Table des Matières

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Table des Matières
Aux lecteurs .........................................................................................................
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Introduction ........................................................................................................
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I La Lorraine dans la première moitié du dix-huitième siècle
L’échange de la Lorraine contre la Toscane comme conséquence concluante
des options politiques du duc François III .......................................................
13
Chantons Léopold à jamais – La Cour des Ducs de Lorraine au temps de
Léopold Ier et François III (1698-1737) ...........................................................
23
Le règne de François Ier (1745-1765) : au service de l’Empire ou de la monarchie des Habsbourg ? ....................................................................................
35
Quelle liberté pour un empereur ? François de Lorraine (1708-1765),
l’homme privé et son rôle dans la vie officielle de la monarchie habsbourgeoise ....................................................................................................................
43
Heurs et malheurs de la Maison de Lorraine à Innsbruck .............................
55
Les Lorrains à la Cour de Vienne. Innovations culturelles, économiques et
scientifiques (1745-1765) ...................................................................................
63
Jean de Baillou. L’itinéraire hors du commun d’un savant, collectionneur et
aventurier dans l’Europe des Lumières .............................................................
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Protecteurs, mécènes, collectionneurs. Réflexions sur les activités scientifiques à la Cour de Vienne au temps de Jean-François Séguier (1703-1784)
97
II Les Pays-Bas autrichiens de 1714 à 1794
Un fonds à découvrir pour l’histoire des Pays-Bas autrichiens : les requêtes
des fonctionnaires et pensionnés émigrés conservées au « Finanz- und
Hofkammerarchiv Wien » .................................................................................
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« La carrière faisait le bonheur de notre vie … ». Les fonctionnaires des
Pays-Bas autrichiens à Vienne (1714-1794) .....................................................
119
Le prince Charles-Joseph de Ligne et Vienne ..................................................
147
Au service du prince de Ligne : les errances de Ferdinand Claus et des Archives de la Maison de Ligne (1794-1799) .......................................................
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Campo Formio – Un traité provisoire ? La Cour de Vienne face à
l’expansionnisme français et le sort des Pays-Bas autrichiens ........................
165
III Migrations : Lorraine, Pays-Bas autrichiens
Admission, intégration, résignation. Les émigrés de la Lorraine (1737) et
des Pays-Bas autrichiens (1794) dans la monarchie habsbourgeoise ...........
181
IV Annexe
Conclusion générale ............................................................................................
195
Index des noms de personnes ............................................................................
199
Table des Maitères
Aux lecteurs
La Société autrichienne d’étude du XVIIIe siècle1 organise le XIIIe congrès mondial des dix-huitièmistes2 à Graz (Autriche, 25-29 juillet 2011). Cet événement
majeur dans la vie des sociétés d’étude du XVIIIe siècle, organisé sous les auspices
de la SIEDS, la Société internationale d`étude du dix-huitième siècle, est appelé à
couronner les initiatives que la société autrichienne a multipliées sur le plan international depuis une décennie.
En vue du congrès mondial, la société s’est décidée à reprendre la publication des ci-devant « Beihefte » accompagnant la revue annuelle, le « Jahrbuch »,
tout au début après la fondation de la société en 1982.3 Après une interruption de
plusieurs années, la société a cru bon saisir l’occasion d’une relance de la collection
comme collection internationale publiant des monographies ou volumes dirigés de
préférence en français et en anglais aussi bien qu’en allemand.
La monarchie des Habsbourg qui constitue le champ de recherche central
de la société autrichienne exige non seulement une approche multidisciplinaire
mais aussi « internationale » pour utiliser un vocable un peu anachronique par
rapport au XVIIIe siècle. Aussi banal que ce constat puisse apparaître, autant exiget-il des efforts et des énergies énormes pour ce faire ! Jetons seulement un regard
sur les langues utilisées dans la monarchie : l’allemand bien-sûr, l’italien, le français, l’espagnol, le roumain, l’hongrois, le tchèque et plusieurs autres langues slaves, le latin bien-sûr ; même l’anglais peut, déjà, jouer un rôle. Les régions sous
l’autorité des Habsbourg ont des histoires à elles, les vicissitudes de ces histoires en
font des histoires croisées qui constituent non moins qu’un noyau d’histoire européenne.
Pour répondre à de telles exigences, la société autrichienne s’efforce d’intensifier la coopération avec les sociétés-sœurs dans les pays avoisinants faisant
anciennement partie de la monarchie, et avec des chercheurs individuels, comme
il n’existe pas partout des sociétés d’étude du XVIIIe siècle. La société autrichienne
épaule d’ailleurs autant qu’elle le peut la fondation de sociétés-sœurs.
Les champs de recherches ont évolué ces derniers vingt ou trente ans.
Même si les Lumières, thème classique du dix-huitièmisme, continuent de fasciner
et d’attirer les chercheurs, il y a du nouveau dans la recherche : les transferts culturels, les changements structurels des pratiques culturelles, l’innovation au XVIIIe
siècle, « imagologie », les lieux du savoir, la communication, la politique sanitaire,
et ainsi de suite.
1 http://www.oege18.org/fr/oge18.html.
2 http://www.18thcenturycongress-graz2011.at/index_de.html.
3 http://www.oege18.org/fr/publications/supplement.html.
Aux lecteurs
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Cela dit, il reste des recherches à faire qui, de prime abord, nous semblent
familières : le « Joséphisme », les Pays-Bas autrichiens, François-Étienne de Lorraine, les relations entre le pouvoir central et les royaumes, principautés, duchés
etc. étant membres de la monarchie des Habsbourg. Pour y répondre, la société
autrichienne a fait appel à des chercheurs en Europe, travaillant sur la monarchie
des Habsbourg, à soumettre leurs travaux au jury du prix « Franz-Stephan » (prix
François-Étienne de Lorraine) qui est attribué tous les deux ans.4
La collection internationale dont les lecteurs trouvent ici le premier tome
est ouverte à la communauté scientifique. C’est une invitation à publier dans cette
collection. En vue du congrès mondial sortiront deux volumes qui s’adressent spécialement à la communauté internationale des dix-huitièmistes : un abrégé de
l’histoire de la recherche dix-huitièmiste en Autriche dans le cadre international
(sous la dir. de Johannes Frimmel, Werner Telesko, Thomas Wallnig), et une nouvelle histoire sociale de la monarchie des Habsbourg au XVIIIe siècle (sous la dir.
de Harald Heppner, Peter Urbanitsch, Renate Zedinger).
Je remercie Renate Zedinger d’avoir consenti à faire le premier pas qui nous amène
dans deux histoires croisées, deux histoires faisant semblant d’être régionales – la
Lorraine, les Pays-Bas autrichiens – mais étant en vérité européennes.
Vienne, le 26 juillet 2010
4 Conditions : http://www.oege18.org/fr/prix.html.
Wolfgang Schmale,
président de la Société autrichienne
d’étude du XVIIIe siècle
Table des Maitères
Introduction
À côté de l’actuelle revue annuelle, la Société autrichienne des Études du XVIIIe siècle se propose d’éditer une nouvelle série d’études en langue non-allemande. Pour
le premier volume, le choix de la langue française s’est naturellement imposé, étant
donné que c’est elle qui était, pour ainsi dire, la « lingua franca » du XVIIIe siècle.
Ce volume n’aurait pas pu être lancé sans l’aide précieuse du « WinklerVerlag Bochum », qui nous encouragea à faire le saut. Je remercie aussi très chaleureusement M. Wolfgang Schmale, président de la Société autrichienne des Études sur le XVIIIe siècle, ainsi que les membres du comité permanent, de m’offrir la
possibilité de publier mes textes français ; je suis particulièrement reconnaissante à
Michèle Galand (Université libre de Bruxelles) d’avoir relu beaucoup de ces textes,
écrits au cours de longues années, à l’occasion de journées d’étude, de réunions et
de congrès internationaux en France, en Belgique et en Italie ; ces pays-là constituent l’espace privilégié de mon champ d’investigation, qui est déterminé par deux
grands axes de recherche.
Les Pays-Bas autrichiens, pratiquement la Belgique actuelle, furent décernés à la
Monarchie des Habsbourg par le traité de Rastatt en 1714. Les premières années
furent difficiles, et ni le gouvernement du prince Eugène de Savoie ni celui de
l’archiduchesse Marie-Élisabeth, soeur de l’empereur Charles VI, n’ont vraiment pu
intégrer ces provinces dans l’Empire habsbourgeois ; c’est Charles de Lorraine qui
comprendra mieux que tout autre le caractère des Belges et qui gagnera les faveurs
de ce pays, au bénéfice de sa belle-soeur, Marie-Thérèse, arrivée au pouvoir après
la mort de son père en octobre 1740.
Les collaborations avec le professeur Claude Bruneel de l’Université Louvain-la-Neuve, lancées en 1989 par le professeur Moritz Csáky de l’Université de
Vienne, ont entamé une longue période d’échanges fructueux, auxquels j’ai participé. Nos recherches sur l’histoire de ces provinces pendant la période autrichienne
se sont concentrées sur l’étatisation et la bureaucratie, et sur les fonctionnaires aux
différents niveaux de l’administration. En travaillant dans les différents fonds des
Archives de l’État à Vienne et des Archives du Royaume à Bruxelles, nous avons
étudié les aspects professionnels, familiaux et sociaux de ces agents, qui se sentaient liés aux Habsbourg en tant que souverains légitimes, malgré la tension permanente créée par les velléités centralisatrices de la politique viennoise et le particularisme « belgique ». Cela n’empêcha d’ailleurs pas de nombreux serviteurs de la
Monarchie de se déplacer d’une capitale à l’autre tout au long des huit décennies
du régime autrichien ; dès lors, la fin de la période autrichienne, marquée par
l’invasion des troupes françaises, leur posera souvent un conflit de conscience. Les
textes dédiés à ce sujet-là tâchent d’en fournir des éclaircissements.
10
Introduction
Les mélanges relevant du second axe de recherche sont consacrés à la Lorraine et
la période de ses derniers ducs, Léopold Ier et François III, qui deviendra empereur du Saint Empire sous le nom de François Ier. Les liens entre la Lorraine et la
Maison de Habsbourg ne relevaient ni d’accords diplomatiques, ni d’alliances matrimoniales (quoique celles-ci facilitaient beaucoup de choses), pas même de la
simple subordination féodale – le duché de Lorraine étant pratiquement indépendant depuis le Moyen Âge. Les rapports de solidarité se fondèrent essentiellement
sur une même conception de l’Europe, profondement marquée par la religion catholique. La Lorraine se considéra investie d’une mission providentielle, celle de
faire obstacle par la persuasion, par la controverse ou par les armes aux progrès de
l’hérésie. Maints exemples au cours des siècles en donnent la preuve ; les mêmes
raisons ont déterminé le duc Charles V à s’engager dans la lutte contre l’invasion
ottomane, et ses victoires en 1683 au Kahlenberg devant Vienne et dans les plaines
danubiennes sauvèrent à la fois l’Empire et la chrétienté. C’est cette même conception de l’Europe chrétienne qui mena finalement à la célèbre union, scellée en
1736, entre le duc François III et l’héritière des pays habsbourgeois, Marie-Thérèse. Tous les événements qui se produisirent autour de ce mariage, les sanctions
militaires qui le précédèrent et les cessions des duchés qui s’en suivirent, nous dévoilent cet étonnant paradoxe de l’histoire de la Lorraine : largement tributaire de
la France par sa langue et ses valeurs de civilisation, elle demeura proche de la
Maison Habsbourg par sa conception de l’Europe. Les textes présentés dans ce volume tracent un aperçu de ces rapports difficiles.
Renate Zedinger
À Vienne, en février 2010
Table des Maitères
L’échange de la Lorraine contre la Toscane comme
conséquence concluante des options politiques du duc
François III
Le mariage de l’archiduchesse Marie-Thérèse (1717-1780), fille aînée de l’empereur Charles VI (1685-1740), avec le duc François III de Lorraine (1708-1765, duc
de Lorraine 1729, Gran Duca di Toscana 1737, empereur 1745) et la cession de
son patrimoine, habituellement considéré comme conséquence de ce qui est appellé la « Grande affaire », ont déjà fait l’objet de plusieures études. Mais, tandis
que l’historiographie lorraine mettait au premier plan le souvenir de la Lorraine
indépendante sous l’ancienne dynastie, les historiens autrichiens commençaient,
après les débâcles de Solferino et de Königgrätz dans la seconde moitié du XIXe
siècle, d’évoquer la mémoire d’une monarchie bravant les affronts de la Prusse un
siècle auparavant. De par sa personnalité Marie-Thérèse était le symbole idéal
pour les historiographes : on lui attribuait l’image de l’adversaire inflexible du roi
Frédéric II (1712-1786) et de la réforme éclairée, donc d’une reine ayant un caractère pur et une moralité intègre. Devant cet arrière-plan s’effaçait son epoux, se
perdait le souvenir de la popularité de ce prince, dont les effets rejaillirent sur Marie-Thérèse tout au long de sa vie, s’oubliait l’opinion de ses contemporains, qui savaient très bien que sans lui la confusion dans les affaires publiques et privées aurait été beaucoup plus grande. Mais jamais personne n’avait posé la question :
comment une jeune femme, qui selon ses propres mots n’avait guère été introduite
par son père dans les institutions de la monarchie habsbourgeoise, était d’un jour à
l’autre en état de gouverner cet immense empire et encore dans un temps de menaces permanentes ? Ce conseiller secret, son époux, qui avait fait ses expériences
en Lorraine et en Toscane restait à l’arrière-plan et se retira encore à l’avènement
de Kaunitz (1711-1794, chancelier à partir de 1753). Et plus tard encore, parallèlement à ce mythe développé autour de la personne de la reine, le rôle attribué à
son époux l’empereur fut réduit à celui d’un père débonnaire et prudent, auquel on
attribuait uniquement une dispositon phénoménale pour les affaires économiques
et financières.
Pour remettre à l’honneur le duc, le grand-duc, l’empereur, il suffit de
fouiller les archives et de mettre à part les protagonistes du XIXème siècle. François de Lorraine fut appellé par l’historiographie autrichienne François-Etienne
pour éviter de le confondre avec son petit-fils, le futur empéreur François II, qui –
sous l’oppression de Napoléon – allait se changer en 1804 en François Ier, empereur d’Autriche. François de Lorraine connaissait bien l’histoire de son duché et de
ses prédecesseurs, ce prince vivait les options que son fameux ancêtre Charles V
de Lorraine (1643-1690) avait exposées dans son « Testament politique ». Et quoiqu’il ait reçu sa formation à la Cour impériale il ne voulait jamais renier ses origi-
14
I La Lorraine dans la première moitié du dix-huitième siècle
nes, profondément ancrées dans la culture française ; mais dans ses conceptions
politiques et économiques il suivait les directives du siècle des Lumières et d’une
philosophie praticable.1
Réflexions sur les liens entre la Lorraine et les Habsbourg
Les raisons qui soudèrent des liens durables entre la Lorraine et les Habsbourg
existant dès le Moyen-Age ne relèvent pas de l’exercice de la suzeraineté, elles sont
d’ordre politique, religieux et familial.
C’est déjà à partir de 17142 , que cette parenté mena le duc Léopold de Lorraine (1679-1729) à proposer une fois de plus un mariage entre les deux familles.
