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Rev. sci. Bourgogne-Nature - 16-2012
IMAGES NATURELLES 
Un édredon 
dans l’estomac 
par Daniel M
AGNIN
C’est une toute petite plume, préalablement trempée dans 
l’eau, que ce poussin de Grèbe huppé reçoit en guise de cadeau 
de naissance. Et qu’il va s’empresser d’avaler, comme toutes 
celles qui suivront, sans faire d’histoires. Un régime spécial 
premier âge ? Non, c’est durant sa vie entière que tout grèbe 
qui se respecte – qu’il soit huppé, castagneux, à cou noir ou que 
sais-je encore… – conserve cette drôle de manie d’ingurgiter 
régulièrement des plumes. Il récupère celles qui se détachent 
pendant la toilette ou qu’il découvre flottant sur l’eau, perdues 
par d’autres oiseaux. Au besoin, il les arrache volontairement 
de son corps, recouvert d’un duvet très dense. Une marotte 
élevée au rang d’exclusivité mondiale : cette famille d’oiseaux 
est en effet la seule à se comporter ainsi. Mais pourquoi diable 
manger des plumes ?
En s’accumulant dans l’estomac et en se décomposant 
progressivement sous l’action des sucs digestifs, les plumes 
forment une sorte de boule spongieuse – pouvant occuper 
jusqu’à la moitié de l’estomac – dans laquelle viennent s’échouer 
les poissons dont les grèbes font grande consommation. Si la 
chair de leurs proies a tôt fait d’être réduite en bouillie par les 
puissants acides, les arêtes résistent beaucoup plus longtemps. 
Empêchées de poursuivre leur chemin par un deuxième barrage 
de plumes, très serré et situé à l’entrée de l’intestin, les voilà 
donc condamnées à séjourner longuement dans cette boule 
spongieuse où elles se font progressivement dissoudre. Par 
ailleurs, de temps à autre, les grèbes régurgitent une partie 
de cette boule, arêtes et autres éléments indigestes compris.
Entasser des plumes dans leur estomac, voilà donc la 
solution adoptée par les grèbes pour régler le problème des 
arêtes. Ce faisant, ils protègent leur appareil digestif d’éven-
tuels dommages et donnent aux éléments les plus indigestes 
le temps d’être davantage assimilés.
Pour en savoir plus : La Hulotte no72
Manger du poisson à longueur de journée sans enlever les arêtes, c’est à la fois dangereux et lourd 
à digérer. Les grèbes ont trouvé la parade : construire un barrage en plumes !
Les bonnes habitudes alimentaires s’inculquent dès le plus jeune âge. Sur un étang du Val de Saône, en juin.
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