L
es étoiles n’aiment pas la soli-
tude des grands espaces. La
plupart se forment et évoluent
en couple, tournant l’une
autour de l’autre suivant les lois de
Kepler. L’origine de ces systèmes
binaires se situe au cœur même du
mécanisme de formation des étoiles.
Initialement monolithique, le nuage
moléculaire parental devient instable : il
s’effondre et se scinde alors en plu-
sieurs fragments, dont chacun est une
étoile putative. Les fragments protostel-
laires, confinés dans un espace réduit,
interagissent : les moins massifs sont
expulsés, et il ne subsiste finalement
que deux protoétoiles, plus rarement
trois ou quatre, liées entre elles par la
gravité. Une étoile double, voire triple
ou quadruple, est née.
À ce stade, âgées de 100000 ans
seulement, les étoiles de ces systèmes
multiples sont encore profondément
enfouies dans les lambeaux du nuage
initial. Chacune est entourée d’un vaste
cocon de gaz et de poussières qui, sous
l’effet de l’attraction gravitationnelle,
contribuera à leur croissance en étant
inexorablement drainé vers leur surface.
Toutefois, l’enveloppe résiduelle ne peut
tomber directement vers l’étoile cen-
trale. Comme tout objet dans l’Univers,
l’enveloppe gazeuse est animée d’un
mouvement de rotation sur elle-même,
dont l’amplitude croît à mesure qu’elle
s’effondre, par conservation du moment
cinétique (de même qu’un patineur qui
tourne sur lui-même accélère lorsqu’il
rapproche ses membres du corps). La
force centrifuge qui en résulte conduit à
un renflement équatorial de l’enveloppe
et dirige la matière en chute libre dans
un plan autour de l’étoile centrale, for-
mant ainsi un disque circumstellaire.
Qu’elles soient isolées ou membres
de systèmes multiples, les étoiles se
forment ainsi par le jeu des méca-
nismes d’effondrement d’un nuage
moléculaire en rotation, d’instabilités
qui conduisent à sa fragmentation et,
finalement, par accrétion du disque et
de l’enveloppe résiduels sur la proto-
étoile. Durant les quelques millions
d’années qu’il faut à l’enveloppe pro-
tostellaire et au disque circumstellaire
pour disparaître, d’éventuelles planètes
se sont formées par agglomération des
matériaux du disque. L’étoile atteint
alors sa masse finale, qui détermine
son évolution ultérieure, et possède
peut-être un système planétaire,
comme ce fut le cas pour le Soleil.
Comment affiner ce schéma global
de formation des étoiles, des systèmes
multiples et des planètes? En étudiant
l’environnement des étoiles jeunes, aussi
bien par la modélisation que par l’obser-
vation. D’une part, les modèles numé-
riques, toujours plus puissants, éclairent
d’un jour nouveau les mécanismes de
fragmentation lors de l’effondrement
gravitationnel. C’est ainsi que l’applica-
tion de nouvelles méthodes numériques a
mis en évidence le déclenchement de la
fragmentation des nuages pour une vaste
gamme de conditions initiales. D’autre
part, les observations de plus en plus per-
formantes, notamment grâce aux tech-
niques d’optique adaptative et d’interfé-
rométrie, valident les modèles de
protoétoiles, de disques et d’enveloppes
84 © POUR LA SCIENCE
L’environnement
des étoiles jeunes
Jérôme BOUVIER et Fabien MALBET
Compagnons, disques et planètes, l’environnement
des étoiles jeunes est d’une richesse insoupçonnée.
150 ANNÉES-LUMIÈRE
NUAGE MOLÉCULAIRE EFFONDREMENT
104ans
FRAGMENTATION
3 ANNÉES-LUMIÈRE 0,3 ANNÉE-LUMIÈRE
abc
autour des étoiles isolées et des systèmes
multiples. C’est en étudiant ces environ-
nements lointains que nous compren-
drons comment notre Système solaire est
né et que nous estimerons le nombre de
systèmes planétaires dans la Galaxie.
