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Fiche à jour au 7 Mars 2010
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Matière : Histoire du droit
Auteur :David FRAPET
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II. LA RENAISSANCE INSTITUTIONNELLE
CAROLINGIENNE.
Pour bien prendre la mesure de ce que fut la « renaissance
carolingienne » entre 751 et 899, il faut avoir à l‘esprit le
chaos mérovingien qui remplaça l’ordre romain en Gaule
après 476. Partout, la notion romaine de Res Publica est
remplacée par la privatisation absolue des fonctions publiques
à un point tel que les souverains mérovingiens ne font plus
aucune différence entre les biens publics et les biens privés.
En matière fiscale, les coutumes germaniques du « cadeau »
ou du tribut on remplacé la notion publique de fiscus. Au
milieu de l’abandon de l’entretien des routes et de
l’effondrement des circuits commerciaux, les mérovingiens
gardent tout de même quelques vagues traces de l’organisation
2
romaine, mais la période qui s’étend de la chute de l’Empire
romain d’Occident jusqu’à la vigoureuse réaction de Charles
Martel à partir de 724 contre la léthargie du roi mérovingien
Thierry IV, fils de Dagobert III, demeure assurément une
période sombre dans l’Histoire institutionnelle de la France.
Le redressement militaire, administratif, financier, culturel, et
religieux opéré par les premiers Maires du palais, tels Pépin de
Landen, Pépin de Herstahl, Charles Martel, puis par le premier
véritable monarque carolingien, Pépin le Bref, poursuivi et
porté à des niveaux inégalés par Charlemagne et Louis le
Pieux, caractérise ce que l’on nomme communément
« renaissance carolingienne ».
A) Le maillage institutionnel de l’Empire
L’Empire carolingien sous Charlemagne et jusqu’à la mort de
Louis le Pieux en 840, est administré de manière à ce que tous
les sujets de l’Empereur obéissent à des règles relativement
uniformes sur l’ensemble des territoires soumis à l’autorité de
l’Empereur. Un réseau développé d’administrations locales est
contrôlé par les envoyés du pouvoir central (les célèbres
Missi-Dominici). Les administrateurs locaux rendent compte
de leur activité à ces envoyés du pouvoir central et ces
derniers font part à l’Empereur de leurs constatations tout en
suggérant des améliorations à apporter au système pour que
celui ci fonctionne avec le plus d’efficacité possible.
Simultanément, toutes sortes de ressources fiscales et
parafiscales voient le jour pour alimenter les niveaux locaux et
centraux de l’administration. A cela s’ajoutent des prestations
en nature imposées à toutes les classes de la population qui
permettent de subvenir aux besoins fondamentaux de la
collectivité. Enfin, le service de l’Ost (entendez par là
l’organisation de l’armée) est organisé de telle manière qu’il
implique la collaboration de toutes les classes des hommes
libres, depuis les plus riches, jusqu’aux plus pauvres.
1) Les Administrations locales
3
Les administrations locales sont les héritières des institutions
romaines et mérovingiennes, et à maints égards elles
préfigurent celles de l’époque moderne. Les administrations
locales de l’Empire carolingien sont structurées et répondent
aux besoins d’un Etat organisé qui recherche l’efficacité dans
l’action. Les comtes et les marquis sont les deux institutions
les plus connues, autour desquelles gravitent divers niveaux
d’administration.
a) Les comtes, marquis et leurs subordonnés.
Le comte (comes ou grafio en latin ; graf en langue
germanique) exerce son autorité sur le comté, territoire qui a
globalement épousé celui de l’ancienne Civitas romaine. La
Gaule a connu cinq siècles de romanisation. Les réformes de
Dioclétien ont structuré l’administration. Durant le Bas
Empire romain, la circonscription de base est la Civitas,
dirigée par une assemblée composée de notables, les
décurions. Les décurions, qui disposent d’une certaine marge
de manœuvre pour prendre des décisions, recouvrent les
impôts et ils désignent les magistrats. Cette autonomie de la
Civitas va décroître à la fin du Bas Empire. Les gouverneurs
de provinces reçoivent des ordres en ce sens et finalement un
curateur deviendra l’homme du pouvoir dans chaque Civitas.
Au cours du cinquième Siècle, deux royaumes se constituent
en Gaule : 1) le royaume des Wisigoths à l’Ouest, qui s’étend
de la Loire au massif central ; 2) A l’Est, les Burgondes. Ces
deux royaumes vont conserver les structures administratives
romaines, à un degré moindre, il est vrai, en ce qui concerne
les Wisigoths. Survient alors la période franque et le « regnum
francorum ». La Civitas va faire place au Bannus, puis plus
tardivement au comté. Dans chaque Civitas, le roi Franc
envoie un petit groupe de guerriers commandé par le grafio,
qui incarne la présence franque. Ce grafio, peu à peu va
s’effacer au profit du comte. Rappelons qu’être comte (comes)
était un titre honorifique décerné par l’Empereur durant le Bas
Empire. Les rois Francs ne vont pas seulement s’emparer
d’une terminologie ; ils vont lui donner un sens.
Sous les carolingiens, les comtes vont constituer la pièce
maîtresse de l’organisation administrative et ils seront
4
l’instrument privilégié de la « franquisation » des territoires
conquis.
Le champ d’action du comte est le comté (comitatus, ou
pagus, ou bien encore Gau en allemand). L’Empire tout entier
sera découpé en plusieurs centaines de comtés. On en
dénombrera au moins 260 au début du IXe Siècle et jusqu’à
300 rien qu’en Francia occidentalis à la fin de ce même IXe
Siècle. L’extension de cette pratique administrative a été
favorisée par le fait qu’au temps des premiers carolingiens,
elle constituait l’organisation des pays germaniques et des
Lombards.
Le comte représente l’Empereur carolingien et exerce en son
nom le pouvoir dans son comté. Citons comme prérogatives
essentielles des comtes : 1°) La publication des capitulaires et
plus généralement de tous les actes impériaux ; 2°)
L’exécution réelle des directives impériales ; 3°) La
perception des impôts ; 4°) La direction des travaux publics et
d’intérêt général ; 5°) Le maintien de l’ordre ; 6°) Le comte
lève et commande les contingents militaires. Il recueille les
serments de fidélité ; 7°) Le comte rend la justice au nom de
l’Empereur.
Le comte étant l’homme de confiance de l’Empereur au
niveau local, il peut être déplacé ou révoqué ad nutum par ce
dernier. Dans les faits, de tels événements sont rares, car
l’Empereur n’a aucun intérêt à se créer des opposants
potentiels.
Les comtes ne sont pas pour autant des potentats locaux tout
puissants, même si de par leur fonction ils constituent le pivot
autour duquel s’articule toute la vie du comté :
• L’Empereur leur envoie fréquemment des
instructions écrites. Les comtes sont tenus de venir
régulièrement à la Cour au moins une fois par an
pour rendre compte de leur administration et
recevoir des « orientations » en retour.
• Les comtes disposent de services dirigés par des
fonctionnaires subalternes qui les secondent dans la
gestion du comté.
5
• Le vicomte (vicecomes), sorte d’adjoint ou de
fondé de pouvoir, est choisi par le comte, mais ce
choix doit être validé par l’Empereur.
• Les vicaires (vicarii), sont chargés d’administrer
une portion du comté. Ils exercent une autorité
déléguée sur la « vicairie ». On rencontre aussi ce
nom de vicairie, latinisé en « centaine » ; dans ce
cas, le vicaire est appelé « le centenier »
(centenarius). Les pouvoirs de ces fonctionnaires
subordonnés aux comtes, sont toutefois limités dans
le domaine judiciaire où ils ne peuvent juger que
« les causes mineures ».
Les provinces frontières, de par leur spécificité, connaissent
une organisation administrative particulière. Elles forment des
territoires d’exception appelés « Marches ». Dans ces
« Marches » (marca ou limes), tous les pouvoirs sont conférés
au chef des troupes d’occupation, qui est revêtu de la fonction
de « comte-chef de la marche ». Cette fonction est à l’origine
du mot « Marquis » en français et du mot « Markgraf » en
allemand. Ce terme « markgraf » a été déformé par le français
en « margrave ». Comme les fonctions de ce personnage sont
essentiellement militaires, il est aussi qualifié de « duc »
(dux), c’est à dire « Général en Chef ». Le Marquis peut lever
des troupes –sans l’accord du monarque- en cas de menace
grave. A ses fonctions essentiellement militaires, s’ajoutent
aussi toutes celles qui sont normalement dévolues à un comte
de droit commun. Nul ne s’étonnera donc de rencontrer des
Marches sur les frontières danoises, Wendes, bretonnes,
espagnoles, au Frioul ou bien encore au contact du pays Avar
avant sa soumission.
-L’appareil administratif organisé autour des comtes et des
Marches, est doublé de l’appareil administratif dirigé par les
autorités religieuses. Les deux collaborent étroitement, ce qui
apparaît plutôt normal dans un Etat que nous pourrions
qualifier de théocratique.
