“Il était une fois la République espagnole…” Pourquoi la Région Midi-Pyrénées réalise-t-elle cette exposition ? Parce que, depuis des siècles, l’Espagne habite aussi chez nous. Que ce soit au sud ou au nord de la chaîne des Pyrénées, le destin de nos deux pays a toujours été étroitement lié par le biais d’immigrations successives. Le 14 avril 1931, le peuple d’Espagne, exsangue au terme de sept ans de dictature, instaure par des élections démocratiques, sa IIe République. La France en est, pour sa part, à la IIIe République. À ses débuts, la jeune République espagnole s’inspire de son aînée française, patrie des droits de l’Homme, dirigée par le Président Albert Lebrun. Elle sera très vite balayée par un coup d’État militaire. Après trois ans d’une guerre civile qui met l’Espagne à feu et à sang, 500 000 réfugiés espagnols fuient le franquisme. Beaucoup choisissent comme seconde patrie la France et s’installent en majorité en Midi-Pyrénées où ils se sont très bien intégrés. Ces femmes et ces hommes ont durablement marqué notre région. Ils sont entrés dans l’histoire de Midi-Pyrénées. Il est légitime de leur rendre hommage et d’informer la jeunesse, qui, pour partie, est l’héritière de ce passé. Avec le temps, cette histoire s’est inscrite dans le patrimoine de nos deux pays. C’est en Midi-Pyrénées que se sont fortifiées les institutions démocratiques de l’Espagne actuelle. Les partis politiques, les syndicats, les artistes, la presse en exil s’y sont développés. Ils ont entretenu l’esprit de l’Espagne démocratique et le lien avec la résistance intérieure contre Franco. Midi-Pyrénées a été un port d’attache, un conservatoire de l’idée républicaine espagnole, une plate-forme pour la démocratie au pouvoir aujourd’hui en Espagne. Après l’hommage solennel rendu le 19 novembre à l’Hôtel de Région en présence des acteurs et des témoins de la Retirada, et comme je m’y étais engagé, le Conseil Régional poursuit logiquement son travail de mémoire et d’information auprès des jeunes avec cette exposition. Cela aussi relève de la mission des responsables politiques. Martin Malvy Ancien Ministre, Président de la Région Midi-Pyrénées Toulouse, capitale de la Région Midi-Pyrénées est aussi la terre d’accueil des démocrates espagnols et devient ainsi la “Capitale” de l’exil républicain espagnol de 1939. L’activité culturelle et politique des réfugiés espagnols y sera très importante jusqu’au retour de la démocratie en Espagne. ■ Le Cinéma Espoir au 69 rue du Taur est un des lieux emblématiques de l’histoire de l’exil républicain en Midi-Pyrénées. Il est utilisé par les réfugiés espagnols comme salle de réunion politique et centre culturel (théâtre, cinéma…). ■ Le PSOE en exil établit également son siège au 69 rue du Taur. ■ Le syndicat UGT occupe des locaux voisins au 4 rue du Taur. ■ La CNT établit son siège au 4 rue Belfort, local qu’elle partage avec “l’Agrupacion” d’ex-combattants espagnols. ■ Le PCE utilise le plus souvent pour ses réunions la Bourse du travail, place Saint Sernin. ■ Le POUM utilise le local du Casal Català et organise leur premier rassemblement populaire le 15 juillet 1945 à Toulouse. les Espagne une mosaïque culturelle et économique La société espagnole des années 1930 est une société en marge de l’Europe (40% d’analphabètes), où fermentent les futurs affrontements sociaux. Au-delà des décalages économiques —le nord à tendance industrielle et le sud plutôt rural— des différences culturelles et linguistiques subsistent entre la Catalogne, le Pays Basque, la Galice et les autres régions de l’Espagne (Castille, Andalousie et Estrémadure). Une réforme agraire indispensable Dans une Espagne fortement rurale mais qui s’est rapidement industrialisée depuis la Première guerre mondiale, s’opposent les grands propriétaires terriens, terratenientes, qui n’ont pas modernisé leurs pratiques agricoles, et une population grandissante de journaliers, braceros, paysans sans terre. La réforme agraire est donc une des priorités de la République. Son échec explique les drames à venir. La Biscaye au Pays basque, Le Pays basque, les Asturies et la Catalogne, ont été touchés capitale Bilbao, est le centre de l’industrie sidérurgique. Les Anglais achètent le minerai de fer basque et fournissent la houille. par la révolution industrielle. Mer Cantabrique Santander Les Asturies, Vigo ASTURIES GALICE FRANCE SaintSébastien bastien Oviedo La Corogne Lugo capitale Oviedo, bastion socialiste, regroupent les centres miniers. En 1934, une révolution sociale des mineurs y sera réprimée dans le sang par l’armée, déjà commandée par le général Franco (plus de 3 000 morts). Bilbao CANTABRIE PAYS BASQUE Pampelune León Le Vitoria Orense La Catalogne, NAVARRE Logroño Logro LA RIOJA Palencia Burgos CASTILLE Zamora ET LEÓ N CATALOGNE Lérida rida Soria Valladolid Tarragone Guadalajara Avilá Avil Teruel MINORQUE MADRID PORTUGAL Valence CASTILLE LA MANCHE COMMUNAUTÉ VALENCIENNE EXTRÉMADURE Ciudad Real Alicante MURCIE ANDALOUSIE ée ran Grenade Séville ville Almeria Málaga laga Mer Cadix Palma de Majorque îles Baléares FORMENTERA Murcie Jaén Ja ite r n’ont pas fait évoluer les pratiques agricoles. Et les “braceros” vivent sous la menace du chômage. Ils sont sensibles au langage des partisans de Bakounine1. IBIZA Albacete Cordoue Huelva MAJORQUE Castellón Castell de la Plana Cuenca Tolède Tol de Cáceres ceres LISBONNE Badajoz En Andalousie les “terratenientes” Barcelone Saragosse ARAGON Segovie Salamanque Gérone rone Huesca Mé Ceuta d capitale Barcelone, est le siège d’une industrie textile modernisée. Elle s’est développée en un pôle dynamique du commerce européen. C’est aussi en Catalogne qu’est née en 1910 la CNT3, syndicat anarchiste fortement représenté dans le milieu ouvrier et paysan. Melilla La Huerta2 de Valence est consacrée ALEM SURRE-GARCIA aux cultures maraîchères. PHOTOS : CHARLES CAMBEROQUE 1 Bakounine : 1814-1876, révolutionnaire Russe, un des chefs de la Ier Internationale, théoricien de l’anarchisme, en opposition à Karl Marx. 2 Huerta : verger, jardin, potager, ici, signifie que toute la région de Valence était cultivée. 3 CNT : Confederación Nacional del Trabajo Il était une fois la République 31 9 1 ril v a 14 L’Espagne a connu sa Ière République en 1873. Proclamée après des décennies de guerre d’indépendance contre les troupes napoléoniennes (1808) et de guerre d’indépendance interne pour la succession au trône d’Espagne, cette Ière République est anéantie en moins d’un an. L’Espagne redevient une monarchie tiraillée entre plusieurs courants politiques. BENÍTEZ CAZAUS Le XIXe siècle est pourtant le siècle porteur de l’émergence de l’idée démocratique. Cette dernière s’incarne dans l’évolution de la Constitution sujette à de profondes réformes : les biens de l’église sont déclarés propriété nationale. La IIe République, “la niña Bonita” (la jolie fille), naît dans l’euphorie le 14 avril 1931 à la suite d’élections municipales et de sept années de dictature. Cette République tant espérée met fin pacifiquement à la monarchie et le roi Alphonse XIII s’exile mais n’abdique pas. En 1931, la IIe République fait passer l’Espagne d’un régime de monarchie autoritaire à celui de démocratie parlementaire. L’alliance du Front populaire, menée par Manuel Azaña, gagne les élections en février 1936. Ce printemps 36 est celui de l’agitation politique, à droite comme à gauche. Cette agitation culmine avec el alzamiento (le soulèvement militaire) le 17 juillet 1936 au Maroc espagnol. 