Le nom de « Grande affaire de Lorraine », qu’on avait attribué à ce projet, fut
transmis au nouveaux aspirants, qui étaient à partir de sa naissance en 1717 l’archiduchesse Marie-Thérèse et le prince héritier de Lorraine, Léopold Clément (17071723). On sait que des préparatifs très concrètes ont été effectués à partir de 1721
pour la présentation du prince lors du couronnement de Charles VI comme roi de
Bohème en août 1723 et que la mort inattendue de Léopold Clément quelques semaines avant le départ projeté déblaya le terrain pour le jadis cadet, François Antoine Etienne, le nouveau prince héritier de Lorraine.
Ce prince quitta donc son patrimoine à l’age de quinze ans le 31 juillet
1723,3 après que l’empereur avait écrit au duc Léopold : « .. J’espère que V.D. ne me
privera pas tout a fait de cette consolation, que je souhaitterois bientôt de voir et de
pouvoir embrasser quelque chose de vous, rien ne me pourra servir de plus
grande consolation si je pouvais voir le second et a present votre ainé a Prague
… ».4
La raison du ton amical de Charles VI, qui est habituellement connu
comme un empereur timide et retiré, doit être cherchée dans le passé des deux
personnages, dans le souvenir d’une jeunesse insouciante à la Cour impériale où
les études, les jeux et la chasse en commun allaient déboucher dans une amitié qui
durera pendant toute leur vie. Et c’est d’ailleurs dans cette amitié et même parenté
qu’il faut chercher la clef qui nous fait comprendre le choix de Charles VI pour le
mariage de sa fille. Mais aussi les années de prince passées à Vienne, son éducation
à la cour lui ont donné la préférence à tout autre candidat. Surveillés par le baron
Charles de Pfütschner (1685-1765), qui était d’ailleurs très apprécié par l’empereur
1 Voir à ce propos : Renate ZEDINGER, Hochzeit im Brennpunkt der Mächte. Franz Stephan von
Lothringen und Erzherzogin Maria Theresia, Wien-Köln-Weimar 1994.
2 Wien, Haus-, Hof- und Staatsarchiv (HHStA), Lothringisches Hausarchiv (LHA) 182, No. III,
40, fol. 182-184 : le projet de 1714 prévoyait le mariage entre François Antoine Joseph de Lorraine (1689-1715), frère du duc Léopold, et Marie-Josèphe (1699-1757), fille de l’empereur Joseph Ier. Malheureusement le prince mourut un an plus tard à Vienne et l’archiduchesse fut mariée en 1719 avec le prince électeur de Saxe.
3 HHStA, LHA 25, n. 101, fol. 6.
4 HHStA, LHA 111, n. 435, fol. 10 ; l’orthographie contemporaine est gardée.
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Chantons Léopold à jamais – La Cour des Ducs de Lorraine au temps de Léopold Ier et François III (1698-1737)
« … Chantons Léopold à jamais, nous chanterons la vertue même » (sic). C’est ainsi
que se termine la « Fête galante », une des nombreuses pièces composées pour les
fêtes de la Cour de Lorraine, émaillée de grosses flatteries. Ces louanges excessives
étaient attribuées à un souverain que les Lorrains avaient trop longtemps regretté.
En 1697, la Lorraine et le Barrois retrouvèrent leur indépendance par le
traité de Ryswick après un siècle épouvantable marqué par la Guerre de Trente ans
et l’occupation française. Le jeune duc Léopold, qui entra à Nancy le matin du 16
août 1698, ne connaissait ses territoires que par ouï-dire. Son père déjà était né en
exil à Vienne en 1643, ce fameux Charles V de Lorraine, combattant au service des
Habsbourg contre le royaume de France et maintes fois contre l’Empire Ottoman.
L’apogée de cette marche héroïque fut atteint en septembre 1683 lorsqu’il combattit les troupes ottomanes devant Vienne et arriva à délivrer la ville après un siège
de trois mois. Charles V, duc de Lorraine avait été le commandant en chef, mais
Jean Sobieski (1629-1696) occupait un rang supérieur en tant que roi de Pologne
et il sut se couvrir de gloire. Parmi les troupes habsbourgeoises combattait aussi un
jeune prince : c’est au pied de la montagne du Kahlenberg que commença la carrière militaire d’Eugène de Savoie. Pendant toute sa vie, il conserva sa bienveillance envers la Maison de Lorraine. Charles V de Lorraine avait subi l’influence du
fameux maréchal Raimund Montecuccoli (1609-1680), mais à côté de ses talents
militaires ce furent ses qualités de société qui favorisèrent son ascension rapide :
d’un naturel agréable, Charles V de Lorraine était un homme cultivé qui parlait
parfaitement le français, l’allemand et l’italien, qui s’intéressait à l’art et à la culture
baroque. En 1675, il remplaça Montecuccoli à la tête de l’armée impériale et la
même année, à la mort de Charles IV de Lorraine (1604-1675) il devint le vingthuitième duc de Lorraine. En 1678, fut célébré son mariage d’amour avec Eléonore
de Habsbourg (1653-1697), demi-sœur de l’Empereur et veuve du roi de Pologne
Michel Korybut Wiśnowiecki. En 1679, le duc de Lorraine, fut nommé gouverneur du Tyrol, de la Haute-Autriche et de l’Autriche antérieure (Vorderösterreich1). Le jeune couple résida à Innsbruck et c’est là, dans la Hofburg, que naquit
leur fils Léopold en 1679.
Profitant de la victoire de 1683, le duc de Lorraine engagea une offensive et
s’empara progressivement des forteresses turques le long du Danube et parvint à
occuper la citadelle de Buda en 1686. Désormais, la plus grande partie du
royaume de Hongrie était libérée après avoir été occupée par l’Empire Ottoman
pendant plus de 150 ans. Au cours des années qui suivirent, Charles V partagea sa
vie entre les différents champs de batailles et sa famille qui s’agrandissait à Inns1 Il s’agit de territoires qui se trouvent aujourd’hui en Suisse et en Allemagne.
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I La Lorraine dans la première moitié du dix-huitième siècle
bruck et la Cour. Après la naissance de Léopold en 1679, le couple eut encore cinq
enfants, qui furent souvent en contact avec la famille impériale. Les liens étaient
étroits, on se rencontrait pour les fêtes de famille, les baptèmes, les noces, les
deuils ; et pendant de longues années les princes lorrains poursuivirent leurs études avec les futurs empereurs Joseph I et Charles VI, leur précepteur commun
ayant été le prince Anton Florian Liechtenstein (1656-1721).
Lors d’un voyage à Vienne, Charles V de Lorraine mourut à Wels le 18
avril 1690. La duchesse Eléonore poursuivit avec une ardeur infatigable les efforts
en vue d’obtenir la restitution de la Lorraine, ce que Louis XIV dut finalement
concéder au traité de Ryswick. Il laissa ces territoires au fils de celui contre qui il
avait combattu pendant tant d’années mais qu’il avait quand même estimé : à
l’occasion de la mort de Charles V de Lorraine, Louis XIV avait dit : « J’ai perdu le
plus grand, le plus sage et le plus généreux de mes ennemis »2. Cependant le territoire lorrain restait entouré au sud, à l’est et à l’ouest par le royaume de France qui
conservait en outre les trois évêchés de Metz, Toul et Verdun. Et le roi se réserva le
droit de libre passage pour ses troupes en cas de guerre, ce qui arriva dèjà en 1702.
La situation des ducs de Lorraine restait humiliante.
Léopold Ier – souverain légitime de la Lorraine
Depuis février 1698, les délégués de Léopold de Lorraine, François Taafe, comte de
Carlingford, et l’abbé François Le Bègue, organisaient le retour du duc et essayaient de faire avancer le départ des soldats français, retardé depuis des mois. La
rentrée sous la tutelle de la France aurait été inacceptable. Finalement en avril
1698, Léopold I de Lorraine fit ses adieux à l’Empereur dont il portait le nom. Le
nouveau souverain incarnait l’idéal d’un prince si longtemps regretté, il était jeune,
actif, prudent et pieux, et c’était le duc légitime. Avec lui revenait la vieille dynastie,
il ranimait par son entrée somptueuse le souvenir du temps des ducs glorieux,
souverains de leurs territoires. Encore la même année, le duc Léopold épousa Elisabeth-Charlotte d’Orléans, nièce de Louis XIV, de trois ans plus agée que lui. C’est
le roi lui-même qui avait imposé le mariage tandis que Léopold espérait pouvoir
ainsi améliorer les relations avec le voisin tout puissant. La mère de la jeune duchesse, Elisabeth-Charlotte d’Orléans (1652-1722), plus connue sous le nom de
« Princesse Palatine », marqua sa satisfaction dans plusieurs de ses innombrables
lettres. Elle ecrivit au comte de Carlingford le 14 octobre 1698 « … voici enfin le
mariage de ma fille finis,(sic) … elle part après demain… » et le 31 décembre 1698
elle nota sa satisfaction sur la bonne entente « … qu’il y a entre Monsieur le Duc de
Lorraine et ma fille… »3. Le premier enfant du jeune couple naquit en 1699 et au
2 C. Comte D’HAUSSONVILLE, Histoire de réunion de la Lorraine à la France 3, Paris 1857, p. 387.
3 Hans F. HELMOLT, Briefe der Herzogin Elisabeth Charlotte von Orléans an den lothringischen
Hof. In : Jahrbuch der Gesellschaft für lothringische Geschichte und Altertumskunde 1907,
19.Jg., 1907 p.165-254, ici p. 174.
Table des Maitères
Le règne de François Ier (1745-1765) : au service de
l’Empire ou de la monarchie des Habsbourg ?
L’année 2008 est marquée par le tricentenaire de la naissance de François de Lorraine (1708-1765), dernier souverain héréditaire des duchés Lorraine et de Bar et
fondateur de la maison de Habsbourg-Lorraine. Elisabeth-Charlotte d’Orléans,
épouse du duc Léopold Ier donna le jour à son neuvième enfant le 8 décembre
1708 et l’évènement aurait pu tomber dans l’oubli car cet enfant n’occupa pendant
les premières années de sa vie qu’une place secondaire dans l’ordre de succession.
Ce fut la variole, le fléau du temps, qui changea les données dynastiques. Devenu
prince héréditaire à l’âge de quinze ans, François de Lorraine devint successivement duc de Lorraine, grand-duc de Toscane, co-régent des pays habsbourgeois et
finalement empereur. Ce destin singulier méritait donc un hommage, qui lui fut
rendu à Vienne en septembre 20081 et qui permit aux interlocuteurs internationaux de corriger l’image que l’historiographie avait tracée durant les siècles précédents.
La première biographie2, écrite un an après sa mort, retraça de façon panégyrique les étapes de vie parcourues par ce personnage, qui dépassa rapidement les
frontières régionales pour parvenir à sa destinée de dimension européenne. Pendant le 19ème siècle, l’historiographie autrichienne se voua à la présentation de
Marie-Thérèse, appelée en son temps « Impératrice-Reine ». L’historiographie lorraine a, de son côté, passé sous silence son dernier duc, car on lui reprocha longtemps la cession de la Lorraine et du Barrois à la France. Mais, à partir des années
quatre-vingt du siècle dernier, commencèrent les recherches au-delà de la « légende noire », ce qui se manifesta par des colloques et des publications3. En Autri1 « L’Empereur François Ier et le réseau lorrain », Congrès international pour le tricentenaire de la
naissance de François de Lorraine, Vienne, Musée des Sciences Naturelles, 25 au 27 septembre
2008. Actes du colloque : Renate ZEDINGER/Wolfgang SCHMALE (Hg.), Franz Stephan von Lothringen und sein Kreis (=Jahrbuch der österreichischen Gesellschaft zur Erforschung des 18.
Jahrhunderts 23/2008), Bochum 2009.
2 Johann Friedrich SEYFART, Lebens- und Regierungsgeschichte des allerdurchlauchtigsten Kaysers Franz des Ersten aus zuverlässigen Nachrichten und Urkunden zusammengetragen, Nürnberg 1766.
3 LES HABSBOURG ET LA LORRAINE, Études réunies sous la direction de J.P.Bled, E. Faucher, R. Taveneaux, Actes du colloque international, Nancy 1987 ; Charles de CLERCQ, François Etienne de
Lorraine, Marc de Beauvau-Craon et la succession de Toscane, 1717-1759, Ventimiglia 1976 ;
Hubert COLLIN, Les circonstances de la finition du « Médaillier de Lorraine” par les SaintUrbain au temps de François III, dernier duc de Lorraine. Documents inédits. Dans : Lotharingia IX, Nancy 1999, 31-52 ; Hubert COLLIN, Ferments lorrains dans la vieille Europe : princes,
gentilshommes et artistes lorrains au service de la Maison d’Autriche. Dans : Lotharingia V,
Nancy 1993, 491-500 ; Alain PETIOT, Au service des Habsbourg, Paris 2000 ; Alain PETIOT, Les
Lorrains et l’Empire, Versailles 2005 ; Alessandra CONTINI/Maria Grazia PARRI (éd.), Il Granducato di Toscana e I Lorena nel secolo XVIII, Actes du colloque, Florence 1994.
36
I La Lorraine dans la première moitié du dix-huitième siècle
che aussi4, on commença à se représenter François de Lorraine comme le conseiller avisé qu’il fut pour son épouse, assumant la dure réalité du pouvoir, on rappela
ses activités économiques qui lui ont procuré une fortune incroyable et on mit en
évidence le rôle que ce père avait joué pour ses seize enfants, parmi lesquels deux
futurs empereurs et la plus célèbre des reines de France, Marie-Antoinette (17551793).
Le tricentenaire de la naissance de François de Lorraine offrit donc l’occasion d’entreprendre de vastes recherches dans un grand nombre d’archives européennes et de tracer une physionomie nouvelle de ce souverain. Élu en 1745 Empereur du Saint Empire Romain Germanique sous le nom de François Ier, il n’était
pas réduit à un simple rôle de représentation comme l’a affirmé l’historiographie
pendant plus d’un siècle. Non seulement il remplit pendant des années le rôle de
conseiller inspirant les réformes économiques et financières, mais il a su aussi
exercer le pouvoir impérial dans des domaines bien déterminés dont il s’agit de
fournir des preuves.
L’empereur qui avait été élu à Francfort le 13 septembre 1745 n’était autre
que le duc François de Lorraine, auquel le destin avait réservé la mauvaise fortune
de devoir céder son duché. L’échange de la Lorraine contre la Toscane n’était, en
réalité, que le point final d’un long processus qui avait commencé longtemps avant
sa naissance. Les vexations que les rois de France prodiguèrent à leurs petits voisins firent que les ducs de Lorraine penchèrent de plus en plus vers l’Autriche. Les
relations entre la Lorraine et l’Autriche ne constituent pas une suite d’évènements
isolés ; elles remontent au contraire assez haut dans le passé, se concrétisant par
une série de mariages, par de nombreux séjours que les Lorrains exilés passèrent à
la Cour de Vienne et par l’entrée d’un grand nombre de princes et nobles lorrains
au service militaire des Habsbourg. Le jeune duc Léopold5, qui put rentrer en Lorraine en 1698 après une occupation française de ses territoires d’une cinquantaine
d’années, était été né lui aussi en exil, en 1679, dans la ville d’Innsbruck6 en Autriche.
Ainsi n’est-il pas étonnant de voir que Léopold de Lorraine, le père du futur
empereur François Ier, décida d’envoyer son fils héritier à la Cour de Vienne, lors-
4 Fred HENNINGS, Und sitzet zu linken Hand, Wien 1961 ; Georg SCHREIBER, Franz I. Stephan,
Graz-Wien-Köln 1961 ; LOTHRINGENS ERBE, Franz Stephan von Lothringen und sein Wirken in
Wirtschaft, Wissenschaft und Kunst der Habsburgermonarchie, Renate ZEDINGER (éd.), Catalogue d’exposition, St. Pölten 2000 ; Renate ZEDINGER, Franz Stephan von Lothringen (17081765), Monarch Manager Mäzen, Wien 2008.
