César, le Général qui aurait pu être roi Né à Cordoue en 39, il vint à Rome avec sa famille dès 40. Son milieu social aidant, Lucain devint vite un protégé de Néron qui lui accorda la questure avant l'âge légal. Lors de sa première apparition en public, le poète obtint le premier prix aux Neronia de 60, en présentant un éloge de l'empereur. Mais la disgrâce n'allait pas tarder, provoquée par la jalousie de Néron, qui se croyait des talents littéraires, ou peut-être par des raisons politiques, puisqu'on assiste alors à la mise à l'écart de Sénèque et de tout le clan des Annaei. Impliqué dans la conjuration de Pison en 65, Lucain fut contraint au suicide : il avait 26 ans. Poète doué et précoce, Lucain laisse une abondante production mais dont la majorité des œuvres est entièrement perdue. C'est pourquoi son œuvre se confond pour nous avec une épopée dont il nous reste dix livres (le dixième est incomplet ou inachevé) : la Pharsale. Ce titre est incorrect car Lucain avait intitulé son poème Bellum civile. Mais nous continuons, par habitude, à l'appeler la Pharsale. La conception de l'épopée dans la Pharsale est à l'opposé de celle de Virgile. Lucain prend pour sujet des événements historiques assez récents. Virgile, au contraire, avait choisi le mythe, et n'avait évoqué l'histoire future de Rome que de manière indirecte, par exemple par la prédiction d'Anchise. L'Enéide était donc le poème des origines et du destin de Rome ; son ton en est optimiste, même à travers les épisodes douloureux. A l'inverse, la Pharsale, bien que traitant des origines du régime impérial, est surtout le poème d'un monde finissant, de cette République qui s'écroule dans les guerres civiles. Aux yeux de Lucain, les Romains usent leur énergie à s'entre-déchirer, au lieu de combattre les ennemis de l'extérieur. Le ton du poème est tragique, voire désespéré. Une inscription, gravée sur une colonne, donnait l’avertissement suivant (avec une série de verbes à l’impératif futur) : Imperator, miles, tirove armate, quisquis es, hic sistito, vexillum sinito, arma deponito, nec citra hunc amnem rubiconem, signa, arma, exercitumve traducito. Général ou soldat, vétéran ou conscrit, homme armé, qui que tu sois, arrête-toi ici, laisse ton étendard, dépose tes armes, et ne fais franchir le Rubicon ni à tes enseignes, ni à tes armes, ni à ton armée. Pour former l’impératif futur : radical + -to- + désinence. Exemple : cantato/cantatote On traduit l'impératif futur latin par un impératif présent français. Il est rare en latin classique, mais apporte une plus grande solennité à la phrase, par son aspect archaïque qui renvoie à la Loi des Douze Tables, premier corpus de lois romaines écrites. Leur rédaction est l'acte fondateur du ius scriptum (droit écrit). Elle est rédigée par un collège de décemvirs de -451 à -449. A noter que les verbes scire (savoir) et memini (se souvenir) font toujours scito/scitote et memento/mementote à l’impératif. Traits physiques de l'apparition Lucain La Pharsale p.18 Comportement de l'apparition Réactions de César Lucain La Pharsale p.18 Voici l’extrait qui a été coupé : « Mais bientôt il s’écrie : "Ô Jupiter Tonnant, toi qui du haut de la roche Tarpéienne veilles sur les remparts de la grande ville, et vous, Pénates de Troie et de la famille née de Iule, et toi, Romulus, mystérieusement enlevé au ciel, et vous, feux sacrés des Vestales, et toi, Rome, égale au dieu souverain, aidez-moi dans ce que j’ai entrepris." » Le fleuve Rubicon marque la frontière administrative et politique entre les territoires conquis par les Romains (Gaule Cisalpine) et ceux qui font partie du "cœur de l'état", Rome. Or, une loi existe qui interdit à quiconque de pénétrer à Rome en armes. Le 7 janvier 49, un senatus-consulte déclare César ennemi public de Rome. Le 11 janvier 49, César franchit le Rubicon avec son armée. Dans le texte de Lucain, le fantôme de Rome (« la patrie ») personnifiée qui apparaît à César ; c’est une allégorie. Tous les éléments descriptifs contribuent à construire l’image de « la patrie affolée » vue comme une vieille femme troublée par un grand désespoir : les cheveux tombant en désordre et en partie arrachés notamment sont le signe traditionnel du deuil et l’apparentent à une pleureuse (dimension pathétique). Cette référence au domaine de la mort donne également une dimension solennelle à l’apparition. Les paroles prononcées confirment cette solennité puisque l’apparition demande à César et à ses soldats (viri) de respecter la loi qui interdit à tout homme en armes de franchir le Rubicon en utilisant des termes forts comme « jure, cives, licet ». César a d’abord une réaction physique d’horreur, puis il est atteint d’une faiblesse qui le paralyse sous le choc de la vision et des paroles prononcées. Enfin, César se ressaisit et prend la parole, invoquant les dieux et les ancêtres et se présentant comme un fier soldat victorieux, entièrement dévoué à sa patrie. Si ce texte relate un événement historique, l’épisode est largement dramatisé, Lucain lui conférant une dimension à la fois épique, pathétique et fantastique. Autres versions du franchissement du Rubicon Autres versions du franchissement du Rubicon Autres versions du franchissement du Rubicon Autres versions du franchissement du Rubicon Il était injuste de demander que César sortît d’Ariminum et retournât dans son gouvernement, tandis que Pompée retiendrait des provinces et des légions qui n’étaient pas à lui ; que César licenciât son armée pendant faisait des levées ; que Pompée promît de se rendre dans son Autres qu’on gouvernement, et de ne pas fixer le délai dans lequel il partirait : de sorte versions du que si, à la fin du consulat de César, Pompée n’était pas parti, on ne l’accuser d’avoir faussé son serment. D’ailleurs, ne marquer aucun franchissement pourrait temps pour une entrevue, ne pas s’engager à se rapprocher de César, du Rubicon c’était ôter tout espoir d’accommodement. En conséquence, César fait partir Marc Antoine d’Ariminum et l’envoie à Arrétium avec cinq cohortes : pour lui, il reste à Ariminum avec deux légions et y ordonne des levées. Il occupe Pisaurum, Fanum, Ancône, en mettant une cohorte dans chacune de ces places. César, Commentaires sur la guerre civile, I, 7-11