18 juillet 1936 el alzamiento le soulèvement militaire Ce putsch (pronunciamiento), préparé de longue date, gagne l’Espagne le 18 juillet sous l’impulsion des généraux Mola, Franco, Queipo de Llano, Sanjurjo, soutenus par le clergé et les grands propriétaires. Dès le 19 juillet, le peuple se mobilise spontanément et prend d’assaut les casernes rebelles pour s’armer et défendre “sa” République. L’armée et le pays se divisent en deux camps opposés. Les avancées sociales de la IIe Répulique La nouvelle constitution républicaine réorganise l’armée, sépare l’Église de l’État, donne le droit de vote aux femmes, permet la liberté syndicale, reconnaît l’autonomie de la Catalogne et de l’Euskadi (Pays basque), programme l’accession des petits paysans à la propriété et la disparition des latifundios (très grandes propriétés rurales). Toutes ces avancées sociales marquent définitivement la rupture entre deux Espagne. Les nationalistes Les fascistes qui s’auto-proclamment los nacionales, l’aristocratie, les grands propriétaires et les grands entrepreneurs ainsi que l’Église catholique soutiennent le coup d’État militaire qui rassemble les africanistes (la légion et les troupes maures), les milices carlistes, les phalangistes et une partie de la guardia civil. Les républicains Côté républicain, les forces armées sont constituées de la marine, des carabiniers et des gardes d’assaut restés fidèles. Cette armée rebaptisée “armée populaire” est renforcée par les milices, les Brigades internationales et les volontaires qui sont payés 10 pesetas par jour, le salaire d’un ouvrier qualifié. La République, son drapeau et ses dirigeants. AFFICHE D’OPISSO, 1931 FONDATION PABLO IGLESIAS File d’attente pour les élections législatives du 16 février 1936, Barcelone. AGUSTI CENTELLES, © ADAGP PARIS 2005 La gauche républicaine à l’avant-garde de la lutte contre le fascisme international. AFFICHE PETIT GUILLEN, 1937 FONDATION PABLO IGLESIAS Même si le putsch de ces militaires a en partie échoué, tous les pions sont avancés pour une terrible guerre civile… Groupe du Front populaire et carabiniers après l’assaut victorieux de la Capitainerie Générale de Barcelone, 19 juillet 1936. AGUSTI CENTELLES, © ADAGP PARIS 2005 Les premiers phalangistes à Pampelune, 19 juillet 1936. AUTEUR INCONNU FOND MARIANO AGÜAYO La guerre d’Espagne fut une répétition générale des souffrances qui attendaient les civils dans les affrontements à venir de la IIe guerre mondiale. Les champs de bataille espagnols permettent aux armées d’Hitler et de Mussolini de mettre en œuvre de nouvelles techniques de guerre, en usant des blindés et de l’aviation sur les populations. Séville, dans le quartier de Triana après le passage des troupes du Général franquiste Queipo de Llano. JUAN JOSÉ SERRANO PHOTOTÈQUE MUNICIPALE DE SÉVILLE “La guerre arrive comme un ouragan…” Antonio MACHADO Un déluge de feu s’abat sur les populations civiles Madrid, fidèle à la République, assiégée par les fascistes nationalistes, est la première cible des bombardements aériens et des raids meurtriers, dès novembre 1936. On compte plus de 5 000 morts. Le Pays basque sera un des champs d’expérimentation et la première cible de la Légion Condor (escadrille allemande) qui anéantit sous la mitraille les villes de Durango, le 31 mars 1937 et Guernica, lieu symbolique de la nation basque, le 26 avril 1937. Sur Barcelone, en mars 1937, l’aviation italienne basée aux Baléares lâche des bombes de 50 à 100 kilos. À Séville, dans le Sud, la répression fait 9 000 morts dans la population civile. La violence est partout. Les exécutions sommaires, les massacres, les règlements de comptes n’épargnent personne des deux camps. Guernica, ville martyre Un jour de marché, la population est mitraillée. Il y a 1 654 morts et 889 blessés. Cet épisode tragique inspirera la célèbre toile de Picasso qui sera exposée pour la première fois dans le pavillon de la République espagnole à l’exposition Universelle de Paris en 1937. La terreur, la mort et la famine seront le lot quotidien d’un conflit acharné et fratricide. L’Espagne d’aujourd’hui redécouvre l’étendue des fosses communes, “las fosas de Franco”, qui furent les sépultures anonymes des républicains exécutés au fur et à mesure de l’avancée des troupes franquistes. DOMINIQUE GAUTIER - CREAV ATLANTIQUE Bombe non explosée, Madrid 1938 AGENCE MAYO Dessin réalisé pendant la guerre civile, Juan Aparicio Alonso, 12 ans, Escuela Hogar de Antella (Valence). UCSD, MANDEVILLE SPECIAL COLLECTIONS LIBRARY Victimes des avions fascistes, Madrid, décembre 1936 Dessin réalisé pendant la guerre civile, Carlos Redondo Sanz, 13 ans, Colonia Escolar colectiva (Burriana) UCSD, MANDEVILLE SPECIAL COLLECTIONS LIBRARY CENTELLES, © ADAGP, PARIS 2005 “Vous êtes l’Histoire, vous êtes la légende…” Dolores IBÁRRURI dite la Pasionaria Les Brigades internationales La guerre civile espagnole est vécue en Europe comme une guerre des peuples luttant contre le fascisme incarné par l’alliance de Franco, d’Hitler et de Mussolini. Des milliers de volontaires quittent leur pays et s’engagent dans la guerre d’Espagne. L’adieu aux Brigades Les adieux aux Brigades internationales ont lieu le 15 novembre 1938, à Barcelone, sous les vivats de la foule. C’est Dolores Ibárruri (la Pasionaria), dirigeante du Parti communiste espagnol, qui prononce l’exaltant message de despedida où elle rend à la fois hommage aux vivants et aux morts : “[…] Et Jarama, et Guadalajara, et Brunete, et Belchite, et Levante, et l’Ebre chantent avec des strophes immortelles le courage, l’abnégation, la bravoure, la discipline des hommes des Brigades internationales…Vous êtes l’Histoire, vous êtes la légende, vous êtes l’exemple héroïque de la solidarité et de l’universalité de la démocratie. Nous ne vous oublierons pas : et quand l’olivier de la paix fleurira, entrelacé avec les lauriers de la victoire de la République espagnole, revenez ! […]”. 1938, Barcelone. Dolores Ibárruri, Maurice Thorez, secrétaire général du PCF et José Diaz, secrétaire général du PCE, au micro de Radio Barcelone. ARCHIVE NATIONALE DE CATALOGNE, BARCELONE 1938, Barcelone. L’adieu des brigadistes au peuple d’Espagne. CENTELLES, © ADAGP, PARIS 2005 AGUSTI CENTELLES, © ADAGP PARIS 2005 Beaucoup y laisseront leur vie, notamment sur les fronts du Jarama et de l’Ebre. Ils constituent les troupes de choc de l’armée populaire de la République et s’intègrent dans deux courants : Les Brigades internationales Leur création est décidée dans l’urgence à Moscou, en août/septembre 1936, par le Komintern. Cette décision est ratifiée par le gouvernement espagnol en octobre. Plus de 30 000 brigadistes se retrouvent en Espagne et contribuent entre autres à bloquer l’offensive franquiste sur le front de Madrid. Les volontaires internationaux Ils sont 3 000 à s’engager dans les milices ouvrières de la CNT et du POUM, dont l’écrivain anglais George Orwell qui a transcrit cet épisode dans l’ouvrage “Hommage à la Catalogne” (1938). Plus de 60 nationalités pour défendre la République De nombreuses personnalités culturelles et politiques rejoignent les Brigades internationales : le futur chancelier allemand et prix Nobel de la paix Willy BRANDT, le futur chef des FFI d’Île-de-France Henri ROL-TANGUY, le dramaturge allemand Friedrich WOLF, le futur Président de la Yougoslavie Josip BROZ dit Tito ou encore l’écrivain hongrois Arthur KOESTLER. Les Français représentent le contingent de brigadistes le plus important, parmi eux le poète Benjamin PÉRET. La notoriété et l’action d’autres personnalités permettent de faire connaître la lutte des Brigades : Ernest HEMINGWAY, correspondant de guerre Américain, auteur de “Pour qui sonne le glas”, ainsi qu’André MALRAUX futur ministre du Général DE GAULLE et auteur du livre et du film “L’espoir” qui relate son odyssée espagnole avec l’escadrille España. Les collectivités une révolution dans la guerre “Nous voulions la socialisation de toutes les richesses pour que pas même un individu puisse être laissé en dehors du banquet de la vie.” Diego ABAD DE SANTILLAN, dirigeant de la CNT Dès le soulèvement militaire contre la République, en juillet 1936, un vaste mouvement populaire de collectivisation des moyens de production s’engage. 1 De incautación saisie, confiscation. 