30 panneaux thèmes

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“Il était une fois
la République espagnole…”
Pourquoi la Région Midi-Pyrénées réalise-t-elle cette exposition ?
Parce que, depuis des siècles, l’Espagne habite aussi chez nous. Que ce soit au sud ou
au nord de la chaîne des Pyrénées, le destin de nos deux pays a toujours été étroitement lié
par le biais d’immigrations successives.
Le 14 avril 1931, le peuple d’Espagne, exsangue au terme de sept ans de dictature, instaure par
des élections démocratiques, sa IIe République. La France en est, pour sa part, à la IIIe République.
À ses débuts, la jeune République espagnole s’inspire de son aînée française, patrie des
droits de l’Homme, dirigée par le Président Albert Lebrun. Elle sera très vite balayée par un
coup d’État militaire. Après trois ans d’une guerre civile qui met l’Espagne à feu et à sang,
500 000 réfugiés espagnols fuient le franquisme. Beaucoup choisissent comme seconde
patrie la France et s’installent en majorité en Midi-Pyrénées où ils se sont très bien intégrés.
Ces femmes et ces hommes ont durablement marqué notre région.
Ils sont entrés dans l’histoire de Midi-Pyrénées. Il est légitime de leur rendre hommage et
d’informer la jeunesse, qui, pour partie, est l’héritière de ce passé. Avec le temps, cette histoire
s’est inscrite dans le patrimoine de nos deux pays.
C’est en Midi-Pyrénées que se sont fortifiées les institutions démocratiques de l’Espagne
actuelle. Les partis politiques, les syndicats, les artistes, la presse en exil s’y sont développés.
Ils ont entretenu l’esprit de l’Espagne démocratique et le lien avec la résistance intérieure
contre Franco. Midi-Pyrénées a été un port d’attache, un conservatoire de l’idée républicaine
espagnole, une plate-forme pour la démocratie au pouvoir aujourd’hui en Espagne.
Après l’hommage solennel rendu le 19 novembre à l’Hôtel de Région en présence des acteurs
et des témoins de la Retirada, et comme je m’y étais engagé, le Conseil Régional poursuit
logiquement son travail de mémoire et d’information auprès des jeunes avec cette exposition.
Cela aussi relève de la mission des responsables politiques.
Martin Malvy
Ancien Ministre,
Président de la Région Midi-Pyrénées
Toulouse, capitale de la Région
Midi-Pyrénées est aussi la terre
d’accueil des démocrates espagnols
et devient ainsi la “Capitale” de
l’exil républicain espagnol de 1939.
L’activité culturelle et politique
des réfugiés espagnols y sera très
importante jusqu’au retour de
la démocratie en Espagne.
■
Le Cinéma Espoir au 69 rue
du Taur est un des lieux emblématiques de l’histoire de l’exil
républicain en Midi-Pyrénées.
Il est utilisé par les réfugiés
espagnols comme salle de
réunion politique et centre
culturel (théâtre, cinéma…).
■
Le PSOE en exil établit également
son siège au 69 rue du Taur.
■
Le syndicat UGT occupe des
locaux voisins au 4 rue du Taur.
■
La CNT établit son siège au
4 rue Belfort, local qu’elle
partage avec “l’Agrupacion”
d’ex-combattants espagnols.
■
Le PCE utilise le plus souvent
pour ses réunions la Bourse
du travail, place Saint Sernin.
■
Le POUM utilise le local du
Casal Català et organise
leur premier rassemblement
populaire le 15 juillet 1945
à Toulouse.
les Espagne
une mosaïque culturelle et économique
La société espagnole des années
1930 est une société en marge
de l’Europe (40% d’analphabètes),
où fermentent les futurs affrontements
sociaux. Au-delà des décalages
économiques —le nord à tendance
industrielle et le sud plutôt rural—
des différences culturelles et
linguistiques subsistent entre
la Catalogne, le Pays Basque,
la Galice et les autres régions
de l’Espagne (Castille, Andalousie
et Estrémadure).
Une réforme agraire
indispensable
Dans une Espagne fortement
rurale mais qui s’est rapidement
industrialisée depuis la Première
guerre mondiale, s’opposent
les grands propriétaires terriens,
terratenientes, qui n’ont pas
modernisé leurs pratiques
agricoles, et une population
grandissante de journaliers,
braceros, paysans sans terre.
La réforme agraire est donc
une des priorités de la
République. Son échec
explique les drames à venir.
La Biscaye au Pays basque,
Le Pays basque, les Asturies
et la Catalogne, ont été touchés
capitale Bilbao, est le centre de l’industrie
sidérurgique. Les Anglais achètent le minerai
de fer basque et fournissent la houille.
par la révolution industrielle.
Mer Cantabrique
Santander
Les Asturies,
Vigo
ASTURIES
GALICE
FRANCE
SaintSébastien
bastien
Oviedo
La Corogne Lugo
capitale Oviedo, bastion socialiste,
regroupent les centres miniers. En 1934,
une révolution sociale des mineurs y sera
réprimée dans le sang par l’armée, déjà
commandée par le général Franco
(plus de 3 000 morts).
Bilbao
CANTABRIE
PAYS
BASQUE Pampelune
León
Le
Vitoria
Orense
La Catalogne,
NAVARRE
Logroño
Logro
LA RIOJA
Palencia Burgos
CASTILLE
Zamora
ET LEÓ
N
CATALOGNE
Lérida
rida
Soria
Valladolid
Tarragone
Guadalajara
Avilá
Avil
Teruel
MINORQUE
MADRID
PORTUGAL
Valence
CASTILLE LA MANCHE
COMMUNAUTÉ
VALENCIENNE
EXTRÉMADURE
Ciudad Real
Alicante
MURCIE
ANDALOUSIE
ée
ran
Grenade
Séville
ville
Almeria
Málaga
laga
Mer
Cadix
Palma
de Majorque
îles Baléares
FORMENTERA
Murcie
Jaén
Ja
ite
r
n’ont pas fait évoluer les pratiques
agricoles. Et les “braceros” vivent sous
la menace du chômage. Ils sont sensibles
au langage des partisans de Bakounine1.
IBIZA
Albacete
Cordoue
Huelva
MAJORQUE
Castellón
Castell
de la Plana
Cuenca
Tolède
Tol
de
Cáceres
ceres
LISBONNE
Badajoz
En Andalousie les “terratenientes”
Barcelone
Saragosse
ARAGON
Segovie
Salamanque
Gérone
rone
Huesca
Mé
Ceuta
d
capitale Barcelone, est le
siège d’une industrie textile
modernisée. Elle s’est
développée en un pôle
dynamique du commerce
européen. C’est aussi en
Catalogne qu’est née en
1910 la CNT3, syndicat
anarchiste fortement
représenté dans le milieu
ouvrier et paysan.
Melilla
La Huerta2 de Valence est consacrée
ALEM SURRE-GARCIA
aux cultures maraîchères.
PHOTOS : CHARLES CAMBEROQUE
1
Bakounine :
1814-1876, révolutionnaire
Russe, un des chefs de la Ier
Internationale, théoricien de
l’anarchisme, en opposition
à Karl Marx.
2
Huerta :
verger, jardin, potager, ici,
signifie que toute la région
de Valence était cultivée.
3
CNT :
Confederación Nacional
del Trabajo
Il était une fois
la République
31
9
1
ril
v
a
14
L’Espagne a connu
sa Ière République en 1873.
Proclamée après des décennies
de guerre d’indépendance contre
les troupes napoléoniennes (1808)
et de guerre d’indépendance
interne pour la succession au trône
d’Espagne, cette Ière République
est anéantie en moins d’un an.
L’Espagne redevient une monarchie
tiraillée entre plusieurs courants
politiques.
BENÍTEZ CAZAUS
Le XIXe siècle est pourtant le siècle
porteur de l’émergence de l’idée
démocratique. Cette dernière
s’incarne dans l’évolution de la
Constitution sujette à de profondes
réformes : les biens de l’église sont
déclarés propriété nationale.
La IIe République, “la niña Bonita”
(la jolie fille), naît dans l’euphorie
le 14 avril 1931 à la suite d’élections
municipales et de sept années de dictature.
Cette République tant espérée met fin
pacifiquement à la monarchie et le roi
Alphonse XIII s’exile mais n’abdique pas.
En 1931, la IIe République fait passer l’Espagne d’un régime
de monarchie autoritaire à celui de démocratie parlementaire.
L’alliance du Front populaire, menée par Manuel Azaña,
gagne les élections en février 1936.
Ce printemps 36 est celui de l’agitation politique, à droite
comme à gauche. Cette agitation culmine avec el alzamiento
(le soulèvement militaire) le 17 juillet 1936 au Maroc espagnol.
18 juillet 1936
el alzamiento
le soulèvement militaire
Ce putsch (pronunciamiento), préparé de longue date, gagne
l’Espagne le 18 juillet sous l’impulsion des généraux Mola,
Franco, Queipo de Llano, Sanjurjo, soutenus par le clergé et
les grands propriétaires. Dès le 19 juillet, le peuple se mobilise
spontanément et prend d’assaut les casernes rebelles pour
s’armer et défendre “sa” République. L’armée et le pays
se divisent en deux camps opposés.