5 Voir Renate ZEDINGER, « Chantons Léopold à jamais ». La Cour des ducs de Lorraine au temps
de Léopold Ier et de François III (1698-1737). In : Lunéville. Fastes du Versailles Lorrain, éd.
Jacques CHARLES-GAFFIOT (Éditions Didier Carpentier, Paris 2003) 33-40.
6 Voir Renate ZEDINGER, Heurs et malheurs de la Maison de Lorraine à Innsbruck. In : Pays Lorrain. Journal de la Société d’Histoire de la Lorraine et du Musée Lorrain, 105è Année, vol. 89,
juin 2008, 107-112.
Table des Maitères
Quelle liberté pour un empereur ? François de Lorraine
(1708-1765), l’homme privé et son rôle dans la vie officielle de la monarchie habsbourgeoise
L’itinéraire de François de Lorraine montre l’ampleur d’une vie qui conserva son
originalité à travers les troubles du temps, sa personnalité malgré les exigences
d’une carrière raide mais non prévue, et son entendement profond et prioritaire
pour les affaires de familles. Né au château de Lunéville le 8 décembre 1708, selon
Voltaire une des Cours les plus éclairées de l’Europe, son chemin le conduisit à
Vienne où il se maria avec la fille ainée de Charles VI en 17361 ; le destin lui attribua la gloire de la couronne impériale en 1745 et lui réserva le sort de décéder à
Innsbruck en 1765, déjà ville fatale pour ses ancêtres. Voilà les dates connues –
mais à part de cela, François de Lorraine est resté jusqu’à nos jours un des empereurs les plus méconnus dans l’histoire du Saint-Empire. Les raisons en sont multiples.
Les récits du mariage de François de Lorraine avec l’archiduchesse MarieThérèse postulaient comme conséquence concluante la cession de son patrimoine : aussi les historiens lorrains mirent-ils au premier plan le souvenir de la
Lorraine indépendente sous l’ancienne dynastie. Par contre, l’historiographie autrichienne commença après les débâcles de Solferino et de Königgrätz dans la seconde moitié du XIXème siècle à évoquer la mémoire d’une monarchie bravant les
affronts de la Prusse un siècle auparavant. De par sa personnalité, Marie-Thérèse
(1717-1780, reine à partir de 1740) était le symbole idéal : on lui attribua l’image
de l’adversaire inflexible du roi Frédéric II et de la réformatrice éclairée, donc
d’une reine ayant un caractère pur et une moralité intègre. A l’arrière-plan s’effaçait son époux, se perdait le souvenir de la popularité de ce prince dont les effets
rejaillirent sur Marie-Thérèse, s’oubliait l’opinion de ses contemporains qui savaient très bien que sans lui la confusion dans les affaires publiques et privées aurait été beaucoup plus grande. Personne ne posa la question, comment une jeune
femme, qui selon ses propres mots n’avait guère été introduite par son père dans la
politique de la monarchie habsbourgeoise, fut d’un jour à l’autre en état de gouverner cet immense empire et encore dans un temps de menaces permanentes ?
Qui la guida durant les premières années de son règne ? Ce conseiller secret fut
son époux, qui avait fait ses expériences en Lorraine et en Toscane et qui restait à
l’arrière-plan. Il ne se retira qu’à l’avènement du comte Kaunitz, chancelier tout
puissant à partir de 1753, la politique duquel ne fut pas compatible avec celle de
François de Lorraine. Et plus tard encore, parallèlement à ce mythe développé au1 Voir Renate ZEDINGER, Hochzeit im Brennpunkt der Mächte. Franz Stephan von Lothringen
und Erzherzogin Maria Theresia, Wien-Köln-Weimar 1994.
44
I La Lorraine dans la première moitié du dix-huitième siècle
tour de la personne de la reine, le rôle attribué à son époux l’empereur fut réduit à
celui d’un père débonnaire et prudent, auquel on attribuait uniquement une disposition phénoménale pour les affaires économiques et financières, que MarieThérèse ne réalisa que beaucoup trop tard pour améliorer les finances de ses états.
Réflexions sur les liens entre la Lorraine et les Habsbourg
Les raisons qui soudèrent des liens durables entre la Lorraine et les Habsbourg
existant dès le Moyen-Age ne relèvent pas de l’exercice de la suzeraineté, elles sont
d’ordre politique, religieux et familial. Ces relations ne constituent pas une suite
d’évènements isolés, elles représentent au contraire une chaîne séculaire dont
l’origine remonte assez haut dans le passé. C’est en effet en 1305 que le futur duc
Ferri IV épousa Isabelle d’Autriche (1293-1352), fille d’Albert Ier (1255-1308), roi
des Romains. Ces liaisons se poursuivirent et s’approfondirent surtout au XVIIème
siècle, lorsque les héritiers des duchés furent obligés de quitter clandestinement la
Lorraine occupée par les troupes françaises. C’est grâce à l’hospitalité de l’empereur Ferdinand III de Habsbourg (1608-1657) que put naître à Vienne, le 3 avril
1643, le futur duc de Lorraine Charles V, qui se destina très tôt à la carrière des
armes. Pendant toute sa vie il lutta au service des Habsbourg contre l’expansionnisme du roi Louis XIV et les revendications de l’empire ottoman. Cette lutte connut son apogée à Vienne le 12 septembre 1683 : avec l’aide du roi de Pologne Jean
Sobieski, Charles de Lorraine prit les Turcs à revers en descendant du Kahlenberg
et remporta une éclatante victoire. Quelques années auparavant, l’empereur Léopold Ier lui avait accordé le commandement suprême des armées et la main de sa
sœur l’archiduchesse Eléonore-Marie, veuve du roi de Pologne Michael Korybut
Wisniowiecki (roi 1669-1673). Charles V faisait désormais partie de la famille impériale. Léopold Ier le nomma gouverneur du Tyrol et il fut le parrain du premier
fils du couple ducal, Léopold, né à Innsbruck en 1679. Charles V de Lorraine fut
salué comme le plus utile allié des Habsbourg au XVIIème siècle, il mourut inopinément en avril 1690. Mais sa mémoire est restée vivace à Innsbruck. Grâce à
l’engagement acharné de la duchesse Eléonore-Marie, la paix de Rijswick (1697)
rendit enfin la Lorraine à son souverain légitime, au jeune duc Léopold.
Le duc Léopold regagna la Lorraine en 1698 et, encore la même année,
Louis XIV lui imposa le mariage avec sa nièce Elisabeth-Charlotte d’Orléans, fille
de Madame, mieux connu sous le nom de Princesse Palatine. Néanmoins, le duc
avait espéré pouvoir améliorer par cette alliance la situation de son petit duché,
menacé depuis des siècles par le voisin tout puissant. Mais le désappointement ne
tarda pas : déjà en 1702, au début de la guerre de succession d’Espagne, Nancy fut
occupée par les troupes françaises. Léopold, impuissant et humilié, quitta la ville et
établit sa cour à Lunéville. Ces événements-ci et le souvenir des humiliations infligées par le roi de France à sa personne, à celle de son père et à toute la famille ducale, ainsi que les liens familiaux, poussèrent le duc vers l’Empire, vers la Maison
des Habsbourg. En 1714, le duc Léopold proposa une fois de plus un mariage en-
Table des Maitères
Heurs et malheurs de la Maison de Lorraine à Innsbruck
La ville d’Innsbruck, capitale du Tyrol, connaît au cours de son histoire des époques fastueuses, avec des Cours brillantes et raffinées et des activités politiques de
grande portée mais, également, des périodes qui n’ont pas laissé un souvenir marquant1. Ainsi, à partir de 1665, date à laquelle s’éteint la lignée des Habsbourg du
Tyrol, la Cour et la ville subissent une rapide décadence. Dès lors, en effet, le Tyrol, la Haute-Autriche et l’Autriche antérieure ne sont plus gouvernés par un
prince résidant dans le pays même et plus ou moins indépendant de Vienne ; s’en
suit un véritable déclin politique et un amoindrissement notable de la vie culturelle. Si, auparavant, la Cour, les mœurs, le théâtre, l’opéra et la mode sont surtout
influencés par l’Italie, c’est désormais l’Empereur qui donne le ton, par l’intermédiaire de son représentant. Mais, en 1678 Léopold Ier prend une heureuse décision en nommant Charles V de Lorraine gouverneur du Tyrol. C’est avec ce duc
exilé que commencent les hauts et les bas dans les relations entre la ville et la Maison de Lorraine. Elles laissent leur trace jusqu’à nos jours dans le palais d’Innsbruck, appelé officiellement Hofburg, où les souvenirs qui rappellent les heurs et
malheurs de la Maison de Lorraine occupent une place éminente. Deux grandes
salles de la Hofburg, dédiées au duc Charles V de Lorraine et à ses descendants,
nous rappellent en effet que les vicissitudes de la vie et les destinées de cette famille furent étroitement liées à la ville d’Innsbruck.
Charles V, gouverneur du Tyrol
La France de Louis XIII et de Louis XIV ne cesse de manifester son hostilité envers les ducs de Lorraine et provoque l’exil des parents de Charles V de Lorraine
qui, en raison de l’hospitalité accordée par les Habsbourg, naît à Vienne le 3 avril
1643. Le jeune prince se destine très tôt à la carrière des armes et, dès 1664, il
prend part aux différentes campagnes que les armées impériales mènent contre
l’armée du roi Louis XIV. Après l’avoir nommé commandant suprême de ses armées en 1675, Léopold Ier lui accorde la main de sa sœur Eléonore-Marie. Ce véritable mariage d’amour est célébré en février 1678 et, au cours de la même année,
les jeunes époux font leur entrée solennelle à Innsbruck. Le bon établissement de
sa sœur et de son beau-frère est une affaire de cœur pour l’empereur, tandis que la
population se réjouit de voir se reconstituer une Cour avec une archiduchesse à sa
tête. L’arrivée du couple se déroule dans une atmosphère de liesse. Les habitants
organisent également une fête chaque fois que Charles V de Lorraine rentre de
1 Lieselotte HANZL-WACHTER, Hofburg zu Innsbruck. Architektur, Möbel, Raumkunst. Repräsentatives Wohnen in den Kaiserappartements von Maria Theresia bis Kaiser Franz Joseph,
Wien-Köln-Weimar 2004 ; Heinz NOFLATSCHER et Jan-Paul NIEDERKORN, Der Innsbrucker
Hof. Residenz und höfische Gesellschaft in Tirol vom 15. bis 19. Jahrhundert, Wien 2005.
56
I La Lorraine dans la première moitié du dix-huitième siècle
l’une de ses nombreuses campagnes. La maison civile du couple ducal compte environ cent trente personnes ; la chambre des finances accorde 52.000 florins à
l’archiduchesse et 120.000 florins au duc. Le rétablissement d’une Cour relève le
commerce et développe l’économie. L’approvisionnement de la Cour se fait dans la
région et dans les pays voisins : le fromage arrive de Kitzbühl, les céréales de Bavière, les marrons de Meran et on achète les fruits à Riva, le vin en Italie et, évidemment, le sel à Hall. Habitués aux spectacles somptueux de la Cour impériale,
Eléonore-Marie et Charles V de Lorraine raniment la vie culturelle. Les représentations du théâtre, de l’opéra et des ballets français et italiens reflètent un art de vivre calqué sur le style de la Cour de Vienne2. La guerre turque s’étant rallumée en
1683, l’armée ottomane met le siège devant Vienne. La victoire remportée sur les
pentes du Kahlenberg par les troupes impériales et polonaises marque un tournant
décisif de l’histoire de l’Europe et contribue à la gloire de Charles V de Lorraine,
commandant en chef de l’armée victorieuse. Le duc fait représenter ses éclatantes
victoires par le peintre lorrain Charles Herbel dont les tableaux de la série « Célèbres batailles du duc Charles V », conservés à Innsbruck, à Nancy et à Budapest,
servent de modèle aux fameuses tapisseries que Léopold de Lorraine fait exécuter
à la Malgrange en l’honneur de son père.
Désormais, Charles V de Lorraine partage sa vie entre les champs de bataille, sa famille et la Cour impériale, tandis que son épouse met au monde à Innsbruck, le 11 septembre 1679, le futur duc Léopold qui a pour parrain l’empereur
Léopold Ier. Le couple aura ensuite cinq enfants qui demeurent en contact régulier
avec la famille impériale. Les liens sont étroits – on se rencontre pour les fêtes de
famille, les baptêmes, les noces, les deuils – et, pendant de longues années, les
princes lorrains poursuivent leurs études avec les futurs empereurs Joseph Ier et
Charles VI. Lors d’un voyage à Vienne, Charles V de Lorraine meurt à Wels, petite
ville de Haute-Autriche, le 18 avril 1690. La duchesse Eléonore-Marie poursuit
avec une ardeur infatigable ses efforts pour obtenir la restitution de la Lorraine et
du Barrois, ce que Louis XIV doit finalement concéder par le traité de Ryswick
(1697). Malgré ce grand succès remporté par l’archiduchesse avec l’aide de son
frère, la situation reste humiliante pour les futurs ducs de Lorraine. Etant arrivée à
ses fins, Eléonore-Marie meurt à Vienne le 17 décembre 1697, sans connaître la
joie d’assister au retour de son fils dans ses Etats. Léopold, devenu duc de Lorraine
et de Bar à l’âge de douze ans, après la mort de son père, met fin à l’exil de la famille ducale en 1698 par une entrée solennelle à Nancy qui ranime le souvenir du
2 Hans KRAMER, Herzog Karl V. von Lothringen und Königinwitwe Eleonore in Tirol. Dans : Mitteilungen des Instituts für österreichische Geschichtsforschung, t. 52, 1954, 460-489 ; Hubert
COLLIN, Ferments lorrains dans la vieille Europe : princes, gentilshommes et artistes lorrains au
service de la Maison d’Autriche. Dans : Lotharingia V (1993) 491-500 ; Alain PETIOT, Au service
des Habsbourg. Officiers, ingénieurs, savants et artistes lorrains en Autriche, Paris 2000.
Table des Maitères
Les Lorrains à la Cour de Vienne. Innovations culturelles,
économiques et scientifiques (1745-1765)
La monarchie habsbourgeoise a connu de tout temps un pluralisme ethnique, linguistique et culturel, qui s’est manifesté surtout dans l’entourage des empereurs.
Au XVIIIème siècle, la Cour de Vienne est un bel exemple de ce que nous appellons
cosmopolitisme. Ils s’y rencontrent les Italiens1 du temps de Leopold Ier, les Espagnols venus après la guerre de succession d’Espagne2, les Français de l’entourage
du prince Eugène3, les Allemands de la parenté de Elisabeth de Brunswick (16911750)4 et un grand nombre de nobles de Bohème, de Moravie, de la Hongrie et de
toutes les coins de ces territoires habsbourgois. Et finalement n’oublions pas les
ambassadeurs, les envoyés extraordinaires, les ministres plénipotentiaires. À la
suite de la cession de la Lorraine, cette socièté hétérogène reçut un accroissement
considérable. Néanmoins le séjour des émigrés lorrains se développa différemment de celui des autres étrangers.
