endroit se différencient des rhizoïdes qui font saillie hors de la mégaspore et des archégones à col très court. Les cellules du prothalle voisines de l'aperture sporique sont chlorophylliennes, mais celles du pôle opposé du prothalle femelle, non pigmentées, constituent un tissu nourricier riche en amidon, qu'utilisera le sporophyte de deuxième génération. Ce gamétophyte femelle tout entier inclus dans la paroi sporique (sauf ses rhizoïdes) est dit endosporique. Les modalités de la fécondation et du développement du zygote sont semblables à celles des Filicophytes. Le cycle est digénétique haplodiploïde à sporophyte dominant. Les deux différences essentielles par rapport aux Filicophytes sont l'hétéroprothallie (différenciation de 2 catégories de prothalles de sexe opposé et de morphologie très contrastée) et l'endoprothallie. Les gamétophytes ne sont plus photosynthétiques et leur développement dépend entièrement des réserves accumulées dans les spores. Leur structure s’est encore simplifiée par rapport à celle des Filicophytes. Chez le 113 gamétophyte femelle, une partie de ces réserves sert encore à subvenir aux besoins du jeune sporophyte de deuxième génération, avant qu’il n’élabore des feuilles et des racines fonctionnelles. A ce titre, les Sélaginelles marquent une étape importante dans la spécialisation sexuelle des gamétophytes et de la réduction de l'haplophase chez les Métaphytes. V.2. Origine et avantages de l’hétérosporie Jusqu’au Dévonien inférieur, la plupart des spores fossiles de Plantes terrestres mesurent moins de 100 µm, une taille comparable à celle des spores de beaucoup de fougères homosporées actuelles. A partir du Dévonien supérieur, il y a environ 380 106 années, apparaissent des spores dépassant 200 µm de diamètre. On les interprète comme étant les plus anciennes mégaspores. L’origine de l’hétérosporie vers la même époque est attestée par des sporanges fossiles contenant deux catégories de spores de taille contrastée. On s’accorde à voir dans l’origine de l’hétérosporie l’expression des mêmes contraintes que celles qui ont présidé à l’apparition de l’anisogamie. Les gamétophytes doivent remplir deux fonctions antagonistes: produire le plus grand nombre possible de gamètes et fournir au zygote le plus de matières de réserve possible. Une solution à ce dilemme est la spécialisation fonctionnelle des gamétophytes: gamétophytes mâles dont toute la substance se transforme en gamètes mâles très mobiles et gamétophytes femelles accumulant des réserves et produisant un nombre réduit de gamètes. Toutefois, ces fougères hétérothalliques ont un handicap par rapport aux fougères homothalliques. Chez ces dernières, la dispersion à grande distance (par le vent) d’une seule spore peut suffire à fonder une nouvelle population, puisque le gamétophyte peut s’autoféconder; ceci a conféré aux premières fougères une aptitude colonisatrice très importante, expliquant en partie leur expansion rapide sur l’ensemble des terres émergées à la fin du Dévonien. 114 CHAPITRE 11 Les Gymnospermes 1 Les Spermatophytes: définition et origine Les spermatophytes sont des plantes feuillées munies de racines et de tissus vasculaires, se reproduisant par des graines. La graine dérive d’un ovule, mégasporange tégumenté indéhiscent. Les Spermatophytes sont parfois également appelés Phanérogames. Ce terme signifie “à reproduction visible” (gr. phaneros) et fait allusion au fait que les structures reproductrices de ces plantes sont particulièrement faciles à observer et souvent spectaculaires (Gymnospermes: cônes; Angiospermes: fleurs). Dans les systématiques anciennes, on opposait les Phanérogames aux Cryptogames, végétaux dont les organes reproducteurs sont “cachés” (gr. kruptos). Cette subdivision englobait non seulement les Bryophytes, Filicophytes, Sphenophytes et Lycophytes, mais aussi toutes les algues et les champignons! L’embranchement des Spermatophytes comprend deux sous-embranchements les Gymnospermes et les Angiospermes. Chez les premières, les ovules sont nus, tandis qu’ils sont enfermés dans des ovaires chez les secondes. Le groupe des Gymnospermes comprend quatre groupes: Pinophyta (les seuls qui possèdent des cônes), Ginkgophyta, Cycadophyta, Gnetophyta. 2 Les innovations majeures des Spermatophytes Le cycle de vie des Fougères est caractérisé par une alternance de générations hétéromorphes et indépendantes. Ce type de cycle a deux désavantages. Premièrement, les spores qui sont libérées par le sporophyte, n'ont qu'une probabilité très faible de rencontrer, là où elles tomberont par hasard, des conditions favorables au développement du gamétophyte et du sporophyte de seconde génération. Deuxièmement, le nouveau sporophyte dépend pour sa survie, durant les premiers stades de son existence, d'un gamétophyte petit et fragile. Il s'ensuit que de nombreux jeunes sporophytes meurent à ce stade de leur développement. Tout changement qui augmenterait la probabilité de germination de la spore et de survie du sporophyte de seconde génération pourrait donc être retenu par la sélection naturelle. Il serait par exemple avantageux pour le sporophyte de seconde génération, de tirer profit de la capacité photosynthétique et de l'absorption d'éléments minéraux que la plante mère réalise à l'aide de 115 ses racines et de ses feuilles. Il suffirait pour cela que le gamétophyte femelle et l'embryon ne quittent pas le sporophyte, mais accomplissent sur celui-ci l'entièreté de leur développement. Cette solution s'est réalisée chez un groupe de plantes vasculaires apparues à la fin de l'aire primaire: les Spermatophytes. Le Permien (de -280 à -225 millions d’années) est caractérisé par une période de glaciations et de désertifications, marquant la fin de l’ère primaire. Le début de l’ère secondaire (-225 millions d’années) voit des conditions climatiques plus favorables se restaurer. Néanmoins, l’enregistrement fossile montre que les nouvelles forêts qui se réinstallent n’ont plus grand-chose en commun avec celles du Carbonifère. Elles sont constituées d’un groupe nouveau: les Gymnospermes. Chez les Spermatophytes, la mégaspore ne quitte plus le mégasporange. Elle reste à l'intérieur de celui-ci et le gamétophyte femelle accomplit donc son développement au sein des tissus du sporophyte. Le sporophyte élabore une enveloppe protectrice autour du mégasporange; le mégasporange tégumenté est l'ovule. La rétention de la mégaspore présente deux avantages: i) elle évite les risques liés à la dispersion des mégaspores par le vent; ii) elle assure la nutrition et la protection de la mégaspore, du gamétophyte femelle, du zygote et de l’embryon. On peut voir dans ces adaptations une convergence avec les animaux amniotiques, chez lesquels le jeune se développe d’abord à l’intérieur de la mère. Toutefois, ce changement pose un problème nouveau quant à la rencontre des gamètes. Désormais enfermé dans un ovule, le gamétophyte femelle n'est plus accessible à un gamète mâle nageur libéré au niveau du sol par un gamétophyte mâle. Le changement qui a permis de surmonter ce problème est simple. Les mégasporophylles sont portées par des structures dressées et bien exposées, les cônes femelles. Les microsporophylles ont le même type de disposition, qui assure une dispersion efficace des microspores par le vent. Une partie d'entre elles atteint le cône femelle. Là, elles germent en un gamétophyte mâle, qui libère ses gamètes nageurs au contact du gamétophyte femelle. Ce mode de fécondation a été le premier à apparaître chez les Spermatophytes. Il n'existe plus aujourd'hui que chez quelques rares espèces (dont le fameux Ginkgo biloba). Les Spermatophytes actuels pratiquent un autre mode de gamie. Les gamètes mâles ne sont plus flagellés. Ils sont transportés jusqu'au gamète femelle par une expansion du gamétophyte mâle, le tube pollinique. Au total, les Spermatophytes s'affranchissent des milieux humides, puisqu'ils ne dépendent plus d'un transport des gamètes mâles par l'eau. Ceci a sans doute contribué à leur grand succès à l'ère secondaire. Ils constituent alors le groupe de plantes dominant en milieu terrestre. 116 3 Cycle du Pin Les Pins sont des plantes monoïques, les appareils reproducteurs mâle et femelle étant portés par le même pied. III.1. L'appareil reproducteur mâle et le gamétophyte mâle Il est constitué par de petits cônes jaunâtres (environ 1 cm de longueur) groupés en épis à la base des pousses de l'année. Chaque cône mâle est constitué d'un axe portant, étroitement imbriquées et en disposition hélicoïdale, des microsporophylles (écailles mâles). Chaque microsporophylle porte deux sacs polliniques (microsporanges) sur sa face abaxiale (inférieure). Chaque sac pollinique contient un massif de cellules-mères de microspores, qui subissent chacune une méiose et génèrent 4 microspores haploïdes. Les microspores germent dans le sac pollinique et produisent chacune un gamétophyte mâle endosporique réduit à 4 cellules: le grain de pollen. Au moment de sa dispersion par le vent, le grain de pollen comprend deux cellules prothalliennes aplaties, une cellule anthéridiale qui produira ultérieurement les gamètes mâles et une cellule végétative ou cellule de tube. L'enveloppe du grain comprend une couche intérieure, l'exine, décollée latéralement au niveau de deux ballonnets aérifères qui abaissent le poids spécifique du grain et facilitent la dispersion par le vent. III.2. L'appareil reproducteur femelle et le gamétophyte femelle Il est représenté par des cônes développés au sommet de certaines pousses de l'année. Ces cônes femelles persistent plusieurs années sur les rameaux. De ce fait, on peut fréquemment observer, à la fin du printemps, trois sortes de cônes d'âge décroissant vers l'extrémité du rameau. A son extrémité, sous le bourgeon terminal de la pousse de l'année, on observe des cônes rougeâtres d'environ 1 cm de long. Plus bas, au sommet de la pousse de l'année précédente, les cônes de 1 an sont verts et atteignent 5 cm de longueur. Enfin, les cônes de 2 ans, bruns et lignifiés, aux écailles écartées par temps sec, persistent sur le segment de rameau élaboré l'antépénultième année. Un cône femelle comporte un axe supportant des bractées (feuilles réduites). A l'aisselle de chacune de celles-ci est insérée une écaille ovulifère, assimilable à une mégasporophylle et portant sur la face adaxiale (dirigée vers l'apex du cône) deux mégasporanges tégumentés, les ovules, concrescents (sessiles et soudés) à l'écaille. L'ovule est un mégasporange tégumenté indéhiscent. Le tégument, soudé au sporange, est formé de plusieurs assises de cellules et comporte un micropyle (ouverture) tourné vers l'axe du cône, assurant une communication entre le milieu extérieur et le mégasporange. 117 Le mégasporange porte le nom de nucelle chez les Spermatophytes. Une seule de ses cellules se comporte comme une cellule-mère de spores et subit une méiose. Seule la mégaspore la plus profonde est fonctionnelle. Elle subit une croissance importante pendant laquelle son noyau se divise sans qu'il y ait de cloisonnement de la cellule. A la fin de la première année, le jeune prothalle femelle, cénocytique, cesse de se développer; sa croissance ne reprendra que l'année suivante. III.3. Pollinisation et fécondation De la multitude de grains de pollen disséminés par le vent au printemps de la première année, un très petit nombre pénètrent entre les écailles écartées d'un cône femelle de première année, et parviennent au sommet du nucelle par le micropyle de l'ovule: c'est la pollinisation, toujours anémogame chez les Conifères. Le gamétophyte mâle est alors séparé du gamétophyte femelle par la barrière que constitue le nucelle. Immédiatement après la pollinisation, les grains de pollen élaborent un tube pollinique. La cellule végétative fait, au travers de l'exine, une saillie entourée par l'intine. Cette saillie, en s'allongeant, pénètre dans le nucelle. Le noyau de la cellule végétative passe alors dans le tube, mais la cellule anthéridiale reste dans le corps du grain de pollen. Deux mois après le début de la germination du pollen, la cellule anthéridiale se divise et produit deux cellules superposées: la cellule socle et la cellule spermatogène. C'est à ce stade que s'arrête la germination du pollen pendant la première année. Au printemps de la deuxième année, le prothalle femelle reprend sa croissance et se cellularise. A son stade de développement maximum, ce gamétophyte femelle est appelé endosperme. Il comporte quelques centaines de cellules végétatives et deux archégones. Ceux-ci sont constitués de huit cellules de col (2 étages de 4 cellules) et d'une oosphère géante (jusqu'à 500 µm de diamètre). La croissance du tube pollinique reprend en même temps que celle du prothalle femelle. Le tube se dirige, par un parcours sinueux, vers l'endosperme (chimiotactisme). La cellule spermatogène se divise en deux gamètes mâles ou noyaux spermatiques. Le tube pollinique atteint le col d'un des deux archégones et le traverse en écartant ses cellules. Après la lyse des parois du tube et du sommet de l'oosphère, les deux noyaux spermatiques, la cellule socle et le noyau végétatif sont déversés dans l'oosphère. Seul un des deux noyaux spermatiques parvient au noyau de l'oosphère et fusionne avec lui (fécondation). III.4. La graine 118 Le zygote ainsi formé entre immédiatement en mitose. Le jeune sporophyte de deuxième génération, enfermé dans la graine, est appelé embryon. Celui-ci différencie rapidement 6 à 12 feuilles embryonnaires ou cotylédons, une courte radicule et une tigelle. La différenciation de l'embryon en plantule est accompagnée d'une accumulation de matières de réserve (protéines et lipides) dans les cellules de l'endosperme, qui se déshydrate. Pendant ce temps, le tégument ovulaire s'épaissit et se lignifie. L'ovule fécondé, ainsi transformé et entré en état de vie ralentie (dormance) est la graine, prête à être dispersée. L'écartement des écailles du cône femelle libère les graines, qui se détachent de l'écaille ovulifère en emportant une aile membraneuse qui favorise leur dispersion par le vent. En conclusion, le cycle est digénétique haplodiploïde à sporophyte dominant. Par rapport aux Lycophytes on observe une réduction et une simplification de la phase haploïde et une protection accrue du gamétophyte femelle. Le gamétophyte mâle est réduit à six noyaux; le gamétophyte femelle à un massif microscopique de cellules végétatives et deux archégones très simplifiés. Le mégasporange est indéhiscent, par conséquent la mégaspore et le gamétophyte femelle qu’elle produit restent contenus dans les tissus du sporophyte (nucelle et tégument). Dans cette situation, on peut dire que le gamétophyte femelle est parasite du sporophyte. De ce fait, la fécondation ne peut plus être aquatique puisque l'oosphère n’est plus en contact avec le milieu extérieur. L'apparition de la siphonogamie, c'est-à-dire la fécondation impliquant l'élaboration par le gamétophyte mâle d'une expansion en forme de tube dans laquelle cheminent les gamètes mâles, réduits à des noyaux nus, est donc nécessairement liée à l'apparition de l'ovule. La graine assure une protection durable et efficace au jeune sporophyte et lui fournira des matières de réserve au moment de la germination. 4 Les rôles de la graine La graine est une innovation essentielle, expliquant largement le succès évolutif des Spermatophytes. L’archégone des Bryophytes et des fougères assurait une protection du zygote à l’échelle cellulaire, mais il est constitué d’un tissu trop fragile qui ne saurait protéger efficacement un jeune embryon en cours de différenciation contre les incidents écologiques tels qu’un dessèchement prolongé, ni contre les agressions mécaniques et les prédations. Le perfectionnement de la protection de l’embryon constitue un progrès décisif dans la mesure où il accroît les chances de survie de la jeune plante. La graine assure une protection à une échelle tissulaire; l’embryon qu’elle contient est à l’abri des variations écologiques, de la dessiccation en particulier; son tégument résiste aux attaques des agents pathogènes (bactéries et champignons). Alors que l’embryon des fougères était contraint de se développer immédiatement, quelles que soient les conditions, l’embryon des spermatophytes peut demeurer en état de vie latente 119 pendant un temps prolongé (jusqu’à plusieurs années): son développement n’interviendra que lorsque des conditions favorables seront réalisées. Enfin, la graine contient des matières de réserve que l’embryon utilisera au début de son développement, ce qui minimise les risques associés à l’établissement de la plantule. On peut comparer le rôle de la graine chez les plantes à celui des soins parentaux chez les animaux. Notons que la graine assure également le transport de l’embryon à grande distance de la plantemère. Cette fonction est capitale pour des organismes ancrés au sol: au stade de la graine, le sporophyte de seconde génération, doué de mobilité passive, échappe à l’immobilité végétale. Chez le pin, c’est l’aile de la graine qui est l’instrument de la mobilité de l’embryon. Chez les Angiospermes, les mécanismes de dispersion de la graine connaîtront une diversification tout à fait étonnante. 5 Les Gymnospermes actuels Le groupe de Spermatophytes le plus ancien est celui des Gymnospermes. Il s'agit de plantes ligneuses (arbres, arbrisseaux) à ovule nu. Avec seulement 700 espèces, les Gymnospermes actuels ne donnent qu’une image très appauvrie de la riche végétation de l’ère secondaire. V.1. Ginkgopsida Une espèce actuelle: Ginkgo biloba. Arbre caducifolié à feuilles à limbe en forme d’éventail. Ovules charnus ressemblant à des mirabelles. Indigène en Chine, l’arbre est souvent planté pour l’ornement en Europe. Il est connu à l’état fossile depuis au moins 60 millions d’années. V.2. Coniferopsida Arbres ou arbustes à feuilles généralement persistantes et en forme d’aiguilles ou d’écailles. Présences de cônes mâles et femelles. Pinaceae - Pinus (Pins) Aiguilles groupées par 2, 3 ou 5. Ex : Pinus sylvestris (Pin sylvestre). Planté et naturalisé. - Picea (Epicéas) Aiguilles solitaires, piquantes ; insérées sur des verrues. Ex : Picea abies (Epicéa commun ; « sapin de Noël » des pépiniéristes). Abondamment planté en Ardenne (croissance rapide). - Abies (Sapins) Aiguilles solitaires à sommet non piquant, rameau lisse. 120 - Larix (Mélèzes) Aiguilles molles, tombant en automne, insérées en touffes sur des rameaux courts. Cupressaceae : Juniperus communis (Genévrier commun). Arbrisseau ; cône femelle à écailles charnues et soudées, formant une fausse baie. Indigène en Belgique : pelouses calcaires et landes acides ; en régression. Taxaceae: Taxus baccata (If). Ovules solitaires entourés à maturité d’une « cupule » charnue (arille) de couleur rouge. En voie de disparition en Belgique (arraché en raison de sa toxicité pour les animaux). V.3. Cycadopsida (pour mémoire) V.4. Gnetopsida (pour mémoire) 121 CHAPITRE 12 Les Angiospermes 1 Définition et origine Les Angiospermes sont des Spermatophytes à ovules enfermés dans des ovaires. Elles sont aussi caractérisées par la possession de fleurs. Ils sont le groupe de Plantes apparu le plus récemment sur la Terre. C’est, de très loin, le plus grand groupe de Plantes à l’heure actuelle (plus de 250.000 espèces). Les fossiles les plus anciens clairement identifiables comme des Angiospermes sont des grains de pollen retrouvés dans des roches vieilles de plus de 130 millions d'années. Aucune feuille ou fleur fossile d'Angiosperme datant de cette époque n'a été retrouvée. Ceci pourrait s’expliquer par le fait que les premiers Angiospermes habitaient des milieux secs, peu propices à la formation de fossiles. On pense que les premiers Angiospermes devaient être des arbres ou des arbrisseaux, étant donné que tous les Gymnospermes, dont ils dérivent, sont des plantes ligneuses. La fin du Crétacé (fin de l’ère secondaire) fut marquée par des changements climatiques qui anéantirent progressivement la majorité des Gymnospermes. On se rappellera que la transition Crétacé/Tertiaire (-65 millions d’années) correspond également à l’extinction totale des Dinosaures et de nombreux autres groupes d’animaux, peut-être provoquées par des bouleversements climatiques globaux occasionnés par l’impact d’une météorite. A l’aube du Tertiaire, les Angiospermes connaissent une diversification explosive et prennent le relais des Gymnospermes dans la colonisation du milieu terrestre. 