Rachis, 1995, vol. 7, nO 2 pp 95~98 FAIT CLINIQUE ÉPIDURITE MÉTASTATIQUE D'UN ADÉNOCARCINOME PULMONAIRE RESPONSABLE D'UN SYNDROME DE LA QUEUE DE CHEVAL (ASPECT IRM ET PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE) METASTATIC EPIDURAL SPINAL CORD COMPRESSION SECONDARY TO LUNG CANCER (MRI EXAMINATION AND TREATMENT) B. VALENZA, J.M. FERRERO, L. VANESLANDE, Centre Antoine-Lacassagne, 36 Voie Romaine, P.Y. MARCY 06050 Nice Cedex 1 RESUME SUMMARY En cancérologie, l'IRM des pièces osseuses permet de confirmer l'allure métastatique d'une lésion radiologique et contribue au bilan d'extension de certaines tumeurs ostéophiles. Une atteinte intracanalaire épidurale peut ainsi être décelée à un stade infraclinique ou devant l'apparition d'une symptomatologie neurologique fruste. Dans ce cas précis, l'IRM permettra également de guider le radiothérapeute pour préciser au mieux le champ d'irradiation. L'épidurite métastatique est fréquente au cours de l'évolution de certaines pathologies tumorales. Son siège sacré et lombaire bas demeure cependant rare pour les métastases de tumeurs solides. Nous confirmons l'intérêt de l'IRM dans le diagnostic de cette localisation secondaire en l'illustrant par le cas clinique d'une patiente de 73 ans traitée pour un adénocarcinome peu différencié d'origine pulmonaire compliqué d'un syndrome de la queue de cheval révélateur d'une épi durite métastatique étagée. Nous évoquons les différentes modalités thérapeutiques des épidurites secondaires à un primitif pulmonaire avec revue de la littérature. Magnetic resonance of bone is of particular value in oncology as it can confirm the metastatic nature of radiologically visible lesions, an important parameter in the staging of tumors with propensity for spreading to bone. Along with the technique's ability to detect epidural spinal cord involvement at a subclinical stage and in patients with sparse neurologie symptoms, MRI has proven helpul for optimization of radiotherapy fields. Spinal epidural metastases are frequent in a number of tumoral pathologies but metastatic spread of solid neoplasms to sacral and low lumbar sites remains unusual. The value of MRI for the diagnosis of such secondary disease sites is illustrated by the case of a 73yr-old female patient treated for poorly differentiated adenocarcinoma of the lung complicated by a cauda equina syndrome that revealed a level of epidural metastatic disease. Treatment modalities for epidural metastases of primary lung cancer are discussed. Mots clefs: Epidurite - IRM. Keys words : Epiduritis - MRI . . 95 B. VALENZA, J.M. FERRERO, L. VANESLANDE, P.Y. MARCY gnée de douleurs thoraciques. Dans ses antécédents, on retrouve une néoplasie du col utérin opéré douze ans auparavant, un ulcère gastrique, un tabagisme à 20 paquetsannée. Les principaux cancers responsables de métastases osseuses sont de siège pulmonaire, prostatique, rénal, mammaire, thyroïdien. Le premier symptôme étant là douleur, celle-ci peut rapidement se compléter, en cas d'atteinte rachidienne, d'une irradiation radiculaire voire d'un tableau de compression médullaire. Au niveau rachidien, le siège métastatique peut être osseux souvent confirmé par les clichés radiologiques standard, mais aussi intracanalaire épidural nécessitant la pratique d'un bilan radiologique plus exhaustif (tomodensitométrie, imagerie par résonance magnétique nucléaire, myélographie). Nous relatons le cas d'une patiente de 73 ans présentant une épidurite métastatique étagée révélée par un syndrome de la queue de cheval. Nous soulignons d'une part l'intérêt de l'IRM dans le diagnostic de cette localisation secondaire, d'autre part les différentes modalités thérapeutiques concernant cette épidurite avec revue de la littérature. Mme G ..., 70 ans, est hospitalisée en avril 1991 pour hémoptysie brutale inaugurale de moyenne abondance, accompa- Le premier bilan radiologique objective une opacité lobaire droite de 35 mm de grand axe confirmée par la tomodensitométrie accompagnée d'adénopathies médiastinales. Une ponction transpariétale thoracique conclut à une prolifération adénocarcinomateuse peu différenciée. Le bilan d'extension (TDM cérébrale et abdomino-pelvienne) est négatif. Le dosage de l'ACE est à 25 ng/ml (normale inférieure à 5 ng/ml). En Mai 1991, une bilobectomie (lobe moyen et lobe inférieur droit) est pratiquée. La surveillance post-opératoire montre l'ascension progressive de l'ACE (de 19 à 86 ng/ml) sans corrélation tomodensitométrique jusqu'en février 1993, où la patiente consulte devant l'apparition de céphalées avec vomissements; le scanner cérébral retrouve des signes d'hydrocéphalie. Une dérivation ventriculo-péritonéale suivie d'une irradiation encéphalique (60 Gy en 10 séances) permet la disparition des symptômes et la stabilisation de la lésion. En novembre 1993, l'apparition d'une douleur sacroiliaque droite, d'une anesthésie en selle avec troubles sphinctériens fait pratiquer une IRM (figures 1 et 2) avec Figure 1: Figure 2: IRM : coupes sagittales médianes du rachis lombaire en séquences pondérées Tl avec gadolinium IV. Présence de deux nodules prenant le contraste en regard de L5-S 1 et de D Il de topographie intracanalaire