2 CNT Confederación Nacional del Trabajo. De nombreux dirigeants et cadres ayant fui ou étant compromis avec ce soulèvement, abandonnent leurs entreprises qui sont incautadas1 par les employés et les ouvriers. Les travailleurs en prennent la direction de façon collective et démocratique et réorganisent la production. Tous les secteurs économiques sont touchés par ces collectivisations. En Catalogne, environ 70% des entreprises sont incautadas. Au Levant (région de Valence), 50%. À la campagne, les collectivisations concernent les terres. Les grandes propriétés sont saisies par les paysans ou les milices, notamment de la CNT2. Le travail est réorganisé en commun, de manière très différente selon les régions. En Aragon, plus de 450 collectivités sont affiliées à la CNT, regroupant 430 000 paysans. Il n’y a pas d’argent, seulement des vales, des bons échangeables contre des produits dans les magasins de la collectivité. Les grandes entreprises industrielles, les transports en commun, le gaz et l’électricité, le téléphone, la presse, les salles de spectacle, les hôtels et les restaurants, mais aussi les salons de coiffure ou les boulangeries sont désormais sous le contrôle de leurs employés, souvent par le biais des syndicats ouvriers. Affiche d’Arturo Ballesta, 1936 FONDATION ANDREU NIN Un bus “collectivisé” CNT devant le siège du Partit Socialista Unificat de Catalunya AGUSTI CENTELLES, © ADAGP PARIS 2005 Un restaurant autogéré sur les Ramblas, Barcelone 1936 FONDATION SALVADOR SEGUI 6 juillet 193 mars 1939 Les tournants de la guerre La guerre civile espagnole fait rage de juillet 1936 à mars 1939, sur terre, dans les airs et sur mer. Elle se termine par la défaite du camp républicain divisé, qui souffre de l’embargo sur les armes maintenu par la France et du sous-encadrement de ses soldats. L’Espagne restera déchirée par ce conflit durant des décennies. Institutions et armées en présence Président de la République espagnole, Manuel Azaña installe le gouvernement à Barcelone. Largo Caballero puis Negrin en seront successivement les chefs. Le gouvernement fasciste de Franco, el Caudillo, s’installe à Burgos. Il est soutenu par l’armée italienne de Mussolini, il Duce et la puissante Légion Condor d’Hitler, der Führer. C’est l’occasion pour l’Allemagne d’entraîner ses troupes et de tester l’efficacité de son matériel avant son entrée en guerre avec le reste du monde. Les batailles décisives 1936 1939 août 1936 janvier 1939 Barcelone tombe le 26 janvier 1939 et Madrid le 28 mars. C’en est fini de la République espagnole. De juillet à septembre 1936, l’Alcazar de la ville de Tolède en Castille, repris par les franquistes deviendra un lieu symbolique de leur Croisade. Mer Cantabrique FRANCE SaintSébastien bastien Oviedo La Corogne Santander Bilbao Lugo ■ Lérida rida Barcelone Saragosse Tarragone Segovie Salamanque Guadalajara Avilá Avil Teruel MADRID PORTUGAL Cáceres ceres MINORQUE Castellón Castell de la Plana MAJORQUE Cuenca Tolède Tol de Valence LISBONNE Badajoz Ciudad Real IBIZA Palma de Majorque îles Baléares Albacete Alicante FORMENTERA Cordoue Murcie Jaén Ja Huelva Almeria Málaga laga Mer Cadix déc 1937 - fév 1938 ran Grenade Séville ville Ceuta La bataille de Teruel en Aragon, après avoir été une victoire des républicains, finit par être gagnée par les fascistes. Melilla Mé ée juill / nov 1938 juillet 1938 d La terrible bataille de l’Ebre, en Catalogne, est la dernière offensive de l’armée républicaine qui s’achève par la victoire franquiste (50 000 à 60 000 tués dans les deux camps). C’est aussi le départ des Brigades internationales. Très tôt, la guerre s’internationalise… Rapidement, la Grande-Bretagne et la France prônent la non-intervention alors que l’Italie et l’Allemagne soutiennent Franco par l’envoi massif de troupes et de matériel de guerre moderne, surtout des avions et des chars. Côté républicain, après avoir frappé aux portes de toutes les nations, seuls l’URSS et dans une moindre mesure le Mexique, envoient des armes et du ravitaillement. WALTER REUTER ■ Gérone rone Huesca Soria Valladolid ite r ■ Pampelune Logroño Logro Palencia Burgos Zamora AGUSTI CENTELLES, © ADAGP PARIS 2005 ■ Orense MUSÉE DÉPARTEMENTAL DE LA RÉSISTANCE, TOULOUSE ■ mars 1937 7 et 8 février 1937, prise du port de Malaga par les Italiens et les franquistes. Batailles du Jarama, près de Madrid. Offensive victorieuse des républicains à Guadalajara. Avril, Bilbao tombe aux mains des nationalistes. 26 août, chute de Santander 20 octobre, occupation des Asturies.Tout le front basque tombe sous domination franquiste. AGUSTI CENTELLES, © ADAGP PARIS 2005 ■ Vitoria ARCHIVES DE L’INDÉPENDANT, PERPIGNAN 1937 León Le Vigo FOND MARIANO AGÜAYO La chute de Barcelone, le 26 janvier 1939, provoque la Retirada, l’exode des civils et des militaires qui fuient combats et représailles. La France entrouvre sa frontière aux femmes et aux enfants, puis aux blessés, mais refuse le passage aux soldats républicains. Le 8 février 1939, la France ouvre enfin sa frontière à tous. Le lendemain, les franquistes la referment. janvier février 1939 La Retirada l’exode de l’Espagne légale En France, rien n’est prêt pour les accueillir Dès le passage de la frontière, les soldats républicains sont désarmés sans ménagement, les familles sont triées, puis séparées. Les femmes et les enfants sont pour la plupart transférés dans des centres d’hébergement à l’intérieur du pays. Les hommes sont parqués sur les plages du Roussillon à même le sable, entre mer et barbelés, exposés au froid et aux épidémies. Dès les premières semaines, des centaines de réfugiés meurent dans ces “camps du mépris” où sont internés plus de 350 000 hommes. Le gouvernement français de Daladier veut se décharger d’un fardeau trop encombrant et ainsi encourager, sinon contraindre les réfugiés au retour en Espagne, pour ne pas avoir à les entretenir. L’entrée en guerre de la France en septembre 1939 change la donne. Les autorités françaises adoptent une attitude beaucoup plus répressive à l’égard des exilés républicains espagnols. Le statut de réfugié politique leur est refusé et ne leur sera accordé que le 15 mars 1945. FOND CHAUVIN Près d’un demi-million de vieillards, de femmes, d’enfants, de combattants valides et de soldats blessés traversent la frontière française sous les bombardements franquistes, en abandonnant tout ce qu’ils ont derrière eux. Parmi la foule des anonymes qui effectue à pied la traversée de la frontière, le poète Antonio Machado et sa mère de 93 ans. Tous deux meurent à Collioure, quelques jours après, d’épuisement et de chagrin. Leur tombe commune, érigée grâce aux écrivains français dont Albert Camus, fait toujours objet de pèlerinage. L’arrivée au Perthus FOND CHAUVIN Surprise par l’afflux massif des réfugiés espagnols en 1939, la France ouvre précipitamment des dizaines de camps. Dès octobre 1937, après la chute de Gijón, des réfugiés quittent les Asturies pour la France. FONDATION PABLO IGLESIAS Les armées républicaines refluent vers la France. Les militaires sont désarmés à la frontière. FOND CHAUVIN Cuisines et autres baraquements. FOND CHAUVIN Le parloir au camp d’Argelès. TAPIA Parqués derrière des barbelés, gardés par des soldats, affamés, les réfugiés se demandent s’ils sont encore des hommes. 19 février 1939. L’arrivée au camp d’Argelès. Installation de fortune dans le sable. FOND CHAUVIN Des terres d’accueil 1937 : le premier exil est celui des enfants La chute de la zone nord de l’Espagne entraîne leur départ en majorité vers la France (20 000), mais aussi vers la Belgique, l’Angleterre, l’Union Soviétique, le Mexique, la Suisse et le Danemark. Ce sont “los niños de la Guerra”. 1939 : l’ Amérique latine, une nouvelle vie Les Espagnols seront diversement accueillis en Amérique latine. Le Président du Mexique, Lázaro Cárdenas qui ne reconnaît pas le régime de Franco, leur offre l’hospitalité et leur accorde la nationalité mexicaine. Janvier 1939 : Les milliers de réfugiés qui déferlent vers la France, se fixent de préférence à Paris et à Toulouse, véritables capitales de l’Espagne en exil. Mais la France n’est pas le seul pays d’accueil. Outre l’Amérique latine, les combattants de la zone de Valence partent en majorité vers l’Afrique du nord. De nombreux autres partent pour l’URSS où déjà 3 000 enfants ont été accueillis. En Argentine, où émigrera le grand poète Rafael Alberti, la colonie basque reçoit un traitement de faveur. La République Dominicaine, le Venezuela, la Colombie et Cuba sont à des degrés moindres une terre d’accueil pour les exilés républicains espagnols. FONDATION LARGO CABALLERO Le Chili est demandeur de bras pour son agriculture et son industrie. Deux futurs prix Nobel veillent à la réception des réfugiés espagnols : la poétesse Gabriela Mistral qui accueille les enfants et le poète Pablo Neruda, Consul général du Chili à Paris, qui organise le départ en bateau depuis Bordeaux de 2 000 émigrés. Les réfugiés espagnols pendant 1939 la Seconde En France, les préparatifs de guerre contre l’Allemagne s’intensifient. Le gouvernement français voit alors l’opportunité que représentent les milliers de travailleurs espagnols : une main-d’œuvre qualifiée et non utilisée dans les camps. La création des Compagnies de Travailleurs Étrangers Constituées dès le printemps 1939, les Compagnies de Travailleurs Étrangers (CTE) sont