Les avancées sociales
de la IIe Répulique
La nouvelle constitution
républicaine réorganise
l’armée, sépare l’Église
de l’État, donne le droit de
vote aux femmes, permet
la liberté syndicale, reconnaît
l’autonomie de la Catalogne
et de l’Euskadi (Pays basque),
programme l’accession des
petits paysans à la propriété
et la disparition des latifundios (très grandes propriétés
rurales). Toutes ces avancées
sociales marquent définitivement la rupture entre deux
Espagne.
Les nationalistes
Les fascistes qui s’auto-proclamment los nacionales, l’aristocratie,
les grands propriétaires et les grands entrepreneurs ainsi que
l’Église catholique soutiennent le coup d’État militaire qui rassemble
les africanistes (la légion et les troupes maures), les milices carlistes,
les phalangistes et une partie de la guardia civil.
Les républicains
Côté républicain, les forces armées sont constituées
de la marine, des carabiniers et des gardes d’assaut
restés fidèles. Cette armée rebaptisée “armée
populaire” est renforcée par les milices, les Brigades
internationales et les volontaires qui sont payés
10 pesetas par jour, le salaire d’un ouvrier qualifié.
La République, son drapeau
et ses dirigeants.
AFFICHE D’OPISSO, 1931
FONDATION PABLO IGLESIAS
File d’attente pour les
élections législatives du
16 février 1936, Barcelone.
AGUSTI CENTELLES, © ADAGP PARIS 2005
La gauche républicaine à l’avant-garde de
la lutte contre le fascisme international.
AFFICHE PETIT GUILLEN, 1937
FONDATION PABLO IGLESIAS
Même si le putsch de ces militaires a en partie échoué,
tous les pions sont avancés pour une terrible guerre civile…
Groupe du Front populaire
et carabiniers après l’assaut victorieux
de la Capitainerie Générale de Barcelone,
19 juillet 1936.
AGUSTI CENTELLES, © ADAGP PARIS 2005
Les premiers phalangistes
à Pampelune, 19 juillet 1936.
AUTEUR INCONNU
FOND MARIANO AGÜAYO
La guerre d’Espagne fut
une répétition générale
des souffrances qui
attendaient les civils
dans les affrontements
à venir de la IIe guerre
mondiale. Les champs
de bataille espagnols
permettent aux armées
d’Hitler et de Mussolini
de mettre en œuvre
de nouvelles techniques
de guerre, en usant des
blindés et de l’aviation
sur les populations.
Séville, dans le quartier de
Triana après le passage des
troupes du Général franquiste
Queipo de Llano.
JUAN JOSÉ SERRANO
PHOTOTÈQUE MUNICIPALE DE SÉVILLE
“La guerre arrive
comme un ouragan…”
Antonio MACHADO
Un déluge de feu
s’abat sur les populations civiles
Madrid, fidèle à la République, assiégée par les fascistes nationalistes,
est la première cible des bombardements aériens et des raids meurtriers,
dès novembre 1936. On compte plus de 5 000 morts.
Le Pays basque sera un des champs d’expérimentation et la première cible de la Légion
Condor (escadrille allemande) qui anéantit
sous la mitraille les villes de Durango, le 31
mars 1937 et Guernica, lieu symbolique de
la nation basque, le 26 avril 1937.
Sur Barcelone, en mars 1937, l’aviation italienne
basée aux Baléares lâche des bombes de 50
à 100 kilos.
À Séville, dans le Sud, la répression fait
9 000 morts dans la population civile.
La violence est partout. Les exécutions
sommaires, les massacres, les règlements
de comptes n’épargnent personne des
deux camps.
Guernica, ville martyre
Un jour de marché, la population est
mitraillée. Il y a 1 654 morts et 889 blessés.
Cet épisode tragique inspirera la célèbre
toile de Picasso qui sera exposée pour
la première fois dans le pavillon de la
République espagnole à l’exposition
Universelle de Paris en 1937.
La terreur, la mort et la famine
seront le lot quotidien d’un conflit
acharné et fratricide.
L’Espagne d’aujourd’hui
redécouvre l’étendue
des fosses communes,
“las fosas de Franco”,
qui furent les sépultures
anonymes des républicains
exécutés au fur et à mesure
de l’avancée des troupes
franquistes.
DOMINIQUE GAUTIER - CREAV ATLANTIQUE
Bombe non explosée,
Madrid 1938
AGENCE MAYO
Dessin réalisé pendant la guerre civile,
Juan Aparicio Alonso, 12 ans,
Escuela Hogar de Antella (Valence).
UCSD, MANDEVILLE SPECIAL COLLECTIONS LIBRARY
Victimes des avions fascistes,
Madrid, décembre 1936
Dessin réalisé pendant la guerre civile,
Carlos Redondo Sanz, 13 ans,
Colonia Escolar colectiva (Burriana)
UCSD, MANDEVILLE SPECIAL COLLECTIONS LIBRARY
CENTELLES, © ADAGP, PARIS 2005
“Vous êtes l’Histoire,
vous êtes la légende…”
Dolores IBÁRRURI dite la Pasionaria
Les Brigades internationales
La guerre civile espagnole est vécue en Europe
comme une guerre des peuples luttant contre
le fascisme incarné par l’alliance de Franco, d’Hitler
et de Mussolini. Des milliers de volontaires quittent
leur pays et s’engagent dans la guerre d’Espagne.
L’adieu aux Brigades
Les adieux aux Brigades internationales
ont lieu le 15 novembre 1938, à Barcelone,
sous les vivats de la foule. C’est Dolores
Ibárruri (la Pasionaria), dirigeante du
Parti communiste espagnol, qui prononce
l’exaltant message de despedida où elle
rend à la fois hommage aux vivants et
aux morts :
“[…] Et Jarama, et Guadalajara, et
Brunete, et Belchite, et Levante, et
l’Ebre chantent avec des strophes
immortelles le courage, l’abnégation,
la bravoure, la discipline des hommes
des Brigades internationales…Vous êtes
l’Histoire, vous êtes la légende, vous
êtes l’exemple héroïque de la solidarité
et de l’universalité de la démocratie.
Nous ne vous oublierons pas : et quand
l’olivier de la paix fleurira, entrelacé
avec les lauriers de la victoire de la
République espagnole, revenez ! […]”.
1938, Barcelone.
Dolores Ibárruri, Maurice Thorez, secrétaire
général du PCF et José Diaz, secrétaire général
du PCE, au micro de Radio Barcelone.
ARCHIVE NATIONALE DE CATALOGNE,
BARCELONE
1938, Barcelone.
L’adieu des brigadistes au peuple d’Espagne.
CENTELLES, © ADAGP, PARIS 2005
AGUSTI CENTELLES, © ADAGP PARIS 2005
Beaucoup y laisseront leur vie, notamment
sur les fronts du Jarama et de l’Ebre.
Ils constituent les troupes de choc de
l’armée populaire de la République
et s’intègrent dans deux courants :
Les Brigades internationales
Leur création est décidée dans l’urgence
à Moscou, en août/septembre 1936, par
le Komintern. Cette décision est ratifiée
par le gouvernement espagnol en octobre.
Plus de 30 000 brigadistes se retrouvent
en Espagne et contribuent entre autres
à bloquer l’offensive franquiste sur le
front de Madrid.
Les volontaires internationaux
Ils sont 3 000 à s’engager dans les milices
ouvrières de la CNT et du POUM, dont
l’écrivain anglais George Orwell qui a
transcrit cet épisode dans l’ouvrage
“Hommage à la Catalogne” (1938).
Plus de 60 nationalités
pour défendre la République
De nombreuses personnalités
culturelles et politiques rejoignent
les Brigades internationales : le
futur chancelier allemand et prix
Nobel de la paix Willy BRANDT, le
futur chef des FFI d’Île-de-France
Henri ROL-TANGUY, le dramaturge
allemand Friedrich WOLF, le futur
Président de la Yougoslavie Josip
BROZ dit Tito ou encore l’écrivain
hongrois Arthur KOESTLER.
Les Français représentent le
contingent de brigadistes
le plus important, parmi eux
le poète Benjamin PÉRET.
La notoriété et l’action d’autres
personnalités permettent de faire
connaître la lutte des Brigades :
Ernest HEMINGWAY, correspondant
de guerre Américain, auteur de
“Pour qui sonne le glas”, ainsi
qu’André MALRAUX futur ministre
du Général DE GAULLE et auteur
du livre et du film “L’espoir” qui
relate son odyssée espagnole
avec l’escadrille España.
Les collectivités
une révolution dans la guerre
“Nous voulions la socialisation
de toutes les richesses pour
que pas même un individu
puisse être laissé en dehors
du banquet de la vie.”
Diego ABAD DE SANTILLAN,
dirigeant de la CNT
Dès le soulèvement militaire contre la République,
en juillet 1936, un vaste mouvement populaire de
collectivisation des moyens de production s’engage.
1
De incautación
saisie, confiscation.