épidurale. IRM : coupes sagittales médianes du rachis lombaire en séquences pondérées T2 (LCR blanc). Les nodules apparaissent en négatif au sein du LCR (effet myélographique). CAS CLINIQUE 96 B. VALENZA, J.M. FERRERO, L. VANESLANDE, P.Y. MARCY tique à partir d'un cancer pulmonaire non à petites cellules est l'association laminectomie-radiothérapie post-opératoi- clichés pondérés Tl, T2 avec et sans injection de Gadolinium, qui montre une prise de contraste nodulaire multifocale intra-canalaire dorsale et lombaire en regard de D4/D5, D8, DU, L5/5l, 52/53. Ces localisations intracanalaires, extra-médullaires correspondent à un essaimage métastatique par voie méningée (épidurite métastatique dorsa-lombaire étagée). Une irradiation de L4 à 52 (20 Gy en 5 séances) est délivrée en janvier 1994, suivie d'une chimiothérapie par CisPlatine- N avelbine mensuelle. re. L'évolution sous traitement est corrélée au statut neurolo- gique lors du diagnostic et à la précocité de la prise en charge thérapeutique. Tous traitements confondus, on retrouve sur une étude de 202 patients une préservation de la fonction déambulation chez 97% des patients qui marchaient avant le traitement et une restauration de la motricité chez 19% des patients paraplégiques avant traitement (2). Watson et coll. (3) confirment la place de l'IRM dans le bilan d'une métastase épidurale mais aussi dans la détection précoce de l'atteinte vasculaire vertébrale qui constitue un des premiers signes en faveur d'un processus métastatique local, l'occlusion de l'artère vertébrale conduisant au déficit neu- Après deux cycles de traitement, l'apparition de signes d'hypertension intracrânienne d'une hémiplégie droite et d'un état de mal convulsif conduit au décès de la patiente. rologique. Il propose une irradiation prophylactique sur les zones douloureuses rachidiennes, guidée par TDM, IRM, scintigraphie, pour prévenir la survenue d'une compression médullaire. DISCUSSION Le carcinome pulmonaire à petites cellules représente le type histologique le plus souvent responsable de compression médullaire métastatique. Cependant, l'adénocarcinome est également retrouvé dans environ 20% des cas; le rachis dorsal haut en est le site préférentiel. L'intervalle libre entre le diagnostic de la tumeur primitive et la métastase rachidienne est plus court lorsqu'il s'agit d'un carcinome à petites cellules (l mois) par rapport à l'adénocarcinome (12 mois) pulmonaire. La douleur rachidienne reste longtemps le maître symptôme et doit faire pratiquer, dans ce contexte, une IRM ou une myélographie à la recherche, en l'absence d'atteinte osseuse, d'une métastase épidurale retrouvée dans plus de 50% des cas. Le syndrome de la queue de cheval tumoral est le plus souvent induit par une tumeur primitive, les métastases représentant une étiologie plus rare. Devant une épi durite métastatique, l'IRM constitue l'examen radiologique de choix. Il est atraumatique (comparé à la myélographie), reproductible permettant de juger de la réponse au traitement par radiothérapie et/ou chimiothérapie. Elle constitue l'iconographie de choix avant un geste chirurgical localisé (laminectomie), permet d'explorer plusieurs segments rachidiens voire la totalité du rachis et d'effectuer un bilan complet des lésions devant une épidurite pluri étagée comme celle retrouvée dans le cas clinique decrit. CONCLUSION Le syndrome de la queue de cheval est rarement révélateur d'une épi durite métastatique. La récupération des fonctions sphinctériennes après traitement est d'autant plus difficile que le déficit neurologique est important au moment du diagnostic. L'association laminectomie-radiothérapie postopératoire semble être la meilleure association devant une atteinte mono-étagée. Dans notre cas clinique, l'épidurite étendue empêchait toute intervention chirurgicale. L'IRM permet le diagnostic positif d'une épidurite métastatique et de lésions osseuses infra-radiologiques. Elle participe au diagnostic précoce conduisant à une rapide prise en charge thérapeutique dont dépend l'amélioration clinique du patient. BIBLIOGRAPHIE _ 1 - DICSKON RA De plus l'IRM peut révéler des lésions osseuses contiguës ou à distance, asymptomatiques, non décelées par la radiographie conventionnelle. Le traitement de la compression médullaire métastatique au cours d'un cancer du poumon est très controversé. Pour Dickson (1), les formes déficitaires et/ou hyperalgiques doivent bénéficier systématiquement d'un geste chirurgical avec voie d'abord antérieure. La radiothérapie et/ou chimiothérapie sont indiquées lorsque les métastases sont pauci-symptomatiques, de découverte radiologique, ou lorsque le patient est inopérable. Pour Bach et coll. (2), le meilleur traitement d'une compression médullaire métasta- Cord compression and lung cancer. Br Med J, 1991,302,534-537. 2 - BACH F., AGERLIN N., SORENSEN J.B., RASMUSSEN T.B., DOMBERNOWSKY P., SORENSEN P.S., HENSEN RH. Metastatic spinal cord compression secondary to lung cancer. J Clin Oncol, 1992, 10, 1781-1787. 3 - WATSON P., SPIRO S.G., BARRETT-LEE P., HANSELL D.H., DEWISON D.M., FULLER R.W., COLLINS J.V. Managing spinal cord compression in small cells lung cancer. BrMedJ, 1991,302,103-105. 98