Rev.
sci.
tech.
Off.
int.
Epiz.,
1990, 9 (2), 315-329
Réponse immunitaire
au parasitisme interne
H.R.P. MILLER **
Résumé:
Ce rapport
sur
les
maladies
parasitaires internes aborde les
méthodes
du diagnostic sérologique, les mécanismes immunitaires chez
l'hôte
et
l'immunoprévention des
parasitoses
à protozoaires et à métazoaires chez les
animaux d'élevage. Les facteurs limitants du diagnostic sérologique sont la
spécificité et la
capacité
des animaux hôtes
à
produire une
réponse
suffisante
pour être
décelable.
La variété des
antigènes
est d'une complexité telle que la
méthode de choix, pour les helminthes, consiste à utiliser comme antigènes,
pour
l'épreuve
ELISA sur
microplaque,
des produits
d'excrétion
ou
de sécrétion
des
parasites.
De
même,
pour les protozoaires,
le diagnostic sérologique
est plus
facile si l'on ne retient que
quelques antigènes
immunodominants
sélectionnés
plutôt
que des extraits
du
parasite
entier.
Cependant,
le sérodiagnostic
ne permet
pas toujours de
déceler les
animaux parasités, surtout s'ils sont jeunes, en état
de malnutrition ou malades. Les
parasites
peuvent aussi moduler la réponse
de
l'hôte
et
échapper ainsi au dépistage
sérologique.
La production de protéines
parasitaires
recombinantes pures rend déjà plus facile
la détection sérologique
de plusieurs espèces
de
parasites,
et
l'utilisation
de
sondes
d'ADN recombinant
permet
à
présent de
révéler les
différences
interspécifiques
et intraspécifiques.
L'auteur étudie ensuite le
rôle central
des cytokines
inflammatoires,
protéines
régulatrices produites par
les cellules
T
«helper»,
dans la modulation des réponses
inflammatoires,
qu'elles
soient
protectrices
ou
préjudiciables.
Enfin,
il envisage
le contrôle génétique de la réponse immunitaire et son importance dans
l'immunoprévention, et présente
plusieurs innovations intéressantes concernant
la
production et les modalités d'administration des
vaccins
sous-unitaires.
MOTS-CLÉS : Cellules T - Complexe majeur d'histocompatibilité - Diagnose -
Immunité - Mœlle osseuse - Sondes d'ADN.
INTRODUCTION
Compte tenu de la complexité moléculaire des protozoaires et des métazoaires,
la réponse immunitaire de
l'hôte
ne saurait être simple. Cependant, l'étude des
parasites et de la réaction de
l'hôte
à l'infestation a permis d'améliorer
considérablement le diagnostic des parasitoses et d'ouvrir la voie à l'immunoprévention
de celles de ces maladies qui ont une importance économique ou des retentissements
sur la santé publique.
* Rapport présenté à la 57e Session générale de l'OIE, Paris, 22-26 mai 1989.
** Moredun Research Institute, 408 Gilmerton Road, Edimbourg EH17 7JH, Royaume-Uni.
316
Au nombre des maladies ayant une importance économique figurent des parasitoses
extrêmement variées : nématodoses, babésiose et hypodermose chez les bovins,
trichinellose chez les porcs et hémonchose chez les ovins. Cependant, étant donné
le grand nombre et la diversité des maladies abordées, nous traiterons essentiellement
des progrès immunologiques accomplis ces dernières années au profit des techniques
de diagnostic et d'immunoprévention de quelques-unes des parasitoses à protozoaires
et à métazoaires les plus importantes.
DIAGNOSTIC
Sérologie
Il est essentiel, pour le diagnostic des maladies parasitaires internes, de disposer
d'antigènes spécifiques des différentes espèces et/ou d'anticorps hautement
spécifiques. Comme les helminthes et les protozoaires contiennent des polypeptides,
des glycoprotéines et des glycolipides potentiellement antigéniques par milliers, dont
beaucoup sont également présents dans des espèces ou des embranchements non
apparentés, voire chez certaines bactéries, la mise au point de méthodes de diagnostic
suffisamment spécifiques a été très difficile.