Les limites du territoire soumis à la juridiction de l’évêque, le
diocèse, coïncident très souvent avec celles du comté, parce
que comme le comté, la circonscription ecclésiastique a adopté
l’ancien territoire de la Civitas romaine. Louis Halphen, dans
6
son ouvrage « Charlemagne et l’Empire carolingien », Albin
Michel-1947- assimile purement et simplement l’évêque à un
fonctionnaire impérial. Le mode de nomination de l’évêque a
varié selon les rapports de forces entre les pouvoirs impériaux
(ou royaux) et l’Eglise ; mais les évêques, nommés
formellement par le pape, doivent ensuite voir leur nomination
validée par le souverain carolingien. L’Empereur exerce les
mêmes contrôles sur les actes des évêques que sur ceux des
comtes. Le pouvoir central carolingien adresse aux évêques
des instructions, et ces derniers publient et diffusent les
capitulaires. La présence des évêques est exigée lors des
grandes assemblées. Les clercs de rang inférieur jouent le
même rôle administratif que les vicaires et les autres
fonctionnaires subalternes au service du comte.
b) Le corps de contrôle de l’administration
locale.
Les carolingiens avaient bien perçu que les administrations
qu’ils avaient mises en place, ne fonctionneraient bien que si
elles subissaient des contrôles de la part du pouvoir central.
C’est ainsi que les Missi Dominici , qui existaient sous les
mérovingiens, devinrent un élément fondamental de
l’organisation administrative carolingienne. Les Missi
Dominici sont des inspecteurs itinérants chargés d’assurer
l’interface entre le pouvoir central et les autorités locales,
notamment en effectuant des contrôles d’exécution du service
dans les comtés.
A la fin du règne de Charlemagne, la pratique de l’inspection
des comtés s’est généralisée. Toutefois, il convient de préciser
que les Missi Dominici ne constituent pas un corps de
fonctionnaires autonomes recrutés en marge de tous les
niveaux existants de l’administration carolingienne. Les Missi,
qui partent en tournée d’inspection munis d’un ordre de
mission signé par l’Empereur, forment des équipes de deux
hommes constituées d’un comte et d’un évêque. Les comtes et
les évêques ainsi missionnés, doivent donc non seulement
assurer les missions de contrôles extérieurs qui leur sont
confiées, mais encore continuer à administrer leur comté et
leur diocèse d’affectation. Chaque tournée d’inspection
7
comprend entre 6 et 10 comtés à contrôler. C’est énorme à une
époque où il n’existe pas de transports rapides et dans un
Empire où la plupart des chemins et routes sont impraticables
durant une grande partie de l’année. Le périmètre soumis à
contrôle, porte l’appellation de « missaticum »
Quels sont les domaines soumis à leurs investigations ?
• 1°) Contrôle de la gestion des personnels de tout
rang.
• 2°) Contrôle de la bonne mise en œuvre par les
autorités comtales et ecclésiastiques, des consignes
et prescriptions administratives imposées par
l’administration centrale. Autrement dit, il s’agit de
répondre à la question suivante : Les volontés de
l’Empereur sont elles exécutées correctement ?
• 3°) En ce qui concerne l’évêque –Missi, il sera plus
spécifiquement chargé du contrôle de la bonne
application des prescriptions conciliaires.
• 4°) Les Missi jouent également un rôle judiciaire,
puisqu’ils peuvent se prononcer sur le bienfondé en
droit et en fait des jugements des tribunaux locaux.
Ils assurent donc une triple fonction dans ce
domaine, puisqu’ils assurent la recevabilité des
plaintes et des arguments de défense des parties aux
procès, mais aussi, parce qu’ils exercent des
fonctions d’appel et de cassation des décisions
rendues localement.
• 5°) Les Missi sont également chargés de recueillir
les plaintes formulées par n’importe qui, contre les
comtes et leurs subordonnés. Il s’agit probablement
là de leur pouvoir le plus sensible.
• 6°) Les Missi reçoivent les serments de fidélité des
fonctionnaires, des ecclésiastiques et des grands
vassaux, lorsqu’un nouveau souverain monte sur le
trône.
Pour expliciter le point N°6, nous avons jugé utile de
reproduire le texte d’une circulaire adressée par quatre Missi
aux comtes qu’ils étaient chargés d’inspecter :
8
« Nous vous adressons cette lettre pour vous ordonner de la
part de l’Empereur et vous prier instamment de notre part de
faire tous vos efforts pour bien remplir toutes les obligations
de votre charge en ce qui touche tant le culte de Dieu que le
service de notre maître, le salut et la garde du peuple chrétien.
Car notre maître nous a enjoint, ainsi qu’à tous ses autres
Missi, de lui présenter au milieu d’Avril un rapport fidèle sur
la manière dont ont été exécutés dans son royaume les ordres
qu’il a, ces années dernières, fait transmettre par ses Missi,
désireux qu’il est de récompenser dignement ceux qui s’y sont
conformés et de gourmander comme ils le méritent ceux qui
s’y sont soustraits…Nous vous engageons à relire vos
capitulaires, à vous remémorer les instructions verbales qui
vous ont été données et à déployer, pour les appliquer, un tel
zèle que vous puissiez en être récompensés par Dieu et par
votre maître le grand Empereur. Nous vous enjoignons donc
d’abord et recommandons d’obéir ponctuellement et d’exiger
de vos employés et de vos administrés une obéissance
ponctuelle aux ordres de votre évêque pour tout ce qui a trait à
son ministère. Employez-vous à maintenir tous les droits de
l’Empereur, tels qu’ils vous ont été prescrits par écrit et
oralement, car vous en êtes comptables. Faites pleinement,
correctement, équitablement justice aux églises, aux veuves,
aux orphelins, et à tous autres, sans fraude, sans corruption,
sans retards ou délais abusifs, et veillez à ce que tous vos
subordonnés en fassent autant, si vous voulez être
récompensés par Dieu et par notre maître. Si vous vous
heurtez à des actes d’insoumission ou de désobéissance, si
l’on refuse d’accepter les décisions que vous aurez prises en
conformité avec la loi ou la justice, prenez en note et
avertissez nous, soit aussitôt en cas d’ urgence, soit lors de
notre passage afin que nous avisions selon les instructions que
nous avons reçues de notre maître. N’hésitez pas, si vous avez
un doute sur le sens d’un passage de ce mandement…à nous
envoyer d’urgence un de vos représentants capable de
comprendre nos explications, afin que vous puissiez vous
mêmes tout comprendre, et avec l’aide de Dieu, tout exécuter.
Faites surtout bien attention qu’on ne vous surprenne pas,
vous ou vos subordonnés, à dire aux parties, avec l’idée de
déjouer ou retarder l’exercice de la justice : ‘’ taisez vous
jusqu’à ce que les Missi soient passés ; nous nous arrangerons
ensuite entre nous !’’ Employez-vous au contraire à hâter le
9
jugement des affaires pendantes avant notre venue. Car si vous
faites quelque mauvais tour de ce genre, ou si vous retardez
par négligence ou par malice le cours de la justice jusqu’à
notre venue, mettez vous bien dans l’esprit que nous ferons
contre vous un rapport sévère. Lisez et relisez cette lettre et
gardez la bien, pour qu’elle serve de témoignage entre vous et
nous » (Louis Halphen, précité, p 151/152).
• Les Missi doivent enfin répondre au nom de
l’Empereur, à de nombreuses questions concernant
des sujets très divers, comme la validité des titres
de propriété et plus généralement de tous les actes
concernant des personnes privées ; mais ils sont
aussi amenés à se prononcer sur le statut des
personnes libres et non libres.
-Le nombre incalculable de codes en vigueur dans un Empire
carolingien véritable mosaïque de peuples conquis mais pas
toujours assimilés, rendait les tâches des Missi très complexes.
L’existence de ce corps de Missi-Dominici témoigne de la
volonté sans faille des autorités centrales de l’Empire, de
construire un Etat unitaire et cohérent. Dans l’esprit de
Charlemagne et de ses successeurs, au moins jusqu’en 850,
période à partir de laquelle le système des Missi commence à
décliner en même temps que l’institution impériale, il s’agit
d’assurer l’ « l’unité de direction gouvernementale » (Louis
Halphen p 152) dans tout l’Empire, y compris dans les zones
les plus éloignées du centre. Mais, le nombre annuel de
tournées imposé aux Missi à partir de l’an 800, jusqu’à 4 par
an en Janvier, Avril, Juillet et Octobre, dans des territoires de
plus en plus éloignés du centre, finit par influer sur la qualité
des inspections et par perturber la continuité du service dans
les comtés et diocèses dont étaient originaires les Missi.
Faisons observer enfin que les comtes et les ecclésiastiques
qui devenaient Missi durant une partie de l’année, n’avaient
pas le droit d’inspecter leur propre comté ou diocèse. Les
Missi Dominici, au moins jusqu’en 850, assurèrent avec zèle
leurs fonctions. La période qui s’étend des années 770 à 850
apparaît donc comme l’âge d’or des Missi et par voie de
conséquence de l’administration carolingienne.
Dernière catégorie de personnes privées investies de
prérogatives de puissance publique par l’administration
10
centrale carolingienne, les vassaux et les immunistes. Ces
personnages vont jouer un très grand rôle dans l’Empire
carolingien ; le développement de la vassalité sera même une
des causes majeures de la dislocation de l’Empire à la fin du
IXe Siècle.
c) Les vassaux et les immunistes.
- les vassaux :
La vassalité n’est pas, à proprement parler, une institution
autonome de droit public. Il s’agit plutôt d’un des visages de
la société féodale ; c’est une technique d’administration qui
permet aux autorités centrales et locales de confier des
missions de service public à des personnes privées investies de
prérogatives de puissance publique, par la voie contractuelle.
Somme toute, le « contrat vassalique » est une délégation de
pouvoir très fortement personnalisée qui a des effets dans la
sphère de la gestion publique.