2 Le carpelle et la fleur La transformation d'un Gymnosperme en une plante à fleurs est un processus complexe qui a impliqué de nombreuses modifications. La plus évidente de ces modifications est le passage des sporophylles des Gymnospermes aux carpelles et aux étamines d’Angiospermes. Il y a peu de doute que le carpelle dérive de la mégasporophylle des Gymnospermes. Le passage à un carpelle fermé a pu se réaliser par repliement de la mégasporophylle le long de sa nervure médiane (un peu comme un livre qui se ferme). La soudure des marges de la mégasporophylles produit alors une sorte d'étui dans lequel se trouvent désormais enfermés les ovules. La cavité du carpelle s'appelle l'ovaire. L'apparition du carpelle fournit donc une protection supplémentaire aux organes élaborant les gamètes femelles. 122 Le passage d'une microsporophylle à une étamine d'Angiosperme est encore plus facile à comprendre. L'hypothèse selon laquelle ces organes dérivent de sporophylles est confirmée par l'observation que les plantes à fleurs primitives (Magnoliacées, etc.) possèdent des étamines aplaties, sans filet et anthère clairement distincts. Une fleur est un axe court portant à son extrémité, appelée réceptacle, quatre types de feuilles transformées. De la base au sommet du réceptacle, on rencontre successivement : - les sépales, constituant le calice - les pétales, souvent colorés, constituant la corolle - Calice et corolle constituent les enveloppes florales (= périanthe), auxquelles on attribue un rôle de protection (calice) et d'attraction des pollinisateurs (corolle). - les étamines, constituant l'androcée. L'étamine se compose d'un filet et d'une anthère (= 2 microsporanges). - les carpelles, constituant le gynécée. Chaque carpelle comporte une partie basilaire creuse, l’ovaire, contenant un ou plusieurs ovules, surmontée d'un style terminé par un stigmate (organe récepteur du pollen). Le gynécée peut comprendre un ou plusieurs carpelle(s) libre(s), ou plusieurs carpelles soudés entre eux en un ovaire unique. L'ovaire (ou les ovaires) mûr(s) issus d’une fleur est le fruit, contenant les graines. Le fruit peut jouer un rôle dans la dispersion du sporophyte. S'il est comestible, il est susceptible d'être consommé par des animaux qui pourront rejeter les graines à grande distance de la plante mère. Il peut aussi être muni d'appendices susceptibles de s'accrocher au pelage des animaux, ce qui constitue une autre stratégie de dispersion. L’apparition de la fleur, avec sa capacité d’attirer (couleurs, odeurs, etc) et de récompenser (nectar) des animaux pollinisateurs, ouvre des perspectives presqu’infinies de coévolution avec le Règne animal. Cette coévolution est un aspect essentiel de la diversification des Angiospermes, qui sera abordé en détail au chapitre 14 et en bac 2. On peut d'ailleurs comprendre l'apparition du carpelle comme une réponse adaptative aux dégâts occasionnés aux ovules par les animaux prédateurs. 3 Transformations de l'appareil végétatif Le succès évolutif des Angiospermes est lié en partie à leur capacité de coloniser des milieux où les Gymnospermes n’avaient jamais pu s’installer: falaises maritimes, alluvions régulièrement perturbées par des inondations, sommets des montagnes, etc. Cette plus grande plasticité écologique est très certainement liée à la diversité des modes de vie des Angiospermes: alors que tous les Gymnospermes étaient des arbres, ou au minimum des plantes ligneuses à longue durée 123 de vie, les Angiospermes comprennent non seulement des arbres, mais aussi des plantes herbacées à cycle de vie très rapide, des plantes aquatiques, etc. On trouve parmi les Angiospermes des plantes parasites, des plantes carnivores, etc. Les possibilités adaptatives des Angiospermes sont manifestement beaucoup plus étendues que celles des Gymnospermes. La feuille des Gymnospermes est relativement peu variable; elle prend souvent la forme d'une écaille ou d'une aiguille; sa fonction est presque toujours uniquement photosynthétique. Chez les Angiospermes, au contraire, le diversité des morphologies foliaires est presque infinie. Mais surtout, la feuille montre une capacité étonnante de se transformer et d'acquérir ainsi des fonctions nouvelles: organe d'accrochage, de flottaison, de capture d'insectes, etc. 4 Cycle de la Renoncule IV.1. Gamétogenèse mâle Une anthère comprend 2 microsporanges, (ou loges polliniques) chacun constitué de 2 sacs polliniques. En coupe transversale, on observe de l'intérieur vers l'extérieur : 1°) un tissu sporogène 2°) une assise nourricière 3°) une assise mécanique, constituée de cellules dont les parois latérales et profonde sont pourvues d'épaississements rigides, sauf au niveau de la ligne de déhiscence de chaque loge pollinique. Entre les deux loges, le connectif est parcouru par un faisceau vasculaire. Les cellules du tissu sporogène subissent chacune une méiose. Les microspores, d'abord groupées en tétrades, subissent une maturation avant la déhiscence de l'anthère. Cette maturation, qui n'est autre que la germination endosporique du gamétophyte mâle, consiste en une seule mitose du noyau sporique, qui génère un noyau végétatif et un noyau spermatogène. Ce dernier ne tarde pas à s'entourer d'une paroi: cette cellule spermatogène, de petite dimension est ainsi incluse dans le cytoplasme riche en réserve de la cellule végétative. Chez les Angiospermes à pollen tricellulaire (30% des espèces), la cellule spermatogène subit encore une mitose et se transforme en 2 noyaux nus, dits noyaux spermatiques, faisant office de gamètes mâles. Chez les espèces à pollen bicellulaire, cette mitose aura lieu après la germination du pollen sur le stigmate. La taille du grain de pollen, sa forme, l'ornementation de l'exine et le nombre d'apertures (ou pores germinatifs) sont spécifiques et permettent d'identifier le sporophyte correspondant (palynologie). IV.2. L'ovule et le sac embryonnaire 124 L'ovule des Angiospermes est généralement bitégumenté. Il est fixé au placenta (paroi interne de l'ovaire) par un funicule attaché à l'ovule au niveau du hile. Une seule des cellules du nucelle, dite cellule archésporiale (= archéspore), se comporte comme une cellule-mère de spores et subit une méiose. Dans le cas le plus général, les 4 mégaspores sont disposés en file selon le grand axe de l'ovule. Généralement, seule la mégaspore la plus profonde est fonctionnelle. La mégaspore fonctionnelle augmente alors considérablement de volume et son noyau subit trois divisions équationnelles successives, qui génèrent 8 noyaux. Au stade terminal de son développement, le gamétophyte femelle endosporique, appelé sac embryonnaire, comporte, sous une paroi commune (qui n'est autre que la paroi sporique elle-même): - au pôle micropylaire, 3 cellules, soit une oosphère flanquée de 2 synergides (interprétées comme les vestiges d'un archégone) - au pôle opposé: trois cellules dites antipodes, qui ne jouent aucun rôle sexuel (cellules prothalliennes végétatives) - au centre du sac embryonnaire, 2 noyaux polaires nus. IV.3. Pollinisation et croissance du tube pollinique Les grains de pollen atteignent le stigmate par le biais d’agents pollinisateurs variables selon les espèces (vent, insectes, etc.): c’est la pollinisation. Les grains de pollen germent dès le contact sur les papilles stigmatiques. Le tube pollinique progresse (à une vitesse de quelques millimètres à l'heure) en se frayant un passage entre les cellules du tissu de conduction spongieux à l'intérieur du style, stimulé par des sécrétions de celuici. Arrivé dans la cavité ovarienne, le tube longe la paroi interne de l'ovaire et aboutit à un ovule qu'il pénètre par le micropyle. L'orientation du tube vers l'ovule répond à des facteurs chimiotropiques (acides aminés, cations Ca++, etc.). IV.4. Fécondation Le tube pollinique traverse le nucelle et il perce la paroi du sac embryonnaire et la paroi d'une des synergides et y déverse les deux noyaux spermatiques. Ceux-ci sont ultérieurement déversés dans le sac sensu stricto; ils sont alors réduits à leur noyau. L'un des noyaux spermatiques s'unit à celui de l'oosphère, le noyau diploïde résultant est appelé zygote principal, diploïde. Il produira l'embryon. Le second noyau spermatique s'unit aux noyaux polaires, ce qui forme un zygote accessoire, triploïde. Celui-ci engendrera un tissu éphémère, l'albumen, riche en réserves (amidon et protéines), qui assurera la nutrition de l'embryon et de la jeune plantule jusqu'à ce que sa racine et ses feuilles lui permettent une autonomie nutritionnelle. Cette double fécondation est caractéristique des Angiospermes. 125 IV.5. La graine et le fruit Au moment de sa dispersion par le vent (anémochorie), les animaux (zoochorie) ou d'autres vecteurs, la graine (= l'ovule fécondé) comprend de l'extérieur vers l'intérieur: un tégument sclérifié et imperméable résistant aux agents chimiques et physiques de dégradation, les vestiges du nucelle (rarement bien observables), l'albumen, et plus ou moins immergé dans l'albumen, l'embryon du sporophyte de deuxième génération, avec 1-2 cotylédons, un hypocotyle, une radicule et une gemmule (point végétatif de tige). Chez certaines familles, les réserves de l'albumen sont complètement consommées par l'embryon avant la germination de la graine, se retrouvent dans les cotylédons (ex. : Légumineuses). L’ovaire mûr est appelé fruit. Conclusions Le cycle est digénétique haplodiploïde à sporophyte dominant. Les Plantes à fleurs réalisent une étape supplémentaire de la protection du gamète femelle et de l’embryon. Cette protection prend la forme d’une structure nouvelle, le carpelle, homologue de la mégasporophylle. L’enveloppe florale contribue aussi à cette protection. La phase haploïde, réduite à l'extrême, n'est plus représentée que par quelques noyaux (8 dans le sac embryonnaire, 3 dans le grain de pollen). Ceci suggère une évolution possible des Métaphytes vers un cycle monogénétique diploïde. (Cette situation est déjà virtuellement réalisée chez certaines espèces d'Angiospermes, comme la Tulipe, dont le sac embryonnaire est réduit à 4 mégaspores, dont une joue le rôle d'oosphère; chez ces espèces, la méiose peut donc être interprétée comme gamétique au moins en ce qui concerne la gamétogenèse femelle.) L’apparition de la fleur va permettre le développement des relations coévolutives entre les Angiospermes et leurs agents pollinisateurs. Par rapport aux Gymnospermes, on note les différences importantes suivantes dans les modalités de développement de la graine: - la fécondation suit de peu la pollinisation, alors qu’elle ne s’opère qu’après un laps de temps de plusieurs mois chez les Gymnospermes; ce raccourcissement du cycle est évidemment une condition nécessaire à l’apparition de plantes annuelles à cycle de vie très court - le développement de la graine, dont la formation de l’albumen, n’a lieu que s’il y a eu fécondation; chez les Gymnospermes, des réserves s’accumulent dans la graine avant la fécondation et seront donc inutiles si la fécondation échoue (gaspillage de ressources) 126 - la période de vie ralentie de l’embryon dans la graine est la règle générale; alors que chez les formes les plus primitives des Gymnospermes actuels (Ginkgo, Cycas, etc.), l’embryon se développe immédiatement. 5 Les deux classes d’Angiospermes V.1. Classe des Magniolopsida (Dicotylédones) Plantule à deux cotylédons. Feuilles à nervation pennée ou palmée. Faisceaux conducteurs organisés en un cercle. Fleurs tétramères ou pentamères : dans chaque cycle (calice, corolle, androcée, gynécée), le nombre de pièces est un multiple de 4 ou 5. Une racine principale ramifiée. 200.000 espèces actuelles. V.2. Classe des Liliopsida (Monocotylédones) Plantule à un seul cotylédon. Feuilles à nervation parallèle. Faisceaux conducteurs dispersés dans toute la tige. Fleurs trimères : dans chaque cycle (calice, corolle, androcée, gynécée), le nombre de pièces est un multiple de 3. Racines fasciculées, toutes à peu près d’égale importance. 50.000 espèces actuelles. CHAPITRE 13 Angiospermes, anatomie et histologie 127 1 Eléments d’organographie Typiquement, une plante comprend une tige qui assure les fonctions de support des organes et de transport des substances. Elle porte des feuilles et des bourgeons, et éventuellement des fleurs ou des fruits; on appelle nœud le niveau de la tige où s’insère une feuille. La tige se prolonge vers le bas par un système racinaire, souterrain et ramifié, qui absorbe les sels minéraux et l’eau du sol et assure l’ancrage de l’organisme au substrat. Par leur emplacement, on reconnaît deux sortes de bourgeons: - le bourgeon terminal (ou apical), au sommet de la tige: il produit de nouvelles feuilles et assure l’allongement du rameau - les bourgeons axillaires sont chacun associé à une feuille, et situés dans son aisselle. Le développement d’un bourgeon mène à la production, soit d’un rameau feuillé portant à son tour un bourgeon terminal et des bourgeons axillaires associés à des feuilles, soit d’une fleur ou d’un groupe de fleurs; lors de l’élaboration d’une fleur, il n’y a pas production de bourgeons: la croissance végétative s’arrête pour faire place à la sexualité. 2 Différenciation organique et originalité du développement végétal Un bourgeon contient un méristème entouré d’ébauches foliaires, l’ensemble étant protégé par des écailles. Un méristème est un massif de petites cellules dont la multiplication élabore tous les organes de la plante. La tige s’allonge par élaboration de nouveaux articles (entre-nœuds) porteurs chacun d’une feuille accompagnée de son bourgeon axillaire. La tige est donc une succession d’articles terminés chacun par une feuille et son bourgeon. Lorsqu’un animal se développe, la croissance puis la différenciation affectent progressivement l’organisme entier, jusqu’au moment où tous ses organes, tous ses tissus sont différenciés; son développement est alors achevé. Cette phase de mise en place des organes ne concerne qu’une période limitée de la vie de l’animal. Chez les plantes, au contraire, la croissance s’accompagne de la mise en réserve de massifs juvéniles (les méristèmes) tout le long des tiges, dans les bourgeons. Tout au long de la vie de la plante, ces îlots méristématiques permettent l’apparition de nouveaux organes: l’individu se développe aussi longtemps qu’il reste en vie. Ce phénomène confère à la plante des possibilités de régénération, de renouvellement, de réajustement des structures dont les animaux ne présentent pas d’équivalent. Une différence profonde entre la plante et l’animal apparaît ici. - Le devenir de l’animal est déterminé dès la formation de l’embryon; son développement aboutit à différencier des organes ayant chacun une fonction propre et dont le fonctionnement est sous 128 la dépendance d’un système régulateur centralisé: l’ontogénie animale est un phénomène prédéfini, centralisé et achevé. - L’ontogénie de la plante, jamais terminée, se déploie tout au long de sa vie; le devenir d’un bourgeon ne se détermine que très tardivement; la centralisation de la régulation ontogénétique et fonctionnelle est très faible, chaque rameau ayant une relative autonomie dans son développement. Corrélativement, les sièges des diverses fonctions (par exemple, évacuation des déchets gazeux, assimilation, biosynthèses de toutes sortes, etc.) sont dispersés dans l’organisme. 3 Tissus primaires Les tissus primaires sont mis en place par les deux méristèmes apicaux (caulinaire et racinaire). On distingue quatre types de tissus primaires simples : Parenchyme Collenchyme Sclérenchyme Epiderme Des tissus plus complexes peuvent être aussi mis en place par les méristèmes primaires : Phloème Xylème Périderme (pour mémoire) Structures sécrétrices (pour mémoire) 3.1. Parenchymes Les parenchymes sont des tissus peu différenciés qui sont le siège des fonctions élaboratrices de la plante (photosynthèse et stockage des réserves). Les cellules parenchymateuses sont en général isodiamétriques ou allongées, plus ou moins arrondies dans les angles. Les espaces qu'elles délimitent alors entre elles sont appelés méats ou lacunes selon leur taille. On distingue les parenchymes suivants : parenchymes chlorophylliens ou assimilateurs, palissadique ou lacuneux (Dicotylédones) 129 parenchymes de réserve (mise en réserve de matériaux élaborés par les cellules chlorophylliennes). parenchymes aquifères (contiennent de l'eau chez les plantes succulentes) parenchymes aérifères (contiennent de l'air chez les plantes aquatiques) Les parenchymes sont présents dans de nombreux organes tels que les racines, les tiges souterraines (ou rhizomes), les tubercules, les tiges aériennes, les fruits et les graines. Dans les organes âgés dont la croissance est achevée, souvent le parenchyme devient sclérifié par lignification des parois de cellules parenchymateuses. 3.2. Collenchyme Le collenchyme se forme dans les organes jeunes en croissance, aériens essentiellement. C'est un tissu vivant dont les parois sont épaissies par un dépôt de cellulose (formation de paroi secondaire), ce qui confère à la plante une grande résistance à la flexion et à la traction, une élasticité et une certaine souplesse. Il est généralement situé en anneaux ou en ilots sous l'épiderme des tiges et des pétioles, ou encore accolé à des vaisseaux conducteurs dans les pétioles ou les limbes des feuilles. 3.3. Sclérenchyme Le sclérenchyme est le tissu de soutien des organes dont l'allongement est achevé. C'est un tissu constitué de cellules mortes dont les parois sont épaissies par un dépôt de lignine qui confère dureté et rigidité à la plante. Deux types de cellules peuvent constituer les sclérenchymes : les sclérides et les fibres. Les sclérides sont de morphologie isodiamétrique alors que les fibres sont allongées. 3.4. Epiderme L'épiderme est une assise continue de cellules qui recouvre les organes et les protège contre la dessiccation et les agressions extérieures tout en permettant de réguler les échanges gazeux avec l'atmosphère. C'est un tissu vivant constitué d'une assise unique de cellules de revêtement jointives, de cellules stomatiques et parfois de poils. La paroi externe des cellules est imprégnée de lignine jointive et continue. 3.5. Phloème 130 Le phloème comporte au minimum les deux types cellulaires suivants : des tubes criblés et des cellules compagnes. Les tubes criblés sont constitués d’un assemblage de cellules criblées. Une cellule criblée est une cellule vivante mais dépourvue de noyau. Elle comporte une grande vacuole centrale, dans laquelle circule la sève élaborée (solution de sucres, acides aminés et diverses autres molécules organiques), et une mince couche de cytoplasme le long des parois. Les parois sont minces. Les parois transversales sont percées de pores et constituent une plaque criblée. 