En principe, les méthodes diagnostiques qui évitent les opérations fastidieuses ou
pouvant être dangereuses (numération des œufs de parasites dans les fèces, frottis
sanguins et biopsies tissulaires par exemple) sont celles qui permettent de tester un
grand nombre d'échantillons de sérum par une technique ELISA sur microplaque
ou par dosage radio-immunologique. Le diagnostic immunologique par recherche
des antigènes parasitaires solubles dans les fèces ou par biopsies tissulaires, est aussi
possible lorsque les titrages d'anticorps, surtout si on utilise des anticorps
monoclonaux, sont suffisamment spécifiques.
Le premier progrès dans le diagnostic des helminthoses a été accompli lorsqu'on
a constaté que les antigènes excrétés ou sécrétés (ES) par le parasite in vitro étaient
généralement moins complexes que les antigènes somatiques (25). Ainsi, la culture
in vitro de larves de Trichinella spiralis au stade de l'encapsulement, dans un milieu
bien défini, a permis d'obtenir des antigènes qui se fixent aux plaques ELISA en phase
solide, ce qui donne une méthode fiable et précise pour déceler les anticorps sériques
(38) ; cette technique est applicable au dépistage chez les porcs à l'abattoir. L'emploi
d'antigènes ES de Toxocara canis L3 pour déceler la larva migrans viscérale due à
T. canis chez l'homme et pour la distinguer d'autres helminthoses
s'est
également
révélé fructueux (15).
Le diagnostic des cestodoses
s'est
révélé par contre plus difficile. Les métacestodes
se développent dans les tissus et ne peuvent être décelés à l'autopsie. C'est pourquoi
de nombreux efforts ont été déployés pour rechercher une méthode de diagnostic
sérologique. L'une des principales difficultés tient à ce que que les antigènes ES de
plusieurs espèces de Taenia présentent des réactions croisées (52), encore que les
antigènes des métacestodes aient donné de meilleurs résultats pour le diagnostic de
T. saginata chez les bovins (19). Le diagnostic sérologique de l'hydatidose chez
l'homme est également rendu difficile par les réactions croisées des antigènes et l'une
des approches consiste à identifier les antigènes uniques par immunocapture
(«immunoblotting») comparative. Cependant, lorsqu'on tente de diagnostiquer une
317
cestodose, on se heurte entre autres à l'aptitude du parasite à moduler la réponse
immunitaire de l'hôte, comme le montrent un certain nombre de paramètres
immunologiques, dont une anomalie de la mitose des lymphocytes du sang
périphérique (Barrientos, Sanchez et Esponda, communication non publiée). On sait
qu'il n'y a pas nécessairement une très bonne corrélation entre le tableau clinique
et le diagnostic immunologique de l'hydatidose (25), sans doute à cause de cette
modulation de la réponse immunitaire.
Des épreuves sérologiques ont également été mises au point pour les infestations
à trématodes, notamment pour la distomatose et la bilharziose, en utilisant divers
produits obtenus par excrétion ou sécrétion, mais aucune épreuve diagnostique
parfaitement fiable n'a encore été mise au point à
ce
jour (25). Néanmoins, la recherche
de la fasciolose chez les bovins en utilisant des antigènes ES permet un diagnostic
plus précoce qu'avec les antigènes somatiques (Pfister, communication non publiée),
encore que les antigènes somatiques aient été utilisés avec succès dans des enquêtes
sur la fasciolose effectuées sur le terrain en France (4). Des produits d'excrétion ou
de sécrétion de larves de stade I d'Hypoderma bovis sont également employés pour
diagnostiquer l'hypodermose, bien que la nature saisonnière de cette parasitose limite
la période optimale pendant laquelle les anticorps spécifiques sont décelables par la
méthode ELISA (5).
Globalement, grâce à l'emploi d'antigènes ES, on a pu mettre au point des
techniques ELISA sensibles et automatisées, mais il faut savoir que la précision et
la sensibilité du diagnostic sérologique exigent que soient réunies trois conditions :
1.
Les antigènes utilisés doivent être exclusivement spécifiques de l'espèce
parasitaire recherchée.
2.
La parasitose doit provoquer des réponses immunitaires traduisant la sévérité
de l'infestation.
3.
