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Vargas et sa femme Pagu mise en prison –, la rupture avec Mario de Andrade – mais aussi
avec beaucoup d’autres figures du modernisme –, ses mariages et concubinages – tous le
femmes qu’il a mangées/qui l’ont mangé, car manger en portugais brésilien signifie aussi
baiser –, les voyages en Europe, la décadence de sa riche famille après la crise de 29, les
problèmes d’argent qui découlent – il essaye les occupations les plus diverses comme une
agence immobilière, une scierie, le poste de professeur à l’Universidade de São Paulo, la
candidature à député, en échouant à chaque nouvelle tentative, il écrira, d’ailleurs une
autobiographie dont le titre est justement « L’homme sans profession », etc). Mario de
Andrade, avec sa fameuse rapsodie Macunaima, de 1926, ( Macunaima, l’anti-héro national,
dont une des sources a été l’oeuvre Vom Roraima zum Orinoco de Koch-Grümberg, un recueil
de légendes indigènes), avec son « ébauche d’une langue brésilique pluriregionelle et d’une
saga panfolclorique », comme bien le rappelle le critique et poète concrétiste Haroldo de
Campos, est redevable de l’œuvre d’Oswald, mais au contraire de celui-ci, il a connu une
grande fortune critique, tandis que Oswald a subi un « procès systématique de silence (…) qui
débouche dans la minimisation, voire dans la volontaire oblitération »
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de l’œuvre. C’est
Oswald lui-même qui parle de cette entreprise de silence contre lui en 1943 : « Une fable a
donc été créée, consistant à dire que je ne faisais que de blague et d’irrévérence, et un rideau
de silence a essayé d’occulter l’action innovatrice dont il a résulté le Bois Brésil, d’où, à
suivre le témoignage actuel de Vinicius de Moraes, tous les éléments de la moderne poésie
brésilienne sont sortis ».
Or, si d’un coté il y avait une sorte d’entreprise d’oubli de son œuvre et de
ridiculisation de l’homme par un Brésil légal et formel récupéré par des groupes qui menèrent
la modernisation nationaliste du pays sous le gouvernement de Getulio Vargas, de l’autre
coté, ou mieux, dans un autre plan, plus souterrain, son œuvre a connu une prolifération
faramineuse qui se confondait avec la poursuite d’invention d’un Brésil mineur ou
moléculaire, et son appel à une pensée. En effet, il faut insister dans la présence de son œuvre
dans une bonne partie de ce qui a été produit en littérature (Mario de Andrade lui-même,
Carlos Drummond de Andrade, Jorge de Lima, Vinicius de Moraes, Clarice Lispector,
Geraldo Ferraz, Guimarães Rosa, la Poésie Concrétiste et la critique littéraire des frères
Campos, Haroldo et Augusto, et de Décio Pignatari, entre autres), en musique (la Bossa-Nova
de Vinicius de Moraes, Tom Jobim et João Gilberto, la Tropicalia de Caetano Veloso, Jorge
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Cf. « Miramar na mira », Introduction au roman d’Oswald de Andrade, Memorias sentimentais de João
Miramar , Rio de Janeiro, Civilização Brasileira, 1971.