Systèmes multiples
Depuis le début des années 1990, les
performances des instruments permet-
tent de détecter la présence de compa-
gnons stellaires autour d’étoiles que
l’on croyait solitaires. Deux méthodes
complémentaires, la spectroscopie et
l’imagerie à haute résolution, contri-
buent à cette connaissance. La spectro-
scopie à haute dispersion mesure le
mouvement orbital des systèmes
binaires qui se reflète directement dans
le décalage Doppler des raies spectrales.
Quant à elle, l’imagerie à haute résolu-
tion angulaire permet de suivre le mou-
vement des deux étoiles sur leur orbite
respective. La combinaison des deux
méthodes, lorsqu’elle est possible, offre
une détermination complète des para-
mètres orbitaux : période, demi grand
axe des ellipses, inclinaison de l’orbite
sur le plan du ciel et même masses des
composantes du système.
Combinant spectroscopie et imagerie,
l’analyse d’un échantillon de plus d’une
centaine d’étoiles de même type que le
Soleil a ainsi révélé que plus de la moitié
d’entre elles ont un compagnon stellaire
de masse inférieure. Cette proportion de
systèmes multiples, très majoritairement
binaires, est quasiment la même pour les
étoiles semblables au Soleil (environ
60 pour cent sont membres de systèmes
multiples) et pour les étoiles de plus
faible masse (environ 40 pour cent).
Pourquoi une telle abondance de sys-
tèmes binaires? La proportion de binaires
est-elle la même parmi les
étoiles nouvellement for-
mées ou change-t-elle au
cours du temps? Plus fon-
damentalement, comment
prévoir, à partir d’un nuage
donné, si l’on aboutira à une étoile
isolée ou à un système multiple?
Pour répondre à ces questions, les
astronomes ont dénombré les systèmes
multiples en sondant quelques nuages
moléculaires qui hébergent des étoiles
âgées de quelques millions d’années au
plus. Les résultats sont en apparence
contradictoires. Dans la plupart des cas,
dont le nuage moléculaire d’Orion est un
exemple typique, la proportion de sys-
tèmes multiples est de l’ordre de 60 pour
cent, semblable à celle des étoiles plus
âgées. En outre, les binaires jeunes et
matures semblent partager les mêmes
propriétés orbitales : le logarithme de
leur période de révolution est distribué
selon une loi gaussienne, la courbe en
cloche, centrée sur une période de
170 ans, correspondant à une orbite
d’environ 30 unités astronomiques.
La vision cohérente de ces résultats,
suggérant un mécanisme universel de
formation et d’évolution des systèmes
binaires, indépendant de l’âge et des
conditions locales de formation, est en
réalité contredite par les résultats obte-
nus pour le nuage moléculaire du
Taureau. Dans cette région de formation
stellaire, l’une des mieux étudiées, la
quasi-totalité des étoiles sont des
binaires : la proportion de systèmes
multiples est supérieure à 80 pour cent.
Pourquoi ces différences? Selon un
des modèles actuels, la formation stel-
laire mènerait systématiquement à la
formation de systèmes multiples, consé-
quence de la fragmentation inévitable
du nuage initial. Dans ce scénario,
© POUR LA SCIENCE 85
105ans
PROÉTOILE ET DISQUE D’ACCRÉTION
1000 UNITÉS ASTRONOMIQUES
d
106ans
PROTOPLANÈTES
400 UNITÉS ASTRONOMIQUES
e
107ans
SYSTÈME PLANÉTAIRE
50 UNITÉS ASTRONOMIQUES
f
2. FORMATION DUN SYSTÈME DOUBLE.
Lorsqu’un fragment de nuage moléculaire (a)
atteint une masse critique, il s’effondre sous
l’action de sa propre gravité (b). Durant l’effon-
drement, des instabilités scindent le cœur du
nuage en plusieurs morceaux, chacun étant
une étoile (c). À l’issue de cette phase, un ou
plusieurs noyaux protostellaires se forment (d),
entourés d’un disque d’accrétion, de jets et
d’une enveloppe résiduelle. Par accrétion,
poussières et gaz s’agglomèrent en protopla-
nètes (e). Dix millions d’années après le
déclenchement de l’effondrement, les étoiles,
parfois accompagnées d’un système plané-
taire, atteignent leur masse finale.