3.6. Xylème Le xylème des Angiospermes contient trois types d'éléments : des fibres de type trachéide qui assurent le soutien, des cellules de parenchyme et des vaisseaux qui assurent la conduction. Les trachéides sont des cellules de diamètre faible, à paroi très épaissie et aux extrémités biseautées. Les cellules parenchymateuses dites "de contact" qui bordent les vaisseaux assurent la sécrétion des ions dans le xylème ou des sucres au début du printemps. Les vaisseaux sont constitués de cellules de grand calibre, à parois transversales résorbées. La sève brute (solution très diluée de sels minéraux : potassium, calcium, magnésium, nitrate, phosphate, sulfate, etc.) y circule des racines jusqu’aux feuilles. 4 Anatomie des feuilles a. Tissus L'organisation d'une feuille présente une symétrie bilatérale, ce qui la distingue de celle d'une tige. Sur une coupe transversale pratiquée au milieu du limbe et traversant la nervure principale, on observe : un épiderme supérieur et un épiderme inférieur ; les tissus compris entre les deux épidermes constituent le mésophylle ; au sein de celui-ci, à l’emplacement de la nervure principale, on observe un faisceau libéro-ligneux. L’épiderme. On distingue un épiderme ventral (= adaxial, = supérieur) formé de cellules couvertes d'une cuticule épaisse, et ne comportant aucun stomate, et un épiderme dorsal (= abaxial = inférieur) à cuticule moins épaisse et muni de stomates. L'aspect «laqué » de la face supérieure du limbe est dû à la présence d'une cuticule épaisse. Les cellules de l’épiderme ne comportent habituellement pas de chloroplastes. Leur forme varie selon les espèces. Le mésophylle. Il est formé de deux types de parenchymes chlorophylliens superposés. Sous l'épiderme supérieur, on distingue deux assises de cellules plus hautes que larges, contenant de nombreux chloroplastes, et ne ménagent entre elles que peu de méats: c'est le parenchyme palissadique. Entre celui-ci et l'épiderme inférieur, on observe un parenchyme constitué de cellules plus isodiamétriques, moins riches en chloroplastes, et réservant de volumineuses lacunes : c'est le parenchyme lacuneux. Au niveau de chaque stomate de l'épiderme inférieur, c'est une de ces lacunes qui constitue la chambre sous-stomatique. Le contraste de couleur entre les deux faces 131 de la feuille (face inférieure plus claire) est dû à cette différence de structure du parenchyme chlorophyllien. Les cellules de parenchyme chlorophyllien ont habituellement une ou plusieurs vacuoles ; leur paroi est constituée principalement de cellulose et est relativement mince. La nervure principale. La nervure principale, chez les dicotylédones, forme une crête saillante sur la face inférieure du limbe; elle est essentiellement formée d'un large faisceau libéro-ligneux, dont le xylème est orienté vers la face ventrale du limbe et le phloème vers la face dorsale. Ce faisceau se trouve au sein d'un parenchyme homogène et pauvre en chlorophylle. Dans celui-ci se sont différenciés des tissus de soutien : du collenchyme près des épidermes inférieur et supérieur, et du sclérenchyme, qui coiffe le xylème et le phloème du faisceau. On notera que le sclérenchyme présente un aspect différent à la face supérieure et à la face inférieure du limbe. La consistance particulièrement coriace de la feuille tient à l'abondance de ces tissus de soutien. b. Fonction et diversité La fonction principale des feuilles est la photosynthèse. C’est l’organe qui présente généralement le plus de chloroplastes. Dans le cas de plante de milieux secs, les feuilles peuvent aussi avoir pour fonction le stockage de l’eau (par exemple chez les Crassulaceae et les Aizoaceae). La morphologie de la feuille est très variable entre les espèces. On distingue une grande diversité dans la coupe du limbe (feuille simple ou composée), dans la nervation (parallèle, pennée ou palmée) et dans la position relative des feuilles (opposées, alternes, verticillées, opposées décussées). 5 Anatomie d’une tige 5.1. Tissus La coupe transversale révèle une symétrie axiale et deux régions concentriques: l'écorce et le cylindre central. L'écorce n'a qu'une épaisseur très limitée. Elle comporte, de l'extérieur vers l'intérieur: 1°) Un épiderme, unistrate, à parois primaires souvent épaissies (épiderme collenchymateux); la paroi externe est couverte d'une cuticule souvent épaisse. On observe des stomates. 2°) Le parenchyme cortical pluristrate est chlorophyllien et comporte des lacunes et méats. Habituellement, la densité des chloroplastes décroît de l’extérieur vers le centre de la tige. Souvent, les assises externes du parenchyme cortical sont fortement collenchymateuses; parfois, ce collenchyme cortical est localisé aux angles de la tige quand celle-ci est pourvue d’angles saillants. 132 Le cylindre central contient la moelle et les faisceaux conducteurs. La moelle est constituée de parenchyme médullaire à grandes cellules incolores, est très développée; (souvent, son centre, résorbé, est remplacé par une vaste lacune). Les faisceaux conducteurs sont constitués en faisceaux libéro-ligneux. Les faisceaux conducteurs, en nombre élevé (typiquement plus de 10), sont disposés en un cercle unique; cette disposition, caractéristique des Dicotylédones, est appelé eustèle. On distingue des faisceaux de grande taille, dits faisceaux caulinaires, et, intercalés entre eux, des faisceaux plus petits, qui quitteront la tige pour entrer dans un pétiole au niveau d'un nœud: on les appelle traces foliaires. Chaque faisceau est constitué par la superposition du phloème et du xylème, le phloème étant situé vers l'extérieur et le xylème vers l'intérieur de l'organe. Ce type de faisceau est dit collatéral. Les éléments conducteurs du xylème n’ont pas tous le même diamètre. Ceux qui ont le plus petit calibre se trouvent au sommet d’un triangle que dessine grossièrement l’ensemble des vaisseaux ligneux, en coupe transversale. Ce sont des vaisseaux annelés et spiralés, constituant le protoxylème (ou pôle ligneux) mis en place dans le jeune organe. Ils finissent par être étirés, écrasés et résorbés dans l’organe plus âgé. Les autres éléments conducteurs sont de plus en plus larges au fur et à mesure qu’on s’éloigne du pôle ligneux vers l’extérieur de la tige: c’est la différenciation centrifuge. Ce sont des vaisseaux réticulés et ponctués constituant le métaxylème. Ils sont mêlés à des cellules plus petites (fibres, et/ou parenchyme sclérifié). A l’extérieur du xylème primaire, s’observe le phloème primaire. Le protophloème, le plus externe, est difficile à distinguer. Le métaphloème, plus profond, montre des tubes criblés et des cellules compagnes. Les cellules du phloème se distinguent généralement bien du parenchyme cortical par leur calibre plus petit et la réfringence plus ou moins «nacrée» de leurs parois. Souvent, le pôle de phloème comporte vers l’extérieur un faisceau de fibres qui jouent un rôle de soutien important (fibres de phloème). Chez les tiges pluriannuelles, on remarque entre le xylème et le phloème primaires, des files régulières de cellules très aplaties tangentiellement. Elles constituent l’ébauche d’une zone cambiale, dont l’activité donnera naissance, la seconde année, aux tissus conducteurs secondaires. La division du cambium produira vers l’intérieur de la tige le xylème secondaire, et vers l’extérieure de la tige le phloème secondaire. 5.2. Fonction et diversité Les tiges ont pour fonction principale le soutient de la plante et les transferts de nutriments entre ses différentes parties. Elles peuvent aussi jouer un rôle important dans la photosynthèse chez certaines espèces, via le parenchyme cortical. 133 Les tiges peuvent participer à la reproduction végétative de la plante par un développement aérien horizontal (= stolons) ou souterrain horizontal (= rhizome). Ces tiges aériennes ou souterraines permettent de coloniser le milieu par le développement de nouveaux organismes complets aux extrémités de celles-ci (ex : fraisier, chiendent). Les tiges peuvent aussi être modifiées en vrilles (ex : houblon) ou en ventouses (ex : vigne) pour s’ancrer à différents supports aériens. Enfin les tiges peuvent des organes de stockage. On distingue les bulbes chez les tulipes par exemple, et les tubercules chez la pomme de terre. 6 Anatomie d’une racine 6.1. Tissus La racine est mise en place par le méristème racinaire. Ce méristème présente la particularité d’être protégé par une coiffe, ce qui permet de le protéger de l’abrasion par le sol au cours de la progression de la racine. Comme pour la tige, la symétrie de la racine est radiaire et on distingue chez la racine une zone corticale d’une zone médulaire. Ces deux zones sont séparées par un tissu particulier, l’endoderme. La zone corticale est constituée d’un épiderme présentant des poils absorbants et d’un parenchyme cortical qui ne présente aucun chloroplaste. Dans la zone médulaire, les tissus vasculaires, phloème et xylème, s'alternent. Au centre de cette zone, on distingue un parenchyme chez les monocotylédones alors que cette zone est occupée essentiellement par un cylindre de xylème chez les dicotylédones. 6.2. Fonctions et diversité Les fonctions principales des racines sont l’absorption d’eau et de sels minéraux. Cette fonction est réalisée grâce à la zone pilifère de l’épiderme. Les racines sont aussi généralement utilisées par la plante pour stocker des substances de réserve comme de l’amidon. Elles peuvent aussi participer à la stabilité de la plante par le développement de racines contreforts. Chez les plantes épiphytes, les racines sont modifiées pour permettre l’assimilation de la rosée et de l’eau de pluie. 134 CHAPITRE 14 Angiospermes, biologie florale 1 Floraison La floraison est un phénomène naturel pour les plantes supérieures puisqu'elle achève leur cycle biologique en leur permettant de produire des fruits et des graines. La floraison est la transformation d'un méristème végétatif de tige (apical ou axillaire) en un méristème floral. Cette transformation s'effectue pour autant que la plante ait atteint un développement minimum appelé maturité de floraison. Elle peut être très précoce ou relativement longue en fonction des espèces. Chez l’arachide, les ébauches florales se forment déjà à l'aisselle des cotylédons. Chez la tomate, c’est après la formation de 13 entre-nœuds. Elle intervient au moins après 2 ans chez la Pivoine, de 2 à 7 ans pour les arbres fruitiers et une cinquantaine d'années pour les chênes. Le terme de "mise à fleurs "est très imprécis, en effet il faut distinguer: - l'initiation florale qui correspond à la formation des ébauches florales - le développement des ébauches (c'est-à-dire la floraison proprement dite ou épanouissement de la fleur) La floraison conduit fatalement à la mort des espèces annuelles et bisannuelles et de quelques plantes à vie plus longue tels que les agaves, par épuisement des méristèmes. Les plantes annuelles et bisannuelles ne sont pas des formes primitives, elles dérivent plus ou moins directement des premières plantes à fleurs qui étaient probablement arborescentes et croissaient sous un climat équatorial uniforme. L'ensemble des végétaux mourant obligatoirement après avoir fleuri sont dit monocarpiques. L'apparition des fleurs surtout chez les plantes vivaces et ligneuses et même en climat uniforme est soumise à des rythmes plus ou moins réguliers, parfois indépendants du milieu, ce qui laisse supposer l'existence de barrières capables de s'abaisser et de se lever spontanément. En exemple, voici les étapes de la formation des fleurs chez le pommier cv. Gravenstein. - début de la transformation d'un méristème végétatif en méristème floral : 11 juin - apparition des sépales de la fleur centrale du corymbe: 20 juin - différenciation des étamines: 17 août - différenciation du pistil: 13 octobre Vers la fin août tous les organes floraux sont formés à l'exception des cellules reproductrices (pollen et ovules). 135 - formation du bourgeon écailleux et passage de l'hiver - floraison le printemps suivant. 2 Morphologie florale Les différents éléments de la fleur ont été présentés au chapitre 12. Nous présentons ici les variabilités de ces structures, à la fois pour les structures reproductrices (gynécée et androcée) et le périanthe (Corolle et calice, ou périgone). 2.1. Variation du gynécée Le gynécée de la fleur est composé des différents carpelles portés par le réceptacle. La partie renflée du carpelle est appelée ovaire et protège les ovules (voir chapitre 12). Les fleurs primitives présentent un ovaire posé sur le réceptacle de la fleur (ovaire supère). Progressivement, on observe la fusion entre le réceptacle et l’ovaire (ovaire infère), tendance qui permet de protéger encore mieux les ovules d’une prédation éventuelle. Les carpelles sont en nombre variable selon les familles de plantes. Leur nombre est généralement stable au sein des individus d’une même espèce mais aussi au sein d’une famille végétale entière. Par exemple, toutes les espèces de la famille des Fabaceae présentent un seul carpelle par fleur. De même, toutes les espèces de la famille des Geraniaceae possèdent cinq carpelles. Chez les plantes possédant plusieurs carpelles, on observe que ceux-ci ont eu tendance à fusionner entre eux au cours de l’évolution. Les modalités de fusion sont appelées placentations. Si les carpelles fusionnent ensemble en gardant chacun leur propre loge, on parle de placentation axile. Si les carpelles fusionnent en formant une seule loge, la placentation est dite pariétale ou centrale, selon que les ovules soient insérés sur la paroi de l’ovaire ou sur une colonne centrale respectivement. La placentation centrale a évolué directement de la placentation axile par disparition des parois des ovaires définissant les loges. Cette placentation centrale peut encore évoluer chez certains groupes vers une placentation basale par diminution de la hauteur de la colonne. Le pistil est la structure individualisée du gynécée, il est constitué d’un seul ou de plusieurs carpelles fusionnés. On distingue un seul ovaire pour un pistil mais on peut observer plusieurs styles et/ou stigmates si le pistil est constitué de plusieurs carpelles partiellement fusionnés. Les carpelles et les ovules sont généralement difficiles à observer directement sur la fleur car ces structures peuvent être relativement petites. Elles sont plus faciles à observer sur les fruits. 2.2. Variation de l’androcée et de l’enveloppe florale 136 Comme pour le nombre de carpelles, le nombre d’étamines composant l’androcée peut varier. Ces étamines peuvent être plus ou moins visibles selon l’ouverture de la fleur. Le nombre de pétales et de sépales est généralement caractéristique des familles de plantes et des clades supérieurs. Les monocotylédones sont par exemple caractérisées par des pétales, sépales et/ou tépales que l’on trouve par 3 par cycle ou un multiple de 3. Les éléments du périanthe chez les dicotylédones vont généralement par 4 ou par 5. Les pétales et sépales peuvent être libres entre eux ou soudés. On parlera de fleur gamopétale et gamosépale si la corolle et le calice présentent leurs éléments soudés, et de fleur dialypétale et dialysépale si les éléments ne le sont pas. Si la corolle est morphologiquement distincte du calice, on parle de fleur hétérochlamydée. Si on ne distingue pas le calice de la corolle, la fleur est dite homochlamydée. L’enveloppe florale est alors appelée périgone et elle est constituée de tépale. L’association de la corolle et du calice peut former des fleurs de symétrie variable. Les fleurs actinomorphes présentent une symétrie radiaire. Elles peuvent être divisées par plusieurs plans de symétrie passant par le centre. Les fleurs zygomorphes présentent une symétrie bilatérale, peuvent être divisées par un seul plan de symétrie passant par le centre. 2.3. La répartition des sexes sur les fleurs Les fleurs et/ou les individus peuvent présenter uniquement des étamines, des carpelles ou les deux. L’hermaphrodisme. Les fleurs hermaphrodites possèdent à la fois des organes reproducteurs mâles et femelles. Cas le plus fréquent. Exemples : orme, merisier, jonquille, pissenlit. Les fleurs unisexuées. Les fleurs peuvent présentée uniquement l’un des deux sexes. Les fleurs unisexuées mâles présentent uniquement des étamines alors que les fleurs unisexuées femelles présentent uniquement des carpelles. Exemples : chêne, papyrus, houx. La monoécie. Chez les espèces monoïques chaque plante possède des fleurs mâles et femelles. Ces dernières peuvent être hermaphrodites ou unisexuées. Exemples : noisetier, aulne, châtaignier, bouleau, noyer, maïs, ricin, concombre, melon, hêtre, chêne. La dioécie. Chez les espèces dioïques les fleurs unisexuées mâles et femelles sont portées par des individus différents. Exemples : saule, peuplier, papayer, palmier dattier, ginkgo, érable negundo, ortie dioïque, bryone, mercuriale, compagnon rouge, compagnon blanc, kiwi, houblon, chanvre. 3 La pollinisation La pollinisation est le transfert sur le stigmate de pollen produit par une étamine. Alors que les Gymnospermes sont tous caractérisés par une pollinisation anémophile, on distingue de nombreuses modalités dans la pollinisation chez les Angiospermes. 137 3.1 L’autopollinisation Le stigmate d’une fleur est pollinisé par le pollen de sa propre fleur ou d’une fleur portée par la même plante. L’autopollinisation est favorisée chez quelques espèces dont les anthères viennent à maturité se placer au-dessus du stigmate et déverser leur pollen. Cependant elle ne s’impose pas sauf chez les espèces cléistogames. Les espèces cléistogames possèdent des fleurs qui ne s’épanouissent pas ; la pollinisation et la fécondation ont lieu dans le bouton floral. L’autopollinisation demeure exceptionnelle et la fécondation croisée est la règle générale. En effet, cette dernière permet une reproduction sexuée et un assemblage original des gènes paternels et maternels. 3.2 Pollinisation croisée Le pollen d’une fleur est transporté sur le stigmate d’une fleur appartenant à une autre plante de la même espèce (pour autant que les deux plantes n'appartiennent pas au même clone). La fécondation croisée est d’une importance capitale (évolution, conquête de nouvelles niches écologiques). Elle permet, par les recombinaisons génétiques, la formation de génotypes nouveaux. La fécondation croisée est favorisée par 4 mécanismes différents : La séparation des sexes dans l’espace entre les individus d’une population. Cas des plantes dioïques. La séparation des sexes dans le temps chez les fleurs hermaphrodites. En fait, les organes mâles et femelles d’une même fleur n’arrivent pas à maturité en même temps : La protandrie : pollen mûr alors que le gynécée est immature et non réceptif. Exemples : nombreuses Lamiaceae et Apiaceae, géranium, digitale pourpre. La protogynie : stigmate réceptif alors que les étamines ne sont pas encore arrivées à maturité. Exemples : magnolia, lis martagon, belladone. L’auto-incompatibilité. Il s’agit des phénomènes d’incompatibilité entre le pollen et le pistil de la même fleur ; l’incompatibilité se manifeste par l’impossibilité pour le pollen de germer sur le stigmate de la même fleur, ou, s’il germe par une inhibition du tube pollinique qui finit par dégénérer (mécanisme de reconnaissance de son propre pollen). Cette barrière physiologique est très efficace contre l’autopollinisation. Le phénomène est très fréquent chez les Angiospermes. 