2
CNT
Confederación
Nacional
del Trabajo.
De nombreux dirigeants et cadres ayant fui ou étant
compromis avec ce soulèvement, abandonnent leurs
entreprises qui sont incautadas1 par les employés et
les ouvriers. Les travailleurs en prennent la direction
de façon collective et démocratique et réorganisent
la production. Tous les secteurs économiques sont touchés
par ces collectivisations. En Catalogne, environ 70%
des entreprises sont incautadas. Au Levant (région
de Valence), 50%.
À la campagne, les collectivisations concernent les terres.
Les grandes propriétés sont saisies par les paysans ou
les milices, notamment de la CNT2. Le travail est réorganisé
en commun, de manière très différente selon les régions.
En Aragon, plus de 450 collectivités sont affiliées à la CNT,
regroupant 430 000 paysans. Il n’y a pas d’argent, seulement
des vales, des bons échangeables contre des produits
dans les magasins de la collectivité.
Les grandes entreprises industrielles,
les transports en commun, le gaz et
l’électricité, le téléphone, la presse,
les salles de spectacle, les hôtels et
les restaurants, mais aussi les salons
de coiffure ou les boulangeries sont
désormais sous le contrôle de leurs
employés, souvent par le biais des
syndicats ouvriers.
Affiche d’Arturo Ballesta, 1936
FONDATION ANDREU NIN
Un bus “collectivisé” CNT devant le siège
du Partit Socialista Unificat de Catalunya
AGUSTI CENTELLES, © ADAGP PARIS 2005
Un restaurant autogéré sur les Ramblas,
Barcelone 1936
FONDATION SALVADOR SEGUI
6
juillet 193
mars 1939
Les tournants
de la guerre
La guerre civile espagnole fait rage de juillet 1936
à mars 1939, sur terre, dans les airs et sur mer.
Elle se termine par la défaite du camp
républicain divisé, qui souffre de l’embargo
sur les armes maintenu par la France et
du sous-encadrement de ses soldats.
L’Espagne restera déchirée par ce conflit
durant des décennies.
Institutions et armées
en présence
Président de la République espagnole,
Manuel Azaña installe le gouvernement
à Barcelone. Largo Caballero puis Negrin
en seront successivement les chefs.
Le gouvernement fasciste de Franco,
el Caudillo, s’installe à Burgos. Il est
soutenu par l’armée italienne de
Mussolini, il Duce et la puissante
Légion Condor d’Hitler, der Führer.
C’est l’occasion pour l’Allemagne
d’entraîner ses troupes et de tester
l’efficacité de son matériel avant
son entrée en guerre avec le reste
du monde.
Les batailles décisives
1936
1939
août 1936
janvier 1939
Barcelone tombe le 26 janvier 1939
et Madrid le 28 mars. C’en est fini
de la République espagnole.
De juillet à septembre 1936, l’Alcazar
de la ville de Tolède en Castille, repris
par les franquistes deviendra un lieu
symbolique de leur Croisade.
Mer Cantabrique
FRANCE
SaintSébastien
bastien
Oviedo
La Corogne
Santander
Bilbao
Lugo
■
Lérida
rida
Barcelone
Saragosse
Tarragone
Segovie
Salamanque
Guadalajara
Avilá
Avil
Teruel
MADRID
PORTUGAL
Cáceres
ceres
MINORQUE
Castellón
Castell
de la Plana
MAJORQUE
Cuenca
Tolède
Tol
de
Valence
LISBONNE
Badajoz
Ciudad Real
IBIZA
Palma
de Majorque
îles Baléares
Albacete
Alicante
FORMENTERA
Cordoue
Murcie
Jaén
Ja
Huelva
Almeria
Málaga
laga
Mer
Cadix
déc 1937 - fév 1938
ran
Grenade
Séville
ville
Ceuta
La bataille de Teruel en Aragon, après avoir été une victoire
des républicains, finit par être gagnée par les fascistes.
Melilla
Mé
ée
juill / nov 1938
juillet 1938
d
La terrible bataille de l’Ebre, en Catalogne, est
la dernière offensive de l’armée républicaine
qui s’achève par la victoire franquiste (50 000
à 60 000 tués dans les deux camps). C’est aussi
le départ des Brigades internationales.
Très tôt, la guerre s’internationalise…
Rapidement, la Grande-Bretagne et la France
prônent la non-intervention alors que l’Italie
et l’Allemagne soutiennent Franco par l’envoi
massif de troupes et de matériel de guerre
moderne, surtout des avions et des chars.
Côté républicain, après avoir frappé aux portes
de toutes les nations, seuls l’URSS et dans une
moindre mesure le Mexique, envoient des armes
et du ravitaillement.
WALTER REUTER
■
Gérone
rone
Huesca
Soria
Valladolid
ite
r
■
Pampelune
Logroño
Logro
Palencia Burgos
Zamora
AGUSTI CENTELLES, © ADAGP PARIS 2005
■
Orense
MUSÉE DÉPARTEMENTAL DE LA RÉSISTANCE, TOULOUSE
■
mars 1937
7 et 8 février 1937, prise du port de Malaga
par les Italiens et les franquistes.
Batailles du Jarama, près de Madrid.
Offensive victorieuse des républicains à Guadalajara.
Avril, Bilbao tombe aux mains des nationalistes.
26 août, chute de Santander
20 octobre, occupation des Asturies.Tout le front
basque tombe sous domination franquiste.
AGUSTI CENTELLES, © ADAGP PARIS 2005
■
Vitoria
ARCHIVES DE L’INDÉPENDANT, PERPIGNAN
1937
León
Le
Vigo
FOND MARIANO AGÜAYO
La chute de Barcelone,
le 26 janvier 1939,
provoque la Retirada,
l’exode des civils et
des militaires qui fuient
combats et représailles.
La France entrouvre sa
frontière aux femmes
et aux enfants, puis
aux blessés, mais refuse
le passage aux soldats
républicains.
Le 8 février 1939,
la France ouvre enfin
sa frontière à tous.
Le lendemain, les franquistes la referment.
janvier
février
1939
La Retirada
l’exode de l’Espagne légale
En France, rien n’est prêt
pour les accueillir
Dès le passage de la frontière, les soldats républicains sont désarmés sans
ménagement, les familles sont triées, puis séparées. Les femmes et les
enfants sont pour la plupart transférés dans des centres d’hébergement
à l’intérieur du pays. Les hommes sont parqués sur les plages du Roussillon
à même le sable, entre mer et barbelés, exposés au froid et aux épidémies.
Dès les premières semaines, des centaines de réfugiés meurent dans ces
“camps du mépris” où sont internés plus de 350 000 hommes.
Le gouvernement français de Daladier veut se décharger d’un fardeau
trop encombrant et ainsi encourager, sinon contraindre les réfugiés au
retour en Espagne, pour ne pas avoir à les entretenir. L’entrée en guerre
de la France en septembre 1939 change la donne. Les autorités françaises
adoptent une attitude beaucoup plus répressive à l’égard des exilés
républicains espagnols. Le statut de réfugié politique leur est refusé
et ne leur sera accordé que le 15 mars 1945.
FOND CHAUVIN
Près d’un demi-million de
vieillards, de femmes, d’enfants,
de combattants valides et de
soldats blessés traversent la
frontière française sous les
bombardements franquistes,
en abandonnant tout ce
qu’ils ont derrière eux.
Parmi la foule des anonymes
qui effectue à pied la traversée
de la frontière, le poète Antonio
Machado et sa mère de 93 ans.
Tous deux meurent à Collioure,
quelques jours après, d’épuisement et de chagrin. Leur tombe
commune, érigée grâce aux
écrivains français dont Albert
Camus, fait toujours objet
de pèlerinage.
L’arrivée au Perthus
FOND CHAUVIN
Surprise par l’afflux massif
des réfugiés espagnols en 1939,
la France ouvre précipitamment
des dizaines de camps.
Dès octobre 1937, après la chute
de Gijón, des réfugiés quittent
les Asturies pour la France.
FONDATION PABLO IGLESIAS
Les armées républicaines refluent
vers la France. Les militaires sont
désarmés à la frontière.
FOND CHAUVIN
Cuisines et autres baraquements.
FOND CHAUVIN
Le parloir au camp d’Argelès.
TAPIA
Parqués derrière des barbelés,
gardés par des soldats, affamés,
les réfugiés se demandent
s’ils sont encore des hommes.
19 février 1939.
L’arrivée au camp d’Argelès.
Installation de fortune dans le sable.
FOND CHAUVIN
Des terres d’accueil
1937 : le premier exil est celui des enfants
La chute de la zone nord de l’Espagne entraîne leur
départ en majorité vers la France (20 000), mais
aussi vers la Belgique, l’Angleterre, l’Union
Soviétique, le Mexique, la Suisse et
le Danemark. Ce sont “los niños de la Guerra”.
1939 : l’ Amérique latine, une nouvelle vie
Les Espagnols seront diversement
accueillis en Amérique latine.
Le Président du Mexique,
Lázaro Cárdenas qui ne reconnaît pas
le régime de Franco, leur offre l’hospitalité
et leur accorde la nationalité mexicaine.