Les Lorrains à la Cour de Vienne – la question de leur destin a déjà occupé
beaucoup de chercheurs ; leurs activités – surtout celles des personnages les plus
éminents – ont été évoquées. Rappellons les travaux de Justus Schmidt5, Theophil
Tromballa6, Alfons Lhotsky7, Hanns Leo Mikoletzky8 et surtout les actes du colloque de 1987 « Les Habsbourg et la Lorraine »9 avec plusieurs communications
1
2
3
4
5
6
7
8
9
Abbréviations : Dipl.Arb.=Diplomarbeit (thèse de licence) ; HHStA=Haus-, Hof- und Staatsarchiv Wien ; MÖSTA=Mitteilungen des Österreichischen Staatsarchivs ; ÖNB=Österreichische
Nationalbibliothek Wien ; phil.Diss.=philosophische Dissertation (thèse de doctorat) ; ThiemeBecker=Conrad U. Thieme – F. Becker, Allgemeines Lexikon der bildenden Künste, 37 vol.,
Leipzig 1907-1950 ; WStLB=Wiener Stadt- und Landesbibliothek.
Andrea UNZEITIG, Die Italiener am Wiener Hof während der Regierungszeit Karls VI. (Dipl.
Arb., Wien 1993).
Virginia LEON SANZ, Los españoles austriacistas exiliados y las medidas de Carlos VI. (17131725). In : Revista No. 10 d’Historia Moderna de la Universidad de Alicante (Alicante 1991)
165-176.
Justus SCHMIDT, Voltaire und Maria Theresia. Französische Kultur des Barock in ihren Beziehungen zu Österreich (Wien 1931) 10-14.
Gerlinde KÖRPER, Studien zur Biographie Elisabeth Christines von Braunschweig-LüneburgWolfenbüttel (phil.Diss., Wien 1975).
SCHMIDT, Voltaire und Maria Theresia, op.cit., 16-21.
Theophil TROMBALLA, Franz Stephan von Lothringen und sein Kreis (phil.Diss. Wien 1955).
Alfons LHOTSKY, Festschrift des Kunsthistorischen Museums zur Feier des fünfzigjährigen Bestandes, 2. Teil : Die Geschichte der Sammlungen, 2. Hälfte : Von Maria Theresia bis zum Ende
der Monarchie (Wien 1941-1945).
Hanns Leo MIKOLETZKY, Franz Stephan von Lothringen als Wirtschaftspolitiker. In : MÖSTA
13 (Wien 1960) 231-257 ; ders., Holics und Sassin, die beiden Mustergüter des Kaisers Franz I.
Stephan. In : MÖSTA 14 (Wien 1961) 190-212.
Les Habsbourg et la Lorraine, hg. Jean-Paul BLED, Eugène FAUCHER, René TAVENEAUX. Actes du
colloque organisé à Nancy en mai 1987 (Nancy 1988).
64
I La Lorraine dans la première moitié du dix-huitième siècle
correspondantes. Tout en tenant compte de ces travaux et de l’image donnée, les
recherches récentes nécessitent certaines corrections. Quoique les contemporains
eux-mêmes parlassent d’une façon globale des « anciens de Lorraine »10, le groupe
n’avait point cette homogénéité que l’expression laisse supposer. Il s’agrandissait au
cours des années et unissait les émigrés des duchés avec des personnalités d’origines diverses, ralliés par des interêts analogues sous le patronage du duc et futur
empereur. C’est le vaste champ de leurs activités, leur formation profonde et les
connaissances dans la multiplicité des pratiques qui permettra à beaucoup d’entre
eux de poursuivre leurs travaux après la mort de François de Lorraine et de réaliser maintes choses dont les traces sont parvenues jusqu’à notre époque. Cette
communication se propose donc de montrer par des exemples pertinents les innovations réalisées, les contributions que le groupe avait apportées à la vie culturelle,
scientifique et économique de la monarchie habsbourgeoise. Néanmoins cet exposé sera complété par de brèves notices biographiques dressant les portraits de certains personnages plus ou moins connus de l’entourage de François de Lorraine.
Le point de départ
Déjà le point de départ offrait d’autres possibilités que celles dont étaient accompagnées toutes ces émigrations que nous rencontrons au long du XVIIIème siècle.
Leur déménagement avait été bien préparé, d’abord en Toscane et puis à Vienne.
L’élection de François de Lorraine comme empereur en 1745 restitua à la ville de
Vienne l’ambiance impériale, le statut du centre de l’Empire qui attira de tout
temps les élites intellectuelles. Cet événement changea aussi la vie de maints Lorrains qui furent alors appelés à Vienne. Mais dès ce temps-là, le dernier duc de
Lorraine ne représentait pas seulement le prestige imperial. Il avait déjà assuré les
possibilités économiques pour le financement des activités futures. L’emploi des
Lorrains et leur établissement est facile à démontrer, les états des appointements et
des gages sont bien documentés : à partir de 1738, dans les archives de la Cour du
Grand-Duc de Toscane11, entre 1747 et 1765, dans les archives de la Maison de Sa
Majesté Imperiale12.
Le rôle que le duc leur avait attribué était prépondérant mais isolé. La place
qu’ils allaient occuper ne les menait que très rarement à la Hofburg ou à Schön-
10 Aus der Zeit Maria Theresias. Tagebuch des Fürsten Johann Josef Khevenhüller-Metsch 17421776, ed. Rudolf Graf KHEVENHÜLLER-METSCH und Hanns SCHLITTER, 2 (Wien-Leipzig 1908)
276.
11 Vienne, HHStA, Obersthofmeisteramt, Sonderreihe, Fasz. 193 : Hofstaat des Großherzogs
Franz von Toskana und Maria Theresias 1738.
12 Vienne, HHStA, Generaldirektion der Privat- und Familienfonde, Fasz. 2 : Etat des appointements et gages de la Maison de Sa Majesté Imperiale pour l’année 1747.
Table des Maitères
Jean de Baillou. L’itinéraire hors du commun d’un savant,
collectionneur et aventurier dans l’Europe des Lumières
Le XVIIIe siècle est riche en hommes remarquables. À coté de ceux qui sont les
plus connus, on dénombre aussi des personnages difficiles à classer, qui furent au
long de leur vie soit collectionneurs, soit érudits ou même aventuriers. Le chevalier Jean de Baillou ( ?1686-1758)1, directeur du Cabinet impérial des Sciences naturelles à partir de 1749, fut certainement un de ces hommes énigmatiques : à dire
vrai, c’est lui qui fut à l’origine de cette institution, car il céda sa propre collection à
l’Empereur en 1749 et c’est cette collection qui forma le noyau du futur musée,
créé au XIXe siècle. Quel fut donc l’itinéraire de cet homme arrivé à Vienne à l’âge
de 64 ans ? Qu’est-ce qui avait pu le déterminer à changer si radicalement son existence et à déménager de Florence à Vienne, au soir de sa vie ?
Au Musée des Sciences naturelles à Vienne (Naturhistorisches Museum
Wien), nous pouvons découvrir Jean de Baillou, représenté sur le grand tableau
commémoratif illustrant l’empereur François Ier en compagnie des quatre directeurs des collections impériales. Nous y voyons à droite Jean-François Marcy2, qui
était à la tête du cabinet des machines. A ses cotés, Valentin Jameray-Duval3 avec
quelques pièces de la collection des monnaies et médailles dont il fut chargé à partir de 1748. Le troisième personnage est Jean de Baillou, qui nous montre une de
ses grandes et rares coquilles. Tout à gauche, avec un livre en main, Gérard van
Swieten4, directeur de la bibliothèque et médecin de l’empereur François Ier, qui
l’avait fait venir de Leyde en 1745. Pour réaliser le tableau appelé « Kaiser Franz I.
im Kreis der Direktoren der kaiserlichen Kabinette » trois peintres fameux avaient
été engagés par Marie-Thérèse après le décès inopiné de l’empereur, à Innsbruck,
en août 1765 : Franz Messmer a peint les personnages, Jakob Kohl a inventé la
salle dans laquelle se déroule la scène, car cette salle n’existait pas réellement, et
Martin van Meytens (1695-1770) fut responsable du visage de l’empereur, dont il
avait si souvent fait le portrait au long de sa vie. Mais le tableau recèle toujours des
1 Jean de Baillou, ?1686-1758 ; voir Christa RIEDL-DORN, Chevalier de Baillou und das Naturalienkabinett. In : Renate ZEDINGER, Lothringens Erbe, Katalog zur gleichnamigen Ausstellung
in Schloß Schallaburg, St. Pölten 2000, 111-123.
2 Jean-François Marcy, 1710-1791, à partir de 1748 à la tête du cabinet des machines, dès 1761
professeur à l’université de Vienne pour les études de mathématiques et physique, en 1772 élu à
la prévoté de Saint-Pierre à Louvain ; voir Renate ZEDINGER, Les Lorrains à la Cour de Vienne.
Dans : Lotharingia IX, Nancy 1999, 121-136, ici 132.
3 Valentin Jameray-Duval, 1695-1775 ; voir André COURBET, Le bibliothécaire du Grand-Duc de
Toscane. Valentin Jamerey-Duval et sa correspondance de Florence. Dans : Alessandra CONTINI
e Maria Grazia PARRI, Il Granducato di Toscana e i Lorena nel secolo XVIII, Firenze 1999, 355383 ; Lothringens Erbe, 124-128.
4 Gérard van Swieten, 1700-1772 ; voir Felix CZEIKE, Historisches Lexikon Wien 5, Wien 1997,
404.
90
I La Lorraine dans la première moitié du dix-huitième siècle
incertitudes substantielles, étant donné que nous ne disposons pas de documents
qui pourraient mieux éclairer la personnalité de Jean de Baillou et les circonstances de son origine. Ainsi, comme la scène se présente en 1773, soit quinze ans
après sa mort, nous ne pouvons pas être certains de vraiment voir Jean de Baillou,
d’autant qu’aucun autre portrait de celui-ci n’a été retrouvé à ce jour. Ceci correspond aussi entièrement à son itinéraire plein d’incertitudes.
Nous ignorons la date exacte de sa naissance, mais on peut admettre que
c’était en 1686, car le registre mortuaire de la paroisse Saint-Michel à Vienne note
son décès le 23 novembre 1758 à l’âge de 72 ans. L’hypothèse des Pays-Bas comme
lieu de naissance peut être avancée à cause de quelques remarques de contemporains. L’enfance de Baillou est mal connue aussi, ainsi que sa famille. Nous ne savons rien de sa formation et de son éducation, mais il semble que Jean de Baillou
ait étudié les mathématiques, l’architecture et les sciences en France, peut-être avec
l’appui de la maison de Lorraine ; ceci expliquerait les bonnes relations qu’il entretint immédiatement avec la Reggenza lorenese, trente ans plus tard. Alors que la
plus grande partie du personnel des Médicis ne trouvait plus d’emploi après l’arrivée des Lorrains en Toscane, Baillou y fit carrière. Mais revenons aux points non
contestables de sa biographie. En 1710, Jean de Baillou s’est marié avec la marquise
Monti della Scrivia, un mariage qui sonna comme une véritable consécration : la
dot permit à la famille, qui s’agrandit au cours des années avec la naissance de cinq
filles et trois garçons, de se soutenir, et Baillou put jouir d’une vie tranquille et bénéficier de suffisamment de loisirs pour développer ses talents.
Les premières informations sûres au sujet de ses occupations professionnelles proviennent de la Cour de Parme : on y retrouve Baillou à partir de 1718 au
service du duc Francesco Farnese (1676-1727), comme architecte de la Cour et, à
partir de 1725, comme commissaire général de l’artillerie et chef du corps du génie. Baillou donnait des cours de physique au duc, mais il semble que la tâche la
plus importante était d’amuser le prince. Francesco I Farnese était un prince peu
cultivé, extrêmement bigot, mais aussi intelligent et ambitieux, aimant le luxe et les
Beaux-Arts. Arrivé au pouvoir à l’âge de 17 ans, le jeune duc chercha d’abord la
gloire durant la guerre de Succession d’Espagne, mais, ses efforts étant restés vains,
il compensa ensuite ses échecs militaires par des projets culturels : il fit acheter
une nouvelle bibliothèque, s’occupa de l’arrangement du cabinet de médailles, dont
la description fut publiée en plusieurs volumes entre 1694 et 1727, et il contribua à
l’agrandissement de la collection de peintures ; mais sa plus grande entreprise fut
certainement l’aménagement du jardin de Colorno et c’est là que Jean de Baillou fit
merveille. Comme d’autres princes européens, Francesco Farnese cherchait à imiter les bâtiments et édifices de Louis XIV et, déjà en 1697, longtemps avant l’arrivée du chevalier de Baillou, le fameux architecte Ferdinando Gallo Bibiena avait
Table des Maitères
Protecteurs, mécènes, collectionneurs. Réflexions sur les
activités scientifiques à la Cour de Vienne au temps de
Jean-François Séguier (1703-1784)
Le colloque « Jean-François Séguier » a été l’occasion de rappeler certaines particularités des voyages, des séjours, des rencontres du savant nîmois ; il a permis
aussi de se rendre compte de l’existence d’un réseau culturel que Séguier sut établir
en entretenant une vaste correspondance, à la suite des voyages entrepris avec Scipion Maffei (1700-1755), et en accueillant de nombreux visiteurs, attirés par les
connaissances, les travaux et les collections qui valurent à Séguier une renommée
européenne. Ces travaux doivent aussi nous amener à nous interroger sur certains
aspects de sa vie, de son temps et de son entourage, en confrontant réalités et fictions.
L’histoire, la politique, les personnages
Lorsque Jean-François Séguier arriva à Vienne dans les années trente du XVIIIème
siècle, les États des Habsbourg n’étaient en paix que depuis une vingtaine d’années.
Pendant plus d’un siècle, la monarchie avait lutté contre l’Empire Ottoman, dont
les frontières ne se trouvaient qu’à cent cinquante kilomètres de Vienne ; cela était
perçu comme une menace perpétuelle, pesant sur la cité. D’autres conflits avaient
éclaté à l’ouest, provoqués par les aspirations dynastiques des Autrichiens et des
Français après la mort de Charles II d’Espagne. Finalement en 1714, le traité de
Rastatt avait mis fin à la guerre par le partage de l’immense royaume espagnol. La
paix qui survint alors permit à la Cour de Vienne et à la noblesse de se consacrer
aux beaux-arts, à l’embellissement des châteaux et aux loisirs qu’offraient les cabinets et les collections. Les années de paix facilitèrent de plus les échanges intellectuels, ainsi que les séjours, les voyages en résultant. A Vienne, le prince Eugène de
Savoie1 dominait la scène.
Entré au service de l’empereur en 1683, à l’âge de 20 ans, le prince y avait
connu une rapide carrière militiare, et ses succès sur les champs de bataille lui ouvrirent l’accès aux plus hautes fonctions du gouvernement : il fut nommé successivement président du Conseil de guerre (Hofkriegsrat), puis gouverneur général du
Milanais et, à partir de 1716, gouverneur général des Pays-Bas autrichiens. Son
opinion pesait lourdement au sein du Conseil Privé de l’Empereur. Le prince
jouissait d’une telle réputation que le tsar Pierre Ier le Grand (1672-1725) lui avait
offert la couronne de la Pologne. Il l’avait refusée, probablement en raison de son
attachement aux Habsbourg, peut-être en raison de ses collections, de ses intérêts,
1 Eugène de Savoie (1663-1736) ; voir Max BRAUBACH, Prinz Eugen von Savoyen, 5 vol., WienMünchen 1963-1965.
98
I La Lorraine dans la première moitié du dix-huitième siècle
ses loisirs et ses « caprices ». Dès 1713 le duc Claude Villars (1653-1734)2 rapportait : « Le Prince Eugène me dit tous les jours, que le premier dégoût que l’on lui
donnerait, la chose du monde qu’il désirait le plus c’est la retraite ». En 1719 le
prince avait par ailleurs affirmé à Saint-Saphorin (1668- ?)3 : « Avec 10 millions
florins de rente je puis finir mes jours tranquillement et sans embarras, et j’ai une
assez grande provision de bons livres pour ne pas m’ennuyer … »4. Et, de fait, au
lendemain de la guerre de Succession d’Espagne, Eugène de Savoie s’efforça de
maintenir la paix et d’éviter tout conflit. Ses succès avaient fortement amélioré les
finances du prince : à partir de 1695, il fit construire son palais intra muros par le
fameux architecte Fischer von Erlach. Il fit également édifier dès 1714, le château
du Belvédère, en dehors des murs. Ce grand édifice de style baroque avait été
conçu par l’architecte Lukas von Hildebrandt, avec des monuments, des jardins et
une ménagerie qui devinrent bien vite fameux à travers toute l’Europe. A ces possessions s’ajoutèrent au fur et à mesure des châteaux et pavillons de chasse, des
maisons de plaisance dans les environs de Vienne et des cabinets où le prince
s’adonnait aux activités scientifiques.