Aujourd’hui, nous assimilerions le contrat de vasselage à un
contrat de droit privé, car c’est une convention entre deux
personnes dont le consentement n’est pas faussé par le dol, la
lésion ou encore la tromperie. Le vassal (vassalus ou vassus)
« se commande » (se commendat), c’est à dire « s’engage à »
au service (servitium) d’un maître (dominus) plus
communément appelé « seigneur » (senior), en contrepartie de
quoi ledit seigneur garantit la protection (le mainbourg) à son
vassal. La philosophie des lumières et les révolutionnaires de
1789 ont véhiculé une image extrêmement négative de la
vassalité, l’assimilant purement et simplement à l’esclavage
par un amalgame recherché entre vasselage et servage. Pour
les hommes de la Révolution française, la vassalité est
assimilée à la « féodalité », période décrite par ces derniers
comme particulièrement obscure dans l’Histoire des hommes.
Cette conception réductrice de la vassalité est encore présente
de nos jours dans les esprits, malgré les travaux remarquables
sur ce sujet de l’historien Marc Bloch (Marc Bloch, la société
féodale, paris-Albin Michel- 1973). Certes, le contrat de
vasselage implique un déséquilibre entre les cocontractants,
car il est évident que celui qui « se commande » se place en
11
situation d’infériorité par rapport à celui qui « protège ».
Cependant, épiloguer longuement sur la réalité du strict
équilibre qui devrait régner idéalement dans un contrat
synallagmatique est une perte de temps. Est-on certain en effet
que dans notre époque moderne placée sous le signe des
droits de l’Homme, les relations entre un acheteur et un
vendeur, un salarié et un employeur ou bien encore entre un
banquier et un emprunteur soient placées sous le signe de
l’équilibre et du respect mutuel ?
Le contrat de vasselage sous les carolingiens, présente les
aspects suivants :
• Le contrat de vasselage permet à deux
consentements réputés libres, de se rencontrer. Le
vassal est qualifié de « pair de son seigneur ». Il n’y
a donc-formellement- aucune partie inférieure à
l’autre.
• La violation d’une clause substantielle du contrat
entraîne soit le paiement d’une pénalité par la partie
défaillante, soit la nullité du contrat de vasselage. Si
le seigneur commet une faute lourde, comme le vol
de son vassal, ou montre un manque de respect
caractérisé envers la famille du vassal, le vassal est
libéré de facto de ses engagements et il pourra donc
aller « se commander » auprès d’un autre seigneur.
• Le contrat de vasselage est conclu pour la vie
entière des parties cocontractantes (sauf les cas de
violations évoquées ci dessus).
• Le vassal (ou le « commandé ») peut se voir
imposer de lourdes sujétions, comme celles, par
exemple, de suivre son seigneur si celui ci vient à
s’expatrier.
• A partir du règne de Pépin le Bref, le contrat de
vasselage se renforce d’un serment de fidélité. Il
s’agit de la transposition dans les relations
contractuelles entre deux personnes privées, des
rapports de droit qui existaient entre le roi et ses
vassaux.
12
Citons comme exemple d’un contrat de vasselage royal,
l’entrée en vasselage du duc de Bavière, Tassilon, en 757
auprès de Pépin. Louis Halphen dans son ouvrage précité, fait
observer que « c’est aussi à l’occasion de l’entrée en vasselage
de Tassilon en 757, que nous voyons se dessiner le formalisme
de ce que plus tard on appellera ‘’ hommage’’ ».
L’hommage vassalique consiste en un rituel, où le commandé
et le sénior se prennent mutuellement les mains. Peu à peu, le
rituel de l’hommage remplacera le contrat écrit, mais loin de
limiter l’engagement du seigneur envers son vassal, la
procédure orale entraîne une élévation du niveau d’obligation
du seigneur envers son vassal. En effet, le seigneur ne peut
alors plus s’en tenir à une vague promesse de « mainbour »,
mais doit gratifier son vassal de terres et de biens. Ce « lot »
généralement donné au vassal, portera plus tard les noms de
« bénéfices », puis de « fief » au Xe Siècle.
• La possession par le vassal d’un « bénéfice »,
emporte présomption irréfragable d’un contrat
(quelle qu’en soit sa forme) de vasselage avec un
sénior
• Le roi a ses propres vassaux, les « vassi-dominici »,
qui richement dotés, hésitent à désobéir à l’autorité
centrale de peur d’être dépossédés de leurs
bénéfices. La vassalité royale permet d’alimenter
l’armée en cadres et en hommes. Les besoins dans
le domaine militaire sont tellement importants sous
l’Empire carolingien, que certains souverains ne
disposant pas de richesses suffisantes pour offrir
des bénéfices attractifs à leurs vassaux, seront
obligés d’aller puiser dans les biens de l’Eglise.
A partir du règne de Charlemagne, les vassaux royaux
occupent de hautes fonctions militaires auprès des comtes, et
sont chargés par exemple d’amener les contingents à l’Ost ( à
l’armée).
Paul Chalus, dans la préface qu’il signe de l’ouvrage de Marc
Bloch « la société féodale », donne une définition très
synthétique de la féodalité : « Un complexe de relations
personnelles de dépendance et de protection ».
13
- Les immunistes.
L’immuniste est titulaire d’un privilège d’ « immunité » ; c’est
un grand propriétaire directement placé sous l’autorité de
l’Empereur qui se voit déléguer l’exercice de la plupart des
fonctions comtales. Aucun fonctionnaire public (judex
publicus) ne peut pénétrer –et ce sous aucun prétexte-, sur le
territoire de l’immuniste. En clair, aucun fonctionnaire royal
ne peut se présenter chez l’immuniste pour collecter les impôts
ou exercer des contraintes contre un habitant du territoire de
l’immuniste. Plus encore, aucun fonctionnaire public ne peut
demander le gîte et le couvert à qui que ce soit sur le territoire
de l’immuniste ! Peut-on pour autant assimiler le territoire de
l’immuniste à celui d’une principauté indépendante de fait ?
Assurément non, car l’immuniste agit au nom du roi, ou de
l’Empereur et jamais de sa propre initiative. Dans le domaine
judiciaire, l’immuniste dispose de la faculté de rendre la
justice, mais pour les causes mineures. Pour les causes
majeures comme les crimes, l’immuniste doit déférer les
prévenus devant le tribunal public et s’il s’avère que
l’immuniste protège un criminel venu se réfugier sur ses
terres, alors le comte peut sommer trois fois l’immuniste de
livrer le criminel aux juridictions de droit commun et
l’immuniste récalcitrant sera frappé d’amende. La rébellion
armée de l’immuniste contre le pouvoir central est punie de la
révocation pure et simple des privilèges consentis.
L’immuniste gère la fonction militaire sur son territoire. Il lui
incombe le soin de procéder à toutes les tâches normalement
dévolues aux comtes et aux vassaux royaux. Sur le plan fiscal,
l’immuniste représente directement le roi pour le
recouvrement des impôts directs, indirects et la répartition des
corvées. Mais là aussi l’autonomie de l’immuniste est limitée,
car il doit déférer au tribunal public de droit commun les
personnes qui se seraient réfugiées sur son territoires pour
échapper à l’impôt ou aux corvées. L’immuniste, dont les
missions de service public sont nombreuses, est assisté de
collaborateurs à qui il délègue une part de sa charge de
travail : Ainsi du vidame (vicedominus) ou de l’avoué
(advocatus) dont la nomination est validée par le pouvoir
central.
14
L’immunité est une technique sui generis de délégation de la
puissance publique, à mi chemin entre l’organisation comtale
de droit commun et la vassalité. Finalement, pour être
audacieux, on pourrait situer l’immuniste comme un niveau
administratif intermédiaire entre la déconcentration comtale et
la décentralisation vassalique…Là ou en revanche il convient
d’être très précis, c’est que l’immuniste n’est pas un vassal.
L’immuniste ne se « commande » à personne, pas plus qu’il
ne sollicite le mainbour de quiconque. L’immuniste ne dépend
que de l’Empereur. Si lien vassalique il y a, alors il se situe
entre ces deux personnages.Certes, les territoires d’immunités
apparaissent comme des poches où l’autorité comtale est
affaiblie –sans avoir pour autant disparu-, et les immunistes
préfigurent ce que seront les grands féodaux des Xe et XIe
Siècle.
2) La fiscalité carolingienne.
Le système fiscal carolingien est élaboré. Si sur le plan
organisationnel la fiscalité carolingienne emprunte ses grandes
lignes directrices à la fiscalité romaine, il n’en demeure pas
moins qu’il existe des différences entre ces deux types de
fiscalité, d’abord et avant tout parce que ces fiscalités se
déclinent dans deux sociétés radicalement différentes.
Les habitants de la Gaule romaine étaient assujettis à une
fiscalité insupportable, en l’échange de la « pax romana »,
laquelle n’était plus qu’une fiction en Occident depuis le début
du quatrième Siècle après JC. Durant le bas Empire, le Trésor
romain est alimenté par un ensemble de taxes perçues lors de
la circulation des denrées. Des droits sont également perçus à
l’entrée de chaque diocèse. Les octrois sur les routes et les
ponts se multiplient. Ces taxes indirectes peuvent être évaluées
à 12% de la valeur des marchandises déclarées. Parallèlement
à ces taxes diverses et variées, existaient aussi des impôts
directs, exigés chaque année de tous les habitants de l’Empire
sous deux formes : L’une assise sur le foncier, l’autre sur la
situation personnelle de l’imposé. L’impôt foncier repose sur
le Jugum (unité de base de 10 hectares qui sert de mode de
calcul à l’impôt foncier dont le montant est fixé tous les
quinze ans). A cela s’ajoute un impôt en or sur l’aristocratie.