95% des Angiospermes portent les deux sexes sur une même plante (cas des fleurs hermaphrodites et des plantes monoïques). De plus lorsqu’il s’agit de plantes non anémophiles, une grande partie du pollen se dépose dans un rayon de moins de 4m de l’anthère (sans intervention extérieure). Théoriquement, il devrait y avoir un fort taux de consanguinité et le génome des plantes à fleurs ne pourrait maintenir une certaine variabilité des gènes. Ces plantes ne possèderaient pas le 138 potentiel adaptatif nécessaire à leur survie et à leur évolution et par conséquent le risque de leur disparition serait très élevé. En réalité, lors de son adhésion sur le stigmate, le grain de pollen doit passer avec succès l’épreuve de la reconnaissance. Un contrôle génétique élaboré permet aux gynécées de reconnaître, d’accepter ou de rejeter le pollen suivant son origine génétique. Si le pollen et le gynécée exprime la même spécificité allélique S, le gynécée décèle une incompatibilité pollinique ou sexuelle et rejette l’autopollen. Chez quelques espèces on a déterminé la nature des gènes S et leurs produits : ce sont les protéines S (glycoprotéines) possédant des caractéristiques enzymatiques et donc susceptible d’endommager l’autopollen ou son tube pollinique. Exemples : Certaines Solanaceae : ARNase ; certaines Brassicaceae : kinase (les kinases sont des enzymes du groupe des transférases effectuant des transferts du groupement H3PO4 à partir de l’ATP). L’existence de conformations morphologiques particulières interdisant au pollen d’une fleur de se rendre sur le stigmate de la même fleur. Un exemple classique est celui des fleurs hétérostyles dont la longueur des filets et des styles sont distribuées en deux types groupes différents (brévistyle et longistyle) (Exemple : Primevère, salicaire). Certaines fleurs présentent de longs styles dominant les anthères et d’autres des styles courts situés sous les étamines. La propriété fondamentale de ces fleurs n’est cependant pas d’ordre morphologique mais d’ordre physiologique ; en effet, le pollen des unes n’est pas compatible avec le style des autres et viceversa. La primevère officinale (Primula officinalis) et la salicaire (Lythum salicaria) constituent les grands classiques étudiés par Charles Darwin en 1877. Ces deux espèces présentent des fleurs hétéromorphes (de formes différentes). Les grains de pollen présentent 2 hétérosides différents inhibant la germination du tube pollinique : - la rutine dans le pollen des fleurs brévistylées - le quercitroside dans le pollen des fleurs longistylées Il peut aussi avoir la présence dans les stigmates de 2 enzymes détruisant ces hétérosides et autorisant la germination du grain de pollen : - l’enzyme « antirutine » sur le stigmate des fleurs B - l’enzyme « antiquercitroside » sur le stigmate des fleurs A CONCLUSIONS Si certains mécanismes tels que la monoécie, la dichogamie et l’entomophilie favorisent la pollinisation croisée, il ne l’impose pas absolument. Seuls deux mécanismes imposent 139 obligatoirement la fécondation croisée, c’est-à-dire, la fusion entre 2 gamètes de génotypes différents : la dioécie et l’auto-incompatibilité. Sur les 250.000 espèces actuelles, 70 % de fleurs sont hermaphrodites, 17 % de monoïques et 13 % de dioïques. Le nombre d’espèces dioïques est donc relativement faible mais l’autoincompatibilité est largement répandue. La pollinisation croisée s’est donc imposée à un nombre d’espèces important. La diversification rapide des Angiospermes dès la fin de l’ère secondaire (Crétacé supérieur : +/100 M.A.) coïncide avec celle des insectes pollinisateurs. Ceux-ci en pollinisant les fleurs avec beaucoup plus d’efficacité que le vent auraient assuré la prépondérance des plantes à fleurs. On attribue aussi à l’angiospermie l’avantage du carpelle clos protégeant les ovules de la dessiccation et des insectes. En fait, le pistil a dû jouer aussi le rôle d’organe contrôlant la pollinisation et la fécondation en assurant la protection des ovules contre leur propre pollen. 4 Syndrome de pollinisation et vecteur de pollen Le syndrome de pollinisation est un ensemble de caractéristiques florales (anatomique, chimique, phénologique) qui permettent à la fleur de transférer efficacement le pollen en vue de la reproduction. Chaque mode de pollinisation est associé à un vecteur de pollen. Pour la pollinisation biotique, la fonction des traits floraux associés au syndrome de pollinisation est donc d’attirer particulièrement un groupe de pollinisateurs. 4.1 Pollinisation sans vecteur (Autopollinisation) Les étamines viennent s’appliquer directement sur le stigmate ou dispersent le pollen au-dessus des fleurs qu’elles surplombent. La fleur reste généralement fermée pendant toute la floraison. Il n’y a pas de vecteur particulier pour transférer le pollen. 4.2 Pollinisation par le vent (Plante anémophile) Les fleurs sont peu attractives pour les insectes : pas de périanthe (exemples : Poaceae, bouleau, aulne, peuplier) ou petit périanthe terne et sans éclat (exemples : ortie, rumex), pas de parfum et pas de nectaire. Par ailleurs, le pollen est produit en grande quantité et de petite taille (10-15µm). Les inflorescences mâles sont pendantes, agitées par le vent (chatons) ou étamines oscillantes des Poaceae. La floraison se réalise souvent avant l’apparition des feuilles (exemple : noisetier). Souvent il y a une grande surface réceptrice du pistil (exemples : stigmates plumeux des Poaceae ou en pinceau des orties) L’avantage est que le vent peut entraîner le pollen à plusieurs dizaines de kilomètres. Les inconvénients sont que la rencontre du pollen avec les pistils est aléatoire et qu’il y a une perte d’énergie dans la production abondante de pollen (Ex : un pied de maïs produit 50 millions de grains de pollen alors que 1.000 sont suffisants pour féconder tous les ovules d’un pied). 140 4.3 Pollinisation par les animaux (Zoophile) Dans ce mode de pollinisation, la plante cherche à attirer un vecteur qui transportera de manière efficace et fidèle son pollen vers une autre fleur de la même espèce. Le pollen est transporté de manière involontaire par l’animal sur les soies ou les poils de son corps. En visitant les fleurs, le pollinisateur cherche de la nourriture (pour eux-mêmes ou pour leur progéniture), généralement le nectar (liquide sucré secrété par les glandes nectarifères ou nectaires) et pollen, produite par les plantes pour attirer les pollinisateurs. On parle de « récompenses » florales. Ces récompenses sont différentes selon les pollinisateurs. Les récompenses peuvent être consommées par l’adulte ou la larve (dans le cas des insectes). Par ailleurs, certains pollinisateurs cherchent en plus un lieu de ponte (exemple : fécondation des fleurs de yucca et de figuier par des insectes pondant respectivement dans la fleur de l’inflorescence des 2 espèces). Dans ce cas c’est la larve qui va essentiellement bénéficier de l’apport de nourriture de la plante. Ce mode de pollinisation est le plus commun pour les Angiospermes. Près de 90% des plantes à fleurs sont pollinisées par les animaux. Les animaux les plus communs et efficaces dans la pollinisation sont les insectes (Coléoptères, Diptères, Lépidoptères et Hyménoptères). Pollinisation par les abeilles. Les abeilles sont le groupe le plus important de pollinisateurs (80% Angiospermes concernés). Elles sont entièrement dépendantes des ressources florales pour l’alimentation des larves et les adultes. Il y a environ 20.000 espèces décrites ce qui en fait un groupe ubiquistes. Elles sont actives le jour et ont les sens de l’odorat et de la vision bien développés. Elles sont donc attirées par des fleurs bien colorée, jaunes, bleues et avec UV ; jamais les rouges puisqu’elles sont incapables dans voir dans cette gamme d’onde. Ces fleurs sont aussi odorantes la journée. Pollinisation par les papillons diurnes. Les papillons diurnes sont actifs la journée et peuvent voir dans le rouge. Ils présentent un long proboscis (pièces buccales). Leurs larves sont herbivores, parfois sur la plante pollinisée par l’imago. Les fleurs sont en conséquence souvent pâle et rose, leur corolle avec un long tube ou éperon et une symétrie radiaire. Pollinisation par les papillons nocturnes. Ils sont généralement actifs la nuit (mais pas toujours). Comme les papillons diurnes, ils présentent aussi un long proboscis (pièces buccales). Leur odorat est très développé mais leur vision est limitée. Les fleurs visitées sont blanches ou vert clair, sentent la nuit. Elles ont une corolle formant un tube profond et une symétrie radiaire. Pollinisation par les mouches. On peut distinguer deux groupes de mouches en fonction de leur écologie, des mouches floricoles d’une part et des mouches charognard d’autre part. Les mouches floricoles se nourrissent de pollen et de nectar à l’état adulte. Elles sont associées à des fleurs qui offrent des récompenses légitimes (nectar), qui présentent des couleurs vives et une symétrie 141 radiaire. On remarque dans certain groupe une coévolution remarquable entre la longueur des pièces buccales de l’insecte et la profondeur de la corolle. Les mouches charognards, au contraire, ne se pose pas sur la fleur pour y rechercher une récompense florale. Elles sont dupées par la fleur qui imite une autre ressource de nourriture pour les larves, de la viande décomposée ou des excréments. Ces fleurs présentent donc une couleur rouge ou brune et dégagent une odeur fétide. Pollinisation par les oiseaux. La pollinisation par les oiseaux se fait essentiellement par un groupe spécialisé dans la récolte de nectar : les colibris. Leur vol est stationnaire et leur vision est excellente. Ils présentent un faible odorat mais un métabolisme très élevé qui les obligent à réaliser de nombreuses visites florales pour récolter un maximum de nectar. Ils ont un bec allongé adapté à la consommation de cette récompense florale. Ils consomment peu de pollen voire pas du tout. Les fleurs attirant les colibris sont en conséquence : • • • • • de couleur rouge ou jaune ; pendante (l’oiseau n’a pas besoin de se poser au contraire des abeilles) Peu odorante Nectar fluide en très grande quantité Corolle tubulaire Pollinisation par les chauves-souris. Les chauves-souris ont une activité généralement nocturne. Comme les colibris, elles sont capables de vol stationnaire. Elles consomment à la fois le nectar et le pollen. De nombreuses fleurs de cactus sont adaptées à la pollinisation par les chauves-souris. Elles sont grandes, blanches et à symétrie radiaire. Elles produisent de grande quantité à la fois de nectar et de pollen. Tableau récapitulatif des traits floraux associés à différents vecteur de pollen. Vecteur Ouverture Couleur Odeur Forme Nectar Abeilles Jour/nuit Variable mais pas rouge Sucrée Plate ou en large tube ; bilatéral ou radiaire Riche en sucrose Papillons diurnes Jour/nuit Variable mais souvent rose Sucrée Profonde ou avec des éperons ; radiaire Riche en sucrose Papillons nocturnes Nuit Blanc ou vert clair Sucré, nocturne Profonde ou avec des éperons ; radiaire Riche en sucrose Mouches floricoles Jour/nuit Variable Variable Plate; radiaire Riche en hexose Mouches charognards Jour/nuit Brune ou rouge Fétide Plate ou profonde ; souvent piège ; radiaire Riche en acides aminés si présent 142 Oiseaux Jour Forte, généralement rouge Chauvesouris Nuit Pâle, généralement blanche Aucune Tube pendant ; radiaire ou bilatéral En grande qté et riche en hexose Plate ou tube profond ; sur branche ou tronc ; pendante ; bpc de pollen ; radiaire En grande qté et riche en hexose 4.4 Coévolution plantes-pollinisateurs La relation entre plantes et pollinisateurs peut se spécialiser au fil du temps et mener à des processus de coévolution. Dans ces processus, les structures collectrices de pollen et de nectar du pollinisateur s’adaptent à une espèce de plante particulière et, parallèlement, la plante complexifie l’accès à ces récompenses pour en empêcher l’accès aux pollinisateurs généralistes. La communication chimique entre les deux partenaires devient aussi spécifique. C’est le car par exemple des relations entre les figuiers et leurs guêpes pollinisatrices (blastophages). Cette relation est tellement étroite qu’elle a mené à des phénomènes de co-spéciations. L’avantage pour la plante est alors d’avoir un pollinisateur fidèle. Le pollinisateur ne visite pas d’autre plante, il n’y a donc pas pollen étranger sur son corps. Le pollinisateur dépose du pollen qui provient uniquement d’une seule espèce. L’avantage pour le pollinisateur est d’avoir une ressource alimentaire régulière et adaptée, pour laquelle il n’est pas en compétition avec les autres pollinisateurs. Le désavantage pour les deux partenaires est leur dépendance réciproque pour leur survie. La disparition d’un partenaire entraîne la disparition de l’autre. C’est le phénomène de coextinction. 4.5 Pollinisation par déception Une grande partie des comportements des insectes sont guidés par les odeurs qu’ils captent. Les insectes communiquent essentiellement via des composés chimiques qu’ils émettent et/ou qu’ils reçoivent. Par exemple, les odeurs vont permettre à un insecte de trouver un partenaire sexuel ou une source de nourriture. La communication entre les plantes pollinisées et les insectes se fait essentiellement par des composés chimiques. Dans la majorité des cas, le signal envoyé par la plante correspond à ce que l’insecte cherche : une source de nourriture. Cependant, dans quelques cas particuliers, le signal de la plante ne correspond pas à ce que l’insecte cherche. La plante imite un autre signal pour tromper l’insecte. Les plantes peuvent imiter les phéromones du partenaire sexuel de l’insecte (déception sexuelle) ou imiter le parfum d’une autre fleur qui offre des récompenses florales intéressantes (déception alimentaire). Dans les deux cas, la plante trompeuse n’offre pas de récompense florale au pollinisateur. Elle économise ainsi de l’énergie. Ce système fonctionne bien sûr à la condition que la tromperie de la plante ne soit pas comprise par le pollinisateur et que d’autres plantes soutiennent d’un point de vue alimentaire les populations de pollinisateurs. Ce système de tromperie est donc relativement fragile. 143 La pollinisation par déception sexuelle est réalisée par plusieurs groupes d’orchidée qui imitent la phéromone sexuelle des pollinisateurs, généralement des Hyménoptères (guêpes, abeilles, …). La tromperie est aussi visuelle car la plante imite aussi la forme et la couleur du partenaire. La pollinisation par déception alimentaire est commune chez les plantes pollinisées par les mouches charognards (exemple : Arum). CHAPITRE 15 Angiospermes, fruits et graines 1 Généralités 144 1.1. Formation des fruits et des graines La pollinisation et la fécondation se réalisent lorsque la fleur est épanouie. Ensuite les ovules se transforment en graines et les parois de l'ovaire se transforment en fruit protégeant les graines. La croissance de l'ovaire, jusqu'à la réalisation d'un fruit, est attribuée à l'intervention d'une hormone de croissance, l'auxine (A.I.A. ou acide indolacétique). Les gibbérellines paraissent également intervenir dans ce processus. Parfois la transformation de l'ovaire en fruit peut avoir lieu en l'absence de pollinisation et de fécondation (phénomène de parthénocarpie). Les espèces parthénocarpiques engendrent des fruits totalement dépourvus de graines et, pour cette raison, l'homme a sélectionné et cultivé certaines d'entre elles dont les fruits sont bien connus : bananes comestibles, oranges sans pépins, ananas, concombres, poires conférence, poivron, tomates. C'est essentiellement la paroi de l'ovaire qui est destinée à devenir la paroi du fruit ou PERICARPE. Cette paroi est l'objet d'une croissance importante mais aussi d'une différenciation histologique plus ou moins profonde selon les fruits. On distingue dans le péricarpe: 1. l'épicarpe dérivant de l'épiderme externe de l'ovaire (c-à-d. de l'épiderme inférieur de la feuille carpellaire). 2. le mésocarpe constitué par le parenchyme de la feuille carpellaire 3. l'endocarpe dérivé de l'épiderme interne de l'ovaire (ou épiderme supérieur de la feuille carpellaire). Le développement relatif de ces trois parties ainsi que leur consistance permettent de distinguer les fruits secs et les fruits charnus. 2 Types de fruits Fruits secs et charnus On distingue deux grands types de fruits : les fruits secs et les fruits charnus. Chez les fruits secs, le péricarpe est entièrement sec et imperméable; ses différentes assises ont résorbé plus ou moins leur contenu cellulaire et les parois des cellules seules persistent. Le fruit sec est un type de fruit plus primitif que le fruit charnu. Chez les fruits charnus, le péricarpe est entièrement ou partiellement constitué de cellules charnues dont les extérieures sont à cuticule bien développées et souvent pruineuse. Les cellules charnues sont souvent de grande taille avec de grandes vacuoles où s'accumulent des matières de 145 réserves diverses: sucres, acides organiques (ac. malique, ac. citrique), huiles,... Elles renferment parfois de l'amidon et des pigments anthocyaniques (dans la vacuole) ou caroténoïdes (dans les chromoplastes). Ces réserves sont évidemment élaborées par les feuilles grâce à la photosynthèse; elles le sont aussi par les fruits eux-mêmes étant donné qu'à l'état jeune la plupart contiennent de la chlorophylle. Si la plante souffre durant cette période soit de mauvaises conditions climatiques, soit d'attaque du feuillage par maladies et insectes, les fruits et les graines se développent mal et les rendements baissent. Un grand nombre de semences sont de véritables fruits secs complets contenant une graine. Citons à titre d'exemple - les semences d'Apiaceae (carotte, persil, céleri, cerfeuil, fenouil, angélique, coriandre,...) - les semences d'Asteraceae (laitue, chicorée, pissenlit, tournesol, niger,...) - les semences de Poaceae (y compris toutes les céréales) - mais aussi les semences de sarrasin, betterave, épinard, mâche,... Vrais fruits, faux fruits et fruits multiples Le mot fruit est souvent employé d'une manière inexacte; il est nécessaire de distinguer: - le vrai fruit provenant uniquement de la croissance d'un ovaire ou d'un carpelle; c'est le cas de la plupart des plantes à ovaire supère (ex: cerise, orange, raisin, capsule du lin et du tabac,...) - le faux fruit (ou pseudo fruit); ce terme est réservé à un fruit provenant de la transformation d'un ovaire infère; l'ovaire étant dans ce cas soudé au réceptacle, le fruit qui en dérive est constitué à la fois d'éléments ovariens et d'éléments réceptaculaires. Il ne peut être appelé un fruit au sens strict (ex: banane, pomme, melon, groseille,...) - le fruit composé: il s'agit d'une réunion de fruits, provenant de fleurs différentes, sur un axe floral ou sur un réceptacle. C'est le cas de certaines inflorescences transformées en fruit (ex: ananas, figue, fruit du mûrier,...) 