Janvier 1939 :
Les milliers de réfugiés qui déferlent vers
la France, se fixent de préférence à Paris et
à Toulouse, véritables capitales de l’Espagne
en exil. Mais la France n’est pas le seul pays
d’accueil. Outre l’Amérique
latine, les combattants de
la zone de Valence partent en
majorité vers l’Afrique du nord.
De nombreux autres partent
pour l’URSS où déjà 3 000
enfants ont été accueillis.
En Argentine, où émigrera le grand poète
Rafael Alberti, la colonie basque reçoit
un traitement de faveur.
La République Dominicaine, le Venezuela,
la Colombie et Cuba sont à des degrés
moindres une terre d’accueil pour
les exilés républicains espagnols.
FONDATION LARGO CABALLERO
Le Chili est demandeur de bras pour son agriculture
et son industrie. Deux futurs prix Nobel veillent
à la réception des réfugiés espagnols : la poétesse Gabriela
Mistral qui accueille les enfants et le poète Pablo Neruda,
Consul général du Chili à Paris, qui organise le départ
en bateau depuis Bordeaux de 2 000 émigrés.
Les réfugiés espagnols pendant
1939
la Seconde
En France, les préparatifs de guerre contre l’Allemagne
s’intensifient. Le gouvernement français voit alors
l’opportunité que représentent les milliers de travailleurs
espagnols : une main-d’œuvre qualifiée
et non utilisée dans les camps.
La création des Compagnies
de Travailleurs Étrangers
Constituées dès le printemps 1939, les Compagnies de
Travailleurs Étrangers (CTE) sont initialement destinées
aux travaux de défense nationale, (renforcement de la
ligne Maginot…). D’autres CTE sont affectées au travail
dans les mines, la métallurgie, l’industrie de guerre
(munition, aviation, armement…) ou aux travaux agricoles, notamment dans le Sud-Ouest, pour remplacer les
hommes mobilisés au front. Au fur et à mesure
des recrutements, les camps se vident.
Sous Vichy, les GTE succèdent aux CTE
À la défaite de la France, le gouvernement de Vichy
remplace les CTE par les Groupements de Travailleurs
Étrangers (GTE).
Sous l’uniforme français…
Afin d’échapper aux camps, à leur renvoi
en Espagne ou au travail pour les Allemands,
près de 6 000 réfugiés s’engagent dans la
Légion étrangère ou dans les Régiments
de Marche de Volontaires Étrangers, dès
1939 pour certains.
Au printemps 1940, des Espagnols participent
sous l’uniforme français, aux côtés des alliés, à
la première vraie bataille contre l’armée allemande (la Werhmacht) à Narvik, en Norvège.
Répondant à l’appel du Général De Gaulle
le 18 juin 1940, les survivants espagnols de
cette expédition comptent parmi les premiers
effectifs des Forces de la France Libre (FFL).
Ci-dessus :
Le blindé “Guadalajara” avec un
groupe de républicains espagnols
à la libération de Paris.
ARCHIVE HISTORIQUE DE PCE.
Parallèlement, les autorités allemandes exigent de Pétain
la livraison régulière d’hommes pour la construction
du Mur de l’Atlantique dans le cadre de l’Organisation
Todt. La milice pétainiste réquisitionne
en priorité les Espagnols “rouges”
et se livre à une véritable chasse
à l’homme dans la zone libre
pour satisfaire leur allié nazi.
Plus de 100 000 Espagnols
auraient ainsi été soumis
à ce travail forcé en France.
guerre mondiale
Les guérilleros et les maquis espagnols
participent de façon déterminante
à la libération de la France.
Vicente López Tovar et des guérilleros.
AUTEUR INCONNU
16 août 1944. Guérilleros sous le commandement de
José Antonio Alonso, dit le “Commandant Robert”,
quelques jours avant la libération de Foix.
COLLECTION JOSÉ ALONSO
1944. La libération de Toulouse.
GERMAINE CHAUMEL
1944. Défilé de guérilleros après
la libération d’Albi.
MUSÉE DE LA RÉSISTANCE DE TOULOUSE
L’occupation de la zone Sud de la France par les
nazis, le 11 novembre 1942, accentue pour les
Espagnols les menaces de travail forcé en Allemagne.
Des centaines d’arrestations ont lieu.
La Résistance en réponse à la répression
Franco demande l’extradition des principaux dirigeants
et militants républicains espagnols réfugiés en France.
Julián Zugazagoitia Mendieta, ancien ministre de
l’Intérieur et Lluís Companys, président de la Généralité
de Catalogne, sont extradés et exécutés sur les ordres
de Franco. En réaction, de nombreux réfugiés rejoignent
les rangs de la Résistance dans les maquis ou les groupes
de guérilleros. Les Espagnols sont de précieuses recrues ;
ils apportent leur expérience de la lutte armée acquise
durant les années de guerre civile en Espagne.
En 1943, dans le Sud-Ouest, des groupes espagnols très
actifs et bien organisés, mènent des actions de sabotage,
participent à l’évasion de nombreux prisonniers et facilitent
le passage à travers les Pyrénées. À Toulouse, les attentats
contre les officiers allemands s’intensifient entre 1943
et 1944.
Les guérilleros et les maquis espagnols agissent en
liaison avec la Résistance française, mais la plupart
conservent leur indépendance et leur autonomie
jusqu’à la Libération, à laquelle ils participent
de façon déterminante.
Francisco Santaella Santaella,
arrivé à Mauthausen par le convoi
du 6 août 1940.
Groupe de femmes survivantes,
arrivées à Mauthausen peu de mois
avant la Libération.
Survivants du camps de Gusen.
La déportation
À partir du printemps 1940, les Espagnols faits
prisonniers en France ne sont pas considérés
comme prisonniers de guerre, mais comme des
“Espagnols rouges” (Rotspanier) et déportés
dans les camps de concentration nazis.
Francesc Boix
Le triangle bleu des apatrides marqué de la
lettre S pour Spanien (Espagne) les distingue
des autres prisonniers. Ils vont se trouver
dispersés à Buchenwald, Bergen-Belsen,
Dachau, Flossenburg, Neuengamme, Ravensbrück,
Sachsenhausen-Oranienburg et Auschwitz.
À partir d’août 1940, la plupart d’entre eux
sont déportés à Mauthausen, en Autriche.
Les républicains espagnols
ont taillé les 186 marches
de pierre qui mènent à la
carrière de Mauthausen :
on compte une mort
d’homme pour chacune
des dalles de ces marches.
Sur les 7 000 déportés espagnols, 65%
sont morts à Mauthausen. Leur taux de
mortalité dépasse celui des autres déportés
(43,5%), toutes nationalités confondues
(Hongrois, Polonais, Russes, Français,
Yougoslaves, Italiens).
On estime que près de 200 000 déportés
ont transité par Mauthausen et que
120 000 y sont morts.
Le 5 mai 1945, les Américains arrivent
à Mauthausen où 70 000 personnes
ont survécu dont 2 184 Espagnols.
Sur la façade de la forteresse une
banderole : “Les Espagnols antifascistes
saluent les forces de libération”.
Avoir 20 ans à Buchenwald
et Mauthausen
Francesc Boix
En janvier 1941, un photographe
catalan de 21 ans qui était passé
en France par les camps du Vernet
d’Ariège et de Septfonds dans le
Tarn-et-Garonne, arrive à Mauthausen
avec 1 506 républicains espagnols.
Francesc Boix sera affecté au laboratoire photo du camp nazi.
Sa fonction lui permettra de sauver
de la destruction des milliers de
photographies faites dans le camp.
Ces photos et son témoignage seront
utilisés en janvier 1946 au procès de
Nuremberg pour juger les criminels
de guerre nazis.
Jorge Semprún
Alors âgé de 20 ans et membre du
réseau de résistance Buckmaster,
Jorge Semprún est arrêté en France en
septembre 1943 et déporté à
Buchenwald jusqu’à la libération du
camp en 1945. Écrivain et scénariste
de renom, il témoigne de sa terrible
expérience dans les camps à travers
deux ouvrages : “Le grand voyage”
(1963), et “L’ écriture ou la vie” (1994).
Groupe de républicains survivants
du camps de Mauthausen, 5-7 mai 1945.
Ces photos de Francesc Boix ont
été prises après le départ des SS
de Mauthausen, en mai 1945
FONDS PHOTOGRAPHIQUE
DE L’AMICALE DE MAUTHAUSEN
MUSÉE D’HISTOIRE DE LA CATALOGNE.
L’impossible
retour
Malgré la victoire de Franco, les républicains espagnols
en exil n’ont pas abandonné l’espoir de libérer l’Espagne.
Ils pensent, en toute logique, que les alliés vont les aider
à renverser le franquisme après la chute du fascisme
italien et du nazisme allemand.
Val d’Aran, guérilleros
de la reconquista.