initialement destinées aux travaux de défense nationale, (renforcement de la ligne Maginot…). D’autres CTE sont affectées au travail dans les mines, la métallurgie, l’industrie de guerre (munition, aviation, armement…) ou aux travaux agricoles, notamment dans le Sud-Ouest, pour remplacer les hommes mobilisés au front. Au fur et à mesure des recrutements, les camps se vident. Sous Vichy, les GTE succèdent aux CTE À la défaite de la France, le gouvernement de Vichy remplace les CTE par les Groupements de Travailleurs Étrangers (GTE). Sous l’uniforme français… Afin d’échapper aux camps, à leur renvoi en Espagne ou au travail pour les Allemands, près de 6 000 réfugiés s’engagent dans la Légion étrangère ou dans les Régiments de Marche de Volontaires Étrangers, dès 1939 pour certains. Au printemps 1940, des Espagnols participent sous l’uniforme français, aux côtés des alliés, à la première vraie bataille contre l’armée allemande (la Werhmacht) à Narvik, en Norvège. Répondant à l’appel du Général De Gaulle le 18 juin 1940, les survivants espagnols de cette expédition comptent parmi les premiers effectifs des Forces de la France Libre (FFL). Ci-dessus : Le blindé “Guadalajara” avec un groupe de républicains espagnols à la libération de Paris. ARCHIVE HISTORIQUE DE PCE. Parallèlement, les autorités allemandes exigent de Pétain la livraison régulière d’hommes pour la construction du Mur de l’Atlantique dans le cadre de l’Organisation Todt. La milice pétainiste réquisitionne en priorité les Espagnols “rouges” et se livre à une véritable chasse à l’homme dans la zone libre pour satisfaire leur allié nazi. Plus de 100 000 Espagnols auraient ainsi été soumis à ce travail forcé en France. guerre mondiale Les guérilleros et les maquis espagnols participent de façon déterminante à la libération de la France. Vicente López Tovar et des guérilleros. AUTEUR INCONNU 16 août 1944. Guérilleros sous le commandement de José Antonio Alonso, dit le “Commandant Robert”, quelques jours avant la libération de Foix. COLLECTION JOSÉ ALONSO 1944. La libération de Toulouse. GERMAINE CHAUMEL 1944. Défilé de guérilleros après la libération d’Albi. MUSÉE DE LA RÉSISTANCE DE TOULOUSE L’occupation de la zone Sud de la France par les nazis, le 11 novembre 1942, accentue pour les Espagnols les menaces de travail forcé en Allemagne. Des centaines d’arrestations ont lieu. La Résistance en réponse à la répression Franco demande l’extradition des principaux dirigeants et militants républicains espagnols réfugiés en France. Julián Zugazagoitia Mendieta, ancien ministre de l’Intérieur et Lluís Companys, président de la Généralité de Catalogne, sont extradés et exécutés sur les ordres de Franco. En réaction, de nombreux réfugiés rejoignent les rangs de la Résistance dans les maquis ou les groupes de guérilleros. Les Espagnols sont de précieuses recrues ; ils apportent leur expérience de la lutte armée acquise durant les années de guerre civile en Espagne. En 1943, dans le Sud-Ouest, des groupes espagnols très actifs et bien organisés, mènent des actions de sabotage, participent à l’évasion de nombreux prisonniers et facilitent le passage à travers les Pyrénées. À Toulouse, les attentats contre les officiers allemands s’intensifient entre 1943 et 1944. Les guérilleros et les maquis espagnols agissent en liaison avec la Résistance française, mais la plupart conservent leur indépendance et leur autonomie jusqu’à la Libération, à laquelle ils participent de façon déterminante. Francisco Santaella Santaella, arrivé à Mauthausen par le convoi du 6 août 1940. Groupe de femmes survivantes, arrivées à Mauthausen peu de mois avant la Libération. Survivants du camps de Gusen. La déportation À partir du printemps 1940, les Espagnols faits prisonniers en France ne sont pas considérés comme prisonniers de guerre, mais comme des “Espagnols rouges” (Rotspanier) et déportés dans les camps de concentration nazis. Francesc Boix Le triangle bleu des apatrides marqué de la lettre S pour Spanien (Espagne) les distingue des autres prisonniers. Ils vont se trouver dispersés à Buchenwald, Bergen-Belsen, Dachau, Flossenburg, Neuengamme, Ravensbrück, Sachsenhausen-Oranienburg et Auschwitz. À partir d’août 1940, la plupart d’entre eux sont déportés à Mauthausen, en Autriche. Les républicains espagnols ont taillé les 186 marches de pierre qui mènent à la carrière de Mauthausen : on compte une mort d’homme pour chacune des dalles de ces marches. Sur les 7 000 déportés espagnols, 65% sont morts à Mauthausen. Leur taux de mortalité dépasse celui des autres déportés (43,5%), toutes nationalités confondues (Hongrois, Polonais, Russes, Français, Yougoslaves, Italiens). On estime que près de 200 000 déportés ont transité par Mauthausen et que 120 000 y sont morts. Le 5 mai 1945, les Américains arrivent à Mauthausen où 70 000 personnes ont survécu dont 2 184 Espagnols. Sur la façade de la forteresse une banderole : “Les Espagnols antifascistes saluent les forces de libération”. Avoir 20 ans à Buchenwald et Mauthausen Francesc Boix En janvier 1941, un photographe catalan de 21 ans qui était passé en France par les camps du Vernet d’Ariège et de Septfonds dans le Tarn-et-Garonne, arrive à Mauthausen avec 1 506 républicains espagnols. Francesc Boix sera affecté au laboratoire photo du camp nazi. Sa fonction lui permettra de sauver de la destruction des milliers de photographies faites dans le camp. Ces photos et son témoignage seront utilisés en janvier 1946 au procès de Nuremberg pour juger les criminels de guerre nazis. Jorge Semprún Alors âgé de 20 ans et membre du réseau de résistance Buckmaster, Jorge Semprún est arrêté en France en septembre 1943 et déporté à Buchenwald jusqu’à la libération du camp en 1945. Écrivain et scénariste de renom, il témoigne de sa terrible expérience dans les camps à travers deux ouvrages : “Le grand voyage” (1963), et “L’ écriture ou la vie” (1994). Groupe de républicains survivants du camps de Mauthausen, 5-7 mai 1945. Ces photos de Francesc Boix ont été prises après le départ des SS de Mauthausen, en mai 1945 FONDS PHOTOGRAPHIQUE DE L’AMICALE DE MAUTHAUSEN MUSÉE D’HISTOIRE DE LA CATALOGNE. L’impossible retour Malgré la victoire de Franco, les républicains espagnols en exil n’ont pas abandonné l’espoir de libérer l’Espagne. Ils pensent, en toute logique, que les alliés vont les aider à renverser le franquisme après la chute du fascisme italien et du nazisme allemand. Val d’Aran, guérilleros de la reconquista. GPHOTO EXTRAITE DE ”MAQUIS PYRENEOS”, D’AGUSTÍ. FERRÁN SÁNCHEZ La UNE contre la dictature franquiste 1955, la fin du rêve Alors que l’ONU condamne par deux fois en 1946 le régime franquiste, elle l’admet officiellement en son sein en 1955 et enterre le dernier espoir d’un retour de la démocratie en Espagne. Pour des milliers d’exilés, c’est l’impossible retour… ils posent définitivement leurs valises en France. En décembre 1941, la création de la Unión Nacional Española (UNE), sous l’impulsion du Parti communiste d’Espagne, vise à réunir tous les Espagnols exilés contre la dictature franquiste. Los guerrilleros, aguerris par 3 ans de guerre civile, sont le bras armé de la UNE. Leur objectif est de chasser un jour Franco de l’Espagne, mais leur combat commence par la lutte contre les troupes d’occupation en France. Le 1er août 1941, l’organe de communication de l’UNE, “Reconquista de España”, fait paraître son premier numéro à Paris. La “reconquista” En septembre et octobre 1944, 10 à 15 000 volontaires se rassemblent le long de la chaîne des Pyrénées à l’appel de la UNE. La reconquista est lancée pour rétablir la démocratie en Espagne. Le 19 octobre 1944, plus de 3 500 hommes mal équipés et sous-armés, engagent l’action principale : occuper le Val d’Aran. L’effet de surprise passé, la supériorité numérique et matérielle des forces franquistes, l’accueil plus que réservé de la population, obligent les guérilleros à se replier le 28 octobre. "Reconquista de Espana", journal de la UNE, parution d’octobre 1944. 