15
L’administration romaine fait un usage particulièrement
redoutable des plans cadastraux pour déterminer qui doit être
soumis à l‘imposition foncière. L’imposition personnelle
n’épargne non plus personne ; il semble qu’à l’intérieur d’une
même Civitas, tout le monde paie un impôt identique. Le
montant global des impôts est fixé par le pouvoir impérial
après des recensements de population exécutés tous les quinze
ans. Colons, petits propriétaires, artisans et commerçants
paient l’impôt. Certes, il existe des dégrèvements possibles
pour les régions qui ont subi des invasions ou des intempéries,
mais le fardeau fiscal demeure très lourd et de ce fait les
barbares ont reçu un accueil favorable en Gaule. Car les
Germains ignoraient la fiscalité au sens romain du terme. Les
chefs « barbares » pratiquaient la technique du « cadeau » ou
du partage du butin. Au contact du monde romain, les
mérovingiens s’en tiendront à la mise en place d’une forme de
fiscalité indirecte. Malgré la disparition du système romain,
sont maintenus les péages sur les voies de communications
(les tonlieux) et le droit de percevoir ce type de taxe va être
donné à des particuliers. Le clergé, quant à lui, sera totalement
exempté de toute cette fiscalité. Mais, même malgré son
approche prudente de la fiscalité, la royauté mérovingienne se
heurte à un vif refus du principe de l’impôt, considéré comme
une honte, un tribut de vaincus. Les « Gallo-romains » vont
donc opposer à l’impôt la force d’inertie, qui est la forme la
plus sournoise de la résistance… et s’inclineront de très
mauvaise grâce devant la résurrection de l’impôt foncier, le
« census ». Peu à peu, le « census » disparaîtra dans le cours
du 6e Siècle.
D’origines germaniques, les rois mérovingiens percevaient les
2/3 du produit des amendes pour les violations de leur banc
(c’est à dire de leurs droits). Le roi percevait aussi le tiers des
compositions légales et il gardait le tiers des impositions
légales. Au 7e Siècle, la royauté mérovingienne fait revivre la
pratique des cadeaux et des confiscations de biens. Après la
quasi disparition de toute fiscalité organisée sous les
mérovingiens, les monarques carolingiens se trouvèrent dans
l’obligation de reconstruire un système fiscal compatible avec
leur vision de l’Etat.
a) Les impositions en numéraire.
16
L’Etat carolingien n’était pas budgétivore. La notion de
fonctionnaires publics travaillant dans les services d’une
administration centrale ou déconcentrée et appointés chaque
mois par un budget général alimenté par un impôt généralisé,
est inconnue des carolingiens.
Les agents du pouvoir central vivent du produit des terres qui
leur sont affectées. L’Empereur se contente des ressources
jadis perçues par ses prédécesseurs mérovingiens. Quoi qu’il
en soit, l’Historien de l’Empire carolingien rencontrera au
cours de ses recherches, des traces de « capitation », par
exemple dans ce capitulaire de 805, qui prescrit de « lever le
cens royal, soit sur la personne des contribuables, soit sur leurs
biens, partout où il était jusqu’alors légalement exigible ». Ce
capitulaire prescrit en outre de faire enquêter les Missi en tous
lieux « où d’ancienneté on avait coutume de payer l’impôt au
roi , afin de nous faire un rapport pour que nous puissions
ordonner la conduite à tenir dorénavant à ce sujet » (Louis
Halphen, précité, p 176). Dès 802, Charlemagne avait jugé
bon de rappeler que « frustrer le roi de son dû ou de l‘impôt »,
c’était manquer à son serment de fidélité. Mais, comme sous
les mérovingiens, l’impôt direct était ressenti comme un tribut
de vaincu, une honte, une humiliation particulièrement
illégitime dans la mesure où le périmètre ultra restreint de
l’administration centrale et l’absence de services publics ne
justifiaient aucunement aux yeux des habitants de l’Empire le
paiement d’un impôt. Sa pratique tomba vite en désuétude et
la seule contribution publique véritablement assimilable à une
imposition directe fut la dîme. Cet impôt, exigible de tous les
sujets de l’Empire, représentant 10% des revenus fonciers des
fidèles, l’Empereur inclus, était perçu au profit de l’Eglise. Le
caractère religieux de cet impôt, atténuait le mépris que les
Francs et les autres peuples d’origines germaniques ou slaves
nourrissaient à l’égard de la fiscalité. La puissance publique
s’assurait du paiement effectif de la dîme et des capitulaires de
Charlemagne précisent bien que c’est la loi qui détermine les
conditions de paiement et de recouvrement de cet impôt. Le
non-paiement de la dîme entraînait une double peine : D’abord
des poursuites civiles, ensuite les censures ecclésiastiques. Ces
dernières étaient d’ailleurs les plus dissuasives à une époque
où l’Eglise et l’Etat se confondaient en une seule entité.
17
-Les revenus du Domaine, du monopole monétaire, de
l’exercice de l’autorité légitime et le « don » annuel.
L’administration centrale carolingienne alimentait son Trésor
à partir des trois premiers types de ressources ci dessus citées.
Mais avant de les détailler, évoquons brièvement cette
ressource atypique qu’est le « don annuel » (dona annualia). Il
s’agit d’une contribution annuelle versée gracieusement au
Trésor royal, en espèces, par les « grands » du royaume, y
compris par les religieux . Inutile de préciser que le caractère
« gracieux » de ce versement annuel ne relevait que de la
subtilité sémantique. En effet, le Trésor impérial considérait ce
« don » comme une rentrée fiscale fixe et régulière et de leur
côté, les « donateurs » versaient souvent des sommes selon un
barème imposé ! Par ailleurs, le niveau du versement
témoignait du degré de considération que le « donateur »
accordait à l’Empereur et aux siens.
La royauté franque exploite de grands domaines (les « villae »
ou « fisci »), dont elle tire de substantiels revenus. Ces biens
fonciers provenaient de diverses usurpations comme par
exemple l’expropriation des mérovingiens par Pépin le Bref et
la sécularisation des biens de l’Eglise par Charles Martel. Des
intendants, les « villici » veillent à la bonne exploitation
desdits domaines. Comme le fait observer Louis Halphen (p
182), la confusion des termes de « fiscus » et de « villae »
pour désigner les domaines royaux, démontre bien que les
carolingiens n’opéraient aucune distinction entre les domaines
d’origine privée (les « villae ») et ceux d’origine publique (les
« fisci ») qui désignaient les terres du fisc sous l ‘Empire
romain. Cette confusion volontaire des deux concepts,
témoigne d’une conception germanique et non romaine de la
fiscalité.
Le souverain carolingien dispose aussi depuis Pépin le Bref
du monopole de la frappe des monnaies. Entre 805 et 808, la
frappe de la monnaie carolingienne releva de l’unique
compétence de l’atelier d’Aix la Chapelle. La frappe de la
monnaie était déléguée à des personnes privées investies de
prérogatives de puissance publique, qui se rémunéraient par un
prélèvement opéré sur la masse de métal affectée à la
production de ladite monnaie. Dans un but louable d’ «
unification
monétaire »,
les
anciennes
monnaies
18
mérovingiennes encore en circulation, furent fondues et
converties en « deniers d’argent » carolingiens.
Le pouvoir central dispose aussi des revenus des droits de
chancellerie, c’est à dire qu’il facture ses actes juridiques
(accords de privilèges, d’immunités, etc…) ; il en va de même
pour tous les actes qui « rendent la justice », facturés au prix
fort.
Enfin, lorsque les campagnes militaires sont bonnes, les butins
acquis après les victoires, contribuent à alimenter le Trésor
impérial. Il faut se rappeler à ce propos, la fabuleuse rentrée de
métaux précieux dans le Trésor carolingien, après la victoire
de Charlemagne contre le Kaghan des Avars en 796.
(Consulter à ce sujet, la fiche constituant la première partie de
cette étude sur « les Temps carolingiens »).
-Les contributions indirectes.
Dans l’Empire carolingien, les contributions indirectes sont les
héritières des tonlieux (telonea ou portorium) mérovingiennes,
elles mêmes issues de la fiscalité romaine qui frappait les
marchandises circulant dans l’Empire et destinées au
commerce, de droits de douane, d’octrois, et de taxes toutes
plus imaginatives les unes que les autres. Les tonlieux
permettent également de moduler la politique fiscale, puisque
le pouvoir central accorde parfois des exemptions à certaines
marchandises. Citons quelques exemples de tonlieux très
productives sur le plan fiscal : Les taxes sur les transactions
commerciales réalisées dans les marchés et foires ; les péages
sur les routes, ponts et voies fluviales (taxes de rouage, de
portage, de transport par bêtes de somme, par barque) ; les
taxes pour franchir les écluses sont également à ranger dans le
domaine des taxes « fluviales ».
On le voit, en matière fiscale, les carolingiens se sont montrés
largement aussi inventifs que leurs prédécesseurs romains et
soutiennent la comparaison avec leurs successeurs de tous les
âges. Il semble cependant que la période carolingienne ne fut
pas une période de fiscalité lourde, d’abord et avant tout parce
que, rappelons le, l’organisation de l’Etat restait
« minimaliste » et que la notion de service public, avec les
19
conséquences budgétaires qu’elle induit, avait disparu depuis
la chute de l’Empire roman d’Occident .
b) Les impôts en nature.