GPHOTO EXTRAITE DE ”MAQUIS PYRENEOS”,
D’AGUSTÍ. FERRÁN SÁNCHEZ
La UNE contre la dictature franquiste
1955,
la fin du rêve
Alors que l’ONU condamne
par deux fois en 1946 le
régime franquiste, elle
l’admet officiellement en
son sein en 1955 et enterre
le dernier espoir d’un retour
de la démocratie en Espagne.
Pour des milliers d’exilés,
c’est l’impossible retour…
ils posent définitivement
leurs valises en France.
En décembre 1941, la création de la Unión Nacional
Española (UNE), sous l’impulsion du Parti communiste d’Espagne, vise à réunir tous les Espagnols
exilés contre la dictature franquiste. Los guerrilleros,
aguerris par 3 ans de guerre civile, sont le bras armé
de la UNE. Leur objectif est de chasser un jour Franco
de l’Espagne, mais leur combat commence par la
lutte contre les troupes d’occupation en France.
Le 1er août 1941, l’organe de communication de l’UNE,
“Reconquista de España”, fait paraître son premier
numéro à Paris.
La “reconquista”
En septembre et octobre 1944, 10 à
15 000 volontaires se rassemblent le
long de la chaîne des Pyrénées à l’appel
de la UNE. La reconquista est lancée
pour rétablir la démocratie en Espagne.
Le 19 octobre 1944, plus de 3 500 hommes
mal équipés et sous-armés, engagent
l’action principale : occuper le Val
d’Aran. L’effet de surprise passé, la
supériorité numérique et matérielle des
forces franquistes, l’accueil plus que
réservé de la population, obligent les
guérilleros à se replier le 28 octobre.
"Reconquista de Espana",
journal de la UNE,
parution d’octobre 1944.
14 avril 1945, Toulouse,
14e anniversaire de la
République espagnole
JEAN DIEUZAIDE
Après la Libération,
l’opinion publique
française change
son regard sur les
réfugiés espagnols.
S’engager, espérer…
S’intégrer !
L’intégration se fait d’abord par le travail. Les intellectuels,
rejetés en France, partent en Amérique latine. Restent alors
en majorité les travailleurs manuels. Cette main-d’œuvre est
la bienvenue dans un pays en reconstruction. Les hommes
sont surtout présents dans les professions du bâtiment ou sur
les grands chantiers de montagne. Les femmes sont employées
de maison, “bonnes à tout faire”.
JEAN DIEUZAIDE
Les enfants sont accueillis sur les
bancs des écoles de la République
française. Ils vont avoir à cœur
d’apprendre la langue de ce pays
qui va devenir le leur. La structure
familiale recomposée (la guerre
finie, les hommes sont rentrés des
camps ou des maquis) demeure
alors le désir de préserver l’identité
culturelle. Les mariages, les naturalisations favorisent l’intégration.
La création d’un Casal Català et plus tard
d’un Ateneo sur le modèle de celui de
Madrid maintient le lien culturel avec
les nouvelles générations d’Espagnols.
De nombreuses expositions, représentations
théâtrales, conférences et la pratique du
sport constituent des occasions de rencontres
et de débats pour l’Espagne, toujours en exil.
Représentation de “Los arboles mueren de pie”.
COLLECTION FRÉDÉRIC SERRALTA
L’héritage politique
En 1950, le statut de réfugié politique
est enfin reconnu aux exilés espagnols.
C’est à Toulouse, capitale de l’exil républicain
espagnol, que s’installent les militants et les
sièges des différents partis et syndicats.
C’est au Mexique, qui ne reconnaît pas le
gouvernement de Franco, que se reconstitue
le gouvernement républicain en exil en 1945,
avant d’être transféré à Paris en 1946, avec
les gouvernements autonomes catalan et basque.
Toulouse, mars 1945.
Annonce d’un grand
meeting socialiste,
salle des Jacobins.
JEAN DIEUZAIDE
Socialistes, anarchistes, communistes, membres
du POUM ou républicains : les démocrates
espagnols sont en grand nombre en MidiPyrénées. Au total, dans les années d’aprèsguerre, entre 50 000 et 100 000 Espagnols sont
membres ou sympathisants de plusieurs dizaines
d’organisations politiques, syndicales, associatives,
culturelles ou d’anciens combattants.
Suresnes, octobre 1974.
Entre autres, à la table du XIIIe congrès
du PSOE : François Mitterrand, José Martínez
Cobo, Alfonso Guerra et Manuel Garnacho.
FONDATION PABLO IGLESIAS
1
PSOE
Partido Socialista Obrero
Español (parti socialiste
ouvrier espagnol).
La vitalité militante des
Espagnols s’exprime notamment dans la richesse de la
presse de l’exil. De 1939 à
la mort de Franco en 1975,
plus de 650 journaux voient
le jour. Cette presse de lutte
contre le franquisme, maintient le lien entre réfugiés,
sensibilise les Français à la
cause espagnole et favorise
la promotion des activités
militantes et culturelles.
CNT, parution du 17 juillet 1690.
La Humanitat, parution
du 15 octobre 1942.
El Socialista, parution
du 9 décembre 1944.
En août 1972, c’est à Toulouse que Felipe
González Márquez prend la tête du PSOE1
au XXVe Congrès. En octobre 1974, il est élu
secrétaire du PSOE à Suresnes. En 1982, il sera
désigné président du gouvernement espagnol.
La résistance espagnole de l’intérieur
La résistance armée contre la dictature franquiste
ne s’est pas arrêtée en 1944 avec l’échec de
l’expédition du Val d’Aran. Communistes et
anarchistes envoient en Espagne leurs meilleurs
militants. Le Sud-Ouest de la France devient
la base arrière des mouvements de résistance
espagnole de l’intérieur. Jusque dans les années
1960, des maquis se battent dans le León,
la Galice, les Asturies, la Catalogne,
le Levant et l’Aragon.
Une résistance civile à l’intérieur même de
l’Espagne se développe dès 1939 : grèves
ouvrières et étudiantes. La nouvelle opposition
anti-franquiste relaie les organisations de l’exil
dans la lutte contre la dictature anti-franquiste.
Invitation à la grève de l’usine SEAT, 1973.
FCG/CONC
Fin de la dictature
1975
en Espagne
“Aujourd’hui commence une nouvelle
étape de l’histoire d’Espagne. Une
société libre et moderne requiert
la participation de tous...”
JUAN CARLOS DE BOURBON
Burgos, 1939. Francisco Franco
avec les ministres qui composent
le nouveau gouvernement lors
de sa première réunion.
ARCHIVE AGENCE EFE.
Madrid, 20 novembre 1975.
Annonce de la mort de Franco.
ARCHIVE AGENCE EFE.
36 ans de répression franquiste, de mort
et d’exil ont pesé sur les Espagnols du dedans
comme sur ceux du dehors. À la mort du
dictateur âgé de 83 ans, le 20 novembre 1975
à Madrid, l’Espagne redevient une monarchie
parlementaire. La loi de succession adoptée
en 1947 par Franco, attribue le trône à Juan
Carlos de Bourbon, petit-fils d’Alphonse XIII.
La transition démocratique
Le Roi Juan Carlos rétablit
un régime parlementaire
en Espagne.
FONDATION PABLO IGLESIAS
La modernisation de l’appareil d’État va
s’incarner dans les gouvernements successifs.
Carlos Arias Navarro, fidèle du général
Franco, est remplacé dès juillet 1976 par
Adolfo Suarez González qui amorcera la
transition démocratique : légalisation des
partis, amnistie générale, vote de la nouvelle
Constitution.
La transition se déroule
sur fond de violence
■
L’ETA ne dépose pas les
armes (412 personnes
tuées de 1975 à 1980),
■
En janvier 1977, sept
avocats communistes
sont assassinés,
■
Adolfo Suarez González
démissionne de la présidence du gouvernement
le 29 janvier 1981, n’ayant
plus la confiance de
son parti.
■
Le 23 février 1981, le lieutenant colonel Tejero mène
une tentative de putsch
armé au sein du Parlement
espagnol qui échouera.
Le 15 janvier 1977 ont lieu les premières
élections libres depuis février 1936.
Le premier gouvernement
de Sa Majesté le Roi Juan
Carlos, avec Carlos Arias
Navarro comme président.
La Constitution du 6 décembre 1978
garantit la coexistence démocratique,
consolide l’État de droit et reconnaît les
institutions des gouvernements autonomes.
ARCHIVE AGENCE EFE
ARCHIVE AGENCE EFE
FONDATION PABLO IGLESIAS
les présidents de gouvernement…
1973-1976
Carlos ARIAS NAVARRO,
désigné par le général Franco.
1976-1981
Adolfo SOÁREZ GONZÁLEZ,
UCD
1981-1982
Leopoldo CALVOOTELLO BUSTELO,
UCD
1982-1996
Felipe GONZÁLEZ MÁRQUEZ,
PSOE
1996-2004
José-María AZNAR LÓPEZ,
PP
mars 2004
José-Luis RODRÍGEZ
ZAPATERO,
PSOE
l’Espagne aujourd’hui
L’alternance au pouvoir
1982, les élections législatives donnent le pouvoir aux socialistes
1
PSOE
Partido Socialista Obrero
Español (parti socialiste
ouvrier espagnol).
Felipe González Márquez, secrétaire du PSOE1, est investi président
du gouvernement espagnol le 28 octobre 1982. Son gouvernement
qui durera 14 ans, est marqué par l’adhésion de l’Espagne à la
Communauté Européenne en 1985. Passés les fastes des J.O. de
Barcelone et de l’exposition universelle de Séville en 1992, le
PSOE en proie à des difficultés internes sera battu aux élections
de mars 1996 par José-María Aznar López.
L’alternance au pouvoir
José-María Aznar López, qui se veut “libéral”, a gagné les élections
à la tête du Partido Popular (PP). Cet ancien inspecteur des finances
rétablit les finances de l’État au détriment de la politique sociale.
Il échappe à un attentat de l’ETA en avril 1995. Son adhésion en
2003 à l’intervention militaire des États-Unis en Irak provoque
une vague de protestations.
Le 11 mars à Madrid a lieu un terrible attentat islamiste.
Plusieurs bombes font 191 morts et 1 500 blessés dans
les transports en commun.
Le 14 mars 2004 le nouveau candidat du PP Mariano Rajoy Brey
perd les élections législatives.
José-Luis Zapatero Rodríguez, petit-fils d’un soldat républicain fusillé
par les franquistes pendant la guerre civile, secrétaire général du
PSOE, est nommé nouveau président du gouvernement espagnol.
Son premier acte politique est de retirer les troupes espagnoles d’Irak.
PHOTOS : CHARLES CAMBEROQUE
SILVESTER FURLAN, AMICALE DES ANCIENS INTERNÉS DU CAMP DE VERNET D’ARIÈGE
À leur arrivée, les prisonniers
sont dépouillés de toutes leurs
affaires personnelles.
Les paillasses sont humides,
infestées de vermine.
Le Vernet d’Ariège :
un camp disciplinaire
Début 1939, la France décide de réouvrir le camp du Vernet,
construit à la fin de la Première guerre mondiale, pour y
accueillir dans l’urgence des milliers de réfugiés espagnols.
Ce camp est tout d’abord destiné à l’internement des
réfugiés les plus politisés. Il devient rapidement un camp
disciplinaire, le plus répressif de France !
Sous le gouvernement de Vichy, les
gardiens du camp, des gendarmes,
sont réputés pour leur dureté et les
sévices commis contre les internés.
Avec l’internement de dirigeants
politiques, intellectuels et
antifascistes de tous pays, le
camp du Vernet devient un haut
lieu de rencontres et d’échanges
entre les intellectuels du monde
entier, dans lequel règne une
intense activité politique et
culturelle.
Mars 1939
1
Colonne Durruti :
milice du nom de son chef
anarchiste Buenaventura
Durruti, tué sur le front
de Madrid.
Des milliers de soldats républicains de la 26e Division, à forte
composante anarchiste, y sont enfermés et parmi eux, les survivants
de la colonne Durruti1. Il n’y a pas assez de baraques pour tous
les loger et la majorité doit dormir dehors dans la boue et la neige.
Les conditions de vie sont particulièrement dures. Les châtiments
corporels sont fréquents et les brimades permanentes.
À partir d’octobre 1939
“
Au thermomètre centigrade
du libéralisme, le Vernet était
le degré zéro de l’infamie.
[...] Au point de vue de la
nourriture, de l’installation
et de l’hygiène, le Vernet
était même au-dessous
du niveau d’un camp
de concentration nazi.
”
Arthur KOESTLER,
grand romancier anglais d’origine hongroise qui
s’est engagé dans les Brigades internationales.
Les étrangers “indésirables, dangereux pour la défense nationale”
sont envoyés au camp du Vernet : dirigeants politiques, anciens des
Brigades internationales, intellectuels, syndicalistes, antifascistes de
tous pays (Espagne, Allemagne, Italie, Autriche...). En août 1940, on
compte près de 5 000 prisonniers de 60 nationalités différentes. Les
internés sont également utilisés comme main-d’œuvre bon marché
dans les Compagnies de Travailleurs Étrangers (CTE) de la région.
Les lois antisémites et répressives du gouvernement de Vichy
qui envoient les juifs dans le camp, aggravent considérablement
les conditions de vie des internés.
De l’été 1942 à juin 1944
Le camp se transforme alors en antichambre de la mort et de
nombreux convois de femmes et d’enfants juifs partent de
la gare du Vernet vers Drancy, puis Dachau et Auschwitz.
À cette date, il ne reste plus qu’un nombre réduit de
républicains espagnols, transférés pour la plupart
dans les GTE et les camps de l’Organisation Todt.
La proximité de la frontière et la présence
des maquis ont fait des Pyrénées une zone
surveillée par l’armée allemande jusqu’en
août 1944.
MUSÉE DÉPARTEMENTAL DE LA RÉSISTANCE, TOULOUSE.
Les guérilleros
et la Résistance
en Ariège
Des Espagnols internés au camp du Vernet
sont utilisés des travaux forestiers dans
le cadre des Groupements de Travailleurs
Étrangers.
AUTEUR INCONNU
Groupe de guérilleros dans
le maquis de Montségur.
AUTEUR INCONNU
Pour sortir des camps d’internement à partir d’octobre 1940, certains
réfugiés espagnols partent travailler dans les Groupements de Travailleurs
Étrangers (GTE), où ils sont employés dans des exploitations forestières ou
agricoles. À l’abri des épaisses forêts d’Ariège et parfois avec la complicité
de chefs d’exploitation français, ces chantiers permettent aux Espagnols de
constituer progressivement de petits groupes de combattants.
L’Ariège, quartier général des guérilleros espagnols
La Résistance espagnole en Ariège s’organise de façon
autonome, notamment à travers les groupes de guérilleros
(initiés par le parti communiste), réunis dans les maquis.
Ils mènent des opérations de guérilla et de sabotage contre
les installations électriques ou ferroviaires. Certains libertaires
et socialistes préfèrent quant à eux intégrer les mouvements
de Résistance français. Tous se battent pour la liberté et
la démocratie sur le sol français en attendant de pouvoir
reprendre au côté des alliés le combat contre Franco.
La création du STO (Service du Travail Obligatoire) par le
gouvernement de Vichy en 1943 renforce les effectifs des
guérilleros. Malgré tout, de mars 1943 à février 1944, plus
de 700 travailleurs espagnols sont embarqués de l’Ariège
vers l’Allemagne.
1
FTPF
Francs-Tireurs et Partisans Français.
Branche armée du Front National
(organisation française de résistance).
2
FFI
AMICALE DES ANCIENS INTERNÉS DU CAMP DE VERNET D’ARIÈGE
Forces Françaises de l’Intérieur.
Organisation mise en place en mai
1944 pour unir tous les groupes
d’action de la Résistance française,
des différents maquis et des
guérilleros espagnols.
La Libération
Après le débarquement allié en Normandie, les guérilleros
travaillent de concert avec les FTPF1. Cependant, ce sont les
combattants espagnols qui attaquent seuls les Allemands à Foix,
le 19 août 1944 et libèrent la ville, sous le commandement
de José Antonio Alonso, dit le “Commandant Robert”.
Les guérilleros participent également à tous les combats
de la libération du département aux côtés des FFI2 : Pamiers,
Tarascon, Lavelanet, Ax-les-Thermes, Saint-Girons…
Les mines
de l’Aveyron
un lieu d’intégration
et de rassemblement
Dans le bassin industriel de Decazeville, la présence
espagnole est déjà forte en 1936. Cette communauté
représente plus de 5 000 personnes sur une population
totale de 36 000 habitants. Issue de la première vague
d’immigration économique des années 1910-1920,
cette génération joue un rôle essentiel dans l’accueil
des réfugiés de la guerre civile.
En mars 1939, 2 300 réfugiés sont recensés dans le département, essentiellement des femmes, des enfants et des vieillards. À leur sortie des camps,
les hommes sont pris en charge par les mineurs et ouvriers espagnols qui
favorisent l’embauche de leurs compatriotes. De 1939 à 1942, le nombre de
mineurs espagnols dans les houillères d’Aubin, de Cransac et de Decazeville
passe de 268 à près de 700. Ils représentent 20% des effectifs. D’autres
sont employés dans les carrières, les usines métallurgiques de Viviez
ou les barrages en construction dans le nord de l’Aveyron.
La 9e Brigade de guérilleros
Fin 1941, les premiers groupes de résistants espagnols
s’organisent dans le Cantal, puis en 1942, un groupe
se crée dans le bassin houiller sous la direction de
Amadeo López, alias commandant “Salvador”.
En septembre 1943, il forme la 9e Brigade de guérilleros
qui participe au sabotage de voies ferrées, de puits
de mines, de pylônes et au harcèlement des colonnes
allemandes…
Le 18 août 1944,
la 9e Brigade participe
à la libération de Rodez et
d’Albi, avant d’aller prêter
main forte dans l’Ariège.
Groupe de guérilleros
de la 9e Brigade au camp du Larzac.
Été 1944, instruction des guérilleros.
1944, Decazeville.
Hommage aux guérilleros.
MUSÉE DÉPARTEMENTAL DE LA RÉSISTANCE, TOULOUSE.
Le surnom de la place
principale de Decazeville,
“Plaza España”, évoque
le souvenir de la forte
présence espagnole
dans le département.
Année 1940. Decazeville,
“Plaza España”.
COLLECTION JEAN VAZ
Auch, 8 septembre 1944.
Obsèques du colonel Maurice Parisot
en présence de l’État-Major inter-allié.
On distingue Tomás Guerrero dit “Camilo”, le colonel
Lesure dit “Marceau”, chef départemental des FFI
et le colonel britannique George Starr dit “Hilaire”.
COLLECTION FAMILLE GUERRERO
Libération d’Auch, août 1944.
Tomás Guerrero dit “Camilo”, au volant d’une
voiture officielle avec un groupe de Guérilleros.
COLLECTION FAMILLE GUERRERO
le Gers
terre d’accueil et de solidarité
Dès le début de la guerre civile espagnole, la solidarité et les comités
d’entraide s’organisent. Les partis politiques et les syndicats sensibilisent
les Gersois à travers des réunions, des affichages, des projections de films.
Des collectes sont organisées et des municipalités, comme Fleurance,
se mobilisent pour les réfugiés espagnols.
Dès l’été 1936, la préfecture songe à mettre en place des structures
d’accueil et des mesures sanitaires. En 1937, un inventaire des logements
vacants est réalisé, et des communes, comme Mirande, Lavacan, Condom
ou Lombez se disent prêtes à accueillir des réfugiés. Au nombre de
640 en janvier 1939, les réfugiés sont près de 3 800 en février. Très
vite, les hommes valides sont intégrés dans les Compagnies de
Travailleurs Étrangers (CTE) pour les travaux agricoles. Des familles
entières sont également embauchées dans les fermes gersoises,
ce qui leur permet de retrouver une vie normale.
Gers, terre d’engagement des Espagnols
Après 1940, l’arrivée de milliers de réfugiés du nord de la France et de
la Belgique, entraîne la multiplication des mesures de contrôle et
d’incitation au rapatriement des Espagnols vers leur pays.
En novembre 1943, la plupart des Espagnols réquisitionnés dans le
Gers par l’Organisation Todt pour les chantiers de l’Atlantique sont
comptabilisés comme “défaillants”. En effet, ils ont rejoint la
Résistance ou sont cachés par les villageois.
1
FTP
Francs-Tireurs
et Partisans
Tomás Guerrero Ortega (dit Camilo), célèbre combattant espagnol,
amputé d’une jambe, organise la 35e Brigade de guérilleros. En juin
1944, près de 1 500 Espagnols sont membres des FTP1 ou des
guérilleros, réunis au sein des Forces Françaises de l’Intérieur (FFI)
pour lutter contre l’occupant allemand.
D’avril à juin 1938, les Hautes-Pyrénées reçoivent
près de 25 000 réfugiés aragonais : civils accompagnés
de leurs troupeaux, mais aussi militaires de la 43e
Division républicaine. La plupart des réfugiés valides
repartent dans les troupes républicaines espagnoles
par la Catalogne.
Arrivée des réfugiés en vallée d’Aure.
COLLECTION ALIX, BAGNÈRES-DE-BIGORRE.
les Hautes-Pyrénées
Premiers combats,
premiers réfugiés
Dès le début de la guerre civile espagnole, en 1936, les HautesPyrénées voient arriver les premiers réfugiés qui fuient les combats.
Au printemps 1938, des milliers de civils et les miliciens de la 43e
Division républicaine, arrivent par le port de Plan suite à l’occupation
du Haut-Aragon par les troupes nationalistes de Franco.
Une solidarité inter-valléenne
Sur proposition du syndicat CGT, un comité de parrainage pour collecter
des fonds et apporter une aide aux réfugiés est mis en place à Tarbes
avec le soutien local des députés, des maires et du président du Conseil
Général. Ils organisent des convois de farine et de médicaments, à dos de
mulets, qui franchissent chaque jour la frontière pour ravitailler les populations des vallées de Bielsa et Gistaín. Les bombardements systématiques
de ces caravanes par l’aviation franquiste mettent fin à cette solidarité.
Le clergé des Hautes-Pyrénées apporte pour sa part une aide aux réfugiés
et envoie des ambulances pour évacuer les blessés espagnols vers les
hôpitaux de Tarbes, Lourdes et Bagnères-de-Bigorre.
À partir de septembre 1939, les Espagnols sont intégrés
en masse dans les Compagnies de Travailleurs Étrangers
(CTE), affectés aux travaux agricoles et dans les industries
d’armement, notamment l’arsenal de Tarbes et
les poudreries. Dans les Pyrénées-Atlantiques, le camp
de Gurs, avec ses 19 000 internés, est un réservoir de
main-d’œuvre important pour ces mêmes industries.
L’engagement dans la lutte armée des guérilleros espagnols dans
les Hautes-Pyrénées se passe en deux temps : contre l’occupant
allemand en France et ensuite contre la dictature de Franco sur
le territoire espagnol jusque dans les années 1950.
1944, Loubajac. La 10e Brigade de Guérilleros.
MUSÉE DÉPARTEMENTAL DE LA RÉSISTANCE, TOULOUSE
À Bagnères-de-Bigorre,
1 200 travailleurs étrangers,
essentiellement des Espagnols,
sont affectés aux chantiers de
haute montagne de Pierrefitte,
Saint-Lary-Soulan et Artigue.
BIBLIOTHÈQUE DE BAGNÈRES-DE-BIGORRE.
La création d’un Ateneo sur le modèle
de celui de Madrid, maintient le lien
culturel avec les nouvelles générations.
Conférence du professeur Urugayen Carlos Romos
organisée par l’Ateneo de Toulouse.
COLLECTION MARIE-LOUISE ROUBAUD.
Affiches de représentations théâtrales.
COLLECTION FRÉDÉRIC SERRALTA
la Haute-Garonne
COLLECTION MANUEL LLATSER
Toulouse, capitale
de l’exil républicain espagnol
Le Comité toulousain
pour l’Espagne sera
très actif pour
dénoncer le
franquisme .
1963, Toulouse.
Manifestation de soutien
après l’exécution de Julian
Grimau par le gouvernement
de Franco.
Dès la Libération, Toulouse devient, avec
Mexico et Paris, l’une des trois capitales de
l’exil républicain espagnol. En 1950, plus de
20 000 Espagnols résident en Haute-Garonne,
dont 12 700 réfugiés. Ils s’installent à Toulouse
en raison de la proximité de la frontière, de
l’existence d’une communauté déjà importante
et de la présence de nombreuses institutions
politiques, syndicales et culturelles de l’exil.
COLLECTION LOREANO ROMÁN
Toulouse est également le siège de nombreux journaux de l’exil. Une intense activité militante d’aide à
la résistance intérieure, en Espagne, se déploie dans
la ville. Le Comité toulousain pour l’Espagne sera
très actif de 1965 à 1975 pour la défense des prisonniers politiques, la dénonciation de la torture dans
les prisons espagnoles et le soutien aux anti-franquistes.
L’arrivée massive d’immigrés économiques en provenance d’Espagne, dans les années 1960, conduit les
réfugiés républicains à créer l’Ateneo espagnol de
Toulouse. À travers des conférences, des expositions,
des colloques, des soirées musicales et théâtrales,
souvent en collaboration avec l’université du Mirail,
l’Ateneo contribue à entretenir et enrichir une culture
vivante de l’exil, ouverte aux Français, bien différente de l’éducation franquiste.
Toulouse est le siège
de nombreux journaux
de l’exil.
Mai 1941. Femmes
espagnoles au camp
de Récébédou.
la Haute-Garonne
COLLECTION BETTINI
Après guerre, ce camp
devient la Vila Quijote
et continue d’abriter
des Espagnols.
Noé et Le Récébédou,
La bibliothèque de la Vila Quijote.
deux “camps hôpitaux”
TAPIA
Lorsque 3 000 espagnols arrivent en Haute-Garonne, différents refuges sont
mis à leur disposition dans le département, notamment à Villefranche-deLauragais, Revel, Carbonne, Salies-du-Salat, Muret et Cintegabelle.
Les camps d’internement proprement dits ne sont créés qu’en avril 1941, à Noé
et au Récébédou (aujourd’hui dans la commune de Portet-sur-Garonne). Ces “campshôpitaux” sont destinés aux vieillards, aux infirmes et aux malades, jugés inutiles
à l’effort de guerre. Des juifs allemands comme des républicains espagnols y sont
internés, certains jusqu’à la Libération.
L’hôpital Varsovie
Aujourd’hui Ducuing-Varsovie, cet
hôpital créé fin 1944 par l’Etat-major
des guérilleros espagnols, est une
œuvre importante de l’exil. Il est
administré par l’Amicale des anciens
FFI et résistants espagnols jusqu’en
1950. L’Amicale, jugée “politiquement
subversive” comme de nombreuses
organisations et associations, est
dissoute et une partie du personnel
médical, accusé de communisme,
est arrêtée.
L’hôpital continuera à être géré par une
association à but non-lucratif, il est
intégré en 1976 au service public
hospitalier.
2004. Le Docteur Bonifaci dit “Bonifacio”
fut l’une des figures historiques du service
médical de l’hôpital Varsovie.
COLLECTION LAUREANO ROMÁN
Après la guerre, le camp du Récébédou est
rebaptisé Vila Quijote par les Espagnols qui
y sont installés faute de mieux. Une vie sociale
et culturelle intense s’y organise : bibliothèque,
cours de français, ateliers d’artisans...
De l’exil à l’insertion
De nombreux réfugiés trouvent asile dans des
familles espagnoles issues de l’immigration
économique d’avant la guerre. À cette époque,
on compte déjà plus de 25 000 Espagnols dans
le département, soit la moitié de la population
étrangère, et les trois-quarts vivent à Toulouse.
Par le biais notamment des Groupements de
Travailleurs Étrangers (GTE), les réfugiés sont
employés dans les exploitations agricoles,
les usines d’armement ou d’aviation, comme
Bréguet, Dewoitine et dans les Poudreries
Nationales de Toulouse et du Fauga.
La plupart continueront à travailler dans
ces mêmes usines après la guerre.
La Résistance
Maquisards à la libération
de Toulouse.
GERMAINE CHAUMEL
La place du Capitole à la
libération de Toulouse.
GERMAINE CHAUMEL
3 septembre 1944,
Toulouse. Guérilleros
défilant avec des casques
allemands qu’ils ont
repeints en bleu.
JEAN DIEUZAIDE
L’engagement dans la Résistance se fait aux
côtés d’autres étrangers, comme Marcel Langer,
ancien des Brigades internationales et chef
d’un groupe de jeunes résistants pratiquant la
guérilla urbaine. Les Espagnols, qui défileront
à la Libération aux côtés des autres formations
de la Résistance française, ne seront pas toujours
reconnus à la hauteur de leurs engagements
dans la lutte armée.
le Lot
1944, Carjac. Défilé des
Guérilleros commandés par le
capitaine Rodriguez Gonzáles.
MUSÉE DÉPARTEMENTAL DE LA RÉSISTANCE, TOULOUSE.
terre de transit
et de résistance
En 1939, le Lot ne constitue qu’un département de passage
pour les réfugiés espagnols de la Retirada, qui sont de façon
générale bien accueillis par les habitants.
Exemple de justificatif exigé
aux réfugiés espagnols pour
régulariser leur situation.
PHOTO MARÍA LUISA BROSETA MARTI-BDIC.
Officier de l’armée républicaine,
Salvador Estrada dit “Mosquito”
participe à la Résistance dans la
région de Cahors. Comme tant
d’autres de ses compagnons,
il a donné sa vie afin que vive
la liberté.
2004 MONTCUQ. PHOTO NELLY BLAYA.
Pendant l’Occupation allemande, l’ancien ministre des Travaux
publics de la République espagnole, Julio Just est assigné à résidence à Limogne-en-Quercy. Les républicains espagnols internés
dans les camps de Catus et Cajarc sont nombreux à s’enfuir pour
échapper aux travaux forcés des Allemands.
La plupart d’entre eux rejoignent des groupes de résistants.
C’est ainsi que se forment autour de Jean-Jacques Chapou, alias
“Capitaine Philippe”, figure de la Résistance lotoise, les maquis
Liberté-République-Fraternité dans la région de Figeac.
L’engagement des Espagnols dans la lutte armée peut être
évaluée au nombre important de stèles commémoratives
visibles aujourd’hui dans le Lot.
La colonie Aymare
une expérience de collectivité espagnole dans le Lot
“
Chacun travaillait suivant ses aptitudes
et son rythme, il n’y avait aucun salaire
distribué, les repas étaient préparés par
un cuisinier avec l’aide de volontaires et
pris en commun. Les décisions concernant
la construction du pavillon, et tout ce
qui concernait la bonne marche du
château étaient prises entre tous.
Gloria, ancienne résidente de la colonie.
Carte postale éditée par la SIA et
vendue au profit de la collectivité.
COLLECTION FAMILLE NAVARRO
”
À l’initiative de militants libertaires, la colonie Aymare,
créée en 1939, est le lieu d’une expérience autogestionnaire
héritière de l’esprit des collectivisations en Espagne.
Pendant l’Occupation, Aymare accueille des groupes de résistants,
puis des rescapés, malades ou mutilés de la guerre civile espagnole
et des camps de concentration. Dans un esprit égalitaire,
la communauté octroie les mêmes droits aux jeunes et
aux personnes âgées.
En 1952, une réunion internationale, avec la participation de 150
délégués de France, d’Espagne, d’Angleterre, du Mexique et de
Belgique est organisée par la CNT (Confederación Nacional del
Trabajo). La colonie devient le point de rencontre international
des exilés issus de la mouvance anarcho-syndicaliste.
Cette expérience prend fin en 1963.
Rassemblement de réfugiés
espagnols venant du meeting
d’Alianza Democrática Española
qui se tenait à Albi.
le Tarn
une terre d’accueil
1944, Place de la Bouteillerie,
Cordes-sur-Ciel.
COLLECTION NAVARRO
Monsieur Vidal
accueille chez lui
des réfugiés
espagnols.
Dès 1936-1937, de nombreux Espagnols fuyant la guerre
civile arrivent dans le Tarn. Retenu par le gouvernement
français comme département de 1ère urgence pour les
réfugiés civils, le Tarn accueille le 15 février 1939,
3 000 Espagnols répartis dans 45 communes.
M. et Mme Vidal,
Mazamet 1939.
COLLECTION RÉMY CAZALS.
La commune et les habitants de Cordes-sur-Ciel organisent
un accueil chaleureux aux Espagnols. Par contre à Mazamet,
c’est l’ancien maire Albert Vidal qui, contre l’avis du nouveau ,
met en place l’accueil de soldats républicains blessés.
Rodolfo Llopis, député d’Alicante et secrétaire d’État en exil
est assigné à résidence dans le Tarn. Élu secrétaire général du
PSOE1 en 1944, Llopis s’installe à Albi jusqu’à sa mort en 1983.
1
PSOE
Parti Socialiste Ouvrier Espagnol,
une des composantes politiques
du camp républicain.
Francisco Largo Caballero, ancien président du conseil de la
République espagnole est également assigné à résidence dans
le Tarn. Il sera déporté en Allemagne.
Le camp de Brens
Le camp d’internement de
Brens, au sud de Gaillac,
n’est au départ qu’une
propriété privée louée par
la CGT de la Haute-Garonne
pour accueillir des colonies
de vacances. Dès 1938, des
enfants espagnols réfugiés
y séjournent dans l’attente
d’être pris en charge par
des familles de syndicalistes.
En février 1942, le camp de Brens
compte 24 enfants et 441 femmes
de plusieurs nationalités.
1942, Mme Bettini,
réfugiée espagnole
COLLECTION BETTINI
1942, groupe d’enfants.
INSTITUT RÉGIONAL CGT D’HISTOIRE SOCIALE.
1942, de jeunes enfants.
COLLECTION BETTINI
1942. Le camp de Brens était
“spécialisé” dans l’internement
des femmes (droit commun et politique).
Ici un groupe de “politiques”.
COLLECTION BETTINI
27 mai 1941, jeunes femmes espagnoles
COLLECTION BETTINI
En octobre 1939, la colonie est réquisitionnée par
le Préfet du Tarn, puis transformée en “centre
d’hébergement” pour les juifs.
En février 1942, Brens devient un “camp de concentration”1 exclusivement réservé aux femmes.
S’y retrouvent essentiellement des militantes
politiques, des épouses de dirigeants communistes
et des juives étrangères jugées “dangereuses”, ainsi
que des Espagnoles transférées du camp d’Argelès.
Le 26 août 1943, 31 d’entre elles sont déportées
à Auschwitz d’où elles ne reviendront jamais.
Après la guerre, le camp redevient une colonie de
vacances de la CGT2 jusqu’en 1948. Un lourd silence
s’abat alors pendant plus de 20 ans sur le passé de ce
camp. Ce n’est qu’en 1969 que les diverses associations
de résistants parviennent à faire revivre le souvenir
du calvaire des internées de Brens.
1
Camp de concentration
Les camps de réfugiés étaient
désignés, d’après les écrits officiels
de l’époque, sous l’appellation de
camps de concentration, c’est-àdire, camps où l’on rassemble, où
l’on concentre une population.
Compte tenu de la tragédie vécue
par les juifs au cours de la “solution
finale”, on parle aujourd’hui de
camps d’internement afin de les
différencier des camps de concentration et d’extermination où l’on fit
périr volontairement des millions
d’hommes, de femmes et d’enfants.
2
CGT :
Confédération Générale
du Travail, syndicat français
de travailleurs.
le Tarn-et-Garonne
Auteur littéraire avant d’être
Président de la République
Manuel Azaña s’exile à
Montauban.
FONDATION PABLO IGLESIAS