3 Déhiscence des fruits Fruits déhiscents Ils s'ouvrent spontanément à maturité suivant un mécanisme particulier qui permet ou provoque l'expulsion des graines qu'ils contiennent. Ce sont toujours des fruits secs car les mécanismes de 146 déhiscence exigent des tissus en partie lignifiés que les variations hygroscopiques font "jouer" et finalement rompre aux endroits de moindre résistance (fentes, pores). Les fentes de déhiscence sont: - suturales si elles affectent les lignes de suture des feuilles carpellaires. - dorsales si elles s'effectuent au niveau de la nervure principale de la feuille carpellaire. On considère le fruit déhiscent comme étant le type de fruit le plus primitif. Les fruits multiseminés (surtout les secs) sont presque toujours déhiscents. Ces deux caractères vont de pairs : s'il y a plusieurs graines dans le fruit, il faut, pour assurer à chacune d'elles une dissémination efficace, qu'elles s'échappent du fruit de façon précise et donc que le fruit soit déhiscent. Le tégument des graines des fruits déhiscents est généralement épais puisqu'elles auront à supporter le milieu extérieur lors de la dissémination. Fruits indéhiscents Ils ne s'ouvrent pas à maturité, ni ne se fragmentent: ils sont disséminés en entier entraînant avec eux la ou les graines qu'ils protègent. Ces dernières ne peuvent germer que lorsque les parois du fruit ont pourri. Chez la plupart des fruits indéhiscents, les parois de l'ovaire se lignifient et entourent une graine, parfois deux, rarement plus. Ils dérivent de fruits déhiscents devenus, au cours de l'évolution, indéhiscents et uniovulés. Ce nombre restreint d'ovules s'explique facilement par le fait que l'enveloppe du fruit très résistante ne sera détruite qu'une fois enfouie dans le sol sous l'influence des intempéries et des attaques bactériennes et fongiques. Si le fruit contenait plusieurs graines, celles-ci se trouveraient disposées côte à côte et se gêneraient mutuellement lors de la germination. Les graines des fruits indéhiscents possèdent donc naturellement des téguments plus minces que celles des fruits déhiscents. Les fruits indéhiscents sont des fruits secs (type primitif) ou charnu (type plus évolué). Ce sont de vrais ou de faux fruits. Exemples: Poivre (Piper nigrum) Mâche ou salade de blé (Valerianella olitoria) Chanvre (Cannabis sativa) Prunier (Prunus sp.) Betterave (Beta vulgaris) 147 Noyer (Juglans regia) Châtaignier (Castanea sativa) Epinard (Spinacia oleracca) Les fruits schizocarpes proviennent d'un gynécée constitué d'un ovaire composé qui se fragmente à maturité en morceaux correspondant aux carpelles et nommés méricarpes. Un axe central appelé columelle ou carpophore persiste souvent longtemps (ex: Geranium) 4 Développement des autres parties de la fleur Si l'ovaire se transforme en fruit, les autres parties du gynécée et de la fleur disparaissent généralement. Peu après la pollinisation, les pétales se détachent très rapidement de la fleur; souvent les étamines suivent. Par contre les sépales demeurent souvent en place. Il arrive cependant que certaines de ces pièces florales persistent et même s'accroissent pour former le plus souvent un organe de dissémination du fruit, un organe charnu ou encore un organe de protection. A. CAS DU CALICE. 1. Chez les Asteraceae et certaines Valerianaceae (Valeriana, Centrathus), il donne l'aigrette de soie. 2. Chez de nombreuses Rosaceae (Fragaria, Potentilla, Geum), il forme de larges bractées foliacées à la base du fruit. 3. Chez le mûrier (Morus nigra), il devient charnu et sucré et simule un péricarpe entourant le véritable fruit qui est un akène. 4. Chez l'alkékenge (Physalis), il constitue un vaste sac membraneux vivement coloré. 5. Chez l'épinard (Spinacia oleracea). B. CAS DES BRACTEES FLORALES 1. Chez les Betulacées, les bractées florales constituent l'involucre entourant la noisette du noisetier (Corylus avellana) et les ailes du fruit du charme (Carpinus betulus). 148 2. Chez les Fagacées, les fleurs ♀ sont disposées dans une cupule réceptaculaire devenant accrescente et ± ligneuse à maturité et entourant le(s) fruit(s). Ex: le gland (Quercus sp.), la faine (Fagus sylvatica), la châtaigne (Castanea sativa). C. CAS DU RECEPTACLE 1. Chez le fraisier (Fragaria sp.), le centre du réceptacle devient charnu et constitue la fraise sur laquelle sont disposés des akènes. 2. Chez le rosier (Rosa sp.), le réceptacle est une urne profonde dont les parois deviennent rouge vif et charnues à maturité. Les fruits sont des akènes osseux et indépendants inclus dans ce cynorrhodon. 3. Dans tous les ovaires infères le réceptacle est soudé à la partie inférieure du gynécée et constitue avec ce dernier un fruit à maturité. D. CAS DU PEDONCULE Chez la pomme d'acajou (anacarde ou noix de cajou = Anacardium occidentale) c'est le pédoncule qui s'accroît sous le fruit en devenant charnu. E. CAS DE L'INFLORESCENCE Elle devient charnue chez l'Ananas. F. CAS DES STYLES ET STIGMATES Ils donnent les becs crochus servant à la dissémination des fruits d'anémones et de clématites. 5 Classification des fruits Elle ne peut être qu'artificielle. S'il arrive qu'un type de fruit caractérise une famille, une sousfamille ou un genre, il ne manque pas de cas où dans une famille d'allure homogène, les gynécées de même organisation donnent des fruits très différents les uns des autres, chacun d'eux présentant une adaptation secondaire à un mode particulier de dispersion des semences. CLASSIFICATION SOMMAIRE des FRUITS SIMPLES. A. Fruits déhiscents 149 1. Cas des gynécées à carpelles libres ou carpelle unique : Gn ou G1 - follicule: Une seule déhiscence du fruit - gousse: G1 à déhiscence en 2 fentes (1 suturale + 1 dorsale) 2. Cas des gynécées à carpelles soudés en 1 ovaire: G(n) - capsule à différente modalité de déhiscence : G(>2) - silique : G(2) B. Fruits indéhiscents 1. Fruits secs - akène : graine non soudée au fruit - samare : akène ailé - caryopse : graine soudée au fruit 2. Fruits charnus - BAIE: entièrement charnue - DRUPE: endocarpe dur (noyau) - HESPERIDE : Epicarpe cireux Remarque : les fruits sont souvent caractéristiques de groupes naturels de plantes: Brassicaceae: silique Fabaceae: gousse Poaceae: caryopse Ranunculaceae, sous-fam: Ranunculoïdées: akène, sous-fam: Helleboroïdées: follicule. 6 Dissémination des fruits ZOOCHORIE : dissémination par les animaux. Epizoochorie : Fruit possédant des éléments (crochets, poils) leur permettant de se fixer aux animaux. Endozoochorie : Fruit consommé par les animaux; les graines résistantes sont éliminées par les fèces. 150 Myrmécochorie : Dissémination par des fourmis qui souvent mangent les corps lipidiques collés à la surface des fruits et des graines. Anthropochorie : Dissémination par action et déplacement de l'homme (espèces cultivées et mauvaises herbes). ANEMOCHORIE : dissémination par le vent. Les semences développent divers appendices (poils, ailes) comme système volant. HYDROCHORIE : dissémination par l'eau. Les semences développent des systèmes de flottaison. BAROCHORIE : dissémination par le simple fait de la pesanteur. Les semences tombent au pied de la plante mère. AUTOCHORIE : auto-dissémination. Les fruits développent des mécanismes autonomes d'expulsion ou d'éjection des semences. REMARQUE CONCERNANT LA DISSEMINATION La dissémination ne concerne pas uniquement des graines ou des fruits isolés; chez certaines espèces d'autres parties de la plante sont disséminées en même temps que les semences. Quelques exemples: - L'inflorescence complète se détache: tilleul, Eryngium (panicaut ou chardon des dunes). Pour certaines espèces des régions désertiques, c'est la plante entière qui, recroquevillée sous l'action de la sécheresse et entraînée au loin par le vent, assure la dissémination des graines. Ex : Anastatica hierochuntina (rose de Jéricho-Brassicaceae); Salsola (Chenopodiaceae). Après la fécondation, chez l'arachide (Arachis hypogoea) et le Cyclamen, le gynophore s'allonge considérablement et manifeste un géotropisme positif ayant pour résultat l'enfouissement des fruits dans le sol (géocarpie). 7 Les graines Les graines sont constituées de téguments protecteurs, d'un embryon et de matière de réserve. Ces téguments sont lisses ou présentant divers aspects (rugueux, réticulé, …), avec la présence ou non de divers appendices. Ces appendices peuvent être des poils (ex: cotonnier, saule, peuplier, épilobe, laurier-rose, …), des ailes (ex : gentiane, Bignoniaceae, …) ou des excroissances des téguments (enveloppant complètement ou non la graine). 151 Les graines sont souvent déshydratées (de 1 à 10 % d'eau) et présentent une vie ralentie et souvent dormance (inaptitude à germer quelles que soient les conditions du milieu. Elles présentent une grande résistance aux agents physiques, chimiques et même biologiques (par exemple grande résistance au froid ou aux températures élevées). Leurs dimensions sont très variables, de 500 µm (pavot, tabac, orchidées) à 20 cm (noix de coco) Chez de nombreuses graines, la ou les assises extérieures (parenchyme, épiderme) ont les parois cellulaires très hygroscopiques qui se gélifient, lorsque la graine est immergée, en donnant un mucilage abondant (glucide de consistance visqueuse). Ex : lin, Plantago psyllium, certaines Brassicaceae et Asteraceae, …). Le hile (cicatrice laissée par le funicule) se remarque le plus constamment. La position du micropyle est souvent encore visible. Parfois on distingue aussi la saillie provoquée par la radicule voire même le raphé. Dans le cas des ovules anatropes (renversés), hile et micropyle se trouvent l'un à côté de l'autre. Chez les ovules orthotropes (droits) ils sont opposés. On distingue plusieurs types de graines selon les tissus de réserve : des graines albuminées (avec un albumen triploïde (3 n) abondant, sans reste de nucelle et un embryon (parfois très petit) à cotylédons minces) des graines exalbuminées (avec albumen absent et gros cotylédons occupant tout l'espace interne et ayant digéré albumen et nucelle) des graines périspermées (périsperme présent qui est un tissu nourricier diploïde (2 n) issu de nucelle, accompagné ou non d'un peu d'albumen) des graines endospermée (chez les Gymnospermes) La nature des réserves est variable : Protéines, glucides ou lipides. Les protéines sont présentes dans toutes les graines sous forme de grains d'aleurone accumulés dans les vacuoles avant la déshydratation. Les glucides se retrouvent sous forme de grains d'amidon se déposant dans les cellules de l'albumen, des cotylédons ou du périsperme. Les graines amylacées fournissent de nombreuses farines (céréales, sarrasin, châtaigne, gland, certaines Fabaceae). Les glucides peuvent aussi être sous forme de cellulose se déposant sur les parois des cellules du tissu de réserve, parfois en abondance (les cavités cellulaires sont presque oblitérées). Les lipides se retrouvent dans les graines oléagineuses exploitées comme source d'huile. Ex: - arachide, colza, maïs, tournesol, soja, sésame, noix, palmier à huile (la graine fournit l'huile de palmiste de couleur jaunâtre et le fruit l'huile de palme de couleur orange), le ricin, le lin, l'oeillette, aleurite, carthame, amandier, karité, cocotier, cotonnier, cacaoyer,….. 152 153 CHAPITRE 16 Angiospermes, physiologie “Plants perceive the world around them in many ways. One way that they differ from animals is that they don’t have sensory organs like eyes, ears and noses. Instead, most or all cells perceive the environment through receptor proteins. Plants perceive light by way of photoreceptors related to those in animal eyes. Noses detect odors through chemical detectors. (We define a chemical as having an odor if we can smell it, which is an anthropomorphic way to classify chemicals). Plants perceive chemicals too, so in a way you can say that they have a sense of smell. Ears perceive vibrations, and plants have membrane proteins that respond to pressure and vibrations, so you can argue that plants hear” 1 Régulation de la croissance et du développement 1.1. Généralités Le développement normal d’une plante dépend de l’action combinée de plusieurs facteurs internes et externes. Les facteurs externes sont par exemple : la lumière, l’eau, la température, le sol, la longueur du jour, la pesanteur, … Les facteurs internes sont de nature chimique : ce sont les régulateurs de croissance. Les régulateurs de croissance (ou phytohormones) sont des composés organiques qui, en petite quantité et par la nature ou l’arrangement particulier de leur molécule, déclenchent, inhibent ou modifient le développement des plantes. Ce sont des substances mobiles se déplaçant d’un lieu de production jusqu’au site d’action et porteuses d’un « message » chimique. La manière dont est perçu ce message par le tissu cible est également importante. On doit les distinguer des aliments qui agissent eux aussi mais en fournissant soit l’énergie, soit les éléments chimiques nécessaires à la vie. Il faut exclure aussi les vitamines, substances pourtant très actives mais qui, indispensables au métabolisme fondamental, ne sont pas des vecteurs de messages particuliers. On distingue traditionnellement cinq classes d’hormones végétales. Ce sont : les auxines les cytokinines les gibbérellines l’acide abscissique l’éthylène A cette liste, il faut maintenant ajouter des composés de découvertes récentes qui agissent également comme régulateur de croissance. Ce sont : 154 les brassinostéroïdes l’acide salicylique l’acide jasmonique les polyamines Cette liste est probablement non exhaustive, les plantes disposant vraisemblablement d’un répertoire de signaux chimiques beaucoup plus important. Les régulateurs de croissance agissent rarement seuls mais au contraire, ils opèrent de concert avec d’autres hormones. Les phytohormones ont une place essentielle dans le développement des organes (ou morphogenèse. La morphogénèse est en effet une série coordonnée de divisions cellulaires suivie du grandissement des cellules. Pour que ces processus cellulaires soient coordonnés au cours du développement, les cellules doivent communiquer ente-elles. Cette communication est le fait des hormones végétales qui sont des messagers chimiques. La totipotence des cellules végétales montre que tous les gènes déterminants la vie de la plante se retrouvent dans chaque cellule vivante de la plante adulte. Cependant, seuls certains d’entre eux s’expriment et sont transcrits en ARNm puis traduits en protéines. Les protéines spécifiques ainsi produites déterminent l’identité de la cellule. En effet, ce sont des protéines, plus précisément des enzymes, qui catalysent la majorité des réactions chimiques de la cellule et ce sont également des protéines qui constituent ou produisent la plupart des éléments de structure à l’intérieur et autour de la cellule. Les hormones végétales agissent en stimulant ou en réprimant des gènes nucléaires spécifiques. Quelques exemples : 1°) Les hormones contrôlent l’accroissement des cellules. Les cellules acquièrent en grandissant une forme qui détermine l’aspect final du tissu ou de l’organe : une cellule de parenchyme foliaire s’accroît dans toutes les directions une cellule de tige aura généralement une croissance unidirectionnelle Ces croissances particulières sont déterminées par l’orientation des microfibrilles de cellulose au moment de leur dépôt dans la paroi de la cellule : si l’orientation est aléatoire, l’accroissement se fera dans toutes les directions si l’orientation est transversale, l’accroissement sera longitudinal 155 L’orientation des microfibrilles de cellulose est contrôlée par celle des microtubules situés immédiatement sous la membrane plasmique. La disposition des microtubules est influencée par les hormones. 2°) Les hormones contrôlent les mouvements des stomates. L’acide abscissique est un signal endogène important dans ce cas-ci. 1.2. Auxines L’auxine est le premier régulateur de croissance découvert chez les végétaux. Les observations initiales sur cette substance datent de 1919-1925. Elles ont été effectuées dans des laboratoires d’Utrecht en Hollande essentiellement par Went et son équipe. C’est sur le coléoptile d’avoine qu’ils mirent en évidence son action. Puisqu’elle facilitait l’élongation cellulaire donc l’auxèse, ils la qualifièrent d’auxine. Elle a été identifiée en 1935 par Kögl. C’est l’acide indolyl-3b-acétique (AIA). Plusieurs actions sont connues à l’auxine. • Une action stimulatrice de l’élongation cellulaire. Elle favorise la plasticité et l’élasticité de la paroi (exemple des expériences de Darwin et de Went sur le phototropisme des plantes) • Un pouvoir rhizogénique très important. Mais cette action est complexe. En effet, l’auxine induit dans un premier temps l’organogenèse, puis s’oppose à leur élongation. • Participe à la maturation des fruits. • Maintien de la dominance du bourgeon apical sur les bourgeons axillaires. L’auxine est synthétisée dans les apex caulinaires au niveau des méristèmes et des jeunes feuilles. Elle migre ensuite vers les racines par le phloème de préférence, bien que tous les tissus soient aptes à ce transport. De la concentration de l’auxine dépendra ses effets. Les effets à forte concentration peuvent être contraires aux effets à forte concentration. Par exemple, l’auxine active l’élongation des racines uniquement à faible concentration. A forte concentration, l’auxine inhibe au contraire le développement des racines. La propriété de l’AIA sur la rhizogenèse est très utilisée en culture in vitro. On utilise souvent des substances de synthèse (prénommées les auxines), qui sont des dérivés proches de l’AIA. Parmi ces auxines de synthèse, l’acide b-indolyl-butyrique (AIB) et l’acide naphtalylacétique (ANA) sont les plus fréquemment utilisés. L’acide 2,4-dichloro phénoxyacétique (2,4-D) est très actif dans l’induction de l’embryogenèse somatique (formation d’embryons sur un cal sans passer par un zygote). 1.3. Cytokinines 156 Les cytokinines sont des régulateurs de croissance découverts par Skoog en 1956 en travaillant sur le lait de la noix de coco immature, puis sur des produits de dégradation de l’ADN. Les cytokinines stimulent la multiplication cellulaire mais en présence d’auxines. Alors que les auxines participent à la croissance en augmentant la taille des cellules, les cytokinines y sont impliquées en augmentant le nombre de ces cellules. Ceci se fait en fonction d’équilibres auxines/cytokinines déterminant l’organogenèse. Les cytokinines naturelles sont des adénines substituées. Les plus répandues sont l’isopentényladénine, la zéatine, la dihydrozéatine et la kinétine. La zéatine doit son nom au Maïs (Zea mays) dans lequel elle a été découverte. En plus de leur propriété fondamentale de stimulation de la multiplication cellulaire, les cytokinines induisent la formation de bourgeons et la croissance de ceux qui sont inhibés, tels que ceux soumis à la dominance apicale par exemple. En revanche, elles s’opposent au développement des racines. Ce sont des propriétés très intéressantes pour les cultures in vitro et rares sont les milieux ne contenant pas de cytokinines. Les racines sont les sites privilégiés de synthèse des cytokinines puis circulent dans le végétal avec la sève brute (via le xylème). À côté des cytokinines naturelles, il en existe qui proviennent de synthèses chimiques. Tel est le cas de la benzyl-aminopurine (BAP). De même certaines urées substituées peuvent présenter des propriétés biologiques des cytokinines (la diphénylurée et son dérivé, le thidiazuron). 1.4. Gibbérellines Les gibbérellines (GA) sont des régulateurs de croissance découvertes par Yabuta et Hayashi en 1939. Les gibbérellines (car elles sont près d’une centaine, toutes naturelles) sont des dérivés terpéniques. Elles possèdent une structure de base : le noyau gibbérellane (ou gibbane) constitué d’un cycle à cinq carbones entouré par deux cycles à six carbones et présentant un, voire deux ponts, entre différents sommets carbonés. Parmi cette famille très riche de régulateurs, le composé le plus commun est l’acide gibbérellique (ou GA3) qui est couramment utilisé en culture in vitro. Les gibbérellines ont un effet stimulateur sur l’élongation des entre-nœuds, provoqué par un grandissement des cellules. Elles sont synthétisées dans tous les sites de multiplication cellulaire intense comme les apex des tiges et des racines ainsi que dans les jeunes feuilles et les embryons. À partir de ces lieux de production, les GA sont distribuées dans toute la plante. Lors de leur germination, les embryons d’orge et d’avoine libèrent de grandes quantités de GA. Elles stimulent, au niveau de la couche à aleurones, la production d’amylase qui, diffusant dans l’albumen, permet la libération de sucres utilisés pour le développement de l’embryon. 