14 avril 1945, Toulouse, 14e anniversaire de la République espagnole JEAN DIEUZAIDE Après la Libération, l’opinion publique française change son regard sur les réfugiés espagnols. S’engager, espérer… S’intégrer ! L’intégration se fait d’abord par le travail. Les intellectuels, rejetés en France, partent en Amérique latine. Restent alors en majorité les travailleurs manuels. Cette main-d’œuvre est la bienvenue dans un pays en reconstruction. Les hommes sont surtout présents dans les professions du bâtiment ou sur les grands chantiers de montagne. Les femmes sont employées de maison, “bonnes à tout faire”. JEAN DIEUZAIDE Les enfants sont accueillis sur les bancs des écoles de la République française. Ils vont avoir à cœur d’apprendre la langue de ce pays qui va devenir le leur. La structure familiale recomposée (la guerre finie, les hommes sont rentrés des camps ou des maquis) demeure alors le désir de préserver l’identité culturelle. Les mariages, les naturalisations favorisent l’intégration. La création d’un Casal Català et plus tard d’un Ateneo sur le modèle de celui de Madrid maintient le lien culturel avec les nouvelles générations d’Espagnols. De nombreuses expositions, représentations théâtrales, conférences et la pratique du sport constituent des occasions de rencontres et de débats pour l’Espagne, toujours en exil. Représentation de “Los arboles mueren de pie”. COLLECTION FRÉDÉRIC SERRALTA L’héritage politique En 1950, le statut de réfugié politique est enfin reconnu aux exilés espagnols. C’est à Toulouse, capitale de l’exil républicain espagnol, que s’installent les militants et les sièges des différents partis et syndicats. C’est au Mexique, qui ne reconnaît pas le gouvernement de Franco, que se reconstitue le gouvernement républicain en exil en 1945, avant d’être transféré à Paris en 1946, avec les gouvernements autonomes catalan et basque. Toulouse, mars 1945. Annonce d’un grand meeting socialiste, salle des Jacobins. JEAN DIEUZAIDE Socialistes, anarchistes, communistes, membres du POUM ou républicains : les démocrates espagnols sont en grand nombre en MidiPyrénées. Au total, dans les années d’aprèsguerre, entre 50 000 et 100 000 Espagnols sont membres ou sympathisants de plusieurs dizaines d’organisations politiques, syndicales, associatives, culturelles ou d’anciens combattants. Suresnes, octobre 1974. Entre autres, à la table du XIIIe congrès du PSOE : François Mitterrand, José Martínez Cobo, Alfonso Guerra et Manuel Garnacho. FONDATION PABLO IGLESIAS 1 PSOE Partido Socialista Obrero Español (parti socialiste ouvrier espagnol). La vitalité militante des Espagnols s’exprime notamment dans la richesse de la presse de l’exil. De 1939 à la mort de Franco en 1975, plus de 650 journaux voient le jour. Cette presse de lutte contre le franquisme, maintient le lien entre réfugiés, sensibilise les Français à la cause espagnole et favorise la promotion des activités militantes et culturelles. CNT, parution du 17 juillet 1690. La Humanitat, parution du 15 octobre 1942. El Socialista, parution du 9 décembre 1944. En août 1972, c’est à Toulouse que Felipe González Márquez prend la tête du PSOE1 au XXVe Congrès. En octobre 1974, il est élu secrétaire du PSOE à Suresnes. En 1982, il sera désigné président du gouvernement espagnol. La résistance espagnole de l’intérieur La résistance armée contre la dictature franquiste ne s’est pas arrêtée en 1944 avec l’échec de l’expédition du Val d’Aran. Communistes et anarchistes envoient en Espagne leurs meilleurs militants. Le Sud-Ouest de la France devient la base arrière des mouvements de résistance espagnole de l’intérieur. Jusque dans les années 1960, des maquis se battent dans le León, la Galice, les Asturies, la Catalogne, le Levant et l’Aragon. Une résistance civile à l’intérieur même de l’Espagne se développe dès 1939 : grèves ouvrières et étudiantes. La nouvelle opposition anti-franquiste relaie les organisations de l’exil dans la lutte contre la dictature anti-franquiste. Invitation à la grève de l’usine SEAT, 1973. FCG/CONC Fin de la dictature 1975 en Espagne “Aujourd’hui commence une nouvelle étape de l’histoire d’Espagne. Une société libre et moderne requiert la participation de tous...” JUAN CARLOS DE BOURBON Burgos, 1939. Francisco Franco avec les ministres qui composent le nouveau gouvernement lors de sa première réunion. ARCHIVE AGENCE EFE. Madrid, 20 novembre 1975. Annonce de la mort de Franco. ARCHIVE AGENCE EFE. 36 ans de répression franquiste, de mort et d’exil ont pesé sur les Espagnols du dedans comme sur ceux du dehors. À la mort du dictateur âgé de 83 ans, le 20 novembre 1975 à Madrid, l’Espagne redevient une monarchie parlementaire. La loi de succession adoptée en 1947 par Franco, attribue le trône à Juan Carlos de Bourbon, petit-fils d’Alphonse XIII. La transition démocratique Le Roi Juan Carlos rétablit un régime parlementaire en Espagne. FONDATION PABLO IGLESIAS La modernisation de l’appareil d’État va s’incarner dans les gouvernements successifs. Carlos Arias Navarro, fidèle du général Franco, est remplacé dès juillet 1976 par Adolfo Suarez González qui amorcera la transition démocratique : légalisation des partis, amnistie générale, vote de la nouvelle Constitution. La transition se déroule sur fond de violence ■ L’ETA ne dépose pas les armes (412 personnes tuées de 1975 à 1980), ■ En janvier 1977, sept avocats communistes sont assassinés, ■ Adolfo Suarez González démissionne de la présidence du gouvernement le 29 janvier 1981, n’ayant plus la confiance de son parti. ■ Le 23 février 1981, le lieutenant colonel Tejero mène une tentative de putsch armé au sein du Parlement espagnol qui échouera. Le 15 janvier 1977 ont lieu les premières élections libres depuis février 1936. Le premier gouvernement de Sa Majesté le Roi Juan Carlos, avec Carlos Arias Navarro comme président. La Constitution du 6 décembre 1978 garantit la coexistence démocratique, consolide l’État de droit et reconnaît les institutions des gouvernements autonomes. ARCHIVE AGENCE EFE ARCHIVE AGENCE EFE FONDATION PABLO IGLESIAS les présidents de gouvernement… 1973-1976 Carlos ARIAS NAVARRO, désigné par le général Franco. 1976-1981 Adolfo SOÁREZ GONZÁLEZ, UCD 1981-1982 Leopoldo CALVOOTELLO BUSTELO, UCD 1982-1996 Felipe GONZÁLEZ MÁRQUEZ, PSOE 1996-2004 José-María AZNAR LÓPEZ, PP mars 2004 José-Luis RODRÍGEZ ZAPATERO, PSOE l’Espagne aujourd’hui L’alternance au pouvoir 1982, les élections législatives donnent le pouvoir aux socialistes 1 PSOE Partido Socialista Obrero Español (parti socialiste ouvrier espagnol). Felipe González Márquez, secrétaire du PSOE1, est investi président du gouvernement espagnol le 28 octobre 1982. Son gouvernement qui durera 14 ans, est marqué par l’adhésion de l’Espagne à la Communauté Européenne en 1985. Passés les fastes des J.O. de Barcelone et de l’exposition universelle de Séville en 1992, le PSOE en proie à des difficultés internes sera battu aux élections de mars 1996 par José-María Aznar López. L’alternance au pouvoir José-María Aznar López, qui se veut “libéral”, a gagné les élections à la tête du Partido Popular (PP). Cet ancien inspecteur des finances rétablit les finances de l’État au détriment de la politique sociale. Il échappe à un attentat de l’ETA en avril 1995. Son adhésion en 2003 à l’intervention militaire des États-Unis en Irak provoque une vague de protestations. Le 11 mars à Madrid a lieu un terrible attentat islamiste. Plusieurs bombes font 191 morts et 1 500 blessés dans les transports en commun. Le 14 mars 2004 le nouveau candidat du PP Mariano Rajoy Brey perd les élections législatives. José-Luis Zapatero Rodríguez, petit-fils d’un soldat républicain fusillé par les franquistes pendant la guerre civile, secrétaire général du PSOE, est nommé nouveau président du gouvernement espagnol. Son premier acte politique est de retirer les troupes espagnoles d’Irak. PHOTOS : CHARLES CAMBEROQUE SILVESTER FURLAN, AMICALE DES ANCIENS INTERNÉS DU CAMP DE VERNET D’ARIÈGE À leur arrivée, les prisonniers sont dépouillés de toutes leurs affaires personnelles. Les paillasses sont humides, infestées de vermine. Le Vernet d’Ariège : un camp disciplinaire Début 1939, la France décide de réouvrir le camp du Vernet, construit à la fin de la Première guerre mondiale, pour y accueillir dans l’urgence des milliers de réfugiés espagnols. Ce camp est tout d’abord destiné à l’internement des réfugiés les plus politisés. Il devient rapidement un camp disciplinaire, le plus répressif de France ! Sous le gouvernement de Vichy, les gardiens du camp, des gendarmes, sont réputés pour leur dureté et les sévices commis contre les internés. Avec l’internement de dirigeants politiques, intellectuels et antifascistes de tous pays, le camp