Ils se déclinent principalement en prestations et corvées
diverses, mais aussi sous forme d’obligations militaires.
-Les obligations militaires : La pression fiscale que les
monarques carolingiens exerçaient sur leurs sujets, était peu de
chose comparativement aux exigences qu’ils avaient dans le
domaine militaire. Faire la guerre, est pour les Francs une
activité presque ordinaire. Les campagnes militaires se
déroulent généralement à la belle saison et les combattants
hivernent . Chaque année, tout sujet libre de l’Empire peut
être appelé à première réquisition au service de l’Ost, c’est à
dire « aux armées ». Celui qui est mobilisé doit se présenter
sur le lieu de sa convocation (sous peine d’amende, voire
d’une peine plus lourde). L’insolvabilité n’est pas un
échappatoire, car dans ce cas, le débiteur défaillant est réduit à
la servitude jusqu’au paiement intégral, de sa
dette…L’homme libre mobilisé se présente entièrement
équipé à ses frais (lances, bouclier, arcs, flèches, pelles, bâtons
cloutés). Les chefs de détachement sont équipés d’une cuirasse
en peau recouverte d’éléments métalliques. Louis Halphen,
dans son ouvrage précité sur Charlemagne et l’Empire
carolingien, cite (à la page 168) une note de service de l’année
806 adressée par l’Empereur à l‘abbé de Saint Quentin : «
Sache que notre plaid général est convoqué cette année en
Saxe orientale, à Strassfurt sur la Bode. Nous t’enjoignons de
t’y rendre le 15 des calendes de Juillet, soit sept jours avant la
Saint Jean Baptiste, avec tous tes hommes armés et bien
équipés. Tu t’y présenteras avec eux, prêt à entrer en
campagne, dans la direction que j’indiquerai, avec armes,
bagages, et tout le fourniment de guerre en vivres et
vêtements…Vous aurez dans vos chars des vivres pour trois
mois à compter du départ de Strassfurt, des armes et des
vêtements pour une demie année. Tu veilleras qu’en cours de
route et jusqu’audit lieu, vous ne causiez aucun désordre, par
quelque partie de notre royaume que votre itinéraire vous fasse
20
passer. Il ne devra être touché à rien, en dehors de l’herbe, du
bois et de l’eau… ».
Très peu d’hommes sont exemptés des obligations militaires.
Les évêques mêmes et les abbés doivent mener leurs
contingents à l‘Ost. L’Empereur module cependant l’appel à
l’Ost selon les régions et les classes d’âge, tenant compte en
cela des intérêts des agriculteurs et des artisans. Le taux de
mobilisation varie selon les campagnes militaires. En cas de
danger grave aux frontières, la mobilisation peut être totale,
mais la plupart du temps, le ban de l’Ost touche entre un et
trois hommes sur six. L’équipement militaire coûtant fort cher,
les autorités tiennent également compte de la situation
économique dans laquelle se trouvent certains sujets de
certaines régions. Par exemple, en cas de famine ou de disette,
le service de l’Ost est limité à la participation de propriétaires
d’au moins trois manses de terrain. Dans un tel cas, les petits
propriétaires qui possèdent des surfaces inférieures à 3
manses, se regroupent et se cotisent pour équiper entièrement
un homme. Moins la fortune des propriétaires est grande, plus
ils sont autorisés à se regrouper nombreux pour équiper un
combattant. La gestion de la pression économique due à
l’obligation militaire par le pouvoir central, est donc
rationnelle. Enfin, lorsque la situation militaire le permet,
l’Empereur autorise les comtes à organiser un roulement entre
les mobilisables. La désertion (herisliz) est punie de mort
ainsi que de la confiscation des biens du coupable. Enfin, au
ban de l’Ost, s’ajoutent d’autres obligations « paramilitaires »,
comme le service du guet, la défense du littoral ou bien encore
l’obligation d’assurer des patrouilles le long des frontières.
-Les charges en nature et les corvées .
Les habitants de l’Empire payaient certes assez peu d’impôts
directs (et même indirects), mais en contrepartie, ils pouvaient
être astreints à des réquisitions ainsi qu’à diverses obligations.
Ainsi, les habitants de l’Empire doivent fournir le gîte et le
couvert aux représentants des autorités publiques munis d’un
ordre de mission officiel, au cours de leurs déplacements
professionnels. Les habitants doivent équiper ces mêmes
fonctionnaires en chevaux, fourrage et vivres. Cette obligation
21
de prendre en charge les agents de l’Etat, contribue à
transformer chaque habitant de l’Empire en collaborateur
occasionnel du service public et donc à renforcer la cohésion
de l’Empire. L’Empire romain avait développé ce genre de
pratiques.
Les fonctionnaires itinérants les plus célèbres de l’Empire
étaient les Missi Dominici. Les sujets de l’Empereur devaient
les héberger et les soutenir lors de leurs tournées d’inspection.
Les Missi devaient recevoir un accueil digne de leur rang.
Ceci imposait de lourdes charges à ceux qui les recevaient en
terme de dépenses de viande, légumes, pain, sel, vin, miel
etc… Les habitants qui reçoivent des Missi en hiver sont tenus
d’assurer sous leur toit un bon feu. Des charges si lourdes
d’ailleurs, qu’il est permis de se demander si cette obligation
d’assistance aux fonctionnaires en déplacements, incombait
véritablement à tous les sujets de l’Empereur. Qui peut
raisonnablement croire que les principales autorités de
l’Empire décidaient de s’inviter à la table d’un pauvre hère qui
ne pouvait même pas se nourrir lui même ? Ne doit-on pas
plutôt penser que les fonctionnaires en déplacement, avaient
préalablement à leur voyage préparé une série de points de
chute où ils étaient certains de recevoir un accueil à la hauteur
de leur rang ?
A ces obligations de soutien aux fonctionnaires en
déplacement, il convient aussi d’ajouter ce que nous appelons
de nos jours, « les corvées ». Les sujets de l’Empire pouvaient
être réquisitionnés à tous moments pour travailler sur des
chantiers d’intérêt général (routes, ponts , écluses, aqueducs et
édifices publics divers). Les charges ci dessus évoquées et les
corvées, représentent donc une forme de fiscalité indirecte qui
ne dit pas son nom et qui permet à l’Etat, ainsi qu’à ses
émanations administratives, de transformer autoritairement
n’importe quel sujet en collaborateur occasionnel de
l’administration. Cette collaboration exigée de tous, répond à
des nécessités organisationnelles évidentes, puisque le concept
de budget général n’existe pas ; mais cela vise aussi à créer un
sentiment d’appartenance commune à une entité politique
cohérente et à une communauté de destin.
22
B) L’Empereur, clef de voûte de l’édifice institutionnel
carolingien.
Dire que l’Empereur constitue la clef de voûte de l’édifice
institutionnel carolingien, est une affirmation surtout valable
pour les règnes de Charlemagne et de Louis le Pieux. Il est en
revanche légitime d’être plus réservé à partir du règne de
Lothaire. L’Empereur carolingien constitue le sommet de la
chaîne hiérarchique qui lie comtes, évêques, Missi, grands
vassaux et immunistes. L’Empereur est celui à qui s’adressent
tous les serments de fidélité et vers qui se tournent tous ceux
qui parmi ses sujets veulent voir éclaircir un point de droit ou
de doctrine administrative. Chef suprême des armées,
l’Empereur est l’incarnation du pouvoir. Avec le soutien de
l’Eglise, il préside aux destinées de l’Empire. L’Empereur
dispose d’un embryon d’administration centrale. Les services
centraux carolingiens sont très limités et en tous les cas leur
taille semble dérisoire eu égard à la puissance de l’Empereur.
1) Une administration centrale
nécessaire.
réduite au
strict
Nous avons vu que les niveaux de la fiscalité directe et des
contributions indirectes demeuraient insupportables pour les
sujets de l’Empereur, même si les obligations militaires et
l’existence de nombreuses charges en nature venaient alourdir
le fardeau. C’est probablement grâce à l’existence d’une
administration centrale très restreinte, pour ne pas dire
symbolique, que les sujets de l’Empereur carolingien ont été
relativement épargnés par les dérives de la fiscalité telles que
les avait connues les habitants de l’Empire romain.
a) Organisation
et
fonctionnement
l’administration centrale carolingienne.
de
Il est impossible de comparer l’organisation de
l’administration centrale carolingienne avec celle d’un Etat
moderne. L’administration centrale carolingienne est à l’image
23
de la conception du pouvoir des hommes du 8e et du 9e Siècle.
Les références au monde romain sont également périlleuses
lorsqu’on étudie le fonctionnement réel de l’administration
carolingienne. La notion de Trésor public (fiscus), par
exemple, n’existe pas, d’abord et avant tout parce que
l’Empereur carolingien s’est approprié les monnaies, les
lingots , et les joyaux provenant de l’impôt et des butins de
guerre. Toutes ces richesses sont stockées dans la Chambre de
l’Empereur (camera), expression tout à fait révélatrice de la
conception qu’on se faisait à cette époque des finances
« publiques ». Par ailleurs, la rémunération des grandes
fonctions publiques exercées par des personnages comme les
comtes, les évêques, les Missi ou bien encore les grands
vassaux, n’est ni décidée, ni servie par des services centraux
de l’Etat. Ainsi, les comtes se rémunèrent par le casuel (un
pourcentage des affaires de justice), mais aussi en levant des
taxes à leur profit et grâce aux revenus dégagés par leurs terres
et les abbayes qui se trouvent dans leurs juridictions. Ce
système de la rémunération individualisée, libère les finances
impériales de la très lourde charge du paiement des
fonctionnaires, mais paradoxalement maintient le haut
personnel administratif dans une dépendance totale vis à vis
du pouvoir central qui peut –au moins en théorie- du jour au
lendemain décider de retirer à ses comtes et vassaux les
charges et les biens concédés.