Les antigènes parasitaires sécrétés in vivo ne doivent pas entraîner de déplétion
significative des anticorps circulants.
Les progrès accomplis sont cependant tels que les techniques faisant appel à l'ADN
recombinant permettent de cloner les antigènes ES intéressants. C'est ainsi que
plusieurs polypeptides ES de schistosomes ont pu être clonés et exprimés (25), de même
qu'un produit ES de T. spiralis L1 (voir ci-après). Ces développements permettront
la production massive d'antigènes purs nécessaire au diagnostic sérologique, tout en
assurant un degré de spécificité encore jamais atteint ; l'hypothèse de départ étant
que les produits ES d'une espèce parasitaire donnée contiennent au moins un
polypeptide qui possède des caractéristiques antigéniques uniques, dont le pouvoir
immunogène s'exerce lors d'une infestation naturelle et qui, en tant que recombinant,
conserve son pouvoir antigénique. Cette hypothèse peut, cependant, n'être pas vérifiée
dans le cas des cestodoses (voir ci-dessus).
Malgré le recours à des technologies complexes, l'interprétation diagnostique des
résultats sérologiques se heurte à de nombreux écueils. Ainsi, si l'on teste un sérum
lors des stades précoces d'une parasitose, avant que l'hôte ne présente de réaction
immunologique ou, plus important encore, si l'on examine un échantillon sérique
provenant d'un hôte jeune, dépourvu de défenses immunitaires ou en état de
malnutrition, incapable de sécréter des anticorps sériques, on peut obtenir une réponse
négative en présence d'une infestation sévère. De même, la modulation de l'immunité
318
de l'hôte par les parasites eux-mêmes risque de donner lieu à des résultats faussement
négatifs. Enfin, le choix de l'antigène test dépend des antigènes disponibles, ce qui
fait que l'on utilise souvent un antigène préparé à partir de stades larvaires précoces
des helminthes les plus faciles à mettre en culture. Ce type d'antigène ne permet pas
toujours de poser un diagnostic fiable.
Les principes de la sérologie des protozooses telles que la babésiose sont similaires
à ceux qui s'appliquent aux helminthoses. Les essais de simplification destinés à mettre
au point des épreuves adaptées au terrain, utilisant l'agglutination sur cartes, se révèlent
assez prometteurs (Barrientos, Sanchez et Esponda, communication non publiée).
L'une des difficultés du diagnostic sérologique est liée à la présence d'anticorps
colostraux dans le sérum des veaux allaités par des vaches immunes. Là encore, pour
être fiable, une technique de diagnostic sérologique, applicable sur le terrain, requiert
la production, en quantité suffisante, d'antigènes purs ne présentant pas de réactions
croisées. Etant donné les complications qu'impliquent le transfert maternel
d'immunoglobulines et la spécificité du stade de l'antigène choisi, il est nécessaire
par ailleurs d'avoir de bonnes connaissances épidémiologiques sur la maladie et de
comprendre le cycle du parasite pour interpréter les résultats.
Tandis que la babésiose peut être décelée en examinant des frottis sanguins, d'autres
protozooses sont plus difficiles à diagnostiquer ; c'est le cas, par exemple, des zoonoses
telles que la toxoplasmose et la cryptosporidiose, qui sont des maladies très dangereuses
pour la santé publique. Le diagnostic sérologique de Toxoplasma gondii est facile
à établir par dosage radio-immunologique (14) lorsque l'animal hôte est infecté depuis
plusieurs semaines. La présence d'antigènes dans le sang peut cependant être aussi
décelée au cours de la phase précoce de la toxoplasmose aiguë par la méthode ELISA
(2),
qui permet également de détecter les complexes immuns circulants (46). Etant
donné que la cryptosporidiose constitue généralement un problème chez le très jeune
animal, la meilleure méthode de diagnostic reste probablement l'examen des matières
fécales. L'incidence de Sarcocystis, dont plusieurs souches sont pathogènes, est
également élevée chez les bovins ; des épreuves diagnostiques sont par conséquent
en cours d'étude.