du Vernet devient un haut lieu de rencontres et d’échanges entre les intellectuels du monde entier, dans lequel règne une intense activité politique et culturelle. Mars 1939 1 Colonne Durruti : milice du nom de son chef anarchiste Buenaventura Durruti, tué sur le front de Madrid. Des milliers de soldats républicains de la 26e Division, à forte composante anarchiste, y sont enfermés et parmi eux, les survivants de la colonne Durruti1. Il n’y a pas assez de baraques pour tous les loger et la majorité doit dormir dehors dans la boue et la neige. Les conditions de vie sont particulièrement dures. Les châtiments corporels sont fréquents et les brimades permanentes. À partir d’octobre 1939 “ Au thermomètre centigrade du libéralisme, le Vernet était le degré zéro de l’infamie. [...] Au point de vue de la nourriture, de l’installation et de l’hygiène, le Vernet était même au-dessous du niveau d’un camp de concentration nazi. ” Arthur KOESTLER, grand romancier anglais d’origine hongroise qui s’est engagé dans les Brigades internationales. Les étrangers “indésirables, dangereux pour la défense nationale” sont envoyés au camp du Vernet : dirigeants politiques, anciens des Brigades internationales, intellectuels, syndicalistes, antifascistes de tous pays (Espagne, Allemagne, Italie, Autriche...). En août 1940, on compte près de 5 000 prisonniers de 60 nationalités différentes. Les internés sont également utilisés comme main-d’œuvre bon marché dans les Compagnies de Travailleurs Étrangers (CTE) de la région. Les lois antisémites et répressives du gouvernement de Vichy qui envoient les juifs dans le camp, aggravent considérablement les conditions de vie des internés. De l’été 1942 à juin 1944 Le camp se transforme alors en antichambre de la mort et de nombreux convois de femmes et d’enfants juifs partent de la gare du Vernet vers Drancy, puis Dachau et Auschwitz. À cette date, il ne reste plus qu’un nombre réduit de républicains espagnols, transférés pour la plupart dans les GTE et les camps de l’Organisation Todt. La proximité de la frontière et la présence des maquis ont fait des Pyrénées une zone surveillée par l’armée allemande jusqu’en août 1944. MUSÉE DÉPARTEMENTAL DE LA RÉSISTANCE, TOULOUSE. Les guérilleros et la Résistance en Ariège Des Espagnols internés au camp du Vernet sont utilisés des travaux forestiers dans le cadre des Groupements de Travailleurs Étrangers. AUTEUR INCONNU Groupe de guérilleros dans le maquis de Montségur. AUTEUR INCONNU Pour sortir des camps d’internement à partir d’octobre 1940, certains réfugiés espagnols partent travailler dans les Groupements de Travailleurs Étrangers (GTE), où ils sont employés dans des exploitations forestières ou agricoles. À l’abri des épaisses forêts d’Ariège et parfois avec la complicité de chefs d’exploitation français, ces chantiers permettent aux Espagnols de constituer progressivement de petits groupes de combattants. L’Ariège, quartier général des guérilleros espagnols La Résistance espagnole en Ariège s’organise de façon autonome, notamment à travers les groupes de guérilleros (initiés par le parti communiste), réunis dans les maquis. Ils mènent des opérations de guérilla et de sabotage contre les installations électriques ou ferroviaires. Certains libertaires et socialistes préfèrent quant à eux intégrer les mouvements de Résistance français. Tous se battent pour la liberté et la démocratie sur le sol français en attendant de pouvoir reprendre au côté des alliés le combat contre Franco. La création du STO (Service du Travail Obligatoire) par le gouvernement de Vichy en 1943 renforce les effectifs des guérilleros. Malgré tout, de mars 1943 à février 1944, plus de 700 travailleurs espagnols sont embarqués de l’Ariège vers l’Allemagne. 1 FTPF Francs-Tireurs et Partisans Français. Branche armée du Front National (organisation française de résistance). 2 FFI AMICALE DES ANCIENS INTERNÉS DU CAMP DE VERNET D’ARIÈGE Forces Françaises de l’Intérieur. Organisation mise en place en mai 1944 pour unir tous les groupes d’action de la Résistance française, des différents maquis et des guérilleros espagnols. La Libération Après le débarquement allié en Normandie, les guérilleros travaillent de concert avec les FTPF1. Cependant, ce sont les combattants espagnols qui attaquent seuls les Allemands à Foix, le 19 août 1944 et libèrent la ville, sous le commandement de José Antonio Alonso, dit le “Commandant Robert”. Les guérilleros participent également à tous les combats de la libération du département aux côtés des FFI2 : Pamiers, Tarascon, Lavelanet, Ax-les-Thermes, Saint-Girons… Les mines de l’Aveyron un lieu d’intégration et de rassemblement Dans le bassin industriel de Decazeville, la présence espagnole est déjà forte en 1936. Cette communauté représente plus de 5 000 personnes sur une population totale de 36 000 habitants. Issue de la première vague d’immigration économique des années 1910-1920, cette génération joue un rôle essentiel dans l’accueil des réfugiés de la guerre civile. En mars 1939, 2 300 réfugiés sont recensés dans le département, essentiellement des femmes, des enfants et des vieillards. À leur sortie des camps, les hommes sont pris en charge par les mineurs et ouvriers espagnols qui favorisent l’embauche de leurs compatriotes. De 1939 à 1942, le nombre de mineurs espagnols dans les houillères d’Aubin, de Cransac et de Decazeville passe de 268 à près de 700. Ils représentent 20% des effectifs. D’autres sont employés dans les carrières, les usines métallurgiques de Viviez ou les barrages en construction dans le nord de l’Aveyron. La 9e Brigade de guérilleros Fin 1941, les premiers groupes de résistants espagnols s’organisent dans le Cantal, puis en 1942, un groupe se crée dans le bassin houiller sous la direction de Amadeo López, alias commandant “Salvador”. En septembre 1943, il forme la 9e Brigade de guérilleros qui participe au sabotage de voies ferrées, de puits de mines, de pylônes et au harcèlement des colonnes allemandes… Le 18 août 1944, la 9e Brigade participe à la libération de Rodez et d’Albi, avant d’aller prêter main forte dans l’Ariège. Groupe de guérilleros de la 9e Brigade au camp du Larzac. Été 1944, instruction des guérilleros. 1944, Decazeville. Hommage aux guérilleros. MUSÉE DÉPARTEMENTAL DE LA RÉSISTANCE, TOULOUSE. Le surnom de la place principale de Decazeville, “Plaza España”, évoque le souvenir de la forte présence espagnole dans le département. Année 1940. Decazeville, “Plaza España”. COLLECTION JEAN VAZ Auch, 8 septembre 1944. Obsèques du colonel Maurice Parisot en présence de l’État-Major inter-allié. On distingue Tomás Guerrero dit “Camilo”, le colonel Lesure dit “Marceau”, chef départemental des FFI et le colonel britannique George Starr dit “Hilaire”. COLLECTION FAMILLE GUERRERO Libération d’Auch, août 1944. Tomás Guerrero dit “Camilo”, au volant d’une voiture officielle avec un groupe de Guérilleros. COLLECTION FAMILLE GUERRERO le Gers terre d’accueil et de solidarité Dès le début de la guerre civile espagnole, la solidarité et les comités d’entraide s’organisent. Les partis politiques et les syndicats sensibilisent les Gersois à travers des réunions, des affichages, des projections de films. Des collectes sont organisées et des municipalités, comme Fleurance, se mobilisent pour les réfugiés espagnols. Dès l’été 1936, la préfecture songe à mettre en place des structures d’accueil et des mesures sanitaires. En 1937, un inventaire des logements vacants est réalisé, et des communes, comme Mirande, Lavacan, Condom ou Lombez se disent prêtes à accueillir des réfugiés. Au nombre de 640 en janvier 1939, les réfugiés sont près de 3 800 en février. Très vite, les hommes valides sont intégrés dans les Compagnies de Travailleurs Étrangers (CTE) pour les travaux agricoles. Des familles entières sont également embauchées dans les fermes gersoises, ce qui leur permet de retrouver une vie normale. Gers, terre d’engagement des Espagnols Après 1940, l’arrivée de milliers de réfugiés du nord de la France et de la Belgique, entraîne la multiplication des mesures de contrôle et d’incitation au rapatriement des Espagnols vers leur pays. En novembre 1943, la plupart des Espagnols réquisitionnés dans le Gers par l’Organisation Todt pour les chantiers de l’Atlantique sont comptabilisés comme “défaillants”. En effet, ils ont rejoint la Résistance ou sont cachés par les villageois. 