QUANTITÉ DE LUMIÈRE
LONGUEUR D'ONDE (EN MICROMÈTRES)
RADIO
ULTRA-
VIOLET
INFRAROUGE
ÉTOILE
DISQUE
VISIBLE
T = 8 000 °CT = 4 500 °CT = 0 °CT = 250 °C
abc
0 0,1 1 10 100
1. UNE ÉTOILE JEUNE émet plus de rayon-
nement infrarouge et ultraviolet qu’une
étoile plus âgée de même type. Cet excès
résulte de la présence d’un disque. La zone
de contact entre le disque et la surface de
l’étoile est le siège de phénomènes violents,
et elle émet essentiellement dans l’ultravio-
let (a). Quand on s’éloigne de l’étoile, la
température du disque diminue et la lon-
gueur d’onde d’émission augmente (b, c).
L’étoile émet une lumière caractéristique à
environ 4500 °C, détectable dans le visible.
l’effondrement gravitationnel du nuage
créerait un ensemble de fragments
protostellaires, certains suffisamment
proches et massifs pour former des sys-
tèmes liés par la gravitation, futures
étoiles doubles. À l’issue de l’effondre-
ment, la proportion d’étoiles binaires
serait donc élevée, comparable à celle
qui est observée dans le nuage du
Taureau (80 pour cent).
La moindre proportion de binaires
dans le nuage d’Orion s’expliquerait
alors par une disparition des systèmes
multiples, en raison de la forte densité
stellaire de cette région (300 étoiles par
année-lumière cube pour Orion contre
0,3 étoile par année-lumière cube pour le
Taureau). La proportion initiale de
binaires dans ces régions serait égale-
ment élevée, mais elle aurait été rapide-
ment «érodée» par des interactions entre
protobinaires : une densité élevée favo-
rise en effet les interactions gravitation-
nelles destructrices entre protosystèmes.
Les simulations montrent qu’en moins
d’un million d’années, la proportion de
binaires initialement élevée est réduite à
celle qui est observée dans Orion.
Pour évocateur que soit ce modèle,
il est encore loin de décrire de manière
complète et cohérente la formation et
l’évolution des systèmes binaires et
leurs propriétés (distribution de période
orbitale, distribution des masses des
compagnons, excentricité, etc.). Les
autres pistes explorées évoquent notam-
ment une extrême sensibilité du méca-
nisme de fragmentation aux conditions
initiales de l’effondrement. Ainsi,
l’effet du champ magnétique interstel-
laire, la température locale du nuage
moléculaire, sa composition chimique et
peut-être d’autres propriétés perturbe-
raient, voire inhiberaient, la fragmenta-
tion d’un nuage en effondrement. La
moindre proportion de systèmes
binaires dans un tel nuage résulterait
alors des conditions initiales de la for-
mation et non de l’évolution dynamique
de la population protostellaire.
Seule une observation plus précise
pourra départager ces scénarios. Dès
cette année, de nouveaux instruments,
tel le système d’optique adaptative du
VLT (Very Large Telescope, soit «très
grand télescope»), au Chili, permettront
de voir les phases protostellaires
enfouies avec une résolution (la taille
des plus petits détails que l’on dis-
tingue) inégalée. Cette percée de
l’observation arrive au moment où le
raffinement croissant des simulations
hydrodynamiques laisse espérer une
meilleure compréhension des conditions
physiques favorables à la fragmentation.