157 En culture in vitro les gibbérellines sont utilisées pour lever la dormance des bourgeons et allonger les tiges trop compactées. Elles agiraient alors en s’opposant à l’acide abscissique responsable du maintien de la dormance. Les GA sont aussi utilisées en agronomie pour la production de fruit parthénocarpiques comme la banane. 1.5. Acide abscissique L’acide abscissique est la principale substance responsable de la non-levée des semis. Elle s’accumule dans la graine lors de sa maturation et l’empêche de germer. Son taux décroît ensuite lentement lors du stockage de la graine et tant qu’elle est présente en quantité suffisante, cette substance joue parfaitement son rôle de retardant de la germination. Son action est contrecarrée par une autre classe de régulateur de croissance, les gibbérellines. Chez certaines espèces végétales elles sont sans effet et ce sont d’autres régulateurs, telles que les auxines ou les cytokinines, qui contrebalancent l’effet inhibiteur de l’acide abscissique. L’acide abscissique intervient aussi dans la fermeture des stomates. 1.6. Ethylène La composition de cette molécule est très simple (2CH2). L’éthylène est synthétisé à partir de la méthionine et il est diffusé sous forme de gaz de manière diffuse. Il n’y a pas de transport polarisé, il y a diffusion du gaz dans les tissus. Son effet est opposé à l’auxine. Il participe à la maturation des fruits (changement de couleur), favorise la chute des feuilles et réduit la croissance en longueur des cellules. 1.7. Facteurs externes : exemple de la floraison 1.7.1. Photopériodisme La floraison de certaines espèces constitue une des actions essentielles du photopériodisme. C'est en 1920, pour la première fois, que fut démontrée l'influence de la longueur du jour sur la floraison d'une variété de tabac et de soja. Le photopériodisme était découvert. L'aptitude à fleurir étant acquise par la formation des ébauches florales (= initiation florale) et, si besoin est, par la vernalisation, la floraison peut se réaliser si certaines conditions sont remplies. Il s'agit notamment de la photopériode journalière. Ces conditions sont variables entre les différentes espèces de plantes. Plantes indifférentes au photopériodisme. Elles ont besoin de lumière pour s'assurer un métabolisme suffisant mais elles fleurissent quelle que soit la longueur du jour. On trouve par exemple dans les plantes cultivées, tomate, pois, Cyclamen, Pélargonium, Zinnia, cerisier, lilas, 158 rosier et sarrasin ; dans les plantes sauvages, Stellaria media (mourron), Euphorbia peplus, Geum urbanum (Benoîte), Scrophularia alata, Senecio vulgaris et Bellis perennis (pâquerette). Plantes de jours longs. Elles fleurissent si les périodes de lumière sont supérieures à une durée critique. Elles fleurissent donc du milieu du printemps jusqu'à l'été. On distingue les espèces qui ont un besoin absolu de jours longs. Exigences: minimum de cycles photopériodiques (de 1 à 30 selon les espèces) longueur du jour supérieure à un certain seuil (de 10 à 14 h de lumière/jour) plus la longueur du jour est élevée, plus rapide sera la mise à fleur. On trouve dans cette catégorie épinard, laitue, carotte, oignon, betterave, seigle, avoine, pavot et aneth pour les espèces cultivées et par exemple Anagallis arvensis, Sinapis arvensis, Nigella damascena, Vicia, Calluna vulgaris, Campanula trachelium et Aster linosyris pour les espèces sauvages. Chez certaines le besoin en jour long est préférentiel. La floraison a lieu en toutes circonstances, mais elle est plus rapide ou plus abondante en jours longs. Plantes de jours courts. Elles fleurissent si la durée de l'éclairement est inférieure à une certaine longueur critique. Au-dessus de ce seuil, la lumière inhibe la floraison. La floraison a lieu généralement en automne. Les fleurs à besoin absolu de jours courts sont les chrysanthèmes, Salvia glutinosa,… Les fleurs à besoin préférentiel sont Chenopodium album, Cosmos,… Remarque: la réaction photopériodique est souvent une induction c-à-d qu'une fois qu'elle s'est produite, un retour à des conditions défavorables ne modifie plus la floraison. La photopériode favorable ne doit donc pas être maintenue durant toute la vie de la plante. Plantes aphotiques. Chez certaines plantes bulbeuses, l'initiation florale (formation du bourgeon floral) s'effectue dans le sol à l'obscurité alors que les organes aériens ne sont pas présents. Ce sont alors les températures printanières élevées qui déclenchent l'initiation florale. Ces plantes possèdent, dans leur bulbe, des réserves suffisantes leur permettant une longue survie sans photosynthèse. Ce sont par exemples, tulipe, jacinthe, narcisse, iris bulbeux,… 1.7.2. La vernalisation La vernalisation est une transformation opérée par le froid, qui confère à certaines plantes l'aptitude à fleurir. Dans tous les cas c'est le bourgeon ou l'apex de la tige (c'est-à-dire un méristème, y compris celui de la tigelle dans l'embryon des graines) qui perçoit l'action du froid. La quantité de froid varie selon les espèces, par exemple 1 mois à 2° C pour les céréales, 10 semaines à 13° C pour l'olivier. Le froid peut être donné en une ou plusieurs fois (effet cumulatif), la vernalisation s'installant progressivement. 159 L'état vernalisé ne se traduit par aucun changement morphologique. Rien ne permet de distinguer un méristème vernalisé d'un non vernalisé. Lorsque l'aptitude à fleurir est acquise, elle peut ne pas s'expliciter (car, par exemple, une photopériode définie peut également exister). Le froid va modifier, au niveau de l'apex, le rythme de fonctionnement des mitoses en leur imposant de modeler dans un bref délai des organes reproducteurs. L'action du froid n'est possible que chez un végétal actif en cours de division cellulaire (semence imbibée, bourgeon non dormant). Le stade de développement à partir duquel la plante peut réagir à l'action du froid vernalisant diffère selon les cas: pour certaines espèces, la vernalisation s'effectue déjà dans les semences imbibées (blé, laitue, chicorée), voire même sur le pied mère alors qu'elles ne sont pas encore déshydratées. d'autres espèces ne sont vernalisables que lorsqu'elles ont atteint un certain développement végétatif appelé "maturité de vernalisation"; par exemple le stade grande rosette chez de nombreuses plantes bisannuelles. L'état vernalisé se transmet au cours de la division cellulaire. Quand un méristème est vernalisé, tous les bourgeons qu'il donne le sont aussi. Plantes indifférentes à la vernalisation. Elles fleurissent sans avoir à subir l'action du froid. C’est le cas des plantes annuelles de printemps ou d'été c-à-d les plantes dont le cycle de végétation n'inclut pas l'hiver (ex : haricot, tomate, nombreuses mauvaises herbes). C’est le cas aussi de certaines plantes vivaces ligneuses: lilas, marronnier, rosier, arbres fruitiers. Plantes préférant la vernalisation. Sans exiger expressément la vernalisation pour leur floraison, celle-ci s'effectue néanmoins plus tôt si la vernalisation a eu lieu. C’est le cas par exemple de plantes annuelles d'hiver comme certaines légumineuses, certaines variétés de céréales d'hiver et aussi de certaines plantes bisannuelles comme certaines laitues. Plantes exigeant la vernalisation. C’est le cas de nombreuses plantes vivaces passant l'hiver à l'état de rosettes. Certains bourgeons sont vernalisés (généralement les terminaux) et évoluent en tiges florifères. D'autres bourgeons échappent à la vernalisation (généralement les bourgeons axillaires) et assurent la pérennité de la plante. C’est le cas par exemple du dactyle, pâturin, raygrass, Cirsium arvense, Achillea millefolium et Tanacetum vulgare. C’est aussi le cas de nombreuses plantes vivaces caulescentes (c-à-d conservant une tige élevée durant l'hiver) comme sauge, thym et chrysanthème, et enfin de nombreuses plantes bisannuelles. Une plante bisannuelle germe durant la bonne saison, évolue en rosette de feuille et accumule des réserves dans la racine et la courte tige. Elle passe l'hiver sous cette forme là et fleurit la seconde année. Chez la plupart des plantes bisannuelles une vernalisation est indispensable mais elle ne peut s'appliquer qu'à la rosette qui est seule sensible au froid (et non pas à la graine comme dans le cas des céréales d'hiver). Une phase juvénile doit nécessairement être dépassée (la rosette doit être suffisamment développée) sinon l'action du froid sur la plante est inefficace. Dans ce dernier cas la plante doit 160 passer deux hivers sous forme de rosette avant de fleurir. C’est le cas par exemple de la carotte et de la betterave cultivée, de Cirsium vulgare, et de la digitale. La vernalisation et le photopériodisme des plantes sont donc liée aux conditions environnementales. Il y a cependant une grande indépendance entre les deux phénomènes, toutes les combinaisons sont possibles pour permettre la floraison: vernalisation et induction photopériodique ni l'un, ni l'autre vernalisation sans exigences photopériodiques indifférences à la vernalisation mais exigences photopériodiques. La seule règle plus ou moins générale semble être celle des plantes bisannuelles qui ont un besoin absolu de vernalisation et ce sont des plantes de jours longs. 1.7.3. Applications Elles sont surtout intéressantes en horticulture : Pour hâter la floraison des plantes de jours longs ou au contraire pour retarder la floraison des plantes de jours courts, on interrompt les nuits par des flashs lumineux (par exemple 20 minutes/heure) Pour provoquer la floraison des plantes de jours courts, on obscurcit la culture avec des bâches opaques (chrysanthème devant fleurir à la Toussaint) La canne à sucre est une plante de jours courts. Des hélicoptères munis de gyrophare survolent les champs la nuit afin de retarder la floraison et maintenir la plante à l'état végétatif pendant lequel elle accumule le sucre dans sa moelle. 161 Tableau prenant les principales phytohormones, leur nature chimique, leurs lieux de biosynthèse, leur transport et leurs effets NOM Nature chimique Lieux de biosynthèse Transport Effets - actions AUXINES Acide B indole acétique (A.I.A) - Méristèmes primaires - Primordiums foliaires - Jeunes fruits et graines en développement - Grains de pollen - Présent chez les bactéries, champignons et vég. supérieurs - Transport lent (1 cm/h), polaire et unidirectionnel (toujours vers le bas) ; - Chez les organes jeunes : de proche en proche par les cellules. Parenchymateuse du phloème et par celles qui entourent les FLL; - Si croissance secondaire par cell. proches du cambium ; - Chez les organes âgés : par le phloème (5-25 cm/h); la polarité disparaît Stimulent : - Les mitoses (différenciation du tissu conducteur, cambium) - Le grandissement des cellules - Le développement des fruits (possibilité d'obtention de fruits parthénocarpiques) - La synthèse d'éthylène - La rhizogénèse : induction des racines adventives sur les boutures, mais inhibition de la croissance des racines. - Inhibent : les bourgeons axillaires (dominance apicale). - L'A.I.A. est catabolisé par les tissus végétaux. Il subit une photo-oxydation importante. - En culture. in vitro à forte concentration, permettent la formation de racines. CYTOKININES Proche de l'adénine Molécules naturelles : - kinétine - zéatine - IPA (2 i P ou isopentényladénine) - Extrémités des racines - Jeunes fruits Par le xylème - Présentent dans les tissus où les divisions cellulaires sont fréquentes : graines, fruits, feuilles, pointe de racines. - Favorisent la cicatrisation des cellules. - Suppriment la dominance apicale en permettant le développement des bourgeons auxiliaires (ramification). - Retardent la sénescence des feuilles et vieillissement des fruits. - Inhibent la rhizogénèse. - En culture in vitro, rapport Auxines/Cytokinines important - groupe des terpènes - + de 80 gibbérellines - GA3 = acide gibbérellique est le mieux connu - Jeunes feuilles - Extrémité des tiges et des racines - Embryons des graines; concentrations + élevées dans les graines immatures - Concentrations élevées dans les organes en voie vieillissement - Extrémité des racines - Présence dans les fruits, graines et les bourgeons dormants - Facile et non polarisé - Par différents éléments - Elongation des cellules élongation des tiges. - Levée des dormances, des semences et des bourgeons (accélèrent et uniformisent les germinations). - Remplacent l'action du froid et des jours longs chez les plantes bisannuelles. - Développement des fruits parthénocarpiques. - Agit sur place - Action opposée à celle de GA3 - Teneurs élevées au cours du développement des graines stimulation de production de protéines de réserve. Blocage des germinations prématurées. - Induit la fermeture des stomates régulation de la transpiration (condition de vie difficile, stress hydrique) - In situ - Diffusion du gaz dans les tissus - Maturation des fruits (surtout fruits charnus) : changement de couleur, de dureté (digestion enzymatique de la pectine), augmentation des sucres. - Favorise l'abscission (chute des feuilles, fleurs et fruits). - Favorise la tubérisation. - Réduction de la croissance en longueur des cellules. - Croissance rapide des tiges des plantes semi-aquatiques. GIBBERELLINES ACIDE ABSCISSIQUE = ABA ETHYLENE CH2 = CH2 - Synthèse à partir de la méthionine (AA) 162 2 Nutrition minérale de la plante La nutrition minérale a, dans un premier temps, été caractérisée par des méthodes de calcination. Ces méthodes sont des méthodes très anciennes, qui présentent l’inconvénient majeur de détruire le végétal. Après calcination, ou oxydation par différents mélanges (acide sulfurique, mélange sulfo-nitrique, ou nitro-perchlorique) les différents éléments minéraux sont dosés par colorimétrie, par complexométrie ou par spectrométrie. Ces méthodes analytiques aboutissent à des séries de données, comme celle établie par Latshaw et Miller en 1924, correspondant à l’analyse d’une plante entière de blé (tableau ci-dessous). Tableau reprenant la composition minérale d’un plant de blé (exprimé en % de matière sèche) (d’après Miller 1924). Trois points importants sont à retenir de ce tableau et des études qui ont suivis sur la nutrition des plantes. 1. Carbone, oxygène et hydrogène représentent à eux seuls plus de 90 % du poids sec. 2. L’azote, le phosphore, le potassium, le calcium, le soufre et le magnésium sont à des pourcentages oscillants entre quelques % et quelques dixièmes de %. Ce sont les six macroéléments. 3. Sept autres sont en très faibles proportions (Fer, Cl, Na, Zn, B, Mo, Cu) et interviennent dans le métabolisme végétal. Ce sont des micro- ou oligo-éléments. La silice n’intervient pas dans le métabolisme. Au total, 13 éléments minéraux ont été démontrés comme essentiel au bon développement des plantes (tableau ci-dessous). Il est à noter que la distinction entre la catégorie macro- et microéléments est variable dans la littérature, certains auteurs présentent le chlore et sodium comme macroéléments. 163 Tableau synthétique des rôles des différents macro- et microéléments assimilés par les plantes 2.1. Assimilation des minéraux C’est essentiellement au niveau des racines que pénètrent les éléments minéraux dans les plantes. Cette absorption est indépendante du flux hydrique qui sert à la transpiration. Le végétal utilise pour se nourrir des ions de deux types : 1. Des cations. Il s’agit essentiellement de NH4+, Ca++, Mg++, K+, Na+, Fe++. 2. Des anions comme, NO3-, H2PO4-, HPO4--, Cl-, SO4-Une fois assimilé à l’intérieur de la racine, l’eau et les sels minéraux peuvent emprunter deux voies distinctes. La voie aploplasmique concerne les parois cellulaires et les espace intercellulaire du cortex. La voie symplasmique concerne l’intérieur des cellules elles-mêmes. Dans cette dernière voie, l’eau et les sels minéraux progressent à travers le cytoplasme et les plasmodesmes. La progression aploplasmique est stoppée au niveau de l’endoderme qui présente une partie 164 complètement imperméable (paroi épaissie en lignine, voir chapitre 13). Avant de gagner le xylème et la sève brute, les ions peuvent donc franchir deux membranes plasmiques. La première fois, ils passent de l’apoplasme (extérieur des cellules) au symplasme (intérieur des cellules). La seconde correspond à leur entrée dans les vaisseaux du xylème. Le premier passage est actuellement le mieux connu des physiologistes. Pour pénétrer à l’intérieur des cellules, les ions utilisent essentiellement les systèmes de transports actifs primaires et secondaires. Toutes les expériences montrent que les ions, une fois absorbés, sont transportés dans la racine vers les vaisseaux du xylème par voie symplasmique, en circulant de cellules à cellules par les plasmodesmes. 2.2. Assimilation de l’azote L’azote est indispensable à la plante pour la synthèse d’acides aminés, préalables à la synthèse des protéines. L’azote est aussi utilisé par la plante dans la synthèse de métabolites secondaires comme les alcaloïdes. Il est le principal facteur limitant de la croissance des plantes. L’azote peut se présenter sous forme d’ions nitrates, nitreux, ammoniacaux et même certains acides aminés. Mais les nitrates restent la forme préférée des plantes, même si l’assimilation est meilleure quand le milieu comporte quelques ions ammoniacaux (10-12 %). Certains microorganismes peuvent transformer l’azote présent dans l’air en ammoniac, et d’autres encore transforme l’ammoniac en nitrates, ce dernier pouvant être utilisé enfin comme source d’azote par les plantes. Cette transformation est faite par les bactéries elles-mêmes dans le sol, ou bien, à échelle beaucoup plus grande, en symbiose avec des arbres ou des plantes légumineuses (rhizobiums) ou d’autres arbres spécifiques (actinomycètes) ou avec des azollas en conditions aquatiques (algues bleu-vert). Certaines plantes qui se trouvent dans des sols très pauvres en azote ont développé des stratégies particulières pour capter l’azote non pas de l’eau du sol mais de proies qu’elles digèrent. Ce sont les plantes carnivores. Les plantes peuvent capturer activement leurs proies par des structures en pinces. Les proies peuvent aussi tombent dans des pièges glissants ou collants. 2.3. Assimilation du phosphore Le phosphore est disponible sous sa forme triacide (H3PO4) en solution. Les mycorhizes de la plante peuvent faciliter aussi son assimilation du phosphore. Le phosphore est strictement indispensable à la vie cellulaire. Les ions phosphates sont métabolisés par la plante pour former des groupements phosphates qui assurent la liaison entre les résidus organiques. La liaison entre P et un reste organique confère à la molécule un niveau énergétique élevé (ex : ATP). L’absence de phosphore provoque des problèmes dans la floraison, la nouaison et dans la précocité. Une carence en 165 phosphore se remarque par une couleur vert foncé des feuilles, une malformation de celles-ci et l’apparition de tâches nécrotiques. 2.4. Assimilation du potassium Le potassium est accumulé dans la vacuole pour participer à l’équilibre acido-basique en accompagnant les anions. Il participe aussi à l’activation des enzymes et à la synthèse des protéines et des polysaccharides. Les symptômes d’une carence en potassium sont un jaunissement et un brunissement des feuilles. 