1 FTP Francs-Tireurs et Partisans Tomás Guerrero Ortega (dit Camilo), célèbre combattant espagnol, amputé d’une jambe, organise la 35e Brigade de guérilleros. En juin 1944, près de 1 500 Espagnols sont membres des FTP1 ou des guérilleros, réunis au sein des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI) pour lutter contre l’occupant allemand. D’avril à juin 1938, les Hautes-Pyrénées reçoivent près de 25 000 réfugiés aragonais : civils accompagnés de leurs troupeaux, mais aussi militaires de la 43e Division républicaine. La plupart des réfugiés valides repartent dans les troupes républicaines espagnoles par la Catalogne. Arrivée des réfugiés en vallée d’Aure. COLLECTION ALIX, BAGNÈRES-DE-BIGORRE. les Hautes-Pyrénées Premiers combats, premiers réfugiés Dès le début de la guerre civile espagnole, en 1936, les HautesPyrénées voient arriver les premiers réfugiés qui fuient les combats. Au printemps 1938, des milliers de civils et les miliciens de la 43e Division républicaine, arrivent par le port de Plan suite à l’occupation du Haut-Aragon par les troupes nationalistes de Franco. Une solidarité inter-valléenne Sur proposition du syndicat CGT, un comité de parrainage pour collecter des fonds et apporter une aide aux réfugiés est mis en place à Tarbes avec le soutien local des députés, des maires et du président du Conseil Général. Ils organisent des convois de farine et de médicaments, à dos de mulets, qui franchissent chaque jour la frontière pour ravitailler les populations des vallées de Bielsa et Gistaín. Les bombardements systématiques de ces caravanes par l’aviation franquiste mettent fin à cette solidarité. Le clergé des Hautes-Pyrénées apporte pour sa part une aide aux réfugiés et envoie des ambulances pour évacuer les blessés espagnols vers les hôpitaux de Tarbes, Lourdes et Bagnères-de-Bigorre. À partir de septembre 1939, les Espagnols sont intégrés en masse dans les Compagnies de Travailleurs Étrangers (CTE), affectés aux travaux agricoles et dans les industries d’armement, notamment l’arsenal de Tarbes et les poudreries. Dans les Pyrénées-Atlantiques, le camp de Gurs, avec ses 19 000 internés, est un réservoir de main-d’œuvre important pour ces mêmes industries. L’engagement dans la lutte armée des guérilleros espagnols dans les Hautes-Pyrénées se passe en deux temps : contre l’occupant allemand en France et ensuite contre la dictature de Franco sur le territoire espagnol jusque dans les années 1950. 1944, Loubajac. La 10e Brigade de Guérilleros. MUSÉE DÉPARTEMENTAL DE LA RÉSISTANCE, TOULOUSE À Bagnères-de-Bigorre, 1 200 travailleurs étrangers, essentiellement des Espagnols, sont affectés aux chantiers de haute montagne de Pierrefitte, Saint-Lary-Soulan et Artigue. BIBLIOTHÈQUE DE BAGNÈRES-DE-BIGORRE. La création d’un Ateneo sur le modèle de celui de Madrid, maintient le lien culturel avec les nouvelles générations. Conférence du professeur Urugayen Carlos Romos organisée par l’Ateneo de Toulouse. COLLECTION MARIE-LOUISE ROUBAUD. Affiches de représentations théâtrales. COLLECTION FRÉDÉRIC SERRALTA la Haute-Garonne COLLECTION MANUEL LLATSER Toulouse, capitale de l’exil républicain espagnol Le Comité toulousain pour l’Espagne sera très actif pour dénoncer le franquisme . 1963, Toulouse. Manifestation de soutien après l’exécution de Julian Grimau par le gouvernement de Franco. Dès la Libération, Toulouse devient, avec Mexico et Paris, l’une des trois capitales de l’exil républicain espagnol. En 1950, plus de 20 000 Espagnols résident en Haute-Garonne, dont 12 700 réfugiés. Ils s’installent à Toulouse en raison de la proximité de la frontière, de l’existence d’une communauté déjà importante et de la présence de nombreuses institutions politiques, syndicales et culturelles de l’exil. COLLECTION LOREANO ROMÁN Toulouse est également le siège de nombreux journaux de l’exil. Une intense activité militante d’aide à la résistance intérieure, en Espagne, se déploie dans la ville. Le Comité toulousain pour l’Espagne sera très actif de 1965 à 1975 pour la défense des prisonniers politiques, la dénonciation de la torture dans les prisons espagnoles et le soutien aux anti-franquistes. L’arrivée massive d’immigrés économiques en provenance d’Espagne, dans les années 1960, conduit les réfugiés républicains à créer l’Ateneo espagnol de Toulouse. À travers des conférences, des expositions, des colloques, des soirées musicales et théâtrales, souvent en collaboration avec l’université du Mirail, l’Ateneo contribue à entretenir et enrichir une culture vivante de l’exil, ouverte aux Français, bien différente de l’éducation franquiste. Toulouse est le siège de nombreux journaux de l’exil. Mai 1941. Femmes espagnoles au camp de Récébédou. la Haute-Garonne COLLECTION BETTINI Après guerre, ce camp devient la Vila Quijote et continue d’abriter des Espagnols. Noé et Le Récébédou, La bibliothèque de la Vila Quijote. deux “camps hôpitaux” TAPIA Lorsque 3 000 espagnols arrivent en Haute-Garonne, différents refuges sont mis à leur disposition dans le département, notamment à Villefranche-deLauragais, Revel, Carbonne, Salies-du-Salat, Muret et Cintegabelle. Les camps d’internement proprement dits ne sont créés qu’en avril 1941, à Noé et au Récébédou (aujourd’hui dans la commune de Portet-sur-Garonne). Ces “campshôpitaux” sont destinés aux vieillards, aux infirmes et aux malades, jugés inutiles à l’effort de guerre. Des juifs allemands comme des républicains espagnols y sont internés, certains jusqu’à la Libération. L’hôpital Varsovie Aujourd’hui Ducuing-Varsovie, cet hôpital créé fin 1944 par l’Etat-major des guérilleros espagnols, est une œuvre importante de l’exil. Il est administré par l’Amicale des anciens FFI et résistants espagnols jusqu’en 1950. L’Amicale, jugée “politiquement subversive” comme de nombreuses organisations et associations, est dissoute et une partie du personnel médical, accusé de communisme, est arrêtée. L’hôpital continuera à être géré par une association à but non-lucratif, il est intégré en 1976 au service public hospitalier. 2004. Le Docteur Bonifaci dit “Bonifacio” fut l’une des figures historiques du service médical de l’hôpital Varsovie. COLLECTION LAUREANO ROMÁN Après la guerre, le camp du Récébédou est rebaptisé Vila Quijote par les Espagnols qui y sont installés faute de mieux. Une vie sociale et culturelle intense s’y organise : bibliothèque, cours de français, ateliers d’artisans... De l’exil à l’insertion De nombreux réfugiés trouvent asile dans des familles espagnoles issues de l’immigration économique d’avant la guerre. À cette époque, on compte déjà plus de 25 000 Espagnols dans le département, soit la moitié de la population étrangère, et les trois-quarts vivent à Toulouse. Par le biais notamment des Groupements de Travailleurs Étrangers (GTE), les réfugiés sont employés dans les exploitations agricoles, les usines d’armement ou d’aviation, comme Bréguet, Dewoitine et dans les Poudreries Nationales de Toulouse et du Fauga. La plupart continueront à travailler dans ces mêmes usines après la guerre. La Résistance Maquisards à la libération de Toulouse. GERMAINE CHAUMEL La place du Capitole à la libération de Toulouse. GERMAINE CHAUMEL 3 septembre 1944, Toulouse. Guérilleros défilant avec des casques allemands qu’ils ont repeints en bleu. JEAN DIEUZAIDE L’engagement dans la Résistance se fait aux côtés d’autres étrangers, comme Marcel Langer, ancien des Brigades internationales et chef d’un groupe de jeunes résistants pratiquant la guérilla urbaine. Les Espagnols, qui défileront à la Libération aux côtés des autres formations de la Résistance française, ne seront pas toujours reconnus à la hauteur de leurs engagements dans la lutte armée. le Lot 1944, Carjac. Défilé des Guérilleros commandés par le capitaine Rodriguez Gonzáles. MUSÉE DÉPARTEMENTAL DE LA RÉSISTANCE, TOULOUSE. terre de transit et de résistance En 1939, le Lot ne constitue qu’un département de passage pour les réfugiés espagnols de la Retirada, qui sont de façon générale bien accueillis par les habitants. Exemple de justificatif exigé aux réfugiés espagnols pour régulariser leur situation. PHOTO MARÍA LUISA BROSETA MARTI-BDIC. Officier de l’armée républicaine, Salvador Estrada dit “Mosquito” participe à la Résistance dans la région de Cahors. Comme tant d’autres de ses compagnons, il a donné sa vie afin que vive la liberté. 