L’observation des disques
circumstellaires
Les nuages moléculaires et les amas
d’étoiles jeunes comme le nuage du
Taureau, le nuage d’Orion ou, plus au
Sud, le nuage de rho Ophiuchus, consti-
tuent d’excellents laboratoires où les
astrophysiciens étudient non seulement
comment se forment les étoiles, mais
aussi comment peuvent se former les
systèmes planétaires. Ces nuages abri-
tent des étoiles dont la masse est com-
parable à celle de notre Soleil, mais
dont l’âge varie entre cent mille et dix
millions d’années. Les étoiles sont nom-
mées T Tauri, du nom de l’une d’entre
elles, l’étoile T du Taureau, découverte
en 1949. Progressivement, les astro-
nomes se sont doutés qu’une proportion
importante de ces étoiles possèdent des
disques.
Dans les années 1980, les premières
observations dans les domaines infra-
rouge et ultraviolet révèlent un excès de
luminosité de certaines étoiles à ces
longueurs d’onde comparées aux
étoiles plus âgées, mais de même type
spectral (voir la figure 2). Ces mêmes
étoiles ont en outre une importante
émission d’une raie de l’hydrogène
dans leur spectre (la raie H-alpha,
située dans le visible, à 650 nano-
mètres).
Le paradigme du disque d’accrétion
s’est alors rapidement imposé, la pré-
sence de matière en orbite qui tombe
lentement sur l’étoile sous l’effet de
frottements visqueux expliquant simul-
tanément les excès dans l’infrarouge et
dans l’ultraviolet ainsi que l’intensité de
la raie d’hydrogène. La température de
la matière circumstellaire décroît avec
la distance à l’étoile, car la dissipation
d’énergie par frottement est proportion-
nelle à la vitesse de rotation de la
matière, et celle-ci décroît avec la dis-
tance (de la même façon que les vitesses
orbitales des planètes décroissent avec
la distance au Soleil). Ainsi, la lumière
émise dans les parties externes du
disque sera plus rouge : le spectre aura
un excès d’émission infrarouge, ce que
reproduit assez bien ce modèle. Près du
bord interne du disque, la température
atteint plusieurs milliers de degrés,
notamment à l’endroit où la matière
heurte la surface de l’étoile créant un
excès d’émission lumineuse, aussi bien
dans l’ultraviolet que dans les raies de
la photosphère.
Le modèle de disque d’accrétion est
donc extrêmement séduisant pour inter-
préter une bonne partie des propriétés
exotiques des étoiles T Tauri. D’autres
propriétés, comme la forme de certaines
raies caractéristiques des vents stellaires,
ont étayé indirectement le modèle de
disque, mais c’est grâce aux techniques
86 © POUR LA SCIENCE
3. ÉCHANTILLONS DE DISQUES découverts depuis dix ans autour
d’étoiles jeunes : le disque autour de GM Aurigae observé dans le
domaine radio a l’aide de l’interféromètre du Plateau de Bure (a). Les
contours rouges et bleus mettent en évidence l’effet Doppler dû a la
rotation keplerienne de la matière. Un disque vu par le côté autour
de l’objet HH 30, détecté par le télescope spatial Hubble (b). Le
disque est si épais qu’il cache l’étoile centrale par une bande sombre.
Seules les parties supérieure et inférieure sont visibles, donnant au
système l’aspect d’un diabolo. Un jet bipolaire s’échappe de part et
d’autre du disque sous la forme d’un pinceau lumineux. Disque
autour de HV Tauri révélé par l’optique adaptative au télescope CFH
d’Hawaii (c), d’aspect similaire a celui de HH 30, mais plus compact.
A. Dutrey/IRAM
Ch. Burrows/NASA
J.-L. Monin et J. Bouvier
300 UNITÉS ASTRONOMIQUES 50 UA
300 UA
abc
d’observation à haute résolution angu-
laire (voir la figure 4) et aux observa-
tions menées par le télescope spatial
Hubble que les astronomes ont prouvé
l’existence de ces disques (voir la
figure 3).