L’empereur Charles VI se consacra de son côté à l’embellissement de sa capitale : l’église Saint-Charles (Karlskirche) et certains bâtiments faisant partie de la
Hofburg, comme le manège et la bibliothèque, furent édifiés dans les premières
années du XVIIIème siècle. C’est dans cette bibliothèque, aujourd’hui nationale,
que Charles VI intégra celle, si fameuse, du prince Eugène au lendemain de sa
mort survenue en avril 1736. Elle contenait alors quelques centaines de manuscrits, des dessins, des cartes géographiques, des portraits et 15.000 volumes. Chaque livre avait été relié en maroquin de différentes couleurs selon les matières et
orné des armoiries du prince. Nous pouvons ainsi déceler encore aujourd’hui sans
peine les livres issus de « l’Eugeniana ». On peut aisément juger de la valeur et de
la rareté de cet ensemble, quand on sait que parmi tous les trésors hérités du
prince se trouve notamment la Tabula Peutingerina, une carte routière du IVème
siècle, indiquant les grandes routes et les réseaux de circulation de l’empire romain.
Le prince s’intéressa tout autant aux nouveaux courants de pensée. Lors
d’un séjour à la Cour de Hanovre, il s’était ainsi entretenu avec Gottfried Wilhelm
Leibniz (1646-1716), qui se rendit à Vienne en 1712 pour demander son appui en
vue de la réalisation d’une Académie des Sciences et des Lettres ; le projet n’avait
pu aboutir, Leibniz étant décédé prématurément en 1716. Il avait aussi fait parve2 Claude duc de Villars (1653-1734), maréchal de France, diplomate, capitaine français, lutta
maintes fois contre les troupes habsbourgeois et traita avec le prince Eugène la paix de Rastatt
avec l’Autriche en 1714.
3 François Louis de Pesme, Seigneur de Saint-Saphorin (1668- ? ), représentant de l’Angleterre à la
Cour de Vienne dans les années 1718 à 1727.
4 Max BRAUBACH, Prinz Eugen und das 18. Jahrhundert. In : Historische Zeitschrift 179, 1955, p.
289.
Table des Maitères
Un fonds à découvrir pour l’histoire des Pays-Bas autrichiens : les requêtes des fonctionnaires et pensionnés
émigrés conservées au « Finanz- und Hofkammerarchiv
Wien »1
Pendant de longues années les trois liasses avec environ quatre cents requêtes
n’avaient été ouvertes que très rarement. La fin de la monarchie habsbourgeoise les
avait plongées dans un profond sommeil, l’histoire des Pays-Bas autrichiens ne
rencontrant que très peu d’intérêt auprès des chercheurs autrichiens. Ce furent les
activités développées à l’occasion d’ « Europalia 1987 » qui ranimèrent le sujet. A
l’instigation de Moritz Csáky, professeur d’histoire à l’université de Vienne, l’académie (Österreichische Akademie der Wissenschaften) organisa des colloques
pour mener à bien des projets en collaboration avec les chercheurs belges. Avec
l’aide des Fonds Nationaux de la Recherche scientifique en Autriche et en Belgique
des projets de recherche ont pu être élaborés : L’étatisation et la bureaucratie, l’administration de ces provinces lointaines et les hauts fonctionnaires, c’étaient ces sujets-là que les deux équipes examinaient tout particulièrement. Non seulement la
publication dérivant du projet belge2 mais aussi celle du projet autrichien3 montre
les nombreux aspects auxquels le personnel administratif a dû se soumettre tout
au long de sa carrière.
Mais les travaux dans les fonds « belges » aux différentes archives de Vienne ont fait découvrir aux chercheurs autrichiens un autre phénomène encore dans
la vie de ces fonctionnaires habsbourgeois jusqu’à lors à peine évoqué : l’émigration. Pendant toute la durée du XVIIIème siècle, les échanges du personnel administratif étaient courants : l’octroi d’un siège à Vienne permettait aux fonctionnaires belges de se mettre en relief et une promotion dans l’administration bruxelloise
pouvait offrir au personnel autrichien des gages extraordinaires, un mariage avantageux et des liens familiaux utiles4. Mais le changement de foyer pouvait aussi
porter préjudice au fonctionnaire. Jean Schweiger espérait précipiter sa carrière et
1 Wien, Österreichisches Staatsarchiv, Finanz- und Hofkammerarchiv [HKA], Kamerale rote
Nummer 2308, 2309, 2310.
2 Claude BRUNEEL/Jean-Paul HOYOIS, Les grands commis du gouvernement des Pays-Bas autrichiens. Dictionnaire biographique du personnel des institutions centrales, Bruxelles 2001.
3 Renate ZEDINGER, Die Verwaltung der Österreichischen Niederlande in Wien (1714-1795).
Studien zu den Zentralisierungstendenzen des Wiener Hofes im Staatswerdungsprozeß der
Habsburgermonarchie (=Schriftenreihe der österreichischen Gesellschaft zur Erforschung des
18. Jahrhunderts 9, Wien-Köln-Weimar 2004).
4 Exemple éminent : Christoph Innozenz Bartenstein, fils de Johann Christoph Bartenstein, se
maria avec Barbara Maria Osy ; leurs deux fils épousèrent deux filles de la famille Helman de
Termeren.
112
II Les Pays-Bas autrichiens de 1714 à 1794
augmenter ses gages en acceptant un poste à Bruxelles lors de l’établissement du
Conseil Royal. Le moment n’était pas bien choisi. Son dossier montre son sort
dans les tumultes de la Révolution et les malheurs de l’émigration5.
Les phénomènes migratoires parvenus au long du XVIIIème siècle, mais
surtout – après la bataille de Fleurus en juin 1794 – le départ d’un grand nombre
de fonctionnaires qui avaient appartenu tant à la haute administration de Bruxelles
qu’aux administrations locales et qui ont pris le chemin de l’exil à la fin de juin
1794 font l’objet d’un projet actuel. Le 1er septembre 1996 le Fonds National (autrichien) de la Recherche scientifique a accepté ce projet sous le titre « Migrationserscheinungen im Habsburgerreich des 18. Jahrhunderts am Beispiel der Österreichischen Niederlande (1714-1814) »6.
Les travaux déjà entrepris dans les années précédentes ont facilité l’abord
du sujet. Les décisions du gouvernement vis à vis des employés des ci-devant PaysBas autrichiens avaient été rapidement promulguées. Par le décret rendu lors de la
dissolution du gouvernement l’empereur lui-même recommandait au personnel
administratif d’avoir recours à son souverain légitime : « [...] Ceux parmi les employés au cidevant Gouvernement des Pays-Bas, qui se croient spécialement fondés à
réclamer ma bienfaisance, m’adresseront des requêtes, dans lesquelles ils constateront
et prouveront duement l’ancienneté et l’importance de leurs services, ainsi que les autres motifs particuliers, par lesquelles ils se croiront autorisés à recourir à ma générosité, afin que le tout bien examiné je puisse juger ce qui pourroit leur être accordé en
pension ou gratification ou autre secours, en conciliant [...] la necessité de ne pas
surcharger mes autres Etats [...] »7. Déja le 27 juin 1794, donc le lendemain de la
bataille de Fleurus, le ministre plénipotentiaire Franz Georg Karl MetternichWinneburg (1746-1818)8 permettait l’exode : « [...] Tous les employés pourront partir dès à présent à l’exception des Chefs et de ceux des employés qu’ils retiendront
[...] »9. Le gouvernement les suivait bientôt, le chemin prescrit par Vienne les menait à Diest, Ruremonde, Aix-la-Chapelle, Düsseldorf, Dillenburg. Et pour eux, il
y avait quand même certains avantages : « [...] Quant au logement à préparer à
5 Voir le dossier de Jean Schweiger, HKA 2308/70 [14].
6 Ce projet est dirigé par Madame Waltraud Heindl (Universität Wien, Ost- und Südosteuropäisches Institut) et avait été préparé avec l’aide de feue Madame Christiane Thomas (Wien, Haus-,
Hof und Staatsarchiv). Lors d’une séance à la Koninklikje Academie voor Wetenschappen, Letteren en Schone Kunsten van Belgie le 14 décembre 1996 le projet avait été présenté à Bruxelles.
7 Vienne, Haus-, Hof- und Staatsarchiv [HHStA], Belgien DD A, Weisungen, Fasz.73, Konv.3,
fol.88r-89r, 2 août 1794.
8 Franz Georg Karl Metternich-Winneburg, 1746-1818, ministre plénipotentiaire 1791-1794 ; voir
Karl Otmar Frhr. von ARETIN, M.-Winneburg. In : Neue Deutsche Biographie t. XVII, Berlin
1994, p. 235-236.
9 Vienne, HHStA, Belgien DD A, Berichte, Fasz. 344, fol. 483-495, Metternich-Winneburg à
Trauttmansdorff, chancellier aulique des Pays-Bas autrichiens, Bruxelles, 27 juin 1794.
Table des Maitères
« La carrière faisait le bonheur de notre vie … »1. Les fonctionnaires des Pays-Bas autrichiens à Vienne (1714-1794)
Les deux premières décennies du XVIIIème siècle donnèrent à la Monarchie des
Habsbourg un agrandissement de ses territoires dont les conséquences n’étaient
pas prévisibles. L’héritage espagnol et les victoires remportées par le prince Eugène
sur l’Empire ottoman transformaient l’État. D’une monarchie faisant partie de
l’Empire advenait un état en soi qui allait exiger des réorganisations multiples mais
surtout administratives. Le fait que Charles VI mourut sans postérité masculine
accéléra la formation d’un veritable Etat des Habsbourg indépendant de l’Empire.
S’il n’était pas possible de rassembler un territoire homogène, c’est par le lien d’une
administration centrale et efficace que, du temps de Marie-Thérèse, le chancelier
Kaunitz pensa unir les différents pays. Joseph II sera le créateur de l’État autrichien
tel qu’il existera jusqu’en 1918 ; mais en ne respectant plus cette extraordinaire diversité nationale, il mènera les pays et royaumes à la fin du XVIIIème siècle à une
crise bientôt suivie de guerres, de fuites, d’émigrations. Les provinces belges en furent touchées les premières. Ce sont donc trois lignes de conduite successives que
l’on peut discerner dans les procédés politiques et administratifs des Habsbourg
d’Autriche dans les Pays-Bas autrichiens2. Les itinéraires des fonctionnaires appelés à Vienne reflètent la volonté des autorités et témoignent du processus d’étatisation depuis les années de tâtonnements jusqu’au temps de la Révolution Brabançonne, suivie de la cession des Pays-Bas autrichiens.
Les fonctionnaires belgiques dans les conseils établis à Vienne (1713-1757)3
Le traité d’Utrecht mit fin à la guerre de Succession d’Espagne. Les territoires qui
restèrent à Charles VI de l’immense héritage espagnol furent les Pays-Bas, Milan,
Naples et la Sardaigne, île qui serait échangée contre la Sicile en 1720. L’empereur
maintiendra jusqu’à la fin de sa vie ses prétentions sur l’Espagne, ce que démontrent clairement ses mesures administratives : pour le gouvernement de ces territoires il érigea en effet à Vienne le 29 décembre 1713 un Conseil d’Espagne (Consejo de Espana), pourvue d’une chancellerie, la Secrétairerie espagnole, dont la
langue usuelle était l’espagnol. Le personnel de ces institutions se composait pour
la plupart de nobles espagnols, sympathisants autrichiens du temps des campagnes
1 HHStA (=Haus-, Hof- und Staatsarchiv Wien), Belgien DD A, Vorträge 7, unfol., 1. April 1757,
lettre de Pacheco, Cazier, Figuerola et Corneille de Neny à Marie-Thérèse.
2 Voir Piet LENDERS, Trois façons de gouverner dans les Pays-Bas autrichiens. Dans : Études sur le
XVIIIe siècle, t. XV, Unité et diversité de l’Empire des Habsbourg à la fin du XVIIIème siècle,
Bruxelles 1988, 41-53.
3 Voir pour toute question institutionnelle E.AERTs, M. BAELDE, H. COPPENS, H. de SCHEPPER, H.
SOLY, A.K.L. THIJS & K.VAN HONACKER, Les institutions du gouvernement central des Pays-Bas
habsbourgeois, 2 vol. (= Studia 56, 1995).
120
II Les Pays-Bas autrichiens de 1714 à 1794
militaires que le futur empereur avait mené en Catalogne. A la tête de la Secrétairerie d’Espagne fut placé le marquis de Rialp (1663-1741)4 un des favoris de Charles VI, mais personnage remarquable et très compétent. Pour le prince Eugène de
Savoie (1663-1736), gouverneur-général des Pays-Bas autrichiens entre 1716 et
1724, les Espagnols exerçaient une trop grande influence dans les affaires des provinces belgiques. Il parvint à faire soustraire la politique des Pays-Bas méridionaux
au Conseil d’Espagne le 1er avril 1717 et à confier les affaires de ces territoires
éloignés au Conseil Suprême des Pays-Bas nouvellement établi5. Néanmoins, la
Secrétairerie espagnole demeura responsable jusqu’en 1736 pour le contrôle du
travail administratif, les contacts avec l’empereur et l’exécution des décisions. Le
nouveau conseil fut encore placé sous la direction d’un président espagnol, le
prince de Cardona (1651-1729)6. Comme les Pays-Bas avaient fait partie de la
Monarquía Hispánica, la mise en place d’un président espagnol fut évidente pour
Charles VI. Pour faciliter l’établissement d’un conseil compétent à Vienne, le
conseiller Thomas de Fraula (1647-1738)7 avait été enjoint de remettre un mémoire sur la nature de ce conseil du temps du régime anjouin, des matières qu’on y
traitait, de la capacité et du caractère que devaient avoir ceux qu’on y employait.
Dès 1715, Fraula remit son mémoire qu’il intitula : « Le Conseil Supreme At este estably pour le Soulagement et assurance du Prince et pour la consolation et satisfaction des Peuples du Pays Bas compose de plusieurs Personnages le premier choisi entre le plus califiez de la Cour du Roy et les autres naturels du dit Pays qui en connoissent les Loix, Coutumes, Statuts et Pivileges et les naturel des sujets »8. Pour ce qui
concerne le choix du personnel, Fraula avait noté : « La raison pourquoi l’on prenoit un président de la nation du Prince, et non des Pays bas, vient de ce que les rois
d’Espagne n’ont pas voulu assugetir le Gouverneur général a quelque dépendance
d’un seigneur du pays, lorsqu’il aurait cette présidence, et pour prevenir par cette
sage disposition les embarras qu’auroient pu causer les seigneurs du pays par ses parents et amis, en lui donnant des informations suivant leurs interêts et vues, pour
contrarier le Gouverneur Général à la Cour du Prince ». Pour la composition du
4 Don Ramón de Vilana Perlas Marqués de Rialp, 1663-1741 ; emprisonnné par les troupes françaises comme sympathisant autrichien en 1704 durant la guerre de Succession d’Espagne, émigré à Vienne en 1713 ; Renate ZEDINGER, Die Verwaltung der Österreichischen Niederlande in
Wien (1714-1795), Wien-Köln-Weimar 2000, 24 ff.