Si le principe de la confusion entre la fortune privée et
publique est acquis depuis les mérovingiens, il en va de même
pour la Cour du palais (palatium), qui consiste en un ensemble
de services rattachés à la personne même de l’Empereur. Ainsi
du chambrier (Camerius) exerçant les fonctions de gardien de
la Chambre du Trésor et qui de ce fait dispose de la haute
main sur l’ensemble des services impériaux ayant besoin de
fonds pour fonctionner.
*Le camérier est une sorte de super-intendant, une résurgence
du Maire du palais ; mais en aucun cas il ne saurait être
comparé à un ministre des Finances.
*Le Sénéchal (Senescalcus) est chargé d’approvisionner le
palais et plus spécifiquement la table royale. Il est assisté par
le « bouteiller » (buticularius) ou « échanson en chef »
(Magister Pincernarum).
24
*Un comte de l’étable ou « connétable » (Comes Stabuli)
dispose de la haute main sur les écuries impériales. Evoquons
aussi le « mansionnaire », chargé de la logistique lors des
déplacements de l’Empereur et de sa suite, mais également les
veneurs et les fauconniers qui ont compétence pour gérer les
chasses royales.
Ces personnages ont à leur tour un certain nombre de
« collaborateurs », comme les Chambellans qui secondent le
Sénéchal, et les huissiers (Ostarii) aux côtés du bouteiller.
Signalons enfin la présence de palefreniers et de
« maréchaux » (Marescalci). Comme des personnages tels que
le bouteiller ou le fauconnier ne sont pas intégralement
occupés dans l’exercice de leur charge, ces hauts personnages
exercent aussi des fonctions militaires sur ordre de
l’Empereur. Comme le souligne Marc Bloch dans son ouvrage
« la Société Féodale », Paris, Albin Michel 1973 : « Ces
grands personnages sont des vassaux installés dans l’entourage
du prince, qui préfigurent une forme de fonctionnarisation de
la vassalité au détriment de la détention du fief sous sa forme
territoriale ».
* On rencontre au palais de l’Empereur quelques fonctions
spéciales qui nécessitent l’intervention de personnels
particuliers : Ainsi du service de la « Chapelle » (Capella), qui
désigne le service chargé de faire fonctionner l’oratoire royal.
D’après Louis Halphen, le terme « Capella », lui même un
diminutif de « Cappa », désignait une des reliques les plus
précieuses d’Occident, la cape de Saint Martin « sur laquelle,
dès le 7e Siècle les rois Francs faisaient prêter serment en leur
propre oratoire » . Les clercs de l’oratoire des Empereurs
carolingiens portaient le nom de « chapelains (Cappellani) et
étaient chargés de l’insigne honneur d’assurer la garde de la
sublime relique. Ces chapelains étaient sous les ordres de
l ‘ « Archichapelain » (« Archicapellanus »). Ce très haut
personnage du palais, probablement un des premiers de l’Etat,
assurait des fonctions de conseil dans le domaine religieux.
* La Chancellerie est aussi un service prestigieux de
l’administration centrale carolingienne. Elle est chargée de la
rédaction et de l’expédition des actes officiels. La Chancellerie
travaille en synergie avec la Chapelle, dans la mesure où les
actes officiels sont rédigés en latin, langue que seuls les clercs
comprennent. Nombre de chapelains travaillent à la
25
chancellerie en qualité de notaires (notarius). C’est un notaire
qui assure la direction de la chancellerie (Cancellarius)
* Enfin, le comte du palais (Comes palatii) assiste l’Empereur
dans l’exercice de la justice. Il peut même présider le tribunal
impérial. Ce haut fonctionnaire de la justice dispose de
« bureaux » dans lesquels travaillent des fonctionnaires
subalternes. Ces bureaux acquièrent une autorité de plus en
plus forte au 9e Siècle, au point de devenir une Chancellerie
spéciale chargée de rédiger des jugements. Fait intéressant, si
les notaires de la Chancellerie sont des clercs, il semble que
les fonctionnaires de la chancellerie spéciale, soit des laïques.
Mais l’existence de cette administration centrale ne permettait
pas à elle seule, d’assurer le fonctionnement de l’Empire
carolingien. Il fallait quelque chose de plus fort. Le « serment
de fidélité » constitua l’élément psychologique décisif qui lia
chaque sujet à la personne de l’Empereur. L’Assemblée
Générale annuelle constitua quant à elle, un lieu de
légitimation permanent.
b) Le serment de fidélité et l’Assemblée
Générale annuelle.
-Le serment de fidélité
L’œuvre politique des carolingiens témoigne d’un profond
désir d’unité. Tous les hommes libres à partir de 12 ans prêtent
serment de fidélité à l’Empereur. A partir de ce moment se
crée un lien indissoluble entre le sujet et son souverain. Le
serment est simple, mais c’est un moment très fort dans la vie
des jeunes hommes de cette époque. Louis Halphen donne un
exemple de serment datant du début du 9e Siècle (p 165 de son
ouvrage précité) : « Je promets, à compter de ce jour, d’être
fidèle au seigneur Charles, très pieux Empereur, fils du roi
Pépin et de la reine Berthe sincèrement, sans fraude ni mal
engin et pour l’honneur de son royaume, comme par droit un
26
homme le doit à son seigneur et maître. Que Dieu et les Saints,
dont les reliques sont ici, me protègent, car tous les jours de
ma vie, de toute ma volonté et de toute l’intelligence que Dieu
me donnera, je m’y emploierai et m’y consacrerai ».
Précisons bien que dans la société du 9e Siècle, où l’Eglise et
l’Etat forment une seule entité, le non respect d’un serment
prêté sur des saintes reliques, entraîne l’état de parjure. Celui
qui devient « parjure », outre qu’il risque le feu éternel, se voit
frappé de mort civile : Il ne peut plus recourir au serment pour
se défendre d’accusateurs éventuels ; il ne peut plus témoigner
devant les tribunaux ; ses biens ne sont plus protégés en cas de
spoliation ; la peine encourue peut même aller jusqu’à
l’amputation de la main droite. Le parjure est donc traité avec
les mêmes rigueurs que l’infidèle.
Lors d’un changement de souverain, ou de l’élévation d’un roi
à la dignité impériale (comme ce fut le cas pour Charlemagne
en Décembre 800), les Missi Dominici sont chargés de
recueillir les nouveaux serments de fidélités des sujets. Il est
alors rappelé que le serment n’est pas seulement un acte
formel, mais qu’il emporte une entière adhésion à la personne
–et à la politique- de l’Empereur. Ainsi, les fraudes à l’impôt,
les tentatives d’éluder ses obligations à l’Ost, la manifestation
d’attitudes hostiles envers l‘Eglise, les rapines, injures et
autres méchants comportements envers les veuves, les
orphelins et les voyageurs, sont considérées comme autant de
violation du serment de fidélité à l’Empereur. Le serment de
fidélité joue donc le rôle d’un puissant instrument politique
unificateur au service des volontés et des conceptions du
pouvoir de l’Empereur carolingien.
-L’Assemblée Générale annuelle.
L’Empire carolingien procède d’une rencontre entre un
homme et des peuples. L’efficacité du réseau administratif qui
permet de traduire les volontés du pouvoir impérial sur
l’ensemble des territoires de l’Empire, est doublée par
l’existence d’un lien personnel entre l’Empereur et chacun de
se sujets. Ce lien est renouvelé chaque année lors d’une
Assemblée Générale (Conventus Generalis) ou Plaid Général
(Placitum Generale), convoquée par l’Empereur à la veille
27
d’un départ en campagne militaire. Ce rassemblement avait
donc lieu primitivement en Mars (d’où l’appellation de
« Champs de Mars » –Campus Martis-), puis fut reporté en
Mai (d’où à nouveau l’appellation de « Champ de Mai »Campus Madius-) . Officiellement, tous les sujets de l’Empire
(omnis populus), c’est à dire les hommes libres en âge de
porter les armes, sont convoqués. Cette assemblée générale
arrête officiellement les décisions politiques fondamentales
qui devront être suivies d’exécution. Bien entendu, cette
présence de tous les sujets de l’Empereur relève de la pure
fiction juridique ; car qui peut penser qu’une telle chose soit
possible ? Dans la réalité des faits, seuls les « Grands » de
l’Empire (les « Optimates ») sont convoqués et présents. Les
« Grands », qui forment l’élite de l’appareil d’Etat,
représentent « la masse des sujets ». On entend par
« Grands », les fonctionnaires d’autorité, les ecclésiastiques de
haut rang et les grands vassaux. Comme dans toute institution,
c’est la présence aux côtés du maître qui garantit la certitude
d’un parcours de carrière honorable. Donc, les « Grands » font
tout ce qu’ils peuvent pour assister à ce temps fort de l’année ;
d’ailleurs, sauf cas de force majeure, les absences ne sont pas
permises, ou à tout le moins fort mal perçues. Les Grands
assemblés, reçoivent bien plus de directives qu’ils ne donnent
de conseils. Ce Plaid Général a fait l’objet d’une préparation
attentive, préalablement à sa convocation. Les services
centraux de l’Empereur, et très certainement l’archichapelain,
jouent un rôle majeur dans la préparation des points mis à
l’ordre du jour de l’assemblée générale. Il s’agit donc d’un
événement cadré.