Depuis cinq ans, nous cherchons à
caractériser les conditions physiques qui
règnent au sein des disques circumstel-
laires (distribution de matière, tempéra-
ture...). Les différentes parties du disque
sont sondées en utilisant différentes lon-
gueurs d’onde (voir la figure 2). Dans le
domaine des ondes millimétriques, la
résolution spatiale des interféromètres
radio est une seconde d’angle, ce qui
correspond à une distance de 150 unités
astronomiques pour les étoiles T Tauri
les plus proches, situées à environ
500 années-lumière. On obtient ainsi
des informations quantitatives sur les
parties externes du disque (voir la
figure 3a). Dans le domaine visible et
infrarouge, les observations du téles-
cope spatial et celles de l’optique adap-
tative sur les plus grands télescopes au
sol permettent de gagner un facteur dix
en résolution angulaire (voir la figure 4)
et fournissent, entre autres, une détermi-
nation directe du rayon des disques cir-
cumstellaires de l’ordre de 50 à 100 uni-
tés astronomiques, comparable à la
taille du Système solaire.
En 1998, un nouveau pas a été fran-
chi avec les interféromètres infrarouges
à la résolution accrue (une milliseconde
d’angle, soit 0,15 unité astronomique),
qui ont permis de résoudre les régions
les plus internes du disque révélant la
zone d’émission thermique directement
responsable de l’excès infrarouge.
À terme, grâce à ces observations de
l’environnement très proche des étoiles
T Tauri, les astronomes mesureront
directement la variation de température
et de densité des disques, la distance
entre le bord interne du disque et
l’étoile, et analyseront leur structure
verticale. Pour l’instant, c’est la compa-
raison des résultats d’observation avec
des modèles qui permettent l’affinement
de ces derniers afin d’en déduire les
paramètres physiques des disques.
Toutefois, les solutions sont parfois
ambiguës. Par exemple, une variation
de la température en fonction de la dis-
tance à l’étoile moins rapide que celle
qui est prévue par le modèle d’accrétion
standard peut s’expliquer soit par un
épaississement du disque vers l’exté-
rieur, soit par une vitesse de rotation de
la matière autour de l’étoile légèrement
différente, soit encore par un prélève-
ment d’énergie dans les zones internes
du disque dû à l’éjection de matière
dans un jet bipolaire.
L’apport des nouveaux instruments
comme le VLTI et, plus tard, ALMA, le
grand interféromètre millimétrique qui
sera installé au Chili, sera décisif pour
établir précisément les conditions ini-
tiales qui prévalaient lors de la forma-
tion du Système solaire.
Les disques durent
Si de nombreuses étoiles jeunes ont tous
les symptômes d’un disque d’accrétion,
un nombre à peu près équivalent en
semble dépourvu, ne possédant ni excès
de luminosité dans les domaines ultra-
violet et infrarouge, ni raie d’hydrogène
particulièrement intense. Pour ces
étoiles T Tauri sans raie d’hydrogène,
© POUR LA SCIENCE 87
SYSTÈME
SOLAIRE
URANUS
SATURNE PLUTON
MARS
MARS VÉNUS
JUPITER
JUPITER
URANUS SATURNE
TERRE TERRE
MERCURE
TERRE
SYSTÈME SOLAIRE PLACÉ À 500 ANNÉES-LUMIÈRE
4. ÉVOLUTION DE LA RÉSOLUTION DES TÉLESCOPES depuis le
XVIIesiècle. La haute résolution angulaire est nécessaire à l’observa-
tion des étoiles en formation. La taille des détails que l’on distingue
avec les différents instruments (la résolution) est représentée par les
carrés plus clairs. En corrigeant les effets de la turbulence atmosphé-
rique sur les plus grands télescopes au sol, les astronomes gagnent
un facteur 1000 par rapport à la résolution de l’œil et observent
des régions dont la taille correspond à celle du Système solaire
placé à 500 années-lumière. Pour augmenter la résolution d’un fac-
teur 20, il faudrait construire des télescopes de 100 mètres de dia-
mètre, ce qui est techniquement très difficile. On obtient cette réso-
lution en mélangeant la lumière, issue de la même étoile, recueillie
par plusieurs télescopes plus petits séparés de plus de 100 mètres.