5 AGR (=Archives Générales du Royaume, Bruxelles), Manuscrits divers 1601, fol. 52-58 : Decret
d’Etablissement du Conseil Suprême des Pays-Bas etabli chez la Royale Personne de sa Majesté
Imperiale et Catholique le 1er d’avril 1717 ; voir Michel BAELDE, « De samenstelling van de Hoge
Raad der Nederlanden te Wenen (1717-1757) », Album Charles Verlingen, Gent 1975, 1-15.
6 Don Joseph Ceverio Folck prince de Cardona, 1651-1729, chevalier de l’Ordre de la Toison d’Or,
Grand Maître de l’impératrice Elisabeth Christine, président du Conseil Suprême 1717-1729 ;
ZEDINGER, Die Verwaltung der Österreichischen Niederlande, 168.
7 Thomas de Fraula, 1647-1738, Chevalier, vicomte, conseiller d’état ; voir Claude BRUNEEL, Les
grands commis du gouvernement des Pays-Bas autrichiens, Bruxelles 2001, 274-275.
8 Vienne, HHStA, Belgien DD B, Fasz. rot 197a.
Table des Maitères
Le prince Charles-Joseph de Ligne et Vienne
Le prince Charles-Joseph de Ligne (1735-1814) et Vienne ont mené une coexistence ambiguë, les rapports du prince avec la Cour Impériale, la noblesse et la société parcoururent tous les stades possibles, de l’acceptation et même de l’admiration jusqu’au refus et la persiflage. Les ouvrages en allemand publiés à son sujet
datant du XIXème siècle et de la première moitié du XXème siècle, sont d’un caractère plutôt superficiel, aussi pour se mettre sur sa piste vaut-il mieux se référer aux
chroniqueurs contemporains : au comte Charles Zinzendorf1, au prince Joseph
Khevenhüller2, aux mémoires des dames de la société et leurs descriptions des salons3 – et aux « Fragments de l’histoire de ma vie »4, rédigés méticuleusement par
le prince lui-même pendant les années modestes de son exil volontaire à Vienne.
L’itinéraire du prince : le chemin tracé
Né en 1735 à Bruxelles, en ce temps là capitale des Pays-Bas autrichiens gouvernés
par l’archiduchesse Marie-Elisabeth, sœur de l’empereur Charles VI, CharlesJoseph reçut une éducation plutôt chaotique de la part d’un père au service militaire des Habsbourg. La carrière du fils était prévue. A l’age de quinze ans, Claude
Lamoral alla le présenter à Vienne – François Ier le fit chambellan ; le prince de
Ligne en racontait l’anecdote avec beaucoup de plaisir, surtout la stupéfaction de
son père qui l’avait beaucoup amusé5. Marie-Thérèse avait une affection particulière pour ce jeune prince, malgré ses incartades et étourderies brusquant la reine
elle-même : parce qu’il l’avait fait attendre pendant plus d’une heure, MarieThérèse le fit venir chaque matin dans son anti-chambre pendant deux semaines,
pour le punir comme un petit écolier arrivé en retard6.
En 1755, Charles-Joseph de Ligne revint dans la région pour se marier,
mais il saisit l’occasion pour participer de nouveau à la vie divertissante de la Cour
déjà en domicile d’été à Schönbrunn. Voilà une de ses petites plaisanteries : le soir
du 5 juin, l’empereur conduisit un groupe de jeunes gens masqués et accompagnés
de musiciens vers le château de Hetzendorf, parmi lesquels figurait le prince de
1 Vienne, Haus-, Hof- und Staatsarchiv, Kabinettsakten, Nachlaß Zinzendorf, Tagebücher.
2 Johann Josef Fürst Khevenhüller-Metsch, Aus der Zeit Maria Theresias 1742-1776, éd. Rudolf
Graf KHEVENHÜLLER-METSCH et Hans SCHLITTER, 8 vol. (Wien-Leipzig 1907-1925).
3 Caroline PICHLER, Denkwürdigkeiten aus meinem Leben, 3 vol. (Wien 1844) ; Die Weckbeckers, Karriere einer Familie, éd. Wilhelm WECKBECKER nach alten Aufzeichnungen (GrazWien-Köln 1966).
4 Charles-Joseph de Ligne, Fragments de l’histoire de ma vie, t.I, éd. Jeroom VERCRUYSSE (Paris
2000).
5 ibid., 60.
6 Hans WAGNER, Charles Joseph de Ligne und Österreich. In : Salzburg und Österreich (=Mitteilungen der Gesellschaft für Salzburger Landeskunde, 8.Erg.Bd., Salzburg 1982) 213 ; voir aussi LIGNE, Fragments de l’histoire de ma vie, t.I, 75.
148
II Les Pays-Bas autrichiens de 1714 à 1794
Ligne déguisé en jeune fille, qu’un autre groupe aurait dû ravir. Ne sachant pas
qu’il s’agissait en réalité d’un jeune homme le coup échoua, l’empereur et ses compagnons s’amusèrent beaucoup7.
Le 6 août, le mariage avec Françoise, princesse de Liechtenstein, eut lieu au
château de Feldsberg. Aujourd’hui le village s’appelle Valtice et est situé en Moravie. La princesse partagea jusqu’au bout l’existence mouvementée de son époux,
elle le suivit en exil à Vienne et l’accompagna sans se plaindre à travers ces années
assez misérables.
Au service des Habsbourg, Charles-Joseph de Ligne parcourut l’Europe,
pousuivit la carrière militaire, mais les commandements importants ne lui fuirent
jamais dévolus malgré l’attachement ou presque l’amitié qui le lia à Joseph II. Une
correspondance des années 1788/89 nous rend témoignage8 de cet engagement. Il
était peut-être victime d’intrigues, car le prince caractérisa souvent avec langue
bien afilée la noblesse de la Cour. Aussi le très influent chancelier de Cour n’y
échappa pas : « Le prince de Kaunitz avait plus de sens que d’esprit. La régularité et
la prononciation dans quatre langues qu’il savait parfaitement rendaient sa conversation imposante plutôt que séduisante. En y réfléchissant on s’apercevait qu’il n’avait
ni trait, ni imagination, mais en se croyant le premier homme du monde, il l’était
presque devenu »9. Peu de jours avant sa mort, l’empereur Joseph II reprocha au
prince, que les évènements en Belgique l’avaient meurtri : « Ihr Land hat mich umgebracht. Gents Einnahme ist mein Todeskampf und das verlassene Brüssel mein
Tod »10 (votre pays m’a tué. La prise de Gent m’a mis en agonie, la capitulation de
Bruxelles fut ma mort). Quelques années plus tard le prince disait d’ailleurs au
Comte Lagarde : « Je suis mort avec Joseph II »11, et vraiment, avec le décès de Joseph II, la vie du prince prit une mauvaise tournure. En vérité, le prince de Ligne
reçut les nouvelles de la Révolution Brabançonne lors de son séjour en Crimée et il
déclara qu’il ne lutterait ni contre les révolutionnaires ni contre l’empereur. Il observa avec inquiétude les évènements en Belgique et il décrivit avec mépris la situation dans l’Assemblée Nationale et en France. Ses jugements pleins d’ironie sont
souvent cités : « Le Français est l’enfant de l’Europe … Il n’y a que cette nation qui
joint à la cruauté de l’enfance celle de tous les âges … et plus précis encore : Si les
Français ne sont plus chantants et dansants et galants, ils deviendront des fous fu-
7 Elisabeth GROSSEGGER, Theater, Feste und Feiern zur Zeit Maria Theresias, nach den Tagebucheintragungen des Fürsten Johann Joseph Khevenhüller-Metsch (Wien 1987), 152.
8 Josephinische Curiosa. Denkwürdigkeiten der Lebens- und Zeitgeschichte Kaiser Josephs II.,
t.2 (Wien 1848), 253-291.
9 Le Prince de Ligne et son temps, catalogue d’exposition au château de Beloeil (8 mai – 19 septembre 1982), 45.
10 Gottfried MRAZ, Anekdoten über Maria Theresia, Joseph II. und ihre Umgebung. In : Österreich in Geschichte und Literatur, 33. Jg., Heft 1 (Wien 1989), 1-12.
11 Karl TOTH, Fürst Karl Joseph von Ligne (1734-1814). In : Deutsche Rundschau (Januar 1916),
23.
Table des Maitères
Au service du prince de Ligne : les errances de Ferdinand
Claus et des Archives de la Maison de Ligne (1794-1799)
Le 2 août 1794 l’empereur François II (1768-1835) ordonna la suppression immédiate du gouvernement des Pays-Bas autrichiens1. Par cette mesure le petit-fils de
Marie-Thérèse mit un terme aux liens séculaires qui unissaient « l’héritage bourguignon » aux Habsbourg. Ces territoires avaient été attribués à l’empereur Charles VI (1685-1740) en vertu des traités de paix de Rastatt et de Baden (1714) qui
avaient mis fin à la guerre de Succession d’Espagne. Sous le long règne de MarieThérèse (1717-1780), héritière des territoires bourguignons depuis 1740 et le gouvernement de Charles de Lorraine2, les Pays-Bas autrichiens connurent un essor
industriel, la prospérité et la paix intérieure. Après le décès de l’impératrice et de
son beau-frère en 1780 Joseph II (1741-1790) gouverna seul. Les nouveaux gouverneurs généraux l’archiduchesse Marie-Christine (1742-1798) et son mari le duc
Albert de Saxe-Teschen (1742-1822) connaissaient mal le statut particulier des
Pays-Bas autrichiens, leurs droits et privilèges séculaires pour susciter à Vienne de
la compréhension, de la prudence ou même quelque aptitude. À la Chancellerie de
Cour et d’État, le noyau de l’administration gouvernementale3, même Kaunitz,
chancelier vieillissant ne pressentait pas le danger imminent. Les fonctionnaires
locaux le connaissaient fort bien cependant. Cette administration, bien formée, se
trouva brusquement plongée dans un dilemme opposant leur sens du devoir aux
atteintes croissantes portées aux privilèges acquis.
La fin de la domination des Habsbourg aux Pays-Bas autrichiens
Les réformes joséphistes4 provoquèrent des troubles dans les divers départements,
en particulier dans ceux de l’administration et de la justice particulièrement en
matière de procédure. Marie-Thérèse n’avait édicté que des lois utiles. Depuis le
XVIe siècle les nouveaux monarques, au moment de leur accession au trône, devaient jurer de laisser intacts les lois, libertés et droits des provinces belges. Joseph
II, et ses représentants auraient dû tenir compte des dispositions de l’intronisation
mieux connue sous le vocable de la « Joyeuse Entrée ». Les Pays-Bas autrichiens
virent leurs particularités menacées et les États rappelèrent à l’empereur en 1787
1 Vienne, Haus-, Hof- und Staatsarchiv, Belgien DD A, Weisungen 73, vol. 3, fol. 88r-89r, 2 août
1794.
2 Charles de Lorraine (1712-1780), fils du duc Léopold de Lorraine et d’Elisabeth-Charlotte d’Orléans, gouverneur général à partir de 1744 ; voir Michèle GALAND, Charles de Lorraine, Gouverneur Général des Pays-Bas autrichiens (=Études sur le XVIIIe siècle XX, Bruxelles 1993).
3 Voir Renate ZEDINGER, Die Verwaltung der Österreichischen Niederlande in Wien (17141795). Studien zu den Zentralisierungstendenzen des Wiener Hofes im Staatswerdungsprozeß
der Habsburgermonarchie (Wien 2000).
4 Voir Janet POLASKY, Revolution in Brussels (Brussel 1985).
158
II Les Pays-Bas autrichiens de 1714 à 1794
« die genaueste Aufrechterhaltung des am Tage Ihrer Huldigung, als Graf von
Flandern feierlich beschworenen Vertrags ». Peu enclins à quelque compromis ils
ajoutaient : « Was nun aber die Unabänderlichkeit dieser Konstitution vorzüglich
sichert, ist Euer Majestät geheiligtes Wort und der deshalb abgelegte feierliche Eid.
Eure Majestät schwören, die Provinz in allen ihren Vorrechten, Gebräuchen und
Gewohnheiten, sowohl geistlichen als weltlichen, zu erhalten, und als Graf von
Flandern, nie zu gestatten, daß etwas von allen diesen verändert oder vermindert
werde… Wir sind aber überzeugt daß Eurer Majestät Gewissenhaftigkeit überrascht worden… , daß man unterlassen hat, Eurer Majestät auf die uns zugestandenen Rechte und die Verbindlichkeiten, welche Sie eingegangen, aufmerksam zu
machen »5.
Les Pays-Bas autrichiens virent dans les réformes une rupture de leurs
droits. Les États de Flandre et de Brabant prirent la tête d’une opposition. Contrarié, Joseph II leur répondit le 3 juillet 1787 « als ein Mensch, welcher die Unvernunft bemitleiden kann, und viel zu verstehen weis [il veut que ce qu’il s’est proposé avait été mal compris] einer falschen Auslegung zuschreiben… wenn aber, wider alle Erwartungen, dieser letzte Schritt meiner Güte gegen euch in so weit verkannt würde …, so werdet ihr euch selbst alle die unglücklichen Folgen zuziehen,
die unfehlbar daraus entstehen werden, welches Gott verhüten wolle »6.
L’empereur sous-estimait les conséquences éventuelles. Les édits en matière
ecclésiastique ne firent qu’augmenter la résistance d’autant plus que dans cette province conservatrice aucune des mesures du « Reformkatholizismus » initiées dans
les autres provinces n’avait encore été édictée. Ce mouvement axé sur le passé suscita des alliances inhabituelles : la noblesse prit la tête du mouvement et aux côtés
du Tiers, le Clergé mit à sa disposition son puissant appareil ecclésiastique. Le
train des réformes suscita en 1787 une foule de protestations et de troubles qui devait mener à la « révolution brabançonne » mais qui ne mettaient pas encore en
cause la souveraineté des Habsbourg. La révolution éclata vraiment lorsque l’empereur, déjà fort malade et sans doute mal informé, promulgua le 18 juin 1789
l’édit interdisant toute forme de rassemblement. Le comte Ferdinand Trauttmansdorff-Weinsberg (1749-1827), ministre plénipotentiaire à Bruxelles, suggéra de
faire des concessions aux révoltés et de faire preuve de modération. L’interdiction
fut levée en novembre sans l’accord de Vienne et l’administration remise sur pied.
Mais ce changement d’attitude tourna court. Les députés des États provinciaux, à
l’exception du Luxembourg se réunirent et proclamèrent le 11 janvier 1790 la République des « États-belgiques-unis »7.
5 Vienne, Bibliothèque de l’université, Aktenstücke zur Geschichte der Österreichischen Niederlande gehörig (Wien 1787) 31-32.
6 ibid, Réponse de Joseph II aux Etats du Brabant, 3 juillet 1787.