L’assemblée générale est composée de deux groupes distincts,
les clercs et les laïques. A cette occasion, les clercs forment un
synode chargé d’étudier toutes les questions relevant du
domaine religieux ; les laïques , quant à eux, se penchent sur
l’organisation administrative et les questions politiques et
financières. Les deux groupes s’exprimaient ensuite en
assemblée plénière où il est raisonnable de penser qu’ils
cherchaient à élaborer la synthèse de leurs travaux. Ces
décisions de l’AG annuelle étaient retranscrites sous forme de
capitulaires (ce mot signifiant au sens strict « rassemblement
de capitula »), c’est à dire de « chapitres ». Ces capitulaires
étaient promulgués à la fin de l’Assemblée Générale et une
lecture solennelle en était faite devant le « peuple ». Les
28
capitulaires étaient alors approuvés par acclamation. C’est
seulement à ce moment là qu’ils avaient force de loi.
Parfois, enfin, l’Assemblée Générale avait à connaître de
questions particulières, comme des cas de haute trahison.
C’est ainsi qu’en 788, le duc de Bavière fut traduit devant le
Plaid Général à Ingelheim, puis jugé coupable de Haute
Trahison et condamné à mort. En 806, l’AG annuelle eut à
connaître d’un projet de partage de l’Empire entre les fils de
l’Empereur .
L’Assemblée Générale annuelle est un rituel laïque qui permet
de maintenir la fiction d’un Empereur choisi par « le peuple ».
Cette volonté de remettre en jeu chaque année, au moins
formellement, la légitimité du pouvoir, caractérise bien les
relations de proximité que les carolingiens voulaient entretenir
avec leurs sujets.
2) L’Empereur, autorité hiérarchique suprême.
L’Empereur est l’autorité hiérarchique suprême de l’Empire
carolingien. Il est celui qui fixe les grandes orientations et les
principes directeurs qui vont présider aux destinées de
l’Empire. L’Empereur est aussi celui qui exerce la justice en
dernier ressort. L’Empereur est formellement tout puissant.
a) La justice carolingienne.
Le paradoxe de la justice carolingienne réside dans la
cohabitation d’une justice qui se veut « unique » sur
l’ensemble des territoires placés sous l’autorité de l’Empereur,
avec la pleine reconnaissance par les autorités impériales des
différents codes des peuples composant l’Empire : Les
Burgondes, le Francs, les Frisons, les Saxons, les Avars, etc…
ont conservé leurs propres codes. En fait, pour un œil exercé,
ces différents codes s’inscrivent dans le contexte d’un droit
pyramidal au sein duquel la norme impériale a valeur de loi
suprême. Somme toute, il est possible là aussi de parler d’une
sorte de confédération judiciaire dans laquelle les
constructions juridiques des peuples membres sont pleinement
29
légitimes, mais doivent se soumettre en dernière instance à la
norme suprême impériale.
Dans un Empire qui s’identifie avec le royaume de Dieu (ou
du moins qui affirme vouloir l’approcher), le premier devoir
de l’Empereur est de rendre une justice équitable, et de faire
respecter un ordre juste. C’est la raison pour laquelle
nombreux sont les capitulaires qui traitent de questions de
justice. Ce sont les comtes et les évêques, qui les uns dans le
siècle, les autres selon des considérations qui ne relèvent pas
de ce monde, ont pour mission de rendre la justice.
Les comtes tiennent environ trois fois par an des « assises »
dans leurs comtés, dites « Mall » (Mallus), ou « Plaid comtal »
(Placitum). Les comtes président ces Plaids, assistés de juges
qui ont été d’abord choisis parmi les notables du comté,
désignés sous le nom de « Rachimbourg » (Racineburgi) ou
encore de « bons hommes » (boni homines), puis dans le
courant du IXe Siècle par des magistrats professionnels,
nommés « échevins » (Scabini). Les échevins sont recrutés par
le comte, mais les Missi valident leurs nominations.
Compétences du tribunal comtal :
Le comte est saisi des plaintes, mais ne peut de sa propre
autorité déclencher un procès, à moins que les intérêts du
souverain soient gravement remis en cause auquel cas le
comte joue le rôle qu’on attribuerait aujourd’hui au ministère
public. Cette limitation des droits du comte à déclencher un
procès, s’explique t-elle par une volonté impériale de protéger
les justiciables de l’appât du gain des comtes, qui ne
l’oublions pas, tirent des revenus des condamnations de justice
prononcées dans leurs comtés ? En cas de condamnation, le
justiciable paie une « composition » variable selon le degré de
gravité de la faute commise. Un tiers de cette composition est
affectée à l’amende (Fredus), laquelle alimente le Trésor royal.
Un autre tiers de la Composition alimente aussi le Trésor royal
dans les cas de violation du « ban du souverain », c’est à dire
des prescriptions édictées par le monarque. Mais comme
finalement la personne du souverain se confond avec l’Etat, il
est fréquent que les infractions commises portent atteinte à ce
« ban du souverain ». Puisque le souverain est le protecteur
des veuves, tous les préjudices causés aux veuves entraînent
ipso facto une atteinte au ban, et il en va de même pour une
30
multitude d’autres cas. Citons cependant quelques cas
d’atteintes particulièrement graves au ban du souverain :
L’incendie volontaire ; la désertion ; le braconnage dans les
forêts royales ; la perception abusive de tonlieux ; la création
illégale de péages ; le vol et le pillage des populations
traversées par l’Ost en campagne ; le meurtre de pèlerins ; la
traite des êtres humains à l’intérieur des frontières de
l’Empire.
Les amendes pour la violation du ban de l’Empereur sont
assez élevées et ne descendent jamais en dessous de 60 sous.
Enfin signalons comme particulièrement lucratives pour le
comte et le Trésor royal, les amendes prononcées dans les
affaires criminelles ou de violation de la fidélité jurée. En
effet, dans ces domaines, la confiscation des biens est de
rigueur.
Comme dans les autres domaines de l’administration, le comte
peut déléguer ses compétences judiciaires à ses subordonnés,
lorsque les litiges sont considérés comme mineurs. Mais, tout
au long du IXe Siècle, la liste des affaires mineures se réduit
et les vicaires comme les centeniers, voient leurs domaines de
compétence se réduire toujours plus.
La justice carolingienne connaît un triple degré de juridiction :
Les comtes statuent en première instance ou en appel des
sentences prononcées par leurs vicaires et centeniers ; les
Missi peuvent ensuite confirmer ou infirmer un jugement
comtal. Ces derniers disposent par ailleurs de la compétence
exclusive pour toutes les questions de successions
immobilières, affaires très lucratives qui génèrent d’abondants
revenus au profit de la Chambre impériale. Enfin, le tribunal
royal se prononce en dernier ressort sur tous les jugements
prononcés par les comtes et les Missi qui lui sont déférés par
les plaignants. Le tribunal royal se prononce également sur les
litiges ou affaires plus importantes qui n’ont pas pu être
tranchés par les deux degrés de juridiction précédemment
cités, tout comme il se prononce en première (et dernière)
instance dans les affaires concernant la désobéissance ou la
corruption des hauts fonctionnaires, abbés, grands vassaux ou
immunistes de l’Empire. L’Empereur préside assez rarement
le tribunal royal. Généralement il est assisté (ou même
remplacé) par le comte du palais et quelques Grands de
l’Empire qui font office d’échevins royaux.
31
A la lumière de la description de l’organisation judiciaire
carolingienne, on se rend compte de la proximité qui existe
entre l’organigramme judiciaire du IXe Siècle et celui dans
lequel nous vivons, même s’il n’existe pas de distinction entre
le droit privé et le droit public sous les carolingiens. Osons
donc tenter de comparer –avec toutes les réserves possibles-,
les tribunaux comtaux à nos tribunaux administratifs ou de
grande instance, (qui seraient dans le cadre de notre
comparaison avec l’Empire carolingien présidés par notre
actuel Préfet), les Missi-Dominici à une structure qui
engloberait nos Cours d’Appel et nos grands corps de contrôle
internes à l’administration (Inspection des services, Cour des
Comptes) et le tribunal royal à une institution qui détiendrait
les pouvoirs dévolus à la fois à la Cour de Cassation et au
Conseil d’Etat. Il est enfin possible de discerner dans le comte
du palais, le lointain ancêtre du commissaire du gouvernement
et du procureur général.
b) Les grands principes du gouvernement de
l’Empereur carolingien.
L’Empereur carolingien est le représentant de Dieu sur terre.
A ce titre, il est le garant de l’unité de l’Empire, du maintien
de l’ordre public et le principal défenseur de la foi, ce qui
implique qu’il soit le chef suprême du clergé sur le plan
temporel.
-L’Empereur carolingien garant de l’unité de l’Empire.
Après les rois mérovingiens qui avaient annihilé tous les
principes de gouvernement qui avaient fait la fortune de
l’Empire romain durant de nombreux siècles, les monarques
carolingiens – et leurs ancêtres les Maires du palais,réhabilitèrent quelques fondamentaux hérités de la romanité.
Sans aller jusqu’à faire revivre l’esprit de la Res-Publica
romaine qui faisait de l’Empereur l’incarnation de la volonté
générale, les carolingiens restaurèrent en partie la conception
romaine de l’Etat après une parenthèse de trois siècles. Il n’est
donc pas surprenant de lire sous la plume du biographe de
32
Charlemagne, Eginhard, une description de l’Empereur le
décrivant comme le successeur des Césars romains.