Dans cette technique d’interférométrie, le signal n’est plus une
image, mais l’interférence engendrée par la lumière qui provient de
plusieurs télescopes.
LUNETTE DE GALILÉE
(1609)
DIAMÈTRE : 2 cm
RÉSOLUTION : 5’’
GROSSISSEMENT : × 4
TÉLESCOPE DE NEWTON
(1671)
DIAMÈTRE : 10 cm
RÉSOLUTION : 1’’
GROSSISSEMENT : × 20
HUBBLE
(1990)
DIAMÈTRE : 2 m
RÉSOLUTION : 0,1’’
GROSSISSEMENT : × 200
KECK
(2000)
DIAMÈTRE : 10 m
RÉSOLUTION : 0,02’’
GROSSISSEMENT : × 1000
VLTI
(2003)
SÉPARATION: 200 m
RÉSOLUTION : 0,001’’
GROSSISSEMENT : × 20000
rien n’indique la présence d’un disque
ni de jets. Ainsi, le quotient entre le
nombre de T Tauri avec raie et le
nombre de T Tauri sans raie est une
bonne approximation de la proportion
de disques dans une population stellaire
d’un âge donné. Ce rapport diminue
avec l’âge des amas stellaires étudiés :
50 pour cent dans le nuage de rho
Ophiucus (âgé d’un million d’années),
dix pour cent dans l’amas TW de
l’Hydre (dix million d’années) et prati-
quement nul dans les amas plus évolués
comme celui des Pléiades (100 millions
d’années). Le temps de vie moyen des
disques autour d’étoiles jeunes serait
donc d’environ dix millions d’années.
Depuis une quinzaine d’années, les
astronomes ont aussi détecté des disques
autour d’étoiles plus âgées et générale-
ment plus massives. Leurs caractéris-
tiques physiques sont cependant bien
différentes de celles des disques autour
d’étoiles jeunes. Leur masse est 100 à
1000 fois inférieure et ils sont pratique-
ment transparents au rayonnement
visible. Leur observation est due à la
réflexion de la lumière de l’étoile cen-
trale sur les grains de poussière du
disque. Cette transparence est caractéris-
tique de l’âge : lorsque le réservoir ini-
tial de gaz et de poussières s’est vidé sur
l’étoile, il ne subsiste du disque qu’un
résidu constitué essentiellement de pous-
sières, similaire à la poussière zodiacale
que l’on observe dans le plan des pla-
nètes du Système solaire.
La proportion d’étoiles jeunes pos-
sédant un disque est sensiblement la
même pour les étoiles isolées et pour
les systèmes binaires. Dans ces der-
niers, la structure des disques est néan-
moins assez différente. Ainsi, lorsque
les deux étoiles sont distantes de
quelques dizaines d’unités astrono-
miques, on constate la présence de deux
disques tronqués autour de chacune des
étoiles, ainsi que celle d’un anneau de
gaz et de poussières ceinturant l’en-
semble du système binaire. C’est le cas,
par exemple, du système GG Tauri,
l’un des premiers découverts. Un autre
système binaire, UY Aurigae, possède
un tel anneau «circumbinaire», alors
que les deux étoiles sont séparées de
130 unités astronomiques (trois fois la
distance Soleil-Pluton)! Ces résultats
corroborent le scénario global de la for-
mation des étoiles isolées et multiples :
le nuage parental qui s’effondre et se
fragmente conserve une partie de son
moment cinétique, de sorte qu’il se
forme des disque circumstellaires et des
anneaux circumbinaires.
Le cocon initial
des planètes
Les disques autour des étoiles jeunes
sont souvent qualifiés de disques proto-
planétaires, car nous pensons qu’ils
constituent le cocon initial où les pla-
nètes se forment. Notons cependant
qu’il ne s’agit que d’une hypothèse :
aucune observation n’a encore permis
de détecter avec certitude la présence de
corps protoplanétaires. Toutefois, les
scénarios de formation du Système
solaire se fondent sur la présence d’un
réservoir de gaz et de poussières issus
de ces disques expliquant, entre autres,
que toutes les planètes orbitent dans le
même plan. Dans cette hypothèse, les
disques évolués abriteraient des planété-
simaux plus au moins gros, semblables
aux comètes de notre Système solaire.