2004 MONTCUQ. PHOTO NELLY BLAYA. Pendant l’Occupation allemande, l’ancien ministre des Travaux publics de la République espagnole, Julio Just est assigné à résidence à Limogne-en-Quercy. Les républicains espagnols internés dans les camps de Catus et Cajarc sont nombreux à s’enfuir pour échapper aux travaux forcés des Allemands. La plupart d’entre eux rejoignent des groupes de résistants. C’est ainsi que se forment autour de Jean-Jacques Chapou, alias “Capitaine Philippe”, figure de la Résistance lotoise, les maquis Liberté-République-Fraternité dans la région de Figeac. L’engagement des Espagnols dans la lutte armée peut être évaluée au nombre important de stèles commémoratives visibles aujourd’hui dans le Lot. La colonie Aymare une expérience de collectivité espagnole dans le Lot “ Chacun travaillait suivant ses aptitudes et son rythme, il n’y avait aucun salaire distribué, les repas étaient préparés par un cuisinier avec l’aide de volontaires et pris en commun. Les décisions concernant la construction du pavillon, et tout ce qui concernait la bonne marche du château étaient prises entre tous. Gloria, ancienne résidente de la colonie. Carte postale éditée par la SIA et vendue au profit de la collectivité. COLLECTION FAMILLE NAVARRO ” À l’initiative de militants libertaires, la colonie Aymare, créée en 1939, est le lieu d’une expérience autogestionnaire héritière de l’esprit des collectivisations en Espagne. Pendant l’Occupation, Aymare accueille des groupes de résistants, puis des rescapés, malades ou mutilés de la guerre civile espagnole et des camps de concentration. Dans un esprit égalitaire, la communauté octroie les mêmes droits aux jeunes et aux personnes âgées. En 1952, une réunion internationale, avec la participation de 150 délégués de France, d’Espagne, d’Angleterre, du Mexique et de Belgique est organisée par la CNT (Confederación Nacional del Trabajo). La colonie devient le point de rencontre international des exilés issus de la mouvance anarcho-syndicaliste. Cette expérience prend fin en 1963. Rassemblement de réfugiés espagnols venant du meeting d’Alianza Democrática Española qui se tenait à Albi. le Tarn une terre d’accueil 1944, Place de la Bouteillerie, Cordes-sur-Ciel. COLLECTION NAVARRO Monsieur Vidal accueille chez lui des réfugiés espagnols. Dès 1936-1937, de nombreux Espagnols fuyant la guerre civile arrivent dans le Tarn. Retenu par le gouvernement français comme département de 1ère urgence pour les réfugiés civils, le Tarn accueille le 15 février 1939, 3 000 Espagnols répartis dans 45 communes. M. et Mme Vidal, Mazamet 1939. COLLECTION RÉMY CAZALS. La commune et les habitants de Cordes-sur-Ciel organisent un accueil chaleureux aux Espagnols. Par contre à Mazamet, c’est l’ancien maire Albert Vidal qui, contre l’avis du nouveau , met en place l’accueil de soldats républicains blessés. Rodolfo Llopis, député d’Alicante et secrétaire d’État en exil est assigné à résidence dans le Tarn. Élu secrétaire général du PSOE1 en 1944, Llopis s’installe à Albi jusqu’à sa mort en 1983. 1 PSOE Parti Socialiste Ouvrier Espagnol, une des composantes politiques du camp républicain. Francisco Largo Caballero, ancien président du conseil de la République espagnole est également assigné à résidence dans le Tarn. Il sera déporté en Allemagne. Le camp de Brens Le camp d’internement de Brens, au sud de Gaillac, n’est au départ qu’une propriété privée louée par la CGT de la Haute-Garonne pour accueillir des colonies de vacances. Dès 1938, des enfants espagnols réfugiés y séjournent dans l’attente d’être pris en charge par des familles de syndicalistes. En février 1942, le camp de Brens compte 24 enfants et 441 femmes de plusieurs nationalités. 1942, Mme Bettini, réfugiée espagnole COLLECTION BETTINI 1942, groupe d’enfants. INSTITUT RÉGIONAL CGT D’HISTOIRE SOCIALE. 1942, de jeunes enfants. COLLECTION BETTINI 1942. Le camp de Brens était “spécialisé” dans l’internement des femmes (droit commun et politique). Ici un groupe de “politiques”. COLLECTION BETTINI 27 mai 1941, jeunes femmes espagnoles COLLECTION BETTINI En octobre 1939, la colonie est réquisitionnée par le Préfet du Tarn, puis transformée en “centre d’hébergement” pour les juifs. En février 1942, Brens devient un “camp de concentration”1 exclusivement réservé aux femmes. S’y retrouvent essentiellement des militantes politiques, des épouses de dirigeants communistes et des juives étrangères jugées “dangereuses”, ainsi que des Espagnoles transférées du camp d’Argelès. Le 26 août 1943, 31 d’entre elles sont déportées à Auschwitz d’où elles ne reviendront jamais. Après la guerre, le camp redevient une colonie de vacances de la CGT2 jusqu’en 1948. Un lourd silence s’abat alors pendant plus de 20 ans sur le passé de ce camp. Ce n’est qu’en 1969 que les diverses associations de résistants parviennent à faire revivre le souvenir du calvaire des internées de Brens. 1 Camp de concentration Les camps de réfugiés étaient désignés, d’après les écrits officiels de l’époque, sous l’appellation de camps de concentration, c’est-àdire, camps où l’on rassemble, où l’on concentre une population. Compte tenu de la tragédie vécue par les juifs au cours de la “solution finale”, on parle aujourd’hui de camps d’internement afin de les différencier des camps de concentration et d’extermination où l’on fit périr volontairement des millions d’hommes, de femmes et d’enfants. 2 CGT : Confédération Générale du Travail, syndicat français de travailleurs. le Tarn-et-Garonne Auteur littéraire avant d’être Président de la République Manuel Azaña s’exile à Montauban. FONDATION PABLO IGLESIAS Montauban, un haut lieu du souvenir de l’exil républicain espagnol Pour son enterrement, les autorités françaises interdisent de recouvrir le cercueil du drapeau républicain espagnol. À la place, les réfugiés utiliseront celui du Mexique resté fidèle à la République espagnole. FONDATION PABLO IGLESIAS Manuel Azaña, dernier Président de la République espagnole, est élu en mai 1936. La guerre civile éclate en juillet. Il abandonne définitivement l’Espagne en franchissant de nuit et à pied la frontière des Pyrénées en février 1939. Se sentant trahi, il démissionne lorsque la France et l’Angleterre reconnaissent le gouvernement de Franco. Réfugié à Montauban sous protection diplomatique du Mexique, Manuel Azaña meurt le 3 novembre 1940 alors que Vichy s’apprêtait à le livrer à Franco. Symbole de la République défunte et trahie, sa tombe, toujours fleurie, comme celle d’Antonio Machado à Collioure, est un lieu emblématique de l’exil des Espagnols. La solidarité s’organise Devant le désarroi des réfugiés et la désorganisation des autorités françaises, de simples citoyens se mobilisent pour venir en aide aux Espagnols. Cet esprit de solidarité touche aussi certains notables du département comme Jean Baylet, responsable de la Dépêche du Midi et président fondateur du Secours Rouge qui soutiendra Manuel Azaña jusqu’à sa mort. Jean Baylet COLLECTION BAYLET Le camp de Septfonds Au cours des années 1939-1940, le Tarn-et-Garonne est une plaque tournante de l’exil des républicains espagnols. Le camp de Septfonds est installé en février 1939 et prévu pour 15 000 personnes. Débarquant par trains entiers, il seront en fait des dizaines de milliers de réfugiés, entassés à plus de 350 dans 45 baraquements insalubres et livrés au froid. Le camp est spécialisé dans le regroupement des métallurgistes, des manœuvres et des mineurs. Ainsi des centaines d’ouvriers espagnols sont envoyées dans les usines d’armement et d’aviation à Toulouse et à Tarbes. D’autres intègrent les exploitations agricoles du département par le biais d’embauches individuelles ou des Compagnies de Travailleurs Étrangers (CTE). Vue d’ensemble du camp. MUSÉE DE LA RÉSISTANCE DE MONTAUBAN Les internés souffrent du froid et du dénuement mais aussi de l’inactivité ; ils développeront dans le camp une activité culturelle intense. MUSÉE DE LA RÉSISTANCE DE MONTAUBAN Une des cuisines du camp. MUSÉE DE LA RÉSISTANCE DE MONTAUBAN À partir de l’été 1942, Septfonds devient aussi un camp de transit pour les juifs, les opposants d’Allemagne et d’Europe centrale, avant leur déportation vers Auschwitz. 1939. “Présentation” des réfugiés espagnols aux autorités militaires et civiles françaises. On distingue une fanfare de musiciens volontaires. PHOTO JAUBERT MONTAUBAN