Une administration développée, encadrée, organisée selon un
réseau complexe de relations vassaliques assises sur le
serment et l’engagement ne saurait cependant suffire pour
gouverner légitimement l’Empire. Les Empereurs carolingiens
se doivent donc de respecter (et faire respecter) des valeurs
fondamentales. Ces valeurs, qui assoient la légitimité du
régime, sont simples mais exigeantes : L’Empereur s’impose
tout le temps et en tous lieux le devoir de charité envers ses
sujets, et dans son esprit, le mot « Caritas » s’entend
théologiquement comme l’union des volontés humaines et
divines. Les Missi sont chargés de répandre cette exigence de
charité jusqu’aux confins de l’Empire. C’est par la pratique
collective de la « Caritas » que le pouvoir carolingien veut
obtenir l’adhésion des hommes libres, et une soumission
acceptée par les plus misérables. Concrètement, l’exercice de
la « Caritas » consiste dans l’obligation faite aux plus riches
de nourrir à leurs frais les plus pauvres, d’accueillir les
voyageurs et les pèlerins, d’aider matériellement et
moralement les régions victimes d’épidémies, de catastrophes
naturelles et de guerres. Le paiement de la dîme est également
un devoir incontournable qui ne supporte aucune dérogation.
Souvent, dans leurs capitulaires, Charlemagne et Louis le
Pieux emploient le terme de « Concorde » (Concordia) pour
définir cette volonté de vivre ensemble sans laquelle aucun
Etat ne peut durer. Probablement Charlemagne puisa t-il ce
concept dans la Cité de Dieu de Saint Augustin, qu’il lisait
régulièrement.
-Le second pilier de la théorie du gouvernement développée
par Charlemagne et ses successeurs, réside dans la certitude de
l’absolue nécessité de rendre honnêtement la justice. Onze
siècles avant la Révolution française, Charlemagne pense que
si un seul membre du corps social est opprimé, alors c’est
l’ensemble de la société qui en souffrira. Charlemagne, et dans
une moindre mesure Louis le Pieux, qui se veulent de
nouvelles incarnations des rois bibliques, insistent beaucoup
dans leurs capitulaires sur leur devoir de « juger selon la
justice, selon la parole de Dieu ». Cette exigence d’une justice,
qui serait l’expression des Ecritures, implique une union
intime entre les pouvoirs temporels et spirituels. L’exercice du
33
pouvoir carolingien qui s’inscrit dans une confusion
recherchée des pouvoirs temporels et spirituels, n’empêche
pas pour autant la recherche par les monarques et les
Souverains Pontifes, d’une répartition équilibrée entre les
préceptes laïques et religieux.
Dans les faits, tout au long de l’Histoire de l’Empire
carolingien, on constate un mouvement de balancier qui
penche soit vers le pouvoir temporel lorsque celui ci est fort,
soit en sens inverse lorsqu’au contraire c’est le pouvoir
spirituel qui a conquis l’hégémonie. Ainsi, Charles Martel,
Charlemagne et Lothaire Ier (lorsque ce dernier occupait le
trône Lombard ), illustrent parfaitement le rôle que purent
jouer dans le domaine spirituel, des chefs militaires et des
Empereurs puissants. Ce sont des périodes d’hégémonie du
pouvoir temporel au cours desquelles le pouvoir spirituel
apparaît comme phagocyté par les hommes du siècle. Il s’agit
également de périodes caractérisées par un affaiblissement de
l’Eglise romaine provoqué par l’illégitimité de ses papes
(Léon III, Serge II) ou des conflits entre factions romaines.
En revanche, lorsque la dynastie carolingienne se déchire dans
des querelles intestines, lorsque des guerres éclatent entre des
frères ennemis suite à un partage successoral mal accepté par
une des parties, entraînant par voie de conséquence des
changements d’allégeance de grands vassaux, alors c’est le
pouvoir spirituel qui l’emporte. Les fréquentes périodes de
troubles qui secouent l’Empire carolingien à partir du
remariage de Louis le Pieux avec Judith de Bavière jusqu’en
833, coïncident par ailleurs avec la présence à Rome de
Souverains Pontifes décidés à affirmer leur suprématie, non
seulement dans le domaine des âmes, mais encore dans celui
de l’organisation des gouvernements des hommes. Toute
l‘Histoire de l’Empire carolingien est marquée par cette
alternance de périodes d’hégémonie impériale et papale.
Citons quelques exemples à l’appui de cette affirmation :
Sur la période 858-873, deux papes, Nicolas 1er (858Novembre 867) et Hadrien II (867-873), orientent la politique
romaine dans leurs deux sens différents. Le premier affirme
haut et fort la suprématie de l’Eglise et considère que les
princes de ce monde, fussent-t-ils Empereurs, doivent se
soumettre dans tous les domaines à l’autorité du pape. La
tentative de Nicolas 1er d’étendre la domination de Rome sur
34
l’ensemble des affaires du monde, coïncide avec les difficultés
de la famille carolingienne, Lothaire II se débattant dans une
difficile affaire de divorce, pendant que Charles le Chauve et
Louis le Germanique complotaient pour s’emparer du titre
impérial. En 861, Charles le Chauve annexa même le royaume
de Provence, qui était normalement dévolu au plus jeune des
trois fils de Lothaire. La fin du pontificat de Nicolas 1er,
marquera toutefois un début de recul des prétentions papales,
Rome ayant besoin du soutien militaire des carolingiens contre
les raids sarrasins et de leurs alliés chrétiens d’Italie du sud.
Le pontificat de son successeur Hadrien II, se caractérisera en
revanche, par un effacement politique significatif de la
papauté allant de pair avec une montée en puissance du
pouvoir carolingien. Cette décadence provisoire du pouvoir
papal, s’expliquait en effet par son extrême précarité face aux
assaillants sarrasins qui campaient jusque sous les murs de
Rome. Seul l’Empereur Louis II semblait alors en mesure de
s’opposer militairement à une disparition pure et simple de
l’église chrétienne. Après la mort de Louis II en Août 875, le
trône impérial était vacant. Charles le Chauve avait été
pressenti par le pape Jean VIII pour restaurer l’autorité
impériale et rendre toute sa puissance à l‘Empire carolingien.
Il s’avéra surtout que Charles le Chauve était d’abord le roi
des Francs avant d’être l’Empereur, mais aussi que ses
capacités à s’opposer aux périls que constituaient les
normands et les musulmans étaient beaucoup plus faibles
qu’espérées. Avec Charles le Chauve, on se trouva donc en
présence d’un pouvoir temporel affaibli par les coups de
boutoir assénés par les envahisseurs extérieurs, alors que dans
le même temps, le pouvoir spirituel était aussi affaibli par
l’absence de secours militaires qu’il recevait du pouvoir
carolingien. Mais, quelles qu’aient été les relations entre
l’Eglise et l’Empire, une communauté de destin a toujours lié
Rome et les carolingiens. C’est ainsi que les conférences
épiscopales et les conciles de Paris (829), et de Coulaines
(843), établirent une doctrine très claire de la légitimité du
pouvoir : Le pouvoir royal, en dépit de son indéniable
caractère sacré, n’est légitime que s’il s’exerce
« normalement », c’est à dire dans la « justice ». Tout pouvoir
peut se proclamer juste, partir du moment où il ne prive aucun
sujet de son « honneur » ou de sa « dignité » et s’interdit
d’avoir recours à des manœuvres perfides pour priver
35
quiconque « de ses droits et du bénéfice des lois ». Il découle
de cette théorie du pouvoir, fruit de la pensée de l’Archevêque
de Reims Hincmar, que la légitimité du roi à régner est
conditionnée par le respect qu’il témoignera aux grands
principes de gouvernement qui trouvent leur fondement dans
les Saintes Ecritures. Dans le cas où le roi dérogerait à
l’obligation qui lui est assignée par Dieu de « bien
gouverner », alors ses sujets, et ses vassaux, pourraient se
considérer ipso facto déliés de leur serment de fidélité. L’idée
qui apparaît sous les carolingiens selon laquelle la légitimité
du souverain prend sa source dans un engagement de type
contractuel entre lui et ses sujets et que ce contrat est créateur
d’obligations pour le monarque ainsi que de droits pour ses
sujets, est une construction de l’église catholique.
En conclusion de cette étude en deux parties consacrée aux
temps carolingiens, nous citerons l’historien Joseph Calmette,
(lui même repris dans le tome 1, page 32, de « la France
féodale » du duc de Lévis Mirepoix) : « La Saxe incorporée à
l’Etat Franc et à la chrétienté, c’est l‘un des germes de la
future Allemagne. Charlemagne en est le créateur ; avec lui, la
réaction vers l’Est imaginée par Clovis bat son plein. C’est la
revanche des invasions barbares. Le grand carolingien, le
grand belgo-romain va d’Ouest en Est. Il civilise. Sous ses
auspices, une Francia puissante se forge et si elle n’avait pas
été disloquée après lui, il n’y aurait eu ni France, ni Allemagne
dressées en rivales, mais un Etat homogène où l’ancienne
Gaule et l’ancienne Germanie auraient fraternisé, associées à
une Italie rénovée. »
Les carolingiens, conquérants et législateurs, peuvent être
considérés à bien des égards, comme les ancêtres de l’Europe
actuelle, eux qui dotèrent l’Europe d’institutions puissantes
après l’avoir en partie unifié.
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