Dans le spectre de certaines étoiles
entourées de disques apparaissent en effet
des raies d’absorption transitoires d’élé-
ments comme le fer ou le calcium. De
même que certaines espèces chimiques
contenues dans les comètes se subliment
à l’approche du Soleil, le fer ou le cal-
cium se subliment lorsqu’ils passent près
d’une étoile. Les raies transitoires résulte-
raient de l’absorption de lumière stellaire
par le gaz issu de cette sublimation. La
découverte récente d’un disque de pous-
sières autour de l’étoile iota Horlogii, une
étoile qui possède une exoplanète détec-
tée pas spectroscopie, renforce cette
hypothèse (voir la figure 5).
S’il semble y avoir consensus pour
admettre que des disques évolués abri-
tent en leur sein des planètes, le mys-
tère reste entier sur le scénario de for-
mation de ces corps célestes. Les pla-
nètes se forment-elles lorsque l’activité
d’accrétion cesse? Ou bien avant, dans
les disques d’étoiles jeunes? Pour
répondre à ces questions, les astro-
nomes essaient de comparer les condi-
tions physiques observées dans les
disques d’étoiles jeunes avec les condi-
tions indispensables pour que se forme
une nébuleuse primitive ayant donné
naissance à notre Système solaire.
Cette comparaison reste pour l’instant
difficile, car les observations actuelles
fournissent peu de renseignements sur
les 30 premières unités astronomiques,
là où se trouvent les planètes de notre
Système solaire.
La découverte des premières pla-
nètes extrasolaires a d’ailleurs remis
en cause les scénarios de formation des
planètes. En effet, avant la découverte de
la planète autour de l’étoile 51 Pegasi,
les astronomes avaient pour habitude de
prendre notre Système solaire comme
référence. Or, dans celui-ci, les planètes
géantes sont situées au-delà de cinq
unités astronomiques, relativement loin
du Soleil. Dans le cas de 51 Pegasi et
de nombreuses autres planètes extraso-
laires, la planète a une masse compa-
rable à celle de Jupiter, et pourtant,
elle orbite très près de l’étoile, souvent
à moins d’un dixième d’unité astrono-
mique de l’étoile (cinq centièmes
d’unité astronomique, pour 51 Pegasi)
soit 100 fois plus près que ce à quoi
s’attendaient les astronomes! L’une
des explications avancées consiste à
supposer que la planète se forme rela-
tivement loin de l’étoile et qu’elle
migre ensuite à travers le disque, sous
l’effet de frictions, pour se rapprocher
de l’étoile. Pourquoi ce ne fut pas le
cas de Jupiter et de Saturne reste
aujourd’hui un mystère. Cette migra-
tion n’est possible qu’au sein d’un
disque relativement massif, comme
ceux que l’on observe autour des
étoiles jeunes. Si cette hypothèse est
juste, les planètes se formeraient bien
dans les disques d’étoiles jeunes qui
mériteraient alors le nom de disques
protoplanétaires.
88 © POUR LA SCIENCE
Jérôme BOUVIER et Fabien MALBET sont
chercheurs (CNRS) au Laboratoire d’astro-
physique de l’Observatoire de Grenoble.
Benoît VILLENEUVE, Étoiles : la vie de couple,
in Ciel et Espace, vol. 336, p. 68, 1998.
5. DISQUE DE POUSSIÈRE autour de iota
Horlogii, une étoile qui possède une planète.
À gauche, l’étoile est dissimulée par un
cache. La tache importante résulte de la
lumière réfléchie par les grains de poussière
d’un disque situé autour de l’étoile. À droite,
la même observation d’une étoile de réfé-
rence, qui ne possède pas de disque.
ESO
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