2.5. Assimilation du calcium, du souffre et du magnésium Ces trois éléments sont un peu moins important que l’azote, le phosphore et le potassium (NPK). Le calcium est utilisé par la plante pour le contrôle l’ouverture des canaux ioniques transmembranaires. Il neutralise les acides organiques et peut être un messager secondaire de certaines hormones (ex : Ethylène). Le souffre est un constituant essentiel des acides aminés. Il est donc utilisé par la plante dans la synthèse de nouveaux acides aminés et de protéines, particulièrement des protéines Fe-S et de la coenzyme A. Une carence en souffre provoque une chlorose chez la plante. Le magnésium est assimilé sous forme de cation. Il est un constituant de la chlorophylle. Un déficit en cette molécule provoque des chloroses particulières où la feuille devient de couleur jaune. Le magnésium active par ailleurs des enzymes de la photosynthèse, kinases et autres. Il est transférable des tissus âgés aux jeunes en cas de carence 166 CHAPITRE 17 Angiospermes, diversité Les Angiospermes sont le groupe le plus important de plante dans nos écosystèmes contemporains. Nous avons déjà pu aborder de nombre aspect de leur diversité anatomique (tissus, fleurs, fruits) et physiologique. Nous aborderons dans ce chapitre leur diversité biologique et leur systématique. Ces deux parties seront par ailleurs largement développées dans le cadre du cours de deuxième bachelier. 1 Diversité des formes de vie : adaptation des plantes à leurs milieux 1.1. Type biologique de Raunkiaer La classification de Raunkiaer (types biologiques, système de Raunkier) est une classification proposée en 1904 et affinée les années suivantes par le botaniste danois Christen Raunkiær afin d’organiser tous les végétaux selon le positionnement des organes de survie (et donc de leur méristèmes de croissance) de la plante durant la période défavorable. Phanérophytes Les bourgeons dormants aériens sont à plus de 30 cm de la surface du sol. On peut distinguer les Macrophanérophytes qui présentent des bourgeons à plus de 2m de hauteur et les Nanophanérophytes qui dépassent 30cm. La plante affronte donc l'hiver en exposant à ses rigueurs des tiges porteuses de bourgeons (ex : le hêtre, le pin, l'abricotier, le noisetier). Chaméphytes Les bourgeons dormants sont aériens à moins de 30 cm de la surface du sol. On distingue les chaméphytes frutescents (lignifiés, buissonnants, plus ou moins dressés, typiques des Landes ; ex : Myrtille), les chaméphytes en coussinet (beaucoup plus proches du sol, typiques des climats froids ; ex : Silene acaulis), les chaméphytes rampants (sans structure rigide ; ex : Vaccinium oxycoccos) et les chaméphytes succulents (réserve d’eau dans les organes aériens, typiques des climats désertiques ; ex : Cactaceae). Hémicryptophytes Les bourgeons dormants sont à la surface du sol. À la « belle saison », un hémicryptophyte développe une touffe de pousses s'il est cespiteux (ex : nombreuses graminées), une rosette de feuilles, plus ou moins prostrées s'il est à rosettes, une tige érigée qui prend appui sur des supports variés s'il est grimpant (ex. la pâquerette est un hémicryptophyte à rosette). Géophytes 167 Les bourgeons dormants sont sous la surface du sol. On distingue selon la nature de l'organe de conservation souterrain les géophytes à bulbe (ex : Ranunculus ficaria), à tubercule (ex : pomme de terre) et à rhizome (ex : Convallaria majalis). Hydrophytes Les bourgeons dormants sont sous l'eau et les feuilles immergées. Thérophytes On désigne par ce terme une plante qui "boucle" son cycle de vie en quelques mois et dont ne subsistent, à l'entrée de la mauvaise saison, que les graines qui formeront de nouveaux individus l'année suivante [synonyme de plante annuelle] (ex. Mercuriale annuelle, bourse à pasteur). 1.2. Stratégie de survie Adaptation aux milieux secs Les plantes qui vivent dans les milieux secs présentent de nombreuses caractéristiques morphologiques communes, acquises de manière convergence, qui leur permettent de survivre dans ces environnements hostiles. Une des stratégies adaptatives réalisées par les Angiospermes, mais aussi par certains conifères, est la diminution du rapport entre la surface et le volume des feuilles qui permet de limiter la partie de la plante exposée à la chaleur et au rayonnement solaire. Cette stratégie (microphylie) peut mener jusqu’à la disparition complète des feuilles. Par ailleurs, l’évapotranspiration peut être limitée par la présence de poils blanc qui isole la plante mais aussi maximise la réverbération. La protection des stomates à l’intérieur de feuilles enroulées permet de limiter la transpiration. Les feuilles coriaces (càd une cuticule plus épaisse) permettent à la plante d’empêcher les pertes d’eau et de maintenir une rigidité si malgré tout la plante perd trop d’eau. Dans un second type de stratégie, les plantes ont développés des organes où elles stockent l’eau, en particulier dans les tiges transformées (ex : Cactaceae en Amérique du Sud, Crassulaceae en Europe et Aizoaceae en Afrique du Sud). Enfin, un système racinaire plus développé en surface ou un système racinaire profond permettent de capter plus efficacement l’eau avant qu'elle ne s'infiltre dans le sol, ou dans la nappe phréatique, respectivement. 168 Adaptations aux milieux pauvres en minéraux Les milieux pauvres en minéraux (ex : azote, phosphore ou potassium) ont aussi mené à la sélection de traits particuliers chez les plantes. Les plantes des milieux pauvres sont caractérisées souvent par des feuilles permanentes (sempervirence), par une résorption des nutriments avant la chute des feuilles ou encore par l’assimilation alternative de nutriments via la prédation d’animaux (plantes carnivores) ou le mutualisme avec d’autres organismes (mycorhizes). 2 Diversité des espèces : systématique des Angiospermes La capacité de différencier des espèces était une condition essentielle pour la survie des premiers humains. Cela leur a permis de collecter des espèces comestibles et d’éviter de consommer des spécimens toxiques. Le chasseur/cueilleur du Paléolithique devait donc être un très bon taxonomiste des plantes. De nos jours, la reconnaissance des plantes est toujours nécessaires dans beaucoup de domaines comme l’agronomie, la pharmacologie, la biologie de la conservation ou encore la gestion environnementale. La systématique des plantes a pour objectif d’identifier, nommer et classer les végétaux. Les hypothèses contemporaines de classification que la systématique propose sont basées sur l’évolution des groupes. Les noms des groupes sont eux organisés de manière hiérarchique sur plusieurs niveaux appelés taxons. Les règles de nomenclature sont fixées par un code international de nomenclature botanique (voir cours de deuxième). Chaque niveau taxonomique présente un suffixe qui lui est propre (voir tableau ci-dessous). Poireau Chêne Règne Plantae Plantae Embranchement Angiospermo-phyta Angiospermo-phyta Classe Lili-idae Ros-idae Ordre Lili-ales Fag-ales Famille Genre Alli-aceae Allium Fag-aceae Quercus Espèce porrum robur Les classifications des plantes n’ont bien sûr pas toujours été les mêmes. Ce n’est que récemment dans l’histoire humaine que l’évolution des groupes est prise en compte dans le système de classification. Les systèmes proposés auparavant, comme celui de Linné (18ème), étaient fixistes, généralement influencé par une vision pratique (plante utile ou pas) ou déiste (nature = œuvre de Dieu) de la nature. 169 Dans la systématique moderne, on distingue deux groupes principaux de plantes à fleur : les monocotylédones et les dicotylédones. 2.1. Monocotylédones Les Monocotylédones ne comptent pas loin de 65 000 espèces. La majorité de celles-ci appartiennent aux Orchidées (~20 000 espèces) et aux Poacées (~10 000 espèces). Cette lignée monophylétique se caractérise par un pollen monoaperturé, des pièces florales 3-mères, l’absence de cambium, la nervation parallèle des feuilles, … et un seul cotylédon ! Les monocotylédones présentent 12 ordres différents. Les principaux groupes en Belgique sont les ordres des Liliales et des Asparagales, ainsi que le clade des Commelinidae. Les Commelinidae sont des monocotylédones à pollinisation anémophile qui présentent donc des pièces florales très réduites. Ils comprennent trois familles importantes : Poaceae, Juncaceae et Cyperaceae. Les Liliales et les Asparagales sont des monocotylédones à pollinisation entomophile. Leurs fleurs sont donc colorées et parfumées, produisant généralement du nectar pour attirer les insectes visiteurs. Poaceae Cette famille est cosmopolite ; depuis les déserts jusqu’aux biotopes marins et à toutes, y compris les plus hautes, altitudes. Les Poaceae sont herbacées, souvent rhizomateuses, mais également arborescentes avec les bambous tropicaux. Les tiges (chaume) sont à section transversale ronde ou elliptique, pleines ou creuses, contenant de la silice. Il y a une seule feuille à chaque nœud. Elle est constituée par un limbe et une gaine, cette dernière entourant la tige. Le limbe, généralement linéaire, présente une nervation parallèle. La présence d’une ligule, membrane soudée à la face intérieure du sommet de la gaine, qu’elle dépasse plus ou moins longuement, est caractéristique. L’inflorescence élémentaire est un épillet. Ces épillets peuvent être regroupés en épi, panicule, cyme ou racème d’épillets. L’épillet est constitué d’un axe très court ou rachis, portant un nombre variable de fleurs de petite taille. Deux bractées basales, les glumes, inégale en taille, sont insérées à la base de cet axe, à des niveaux légèrement différents. Les fleurs sont sous-tendues d’une bractée, la lemme, ou glumelle inférieure. Du côté opposé, on retrouve une autre structure bractéiforme, la paléole, ou glumelle supérieure. Les fleurs sont bi- ou uni-sexuées, pollinisées par le vent, fortement réduites en taille et en nombre de pièces florales. Les pièces du périgone sont réduites à 2 ou 3 lodicules ou glumellules, souvent translucides et entourent les (1-2-6)3 étamines et pistil. Les anthères sont fixées au filet par le dos, à lobes libres à chaque extrémité et plus ou moins divergents. On observe deux (ou 3) carpelles, à ovaire supère, une loge et un ovule, et deux (ou 3) styles libres ou plus ou moins soudés à la base. Les stigmates sont plumeux à grande surface réceptrice (pollinisation anémophile). Le fruit est généralement un caryopse, c’est-à-dire un akène à une seule graine (= le 170 grain) soudée à la paroi interne. L’embryon présente un cotylédon profondément modifié (le scutellum), positionné latéralement. Les graminées jouent un rôle prédominant pour la nutrition humaine : environ 70 % de la production agricole et 50 % des calories consommées par l’humanité concernent des Poacées. Elles sont cultivées depuis au moins 10 000 ans. Les premières domestiquées sont le blé (Triticum aestivum), l’orge (Hordeum vulgare) et l’avoine (Avena sativa) au Moyen Orient ; le sorgho (Sorghom bicolor) et le millet (Pennisetum americanum) en Afrique ; le maïs (Zea mays) en Amérique centrale et latine ; et le riz (Oryza sativa) en Asie du Sud-Est. Ces premières agricultures ont permis le développement de toutes ces civilisations ! En termes de production mondiale, les 4 cultures majoritaires actuellement sont la canne à sucre (Saccharum officinale), le blé, le riz et le maïs. Les graminées sont également utilisées pour l’alimentation du bétail, le contrôle de l’érosion et comme approvisionnement en sucres par fermentation alcoolique (bières ou whisky). Les bambous restent importants dans de nombreuses zones tropicales pour leurs pousses comestibles, les fibres servant à la production de papier et les tiges robustes pour la construction. Cyperaceae Les fleurs de cette famille sont relativement similaires à celles des Poaceae. Elles sont hermaphrodites ou unisexuées. Le périanthe est transformé en écailles, poils ou arêtes. Les fleurs sont groupées en épis sous-tendus par une bractée (différent donc des Poaceae). Les tiges sont à section triangulaire et à feuille graminoïde sans ligule. Juncaceae Les fleurs de cette famille présente un périanthe scarieux avec 6 tépales. Les tiges présentent une section cylindrique et des feuilles longues, rubanées ou cylindriques, sans ligule. Orchidaceae Il s’agit de plantes herbacées vivaces épiphytes ou terrestres, présentant des rhizomes, cormes, ou tubercules. Les feuilles sont généralement simples, entières, alternes, en spirale ou sur 2 rangs, avec une nervation généralement parallèle. Les fleurs sont normalement hermaphrodites, à symétrie bilatérale et très voyantes. Le périgone présente 6 pièces disposées en 2 verticilles et généralement toutes pétaloïdes. Trois tépales extérieurs, souvent pétaloïdes puis trois tépales internes, distincts, colorés : celui du milieu se distingue des deux autres en formant un labelle. Les étamines (<3, souvent 1 ou 2) sont soudées au style et au stigmate, formant une colonne centrale, le gymnostème. Le pollen est souvent aggloméré en masses, appelées pollinies, souvent atténuées à la base en un petit pédicelle, le caudicule, fixé à un disque visqueux basilaire, le rétinacle. L’ovaire infère comprend 3 carpelles à placentation pariétale (mais parfois axile). Le style et le stigmate sont profondément modifiés et comprennent une partie non réceptive, le rostellum, qui lui-même 171 peut comprendre une portion souvent collante, le viscidium, attaché aux pollinies. Les ovules sont nombreux. Le fruit est une capsule s’ouvrant par 3 ou 6 fentes longitudinales et libérant de minuscules graines (dispersées par le vent). Les fleurs sont extrêmement variables en formes et attirent une grande diversité d’insectes (Apidés, Lépidoptères, Diptères) ou d’oiseaux. Certaines sont généralistes mais d’autres ne sont pollinisées que par une ou quelques espèces d’insectes très spécialistes. Elles offrent en récompense nectar, pollen ou odeurs mais certaines piègent leur pollinisateur en imitant la forme, l’odeur (phéromones) la couleur de femelles et sont pollinisées par pseudo-copulation (ex. Ophrys). 2.2. Dicotylédones Les dicotylédones, lignée paraphylétique, se distinguent par un pollen triaperturé. Les fleurs sont souvent 4- ou 5- mères. Les tiges présentent un cambium qui peut mettre en place du bois en croissance secondaire. Les racines sont généralement organisées autour d’une racine principale. La nervation des feuilles est généralement réticulée mais peut aussi être aussi palmée. Les dicotylédones comprennent environ 160 000 espèces dont certaines familles particulièrement diversifiées telles que par exemple les Fabacées (~18 000 espèces) ou les Astéracées (~23 000 espèces). Rosaceae Les Rosaceae sont une famille cosmopolite mais plus abondante dans l’Hémisphère Nord qu’au Sud. Certains genres, tels que Rubus sont répandus sur les 6 continents alors que d’autres ont des distributions très restreintes. Les espèces herbacées se rencontrent en sous-bois, dans des marais salés, ou d’eau douce, dans la toundra ou le long des voies de communication. Les espèces ligneuses, comme Rubus, Crataegus, et quelques Prunus, occupent souvent les premiers stades dans une succession de végétation (espèces pionnières). Environ les ¾ des genres comprennent des espèces ligneuses mais les formes herbacées, buissonnantes ou arborescentes se rencontrent dans la famille. Certains groupes contiennent des glycosides cyanogéniques et du sorbitol (sucre). Les fleurs sont souvent voyantes, hermaphrodites (rarement unisexuées), à symétrie radiaire. L’hypanthium (= réceptacle modifié) peut être de forme aplatie ou soit en creux soit cylindrique ; libre ou adné aux carpelles. Il croit en général avec le fruit, pour donner un « faux fruit » (comme la pomme). Les sépales sont souvent au nombre de 5. Les étamines sont nombreuses (> 15 mais parfois <10). Les autres traits sont fort variables y compris les types de fruits (faux fruit, akène, drupe). L’importance de la famille tient surtout dans les fruits comestibles en régions tempérées et pour les nombreuses espèces ornementales. De première importance, les pommiers (Malus domestica) originaire d’Europe comprend à présent des milliers de cultivars plantés dans toutes les zones tempérées. Le genre Prunus fournit une série de fruits différents : P. dulcis (amandes), P. 172 armeniaca (abricots), P. avium (cerises), P. persica (pêches), P. domestica (prunes). Mais également Pyrus (poires), Rubus (mûres, framboises) et Fragaria (fraises). Fabaceae De diverses formes (depuis des herbacées jusqu’aux espèces arborescentes), elles se distinguent par leur métabolisme azoté et les acides aminés particuliers. La symbiose avec la bactérie Rhizobium permet la fixation de l’azote atmosphérique par des nodules racinaires. Elles contiennent souvent également des tannins, des alcaloïdes (parfois cyanogénétiques)… Les fleurs sont habituellement hermaphrodites, à symétrie bilatérale, présentant un court hypanthium. Il y a habituellement un seul carpelle, distinct, allongé. Ovaire supère à placentation latérale (1 style surmonté d’1 stigmate). Un à plusieurs ovules alignés sur deux rangs ce qui conduit à des fruits sous forme de gousse (d’où le terme « legume ») majoritairement. Il existe cependant des exceptions avec samare, akène, drupe…. Les fleurs des Fabacées sont très variables en taille, forme, couleurs ou pollinisateurs. Des pollinisateurs à la recherche de nectar incluent des Hyménoptères, Lépidoptères, Diptères, Coléoptères, oiseaux et chauve-souris. Cependant la pollinisation par les Apidés, surtout chez les Faboideae, est caractéristique. Les fleurs à symétrie bilatérale présentent un pétale attractif (l’étendard) accompagné de deux « ailes » (pétales latéraux permettant à l’insecte de se poser). Les étamines et le style inclus dans l’étendard sont touchés lors de la visite du pollinisateur. L’allogamie est souvent favorisée par protandrie. Les Fabacées suivent les Poacées en ordre d’importance économique. Les genres principaux consommés sont Arachis (cacahuètes), Cajanus (pois d’Angole), Cicer (pois chiche), Glycine (soja), Inga (pois doux, Amérique latine), Lens (lentilles), Phaseolus (haricots), Pisum (pois) et Tamarindus (tamarin). Il faut noter cependant que certains sont hautement toxiques ! Plusieurs genres servent de fourrage (Medicago, Melilotus, Trifolium, Vicia). Etant toutes fixatrices d’azote grâce à leur symbiose avec Rhizobium, elles peuvent servir d’engrais azoté. Plusieurs espèces sont ornementales (Acacia, Albizia, Bauhinia, Cytisus, Lupinus, Mimosa, Parkinsonia, Robinia…). Fagaceae Les Fagaceae sont les arbres dominants des forêts tempérées de l'hémisphère Nord. Leurs feuilles sont simples, alternes parfois profondément lobées, à stipules caduques. Ces plantes sont monoïques. Le fruit (=akène) est entouré d'une cupule, enveloppe épaisse lignifiée souvent à aspérités plus ou moins piquantes. L’ovaire présente 3 carpelles. La cupule résulte de l'expansion de l'axe de l'inflorescence, fondamentalement triflore (Castanea sativa), devenant biflore par avortement de la fleur centrale (Fagus) ou uniflore par avortement des 2 fleurs latérales (Quercus). Les fleurs mâles sont réunies en châton pendant. Brassicaceae 173 Les Brassicaceae sont cosmopolites, particulièrement fort diversifiées en région Méditerranéenne, Asie centrale et du Sud-Ouest, Amérique du Nord-Ouest. De nombreuses espèces sont pionnières. De forme biologique variée (herbacées, buissons ou arbres) les Brassicacées produisent des glucosinolates. Elles contiennent souvent des composés cyanogéniques. Les fleurs sont souvent hermaphrodites et toujours tétramères. Les étamines sont habituellement longues et tétradynames (2 + 4 plus longues). Les ovaires contiennent deux carpelles à placentation pariétale (souvent fusionnés et formant une fausse cloison). Elles offrent habituellement du nectar. Le fruit est une silique ou silicules (souvent s’ouvrant en 2 valves). La famille comprend plusieurs plantes vivrières majeures : Brassica oleracea (choux, brocolis etc) et B. rapa (navets), Capparis spinosa (câpres), ou Raphanus sativus (radis), ainsi que de condiments comme Sinapis alba (moutarde). De l’huile est extraite entre autres de Brassica napus (colza). 