Techniques faisant appel à l'ADN recombinant
Des innovations extrêmement intéressantes sont apparues dans l'utilisation de
l'ADN recombinant pour la mise au point de méthodes sensibles et fiables pour le
diagnostic des maladies parasitaires. Le principal avantage de cette approche est de
permettre la détection des différences génétiques interspécifiques et intraspécifiques.
Des sondes d'hybridation ADN ont été mises au point à partir de séquences d'ADN
répétitives uniques de T. spiralis qui, après analyse des polymorphismes de restriction,
permettent de distinguer les sous-espèces parasitaires dotées d'un pouvoir infestant
différent chez le porc (11). Des variations génétiques intraspécifiques similaires ont
été décelées par cette technique sur des souches de Taenia solium isolées en Inde,
au Mexique et au Zimbabwe (41), ainsi qu'entre une filaire de l'homme, Brugia malayi,
et son équivalent chez l'animal, B. pahangi (49). B. malayi et B. pahangi, qui sont
transmis par le même moustique, sont des espèces très étroitement apparentées, les
séquences d'ADN hautement répétitives présentant également une très forte homologie
globale. Il existe cependant de petites régions où les séquences divergent (49) et les
oligonucléotides à chaîne courte qui présentent une divergence de séquences de 35
à 40 % fournissent des sondes dotées d'une haute spécificité d'espèce (49).
319
Les techniques faisant appel à l'ADN recombinant ont, par conséquent, un grand
potentiel diagnostique pour révéler et identifier les variations intraspécifiques et
interspécifiques, ce qui ne serait pas possible à
l'aide
des méthodes immunologiques.
De même, la découverte de la réaction d'amplification enzymatique, qui permet
d'amplifier de très petites quantités d'ADN, facilitera grandement la recherche
d'endoparasites ou d'hémoparasites.
RÉACTIONS IMMUNITAIRES AUX PARASITES
Cellules T, cytokines, et immunopathologie
Deux sous-groupes principaux de cellules T, le phénotype T «helper» (Th) et les
cellules T cytotoxiques/suppressives, ont été identifiés chez la plupart des mammifères.
Grâce aux nouvelles techniques de biologie moléculaire, il a été établi qu'une fois
activées, les cellules T sécrètent toute une série de glycoprotéines régulatrices, connues
sous le nom de lymphokines, ou cytokines. Ces dernières assurent la régulation à
la fois de la réponse immunitaire et des processus inflammatoires (Tableau I).
Lorsqu'elles sont liées à des récepteurs spécifiques de la surface cellulaire, les cytokines
modulent la croissance, la différenciation ou le fonctionnement des cellules portant
ces récepteurs, qui proviennent en grande partie de la mœlle osseuse et qui
interviennent dans les processus inflammatoires.
TABLEAU
I
Cytokines sécrétées par les cellules T «helper»
et intervenant dans le processus inflammatoire *
Nom
Source Effet inflammatoire
Interleukine 6 Cellules Th Augmentation de la population de
(IL6) Monocytes cellules-souches médullaires
Macrophages
Fibroblastes
Interleukine 3 Cellules Th Facteur de croissance des cellules-souches
(IL3) + stimulation de la différenciation des mastocytes
Interleukine 4 Cellules Th Facteur de croissance des mastocytes
(IL4) + stimulation de la production d'IgG1 et
d'IgE
Interleukine 5 Cellules Th Stimulation de la différenciation
(IL5) des éosinophiles et de la production
d'IgA
Facteur stimulant Cellules Th Croissance/différenciation des précurseurs des
les colonies de Macrophages neutrophiles et des macrophages et activation
polynucléaires et Fibroblastes des macrophages à maturité
de macrophages
(GM-CSF)
Interféron-7 Cellules Th Antagonisme de l'hématopoïèse assurée par
(IFN-7)
l'intermédiaire de l'IL3/GM-CSF mais activation
(IFN-7)
des macrophages
*
Cette liste de lymphokines n'est pas complète et n'a été présentée qu'à titre d'illustration pour montrer
que
certaines cytokines, sécrétées par les cellules T «helper», jouent un rôle majeur dans les réponses
aux
agents pathogènes, en induisant une hématopoïèse inflammatoire. Leur rôle dans les parasitoses
commence
seulement à être mieux compris.
1 / 15 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !