rien n’indique la présence d’un disque
ni de jets. Ainsi, le quotient entre le
nombre de T Tauri avec raie et le
nombre de T Tauri sans raie est une
bonne approximation de la proportion
de disques dans une population stellaire
d’un âge donné. Ce rapport diminue
avec l’âge des amas stellaires étudiés :
50 pour cent dans le nuage de rho
Ophiucus (âgé d’un million d’années),
dix pour cent dans l’amas TW de
l’Hydre (dix million d’années) et prati-
quement nul dans les amas plus évolués
comme celui des Pléiades (100 millions
d’années). Le temps de vie moyen des
disques autour d’étoiles jeunes serait
donc d’environ dix millions d’années.
Depuis une quinzaine d’années, les
astronomes ont aussi détecté des disques
autour d’étoiles plus âgées et générale-
ment plus massives. Leurs caractéris-
tiques physiques sont cependant bien
différentes de celles des disques autour
d’étoiles jeunes. Leur masse est 100 à
1000 fois inférieure et ils sont pratique-
ment transparents au rayonnement
visible. Leur observation est due à la
réflexion de la lumière de l’étoile cen-
trale sur les grains de poussière du
disque. Cette transparence est caractéris-
tique de l’âge : lorsque le réservoir ini-
tial de gaz et de poussières s’est vidé sur
l’étoile, il ne subsiste du disque qu’un
résidu constitué essentiellement de pous-
sières, similaire à la poussière zodiacale
que l’on observe dans le plan des pla-
nètes du Système solaire.
La proportion d’étoiles jeunes pos-
sédant un disque est sensiblement la
même pour les étoiles isolées et pour
les systèmes binaires. Dans ces der-
niers, la structure des disques est néan-
moins assez différente. Ainsi, lorsque
les deux étoiles sont distantes de
quelques dizaines d’unités astrono-
miques, on constate la présence de deux
disques tronqués autour de chacune des
étoiles, ainsi que celle d’un anneau de
gaz et de poussières ceinturant l’en-
semble du système binaire. C’est le cas,
par exemple, du système GG Tauri,
l’un des premiers découverts. Un autre
système binaire, UY Aurigae, possède
un tel anneau «circumbinaire», alors
que les deux étoiles sont séparées de
130 unités astronomiques (trois fois la
distance Soleil-Pluton)! Ces résultats
corroborent le scénario global de la for-
mation des étoiles isolées et multiples :
le nuage parental qui s’effondre et se
fragmente conserve une partie de son
moment cinétique, de sorte qu’il se
forme des disque circumstellaires et des
anneaux circumbinaires.
Le cocon initial
des planètes
Les disques autour des étoiles jeunes
sont souvent qualifiés de disques proto-
planétaires, car nous pensons qu’ils
constituent le cocon initial où les pla-
nètes se forment. Notons cependant
qu’il ne s’agit que d’une hypothèse :
aucune observation n’a encore permis
de détecter avec certitude la présence de
corps protoplanétaires. Toutefois, les
scénarios de formation du Système
solaire se fondent sur la présence d’un
réservoir de gaz et de poussières issus
de ces disques expliquant, entre autres,
que toutes les planètes orbitent dans le
même plan. Dans cette hypothèse, les
disques évolués abriteraient des planété-
simaux plus au moins gros, semblables
aux comètes de notre Système solaire.
Dans le spectre de certaines étoiles
entourées de disques apparaissent en effet
des raies d’absorption transitoires d’élé-
ments comme le fer ou le calcium. De
même que certaines espèces chimiques
contenues dans les comètes se subliment
à l’approche du Soleil, le fer ou le cal-
cium se subliment lorsqu’ils passent près
d’une étoile. Les raies transitoires résulte-
raient de l’absorption de lumière stellaire
par le gaz issu de cette sublimation. La
découverte récente d’un disque de pous-
sières autour de l’étoile iota Horlogii, une
étoile qui possède une exoplanète détec-
tée pas spectroscopie, renforce cette
hypothèse (voir la figure 5).
S’il semble y avoir consensus pour
admettre que des disques évolués abri-
tent en leur sein des planètes, le mys-
tère reste entier sur le scénario de for-
mation de ces corps célestes. Les pla-
nètes se forment-elles lorsque l’activité
d’accrétion cesse? Ou bien avant, dans
les disques d’étoiles jeunes? Pour
répondre à ces questions, les astro-
nomes essaient de comparer les condi-
tions physiques observées dans les
disques d’étoiles jeunes avec les condi-
tions indispensables pour que se forme
une nébuleuse primitive ayant donné
naissance à notre Système solaire.
Cette comparaison reste pour l’instant
difficile, car les observations actuelles
fournissent peu de renseignements sur
les 30 premières unités astronomiques,
là où se trouvent les planètes de notre
Système solaire.
La découverte des premières pla-
nètes extrasolaires a d’ailleurs remis
en cause les scénarios de formation des
planètes. En effet, avant la découverte de
la planète autour de l’étoile 51 Pegasi,
les astronomes avaient pour habitude de
prendre notre Système solaire comme
référence. Or, dans celui-ci, les planètes
géantes sont situées au-delà de cinq
unités astronomiques, relativement loin
du Soleil. Dans le cas de 51 Pegasi et
de nombreuses autres planètes extraso-
laires, la planète a une masse compa-
rable à celle de Jupiter, et pourtant,
elle orbite très près de l’étoile, souvent
à moins d’un dixième d’unité astrono-
mique de l’étoile (cinq centièmes
d’unité astronomique, pour 51 Pegasi)
soit 100 fois plus près que ce à quoi
s’attendaient les astronomes! L’une
des explications avancées consiste à
supposer que la planète se forme rela-
tivement loin de l’étoile et qu’elle
migre ensuite à travers le disque, sous
l’effet de frictions, pour se rapprocher
de l’étoile. Pourquoi ce ne fut pas le
cas de Jupiter et de Saturne reste
aujourd’hui un mystère. Cette migra-
tion n’est possible qu’au sein d’un
disque relativement massif, comme
ceux que l’on observe autour des
étoiles jeunes. Si cette hypothèse est
juste, les planètes se formeraient bien
dans les disques d’étoiles jeunes qui
mériteraient alors le nom de disques
protoplanétaires.
88 © POUR LA SCIENCE
Jérôme BOUVIER et Fabien MALBET sont
chercheurs (CNRS) au Laboratoire d’astro-
physique de l’Observatoire de Grenoble.
Benoît VILLENEUVE, Étoiles : la vie de couple,
in Ciel et Espace, vol. 336, p. 68, 1998.
5. DISQUE DE POUSSIÈRE autour de iota
Horlogii, une étoile qui possède une planète.
À gauche, l’étoile est dissimulée par un
cache. La tache importante résulte de la
lumière réfléchie par les grains de poussière
d’un disque situé autour de l’étoile. À droite,
la même observation d’une étoile de réfé-
rence, qui ne possède pas de disque.
ESO
50 UNITÉS ASTRONOMIQUES