174 CHAPITRE 18 Plantes et Homme 1 Domestication des plantes : Agriculture 1.1 Historique Les premières traces de domestication de plante (i.e. agriculture organisée) remontent à 10.000 Av JC. Les hommes ont cultivé les plantes dans le but d’améliorer leur alimentation, leur habillement, leur santé ou encore se construire des abris. Le développement de l’espèce humaine est directement lié à sa capacité de maîtriser le développement d’espèces végétales. A la veille de la naissance de l’agriculture, l’humanité comptait 10 millions d’habitants. La croissance a ensuite été rapide, 1.000 Av JC, la population avait déjà été multipliée par 10. Ceci démontre un lien très clair entre agriculture et développement démographique de l’espèce humaine. L’agriculture découle directement des traditions de groupes cueilleurs/chasseurs sédentarisés. Le mode vie de cueilleurs/chasseurs nécessitaient une connaissance très poussée des propriétés des plantes, à la fois pour la nourriture et pour la médecine. Les groupes nomades pratiquaient d’ailleurs très probablement des semis pour favoriser ces plantes et ainsi les retrouver en plus grand nombre lorsque le groupe revenait sur les lieux. Les premières plantes cultivées par les populations sédentarisées étaient donc naturellement les plantes préférentiellement déjà récoltées dans la nature. Le corolaire de l’organisation d’une agriculture soutenue a été une sédentarisation des populations et une organisation en groupe des tâches agricoles. On recense six foyers d’origine indépendante : le Proche-Orient, la Chine, la Papouasie-Nouvelle Guinée, l’Amérique du Nord, l’Amérique centrale (Mexique) et l’Amérique du Sud (Pérou). Le foyer proche oriental est le plus ancien des foyers d’origine. Des blés (Poaceae) domestiqués vieux de 10.000 ans y ont été retrouvés. On retrouve dans ce foyer les plantes de base de la civilisation occidentale, blé et orge pour les sucres, légumineuses (pois et lentille) pour les protéines, et lin pour les textiles. En Chine, l’agriculture a été inventée il y a 8.500 ans dans Shanxi et le Henan. Les premières plantes cultivées ont été le millet des oiseaux (Poaceae) et quelques légumes dont le chou (Brassicaceae) et le Navet (Brassicaceae). En diffusant, notamment vers la Corée, le foyer chinois a développé de nouvelles cultures comme celle du soja (Fabaceae) et du riz (Poaceae). Le foyer papou est le moins bien connu des foyers. Il date de 10.000 ans et on y a notamment domestiqué le taro (sorte de gros navet de la famille des Araceae) Le foyer d’Amérique centrale a donné de nombreuses plantes cultivées, piment (Solanaceae) et avocat (Lauraceae) dans un premier temps. Ensuite, il y a 7.000 ans, le Maïs (Poaceae), la courgette 175 (Curcurbitaceae), la citrouille (Cucurbitaceae) et le tabac (Solanaceae) ont été cultivé ; puis le haricot (Fabaceae) (il y a 5000 ans); et le coton (Malvaceae) (1500 ans). Le foyer nord-américain est le plus récent (1000 Av JC) et le plus pauvre. Il a donné le tournesol. A ces 6 foyers, on peut rajouter des foyers secondaires, notament africains, où d’autres nouvelles domestications ont aussi été réalisées. 1.2 Caractéristiques des plantes domestiquées Les plantes domestiquées présentent plusieurs caractéristiques différentes par rapport à leurs ancêtres sauvages. La sélection exercée par l'Homme sur les plantes cultivées se retrouve à différentes échelles : échelle anatomique, échelle moléculaire et génétique. Les caractéristiques génétiques retenues sont différentes de celles qui sont favorables aux plantes sauvages : ce sont les caractéristiques qui profitent à l’homme qui sont valorisées. Une même espèce cultivée comporte souvent plusieurs variétés sélectionnées selon des critères différents : c'est une forme de biodiversité. Ces caractéristiques sont bien sûr liées à une sélection exercée au cours de nombreuses générations par les cultivateurs. Si on prend l’exemple du maïs, celui présente les différences suivantes par rapport au maïs sauvage (Téosinte) : - Absence de dormants (graines qui ne germent pas la première année) - Régularité dans la maturation des graines - Tige solide - Germe toute l’année - Gros grains - Adaptation des différentes variétés aux différents climats de culture - Homogénéité des populations Si on prend compare maintenant la carotte sauvage et la carotte cultivée, on remarque aussi un nombre important de différences des variétés cultivées : - Racine orange bien développée - Couleur orange (concentration importante en carotène) liée à l’expression du gène PSY Les variétés cultivées sont aussi caractérisées par une uniformité génétique. Là où les populations végétales ont intérêt à être diversifiées pour faire face à un maximum de contraintes aléatoires, les populations cultivées (champs) sont caractérisées par une grande uniformité qui permet une régularité et une anticipation de production. Cette uniformité est aussi un avantage dans la 176 simplification des modes de gestions agricoles (engrais, arrosage, pesticide, …). Par contre les agroécosystèmes simplifiés à outrance en terme de diversité spécifique et génétique sont aussi très fragiles car très peu résilients. Par ailleurs, toutes les plantes ne sont pas propices à la domestication. Les plantes autogames comme le blé sont beaucoup plus facile à domestiquer que les plantes allogames. Les plantes doivent aussi être à la fois abondantes et bonnes pour la cuisine. Au total, on compte près de 80 espèces domestiquées majeures. Les plus importantes en tonnage sont les 8 céréales (toutes Poaceae) : blé, riz, sorgho, maïs, avoine, orge, millet et seigle. On recense aussi 8 tubercules importants : pomme de terre, topinambour, jicama, crosne, patate douce, igname, taro et manioc ; 8 légumineuses (Fabaceae) : haricot sec, fève sèche, pois sec, pois chiche, lentille, soja, arachide, ricin ; 9 oléagineuses : tournesol (Asteraceae), colza (Brassicaceae), sésame (Pedaliaceae), lin (Linaceae), carthame (Asteraceae), coton à graine (Malvaceae), olivier (Oleaceae), cocotier (Arecaceae) et palmier (Arecaceae). Viennent ensuite les légumes comme les choux (Brassicaceae), les artichaux (Asteraceae), concombre (Cucurbitaceae), tomate (Solanaceae) ou encore le céléri et la carotte (Apiaceae) ; les plantes sucrières comme la betterave (Chenopodiaceae) et la canne à sucre (Poaceae) ; les fruits avec essentiellement les pommes (Malaceae), poires (Malaceae), pêches (Amygdalaceae), orange (Rutaceae), prune (Amygdalaceae), ananas (Bromeliaceae), banane (Musaceae), mange (Anacardiaceae), groseilles (Grossulariaceae), framboises (Rosaceae), fraise (Rosaceae), … Et enfin les plantes à fibres comme le coton (Malvaceae), le lin (Linaceae) et le chanvre (Urticaceae). La liste est bien sûr très loin d’être exhaustive et de très nombreuses autres plantes sont cultivées. Par rapport aux 500.000 espèces végétales connues elles restent cependant une minorité très faible. 1.3 Commerce des plantes et ses conséquences Le commerce international a permis l’échange des différentes plantes domestiquées et l’augmentation des possibilités de culture. On peut citer par exemple l’introduction de la culture de la pomme de terre en Europe qui a grandement aidé à l’indépendance alimentaire du continent. Le commerce a aussi provoqué l’échange de pathogènes entre continents. Un des exemples célèbres est le transfert de puceron du genre Phylloxera et de champignon du genre Oïdium de l’Amérique du Nord vers l’Europe et qui ont décimé les vignes européennes au 19ème siècle. Un autre aspect problématique des échanges entre les différentes flores continentales est l’introduction d’espèce exotique invasive. Certaines espèces ont une grande plasticité écologique et sont capables de coloniser facilement de nouveau territoire une fois que l’homme les y a introduits. On compte de nombreuses espèces invasives en Europe, parmi les plus importantes on compte le Robinier (Fabaceae), la Balsamine de l’Himalaya (Balsaminaceae), la Fallope du Japon 177 (Polygonaceae) ou encore le Sénéçon du Cap (Asteraceae). Ces plantes peuvent prendre la place d’espèce native et ainsi engendrer une perte de biodiversité locale. 1.4 Développement future de l’agriculture L’hyper-sélection de quelques variétés performantes mais nécessitant beaucoup d’intrants (engrais, pesticides, …) a permis de continuer à augmenter les rendements de production. Son corolaire a été la disparition des variétés sélectionnées localement. La diversité génétique, déjà faible, est donc maintenant très réduite ainsi que l’adaptabilité des variétés. De plus, les agronomes et biologistes, pour augmenter la rapidité de la sélection de nouvelle variété plus performante, ont développé de nouvelles recherches en modifiant directement et de manière dirigée le génome des plantes. C’est ce qu’on nomme les organismes génétiquement modifiés (OGM). Le premier OGM à être cultivé en grande quantité était le Maïs BT (BT pour Bacillus thuringiensis). Un gène a été isolé chez la bactérie pour être introduite dans le génome de la plante leur conférant une résistance aux principaux insectes nuisibles du maïs, entre autres une pyrale : la pyrale du maïs Ostrinia nubilalis. En 2009, la surface totale de maïs transgénique Bt (Bt uniquement ou Bt/HT combinant le caractère Bt et la tolérance à un herbicide, le glyphosate), occupe 40,4 millions d'hectares, correspondant à 37 % de la surface totale d'OGM cultivés dans le monde. L'efficacité et l'impact d'un OGM par rapport à un traitement insecticide classique sont totalement différents. L'efficacité est très largement supérieure: - La plante elle-même produit la molécule qui bloque la digestion de ou des insectes cibles: la totalité de plante est protégée là où un traitement (hors néonicotinoïdes, très couteux et réservé au traitement de semence) ne permet qu'une protection de surface et doit être renouvelé plusieurs fois. - La sélectivité du traitement est très supérieure : chaque variante de la molécule BT ne vise qu'une famille d'insectes. L'impact sur l'environnement est donc réduit : moins de CO2 car pas de passage d'engin ni de synthèse d'insecticide par l'industrie ; pas d'impact sur de nombreux auxiliaires comme les Chrysoperla rufilabris, les trichogrammes et plus généralement les insectes auxiliaires. Les limites de cette technologie sont aussi nombreuses. Des résistances apparaissent rapidement au sein de population d’insectes ravageurs, ce qui nécessite l’amélioration constance des semences. Les agriculteurs sont donc très dépendants des compagnies semencières produisant et commercialisant ces semences. Une des solutions proposées par les agronomes soucieux de la résilience des écosystèmes agricoles est de diversifier les productions et les types de semence plantée. Cette technique permet de retarder significativement l’apparition de résistance. 178 2 Services écosystémiques des plantes La définition communément admise de services écosystémiques ou écologiques est celle de l'évaluation des écosystèmes pour le millénaire (EM) qui dit que ce sont les bénéfices que les humains retirent des écosystèmes sans avoir à agir pour les obtenir. Il faut distinguer les « services » des « fonctions écologiques » qui les produisent : les fonctions écologiques sont les processus naturels de fonctionnement et de maintien des écosystèmes, alors que les services sont le résultat de ces fonctions. Ces services sont par exemple, pour les plantes, la conservation des sols, la production de l'oxygène de l'air, l'épuration naturelle des eaux, la biomasse qui nourrit les animaux domestiqués, pêchés ou chassés, ou encore la séquestration naturelle de carbone dans le bois, les sols, les mers et le sous-sol. La stratégie nationale pour la biodiversité les définit comme « Utilisation par l’homme des fonctions écologiques de certains écosystèmes, à travers des usages et une réglementation qui encadrent cette utilisation. Par souci de simplicité, on dit que les écosystèmes « rendent » ou « produisent » des services ». Toutefois, une fonction écologique ne prend la forme d’un service à l’homme que dans la mesure où les pratiques sociales reconnaissent le service comme tel, c’està-dire reconnaissent l’utilité de la fonction écologique pour le bien-être humain. Les moyens d'apprécier et quantitativement mesurer ces services qui sont souvent holistiques, diffus ou liés à des réseaux écologiques et complexes sont encore en débat, mais de nombreuses expériences ou tentatives de mesures ont lieu depuis la fin du 20ème siècle, en particulier dans le domaine des ressources en eau, des forêts, du cycle du carbone et des puits de carbone. 3 Pharmacognosie La pharmacognosie (du grec pharmakon drogue, venin, poison et gnosis connaissance) est la science appliquée traitant des matières premières et des substances à potentialité médicamenteuse d’origine biologique. Ces substances d’origine biologique sont issues de végétaux, d'animaux ou encore de fermentation à partir de micro-organismes. La drogue est la partie de l'organe, l’organe entier ou encore la totalité d’une plante, d’un champignon (drogue végétale) ou d’un animal (drogue animale). Environ 80 % de la population mondiale se soigne exclusivement avec des plantes médicinales. En Europe, 35 % des médicaments prescrits par les médecins sont d'origine naturelle alors que plus de 50 % des médicaments en vente libre sont à base de plantes médicinales. Il existe 4 formes d’utilisation des plantes médicinales : extraits, constituants purs, infusions et huiles essentielles. Les deux premiers sont aussi appelés phytomédicaments. Ils sont jugés sur leur efficacité, leur qualité et leur sécurité. 179 Nous présenterons dans le cadre de ce cours d’éléments de botanique quelques exemples de phytomédicaments et l’histoire de leur utilisation. La pharmacognosie en tant que science sera largement développée dans le cadre du cursus de sciences pharmaceutiques. Saule et acide salicylique. Le saule a été rapidement utilisé comme plante médicinale. Hippocrate (5ème siècle av. J.-C.) le prescrit contre les douleurs de l’accouchement. Cette plante fait partie de l’ouvrage De Materia Medica de Dioscoride (1er siècle de notre ère), le premier catalogue des plantes médicinales. Galien (2ème siècle de notre ère) décrit les propriétés antipyrétiques et antiinflammatoires des feuilles de saule. Il sera très utilisé au Moyen-Âge contre la fièvre et les douleurs. La description détaillée de l'effet analgésique, antipyrétique et anti-inflammatoire de l'écorce de saule sera décrite en 1763 et l’isolement de la salicine sera réalisé en 1829. Vers 1840, l’obtention de l'acide salicylique par oxydation chimique de la salicine ouvrira la voie vers la production artificielle de la molécule. L'acide salicylique, isolé pour la première fois de la reine des prés (Filipendula ulmaria L., Rosaceae), est le précurseur de l'aspirine. Digitale et digitaline. Le principe actif dominant dans la digitale est un glucoside cardiotonique, la digitaline. Cette plante, de la famille des Schrophulariaceae, était utilisée en Egypte et dans la Rome ancienne comme diurétique et toxique. Elle a ensuite été utilisée pour le traitement des oedèmes et on a aussi remarqué ses effets bénéfiques en cas de problèmes cardiaques. Plus tard elle sera utilisée pour le traitement de la folie. Aujourd’hui on utilise la digitale pour le traitement de l’insuffisance cardiaque, sous forme de monosubstances exclusivement. On notera les effets secondaires que la plante peut provoquer sur la vision. Elle expliquerait pourquoi certaines peintures de Vincent Van Gogh tirent vers le jaune. Ce dernier était un consommateur de digitale. Absinthe et thujone. L’absinthe présente une composition chimique complexe contenant principalement des principes amers (lactones sesquiterpéniques) : absinthine, artabasine ; et des huiles essentielles : thujone, thujylalcool, sabinol comme monoterpènes principaux. Son utilisation a été interdite pendant longtemps suite aux effets secondaires qu’elle provoque chez les consommateurs. Papaveraceae, Solanaceae et alcaloïdes. Ces deux familles présentent de nombreuses espèces particulièrement riches en alcaloïdes. Morphine, codéine, papavérine et nicotine sont des molécules bien connues comme anesthésiant ou hallucinogène, et produites pas des Papaveraceae ou des Solanaceae. La sécrétion se fait principalement au niveau du latex de la plante. Ricin (Ricinus communis). Cette plante produit depuis longtemps pour sa production d’huile qu’on apelle aussi l’huille de castor. C’est une plante perrenne de la famille des Eurphorbiaceae. Elle est native de l’Afrique de l’Est et d’une partie de l’Asie occidentale mais elle est maintenant plantée partout dans le monde. Toutes les parties de la plante sont toxiques, mais la plus haute concentration se retrouve dans les graines. La molécule principale est la ricine, une glyco-protéine qui inhibe la synthèse de protéine. Cette molécule est très puissante, une à trois graines 180 mâchouillée par un enfant suffit à le tuer, et 2 à 6 pour un adulte. Les symptômes apparaissent après plusieurs heures : nausée, vomissement, mal de ventre, diarrhée, maux de tête, trouble de la vision et convulsion, parmi d’autres. Les symptômes peuvent durer plusieurs jours, jusqu’à la mort. L’intoxication peut donc être stoppée, notamment par l’ingestion de charbon actif. Le ricin est cultivé pour son huile qui est extraite des graines. Grâce à un traitement particulier, la toxine est éliminée. La reste de la graine pressée peut aussi être utilisée pour nourrir les animaux. Cette huile est utilisée par les hommes depuis au moins les égyptiens (-5000 ans), qui s’en servaient comme huile de lampe et pour embaumer les corps. Au cours des siècles, elle a été utilisée dans les traitements médicinaux mais aussi dans l’industrie. Elle est un excellent lubrifiant qui est utilisé en cosmétique ou encore dans la production de bio-carburant. Une de ses utilisations les plus populaires est son utilisation comme laxatif. Millepertuis. Cette plante est utilisée depuis longtemps pour lutter contre la dépression. Le millepertuis agirait au niveau neuronal en inhibant la recapture de certains composants, comme la dopamine, la sérotonine et la norépinéphrine, ce qui expliquerait son action dans la dépression. Le millepertuis comporte un très grand nombre de composés actifs. Parmi les très nombreuses molécules actives identifiées (en fait des pigments), l'on retrouve principalement les groupes suivants : hypéricine, hyperforine, flavonoïdes et caroténoïdes. La recherche et l'analyse concernant l'ensemble de ces composés est actuellement en plein essor notamment en Europe et en Amérique du Nord. Mais trouver une nouvelle molécule en laboratoire, ne signifie pas trouver une nouvelle molécule active. Pour ce faire, des études cliniques portant sur de larges groupes de patients sont nécessaires. Le but étant évidemment pour l'ensemble des laboratoires, la recherche et la découverte d'une molécule originale, brevetable et donc exploitable commercialement. En fait, il semble qu'en 2005, nous en sommes face au millepertuis au stade où en était Bayer face à l'écorce de saule en 1865. Mais il est vrai que le produit apparaît beaucoup plus complexe, ceci malgré l'emploi de techniques innovantes et hautement performantes, comme la Chromatographie Liquide Haute Performance (CLHP), la BSM (Biologie supra-moléculaire), etc. Il est à noter aussi que le millepertuis interagit avec d’autres médicaments par induction enzymatique. 181