7 Alphonse SPRUNCK, Die Lage in den Österreichischen Niederlanden im Jahr 1790 nach den Berichten der Statthalterin Maria Christine an die Wiener Regierung. In : Mitteilungen des Österreichischen Staatsarchivs 11 (Wien 1958) 275-372.
Table des Maitères
Campo Formio – Un traité provisoire ? La Cour de Vienne
face à l’expansionnisme français et le sort des Pays-Bas
autrichiens1
Le traité de Campo Formio est le premier traité que la monarchie habsbourgeoise
a été obligée de conclure avec la République Française, un gouvernement qu’elle
considérait comme illégitime et représenté par un négociateur qu’elle regardait
comme indigne. La Cour de Vienne s’est bien vite rendu compte qu’elle avait à
faire à un adversaire déconcertant, aux stratégies incalculables, et que cette rencontre exigerait d’autres procédés que ceux que la diplomatie « en dentelles » avait
cultivés tout au long du XVIIIième siècle. L’embarras avait été aggravé encore par
toute une série d’éléments qui ont influencé le train des choses : La situation militaire avait déjà changé l’Europe ; les différents membres du Corps Germanique
(surtout la Prusse) ont souvent poursuivi leurs propres buts ; la politique de la
Cour de Vienne s’est montrée aussi indécise et variable que l’opinion représentée
par les sommités de l’Etat. Et les personnes désignées pour contracter avec cet
« homo novus » furent plus ou moins compétentes et plus ou moins à la hauteur
des choses.
I. Diversité des options de la Cour de Vienne vue à travers les mémoires et correspondances du temps
Le traité de Campo Formio, qui a en fait été signé à Passeriano en 1797, légalisait
en principe la situation réalisée par les troupes françaises lors de la bataille de Fréjus en 1794 et l’annexion des Pays-Bas par la République Française decretée le 1er
octobre 17952. Les années révolutionnaires avaient créé des conditions embrouillées que les ministres habsbourgeois n’étaient plus arrivés à maîtriser. Les concessions que le comte Metternich-Winnebourg3, ministre plénipotentiaire aux Pays-
Abbréviations : AGR=Archives Générales du Royaume, Bruxelles ; B.N.=Biographie Nationale,
44 v. (Bruxelles 1866-1986) ; CAPB=Chancellerie autrichienne des Pays-Bas ; HHStA=Haus-,
Hof- und Staatsarchiv, Wien ; N.D.B.=Neue Deutsche Biographie, 16 v. (Berlin 1953-1990) ;
Wurzbach=Constant von Wurzbach, Biographisches Lexikon des Kaiserthums Österreich, 60v.
(Wien 1856-1891).
1 Le texte suivant fait partie des résultats obtenus dans le cadre d’un projet de recherches élaboré
par des historiens autrichiens. Ce projet ayant pour objet l’émigration des hauts-fonctionnaires
belges à partir de 1794 est réalisé depuis le 1er septembre 1996 avec l’appui du Fonds National
de la Recherche scientifique. Il a été présenté aux collègues belges le 14 décembre 1996 lors
d’une séance de la Koninklijke Academie voor Wettenschappen, Letteren en Schone Kunsten
van Belgie à Bruxelles.
2 Paul VERHAEGEN, La Belgique sous la domination franςaise, t. 1 (Bruxelles 1922).
3 Franz Georg Karl Metternich-Winneburg, 1746-1818 ; N.D.B. XVII (Berlin 1994) 235-236.
166
II Les Pays-Bas autrichiens de 1714 à 1794
Bas autrichiens de 1791 à 17944, avait en vain accordées, ne lui ont apporté que
des avertissements de la Cour de Vienne : « [...] Il faut que vous cessiés enfin, Monsieur le comte, de parler toujours du voeu de cette nation, et de baisser la tête à tout
ce qu’elle prescrit ; vous adoptés par le fait le sistème de la souveraineté du peuple et
vous obligés tout le monde de s’attacher à ce nouveau maître et d’abandonner l’ancien
[...] »5. Après son retour, stigmatisé par son rôle de ministre fugitif, MetternichWinneburg essaya d’expliquer la situation à l’empereur et d’excuser son echec en
retraçant l’abrégé des événements : « [...] mais quand on considère la conduite que
les Etats de Brabant tiennent envers leur souverain depuis sept ans ; quand on sait,
qu’ils doivent des dédomagemens déjà acquittés par les autres Provinces, quand on
est informé de l’usage criminel qu’ils ont fait des deniers de leur administration pour
corrompre les troupes ; quand on réflechit, que peu avant d’embarquer les caisses, ils
avoient été interpellés de fournir 200.000 fl au Trésor royal pour un besoin pressant
du service, et qu’ils ont assuré alors de n’avoir pas le sol ; et quand on se rapelle tous
les embarras qu’ils ont mis en avant pour que le souverain, qui est le contrôleur suprême, naturel et constitutionel de leur administration pour le bien de la chose publique, ne puisse pas exercer ce contrôle, on doit au moins suspendre son jugement
[...] »6 quand aux possibilités dont aurait pû jouir le gouvernement à Bruxelles.
Tandis que l’empereur Léopold II avait encore essayé de rassembler les souverains européens pour secourir Louis XVI emprisonné, son fils François II était
sous l’emprise d’une déception insurmontable. Regardons le décret publié le 2 août
1794 : « Mon Intention est, que le Gouvernement des Pays-Bas soit dissous sans plus
de delai [...] Ceux parmi les Employés au cidevant Gouvernement des Pays-Bas, qui
se croient spécialement fondés à reclamer ma bienfaisance, m’adresseront des requêtes, dans lesquelles ils constateront et prouveront duement l’ancienneté et l’importance de leurs services, ainsi que les autres motifs particuliers, par lesquels ils se croiront autorisés à recourir à ma générosité, afin que le tout bien examiné je puisse juger ce qui pourroit leur être accordé en pension ou gratification ou autre secours, en
conciliant [...] la necessité de ne pas surcharger mes autres Etats, qui depuis tant de
tems n’ont cessé de se vouer loyalement aux efforts [...] pour le soutien d’un Pays,
dont grand nombre des habitans ont en différentes occasions montré si peu d’affection et d’attachement pour moi, si peu de bonne volonté et de zèle pour la défense de
la Religion, de mon autorité légitime et pour le salut de leur propre patrie »7.
Le même sentiment est exprimé dans un mémoire adressé à l’empereur
vers la fin de l’année 1794 : « [...] les Pays-Bas ne sont point à regretter, mais il eut
été utile à la Monarchie qu’elle ne les eut jamais possedés et qu’aussi il importe à son
bien être de ne jamais les reprendre [...] Il n’est point etonnant que de pareilles
4 AGR, CAPB 709, 300-302, Lettres Patentes, 17 juin 1791 ; HHStA, Belgien DD A, Weisungen
69, Konv.2, Instruction, 17 juin 1791.
5 AGR, CAPB 252, 643.
6 Vienne, HHStA, Belgien DD A, Vorträge, Fasz. 17, Konv.2, fol. 51v, 1794 Juli 23.
7 Vienne, HHStA, Belgien DD A, Weisungen, Fasz. 73, Konv.3, fol. 88r-89r, 1794 August 2.
Table des Maitères
Admission, intégration, résignation. Les émigrés de la
Lorraine (1737) et des Pays-Bas autrichiens (1794) dans la
monarchie habsbourgeoise
Les phénomènes migratoires parvenus au XVIIIème siècle dans la monarchie habsbourgeoise réflètent parfaitement l’image hétérogène de l’époque, qui n’a pas permis de trouver une empreinte caractéristique pour le « Siècle des lumières ». Bien
au contraire. L’historiographie offre un vaste eventail de concepts possibles et ambigus : cosmopolitisme, patriotisme, xénophobie, les spécifications se démontrent
fluctuantes1. Les problèmes s’amalgament et révèlent souvent le rôle prépondérant
joué par des intérêts vétilleux, d’octroi de postes, mais aussi de détresse financière
et de prospérité personnelle.
La Monarchia Austriaca a connu de tout temps un pluralisme ethnique,
linguistique et culturel. A la Cour de Vienne et dans les Pays Héréditaires se rencontrent au XVIIIème siècle les Italiens2 du temps de Léopold Ier, les Espagnols
venus après la guerre de succession d’Espagne3, les Français de l’entourage du
prince Eugène4, les Allemands de la parenté de Elisabeth de Brunswick5 et un
grand nombre de nobles, de savants et d’artistes, d’artisans et d’ouvriers, de Bohème, de Moravie, de la Hongrie et de l’Empire romain germanique. La population s’était habituée au cosmopolitisme, au conglomérat de langues, religions et civilisations, elle avait accepté l’apport des souverains et de la Cour, dont la diversité
s’offrait comme source d’enrichissement pour l’ensemble. La situation changea à la
fin du siècle, la Révolution française et les guerres amplifiaient les migrations, l’esprit public passait souvent de la serviabilité à l’hostilité. En mettant l’accent sur
deux épisodes migratoires survenus dans un délai de cinquante ans et dans des
conditions différentes, il ne sera peut-être pas possible de démasquer tous les problèmes de façon pertinente. Mais ces deux coups de sonde permettront d’éclairer
1
2
3
4
5
Abréviations :
AGR=Archives Générales du Royaume, Bruxelles ; ASF=Archivio di Stato di Firenze ;
AVA=Allgemeines Verwaltungsarchiv, Wien ; HHStA=Haus-, Hof- und Staatsarchiv, Wien ;
HKA=Finanz- und Hofkammerarchiv, Wien ; LHA=Lothringisches Hausarchiv, Wien.
Voir Cosmopolitisme, Patriotisme et Xénophobie en Europe au Siècle des Lumières, Actes du
Colloque International, ed. Gonthier-Louis FINK, Strasbourg, 1985.
Andrea UNZEITIG, Die Italiener am Wiener Hof während der Regierungszeit Karls VI., Vienne,
1993.
Virginia LEON SANZ, Los españoles austriacistas exiliados y las medidas de Carlos VI. (17131725). Dans : Revista No. 10 d’Historia Moderna de la Universidad de Alicante, Alicante 1991,
165-176.
Justus SCHMIDT, Voltaire und Maria Theresia. Französische Kultur des Barock in ihren Beziehungen zu Österreich, Vienne, 1931, 10-14.
Gerlinde KÖRPER, Studien zur Biographie Elisabeth Christines von Braunschweig-LüneburgWolfenbüttel, Vienne, 1975.
182
III Migrations : Lorraine, Pays-Bas autrichiens
le difficile compromis entre la volonté politique et la realité journalière d’un provincialisme parfois narcissique.
I. L’exode des Lorrains dans les années 1737 à 1745
1. L’arrière-plan : La cession de la Lorraine
Alors que la France de Louis XIII, de Louis XIV et de Louis XV n’avait cessé de
manifester aux Lorrains son hostilité et sa convoitise, les rapports entre la cour
d’Autriche et celle de Lorraine s’étaient développés de façon bienveillante depuis le
Moyen Age, soudés par des liens politiques, religieux et familiaux. Les invasions
françaises forcèrent les ducs de Lorraine à fuir, c’est à Vienne qu’ils trouvèrent refuge dès 1643. Les deux ducs de Lorraine suivants, Charles V et Léopold Ier naquirent en Autriche. Ils furent amenés à considérer l’Autriche comme une seconde
patrie et la famille des Habsbourg comme une famille d’accueil. Le duc Charles V
était non seulement homme de guerre, c’était aussi une tête politique qui a laissé
un témoignage de son génie par le Testament politique rédigé par lui en 1688 et
remis de sa main à l’Empereur. Il y déclarait l’avoir rédigé pour remercier Léopold
Ier de lui avoir donné sa soeur en mariage, et pour rendre grâce aux Habsbourg
d’avoir accordé l’hospitalité à sa famille6. C’est à son fils Léopold de Lorraine que
fut donné le bonheur inattendu de rentrer dans ses Etats rendus à la souveraineté
par le traité de Rijswick (1697). L’éducation et l’adolescence le firent compagnon
des futurs empereurs Joseph Ier et Charles VI, le roi de France lui choisit une
épouse en la personne de sa propre nièce. Elisabeth-Charlotte d’Orléans lui donna
une nombreuse postérité7. François Antoine Etienne était le neuvième de ses enfants, il naquit à Lunéville le 8 décembre 1708. Mais à cinq reprises la famille ducale fut frappé par la mort, François devint ainsi tragiquement le prince héritier en
1723, après le décès de son frère Leópold-Clément, survenu le 4 juin8.
Tous ces liens familiaux et les souvenirs des humiliations infligées par la
France à sa personne, à celle de son père et à toute la famille ducale poussaient
Léopold de Lorraine dans la voie de l’Empire. Ainsi, quand son fils héritier, le
prince François, fut en âge de recevoir une éducation politique, ce fut à la Cour de
Vienne qu’il souhaita l’envoyer. En outre, le duc connaissait bien l’attitude de Charles VI au sujet du mariage à faire et qui occupait déjà la diplomatie européenne :
s’il restait sans héritier mâle, pourquoi ne pas retrouver un descendant d’une famille que les ancêtres avaient déjà rencontrée sur leurs terres d’origine en Lorraine
6 Voir Hubert COLLIN, Ferments lorrains dans la vieille Europe : princes, gentilshommes et artistes lorrains au service de la Maison d’Autriche. Dans : Lotharingia V, Nancy, 1993, 491-500.
7 Voir Hubert COLLIN, François-Etienne, dernier duc de Lorraine (1729-1737) et premier empereur de la maison de Lorraine-Habsbourg (1745-1765). Dans : Les Habsbourg et la Lorraine.
Actes du colloque international, Nancy, 1987, 151-159.
8 Vienne, HHStA, LHA, liasse 24, Nr. 61 : rapport du père Günther ; voir aussi Renate ZEDINGER,
Hochzeit im Brennpunkt der Mächte. Franz Stephan von Lothringen und Erzherzogin Maria
Theresia, Vienne, 1994.
Table des Maitères
Conclusion générale
Les textes présentés dans ce volume mettent en lumière quelques aspects du vaste
champ de recherche de l’auteur, déterminé par deux grands axes: les duchés de
Lorraine et de Bar et les Pays-Bas autrichiens, deux territoires sur le destin desquels la Monarchie habsbourgeoise a exercé une grande influence tout au long du
XVIIIe siècle – malgré leur situation politique très différente.
Déjà au XVIIe siècle, les duchés de Lorraine et de Bar furent menacés et envahis par les armées de la France, leur puissant voisin. Le traité de Ryswick, signé
le 30 octobre 1697, rendit au jeune duc Léopold la souveraineté sur les États de ses
ancêtres. Comme son père, il était né en exil, sous la protection des Habsbourg,
leur famille apparentée. Mais il chercha aussi le rapprochement avec la France et
épousa en 1698 la nièce de Louis XIV. Malgré ces liens de parenté, le roi de France
saisit toute occasion pour humilier le chef du modeste État lorrain. Il se crut ainsi
permis d’occuper militairement Nancy en 1702, au début de la guerre de Succession d’Espagne, le roi Charles II étant décédé sans postérité ; s’appuyant sur des
droits issus de relations matrimoniales, l’empereur Léopold Ier et Louis XIV revendiquaient tous deux la succession. Dès le début de la guerre, Léopold de Lorraine observa une sage neutralité ; mais, atteint dans son honneur, il ne voulut pas
voir sa capitale occupée par les soldats français et transporta sa cour à Lunéville.
Malgré les hostilités, la cour du roi de France servait d’exemple à tous les souverains d’Europe et Léopold aussi songeait à faire de Lunéville son Versailles : l’architecte Germain Boffrand agrandit le château et le modernisa à l’image de ce modèle.
C’est là que la duchesse de Lorraine mit au monde quatorze enfants. Il
semble que la vie des princes et princesses de Lorraine se déroula dans la joie, l’insouciance et le goût de vivre. Léopold de Lorraine imitait Versailles, mais l’étiquette n’était pas aussi stricte et le duc affichait sa simplicité. Le jeu, les festins, le carnaval, la chasse occupaient de nombreuses journées. Le théâtre et la musique rehaussaient l’éclat de la cour de Lunéville au centre de laquelle Léopold agissait en
mécène avisé. Toutefois les finances ducales étaient dans un état désastreux, car les
dépenses pour la Maison du duc, pour la Cour et les châteaux dépassaient de loin
les moyens du duché. Par ailleurs, les menaces du grand voisin pesaient sur
l’avenir politique de ces territoires.
Le successeur de Léopold en éprouva cruellement les suites pénibles. À la
tête d’un petit État compris entre la France et l’Empire, François III, qui succéda à
son père en 1729, dut se rendre à l’évidence : le sort de la Lorraine ne se jouait pas
à Nancy, mais dans les Cours de Vienne et de Versailles. François de Lorraine
comprit bien vite le marchandage diplomatique. Son mariage avec Marie-Thérèse,
l’héritière des Habsbourg, arrangé par le duc Léopold et l’empereur Charles VI,
l’obligea à échanger la Lorraine contre la Toscane. Son règne fut donc le dernier de
Table des Maitères
Index des noms de personnes
A
Aguilar Bruno Joseph Sanchez de (17331797) 114
Aguilar Nicolas Joseph Sanchez de (17391822) 114, 189
Albert duc de Saxe-Teschen (1742-1822)
154
Albert 1er de Habsbourg (1255-1308), empereur 44
Alembert Jean Le Rond d’ (1717-1783) 99
Anne-Charlotte de Lorraine (1714-1773)
25, 57, 58
Assel Udalrich Père (1668-1744) 15, 83
B
Baillet Christophe Ernest de (1668-1732)
124
Baillou Chevalier Jean de (1686-1758) 74,
90-94
Baillou Jean-Louis de (1731-1802) 74, 93,
102
Barbier Adrien Nicolas Joseph de (17581840) 141
Bartenstein Johann Christoph baron de
(1689-1767) 50
Bassand Jean-Baptiste (1680-1742) 75
Batthyany Charles comte de (1697-1772) 50
Beauvau-Craon Anne-Marguerite née de
Ligniville (vers 1686-1772) 25
Beauvau-Craon Marc (1679-1754) 25, 49,
57, 65
Bénévault des Mars Pierre (1685-1767) 67
Bertrand François (1702-1765) 67
Bertrand Gabrielle (1730-1796) 67, 77
Beyer Wilhelm (1723-1796) 67
Boerhaave Herman (1668-1738) 68, 75, 100,
102
Boffrand Germain (1667-1754) 26
Born Ignaz von (1742-1791) 74
Botta-Adorno Antonio Marchese di (16881774) 127
Boullement Jean François de (1712-1786)
129
Brequin Jean Baptiste de (1712-1785) 51, 67,
72, 77-78
Burmania Berthold (1695-1766) 127
C
Canevale Isidor (1730-1786) 68
Cardona Don Joseph Ceverio Folck prince de
(1651-1729) 120, 121
Cazier Denis-Benoit Joseph de (1718-1791)
128-129
Cazier Jean-Baptiste (1685-1747) 126
Chamant Jean-Joseph (1699-1767) 51, 67,
79
Charles II roi d’Espagne (1661-1700) 25
Charles III roi d’Espagne (1716-1788) 58
Charles IV duc de Lorraine (1604-1675) 23
Charles V duc de Lorraine (1643-1690) 13,
23, 29, 39, 44, 49, 55
Charles VI de Habsbourg (1685-1740), empereur, passim
Charles-Albert de Bavière (1697-1745), empereur 37-38, 48
Charles-Alexandre de Lorraine (1712-1780)
20, 25, 33, 58
Charles-Emmanuel III de Savoie (17011773), roi de Sardaigne 33
Chéron Charles-François (1724-1797) 67
Chéron Charles-Louis (1676-1745) 26
Chiris Charles Joseph de (1758/60-1805)
141
Claus[s] Ferdinand, au service du prince de
Ligne 160-164
Clément XII pape (Lorenzo Corsini, 16521740) 41, 50
Cobenzl Johann Karl Philipp comte de
(1712-1770) 127, 128, 130, 134, 137,
159, 169, 174
Cobenzl Johann Ludwig Joseph comte de
(1753-1809) 170
Coloma Jean Alphonse de (1677-1739) 124,
125
Crumpipen Heinrich Hermann Werner de
(1738-1811) 115, 144, 190
Crumpipen Joseph Ambroise (1737-1809)
115
Cuvelier François Gaston de (1661-1743)
124
Czobor Joseph comte de (1701-1785) 50
200
Index des noms de personnes
D
Dom Calmet (1672-1757) 27
Donck Jean-Baptiste (1707-1766) 135
Dorn Jean Jacques Antoine de (1722-1766)
132, 133
Durieux Philippe François (1752-1808) 137,
138
Duval Valentin Jamerey d’ (1695-1775) 70,
71, 89, 184
E
Eléonore-Marie (1653-1697), archiduchesse,
duchesse de Lorraine 23, 24, 44, 56
Elisabeth-Charlotte d’Orléans (1652-1722),
Princesse Palatine 24, 35
Elisabeth-Charlotte d’Orléans (1676-1744),
duchesse de Lorraine 20, 24, 27, 30, 44,
57
Elisabeth-Charlotte de Lorraine (17001711) 26
Elisabeth-Christine de Brunswick (16911750) impératrice 63, 181
Elisabeth-Thérèse de Lorraine (1711-1741)
reine de Sardaigne 25, 33, 84
Enzenberg Cassian Ignaz comte de (?-1772)
58
Enzenberg Sophie-Amélie (1707-1788) 58
Eugène prince de Savoie (1663-1736) 18, 23,
31, 32, 46, 97, 99, 106, 120, 121
F
Farnese Francesco duc de Parme (16761727) 90
Feltz Guillaume Antoine de (1744-1820)
138
Fénélon François de Salignac de la Motte(1651-1715) 15, 25, 45
Ferdinand III de Habsbourg (1608-1657),
empereur 44
Ferri IV duc de Lorraine (règne 13121329) 44
Figuerola Raymond de (décédé 1776) 129
Fischer von Erlach Johann Bernhard (16561723) 67, 98
Fleury André Hercule de (1654-1743), cardinal 17, 18, 31, 37
François Antoine Joseph de Lorraine (16891715) 45
François duc de Lorraine (1708-1765),
grand-duc de Toscane, empereur 13,
17, 25, 30, 35, 57
Fraula Thomas de (1647-1738) 120
Frédéric II roi de Prusse (1712-1786) 13, 37,
40
G
Gallo Don Martius Mastrilli marquis de
(1753- ?) 172
Genneté Claude-Léopold (1706-1782) 53,
72, 73
Gergonne Nicolas, menuisier 72
Gervais (Louis-Ferdinand de Nesle, 17021756) 51, 79, 185
Gilles Charles de Jonghe (1733-1818) 137
Goubeau Melchior baron de (1757-1836)
141
Günther Père (1666-?) confesseur de François de Lorraine 83
H
Haen Anton de (1703-1776) 76
Haghen Honoré Henri d’Eesbeck van der
(1659-1739) 124
Hammer-Purgstall Joseph (1774-1856) 151
Hardy André Etienne Joseph (1732-après
1798) 114
Harrach Friedrich August Gervas comte de
(1696-1749) 125
Haugwitz Friedrich Wilhelm comte de
(1700-1765) 18
Herbel Charles (1650-1702) 51
Hours (Ours) Yves des (vers 1664-1746) 26
I
Isabelle d’Autriche (1293-1352), duchesse de
Lorraine 44
J
Jacquard Claude, tapissier 26
Jacquin Nicolas Joseph de (1727-1817) 52,
75
Jadot Jean-Nicolas (1710-1761) 51, 60, 69,
70, 84, 102
Joseph Ier de Habsbourg (1678-1711) empereur 67
Index des noms de personnes
Joseph II de Habsbourg (1741-1790) empereur 40, 41, 59, 104
K
Kaunitz-Rietberg Wenzel Anton prince de
(1712-1794) 13, 40, 43, 48, 49, 72, 123136
Khevenhüller Johann Joseph comte de
(1706-1776) 51, 65, 66, 69, 71, 74, 147
Kinsky Étienne Guillaume comte de (16791749) 17
Kurtz André de (1676-1742) 121
L
Langer Franz Anton ( ?-1740) 15
Lannoy Henri Edouard Joseph de (17871853) 138
Lannoy Pierre Albert de (1733-1825) 137
Laugier Alexandre-Louis (1719-1774) 75
Le Bègue François, abbé 24
Lederer August Gottlob von (1723-1795)
134, 137
Leibniz Gottfried Wilhelm (1646-1716) 98
Leopold Clemens de Lorraine (1707-1723)
24-25, 45
Leopold Ier de Habsbourg (1640-1705), empereur 25, 39
Leopold II de Habsbourg-Lorraine (17471792) grand-duc de Toscane sous le nom
de Pierre-Léopold, empereur 21, 41, 58
Léopold Joseph duc de Lorraine (16791729) 14, 16, 19, 24, 25, 28, 35-36, 44,
55, 67
Leszczynski Stanislas (1677-1766) roi de Pologne 19, 28, 32
Ligne Charles-Joseph prince de (17351814) 147
Limpens Ange C. (1743-1824) 140, 167
Locher Dominique de (1754-1814) 134
Louis XIII roi de France (1601-1643) 55
Louis XIV roi de France (1638-1715) 16, 24,
25, 28, 44, 55, 90, 100
Louis XV roi de France (1710-1774) 16
Louis XVI roi de France (1754-1793) 58,
166
201
Maillard Sébastien de (1746-1822) 77
Marcy Jean-François de (1707/08-1791) 72,
74, 81, 89
Maria Leszczynska (1703-1768) reine de
France 28
Maria-Anna (1718-1744), archiduchesse 20,
33
Maria-Ludovica (1787-1816) impératrice
d’Autriche 149
Marie-Antoinette (1755-1793) archiduchesse, reine de France 36
Marie-Christine (1742-1798), archiduchesse 154
Marie-Elisabeth (1680-1741), archiduchesse,
gouvernante des Pays-Bas autrichiens 125
Marie-Elisabeth (1743-1808), archiduchesse,
gouvernante du Tyrol 60
Marie-Josèphe (1699-1757), archiduchesse,
reine de Pologne 29
Marie-Louise (1745-1792) infante
d’Espagne 58
Marie-Louise (1791-1847), archiduchesse,
mariée à Napoléon Ier 151
Marie-Thérèse (1717-1780) archiduchesse,
reine, passim
Martini Karl Anton (1726-1800) 50
Medici Gian Gastone de (1671-1737), granduca di Toscana 20, 21, 32, 57, 74
Meilhan Gabriel Senac de (1736-1803) 151
Merveldt Maximilien comte de (1764-1814)
172, 173
Mes[s]mer Franz (1734-1815) 89
Metternich Clemens Wenzel prince de
(1773-1859) 151
Metternich-Winneburg François Georges
Charles comte de (1746-1818) 112, 159,
165
Meytens Martin van (1695-1770) 89
Micheli Pier Antonio (1679-1737) 100
Mitté Charles, tapissier 26
Moll Balthasar Ferdinand (1717-1785) 70
Montecuccoli Raimund (1609-1680) maréchal 23
Müller Heinrich Ignaz baron de Hornstein
(1751-1833) 137, 138
N
M
Maffei Scipio (1700-1755) 97, 100, 106
Nagel Josef Anton (1717-1794) 72, 73
202
Index des noms de personnes
Napoléon Ier (1769-1821) empereur des
Français 13, 150, 151
Narbonne Lara Louis de (1755-1813) 151
Neny Corneille de (1718-1776) 59, 127-129
Neny Patrice Mac (1676-1745) 124
Neny Patrice-François de (1716-1784) 123
O
Obin Jean-Lambert (1699-1750) 126
P
Sauvage François Boissier de S. de la Croix
(1706-1767) 105
Schaffgotsch Anton Gotthard comte de
(1721-1811) 59
Séguier Jean-François (1703-1784) 97-107
Sobieski Jean (1629-1696) roi de Pologne 23, 44
Staël Madame Germaine de (1766-1817)
150
Stampach Franz Wenzel comte de 162
Steckhoven Adrian van 68, 102
Swieten Gérard van (1700-1772) 18, 32, 68,
76, 89
Sylva-Tarouca Manoel Tellez de Menezes e
Castro duc de (1696-1771) 128, 130
Pacassi Nicolaus (1716-1790) 67, 69
Pacheco Melchior marquis de (décédé
1763) 129
Patin Charles Philippe de (1687-1773) 125,
126
Pergen Johann Anton comte de (17251814) 115, 161, 188
Pfütschner Charles baron de (16851765) 14, 16, 27, 30, 31, 65, 82, 84
Philippe d’Orléans (1640-1701) frère de
Louis XIV 28
Pierre Ier tsar de Russie (1672-1725) 97
Pillement Jean-Baptiste de (1728-1808) 67
Ponty François de (1740-?) 73
Posch Johann Adam Freiherr von (17221803) 53
Potocka Anna, comtesse 149
Pouppez Jean-Louis (1752-1817) 141
Taafe François comte de Carlingford 24
Talleyrand-Périgord Charles-Maurice de
(1754-1838) 153
Thisquen Jean Remacle de (1660-1724) 121,
123, 124
Thugut Johann Franz de Paula baron (17361818) 169, 170, 174
Toussaint François-Joseph (1689-1762) 51,
65, 76, 85
Traunwieser Caroline (1794-1815) 153
Trauttmansdorff-Weinsberg Ferdinand de
(1749-1827) 113, 137, 158
Trehet Jean (1686-1740) 68
R
V
Ransonnet Hubert Joseph (1748-1816) 139
Rapédius de Berg Ferdinand Pierre (17401802) 135
Reischach Franz de (1732-1808) 59
Rialp Don Ramon Villana Perlas marquis de
(1663-1741) 120
Richecourt Dieudonné-Emmanuel de Nay et
de (1694-1759) 33, 49, 57, 65, 92
Robiano Louis François de (1700-1763) 126
S
Saint-Urbain Anna Maria (1711-1780) 71
Saint-Urbain Claude-Augustin (1703-1761)
71
Saint-Urbain Ferdinand (1658-1738) 71
Saurau Franz Joseph (1760-1832) 162
T
Vaultrin de Saint-Urbain Henri Ferdinand,
architècte 71
Vaultrin Louis, Lorrain émigré 71
Vayringe Philipp (1684-1746) 72, 86, 87
Verot Jean (1714-1786) 70
Vidon (Wiedon) François-Joseph (17031785) 51, 67
Villars Claude de (1653-1734), maréchal de
France 98
Visconti Giulio comte de (1664-1751) 124
Voltaire François Marie Arouet (16941778) 26
W
Wavrans Louis-François-Ghislain de (17151796) 135
Index des noms de personnes
Wilczek Johann Josef comte de (1738-1819)
168
Wisnowiecki Michael Korybut (décédé 1673)
roi de Pologne 23, 44
Wynants Goswin Arnould comte de (16611732) 121, 124, 127
Z
Zinzendorf Johann Karl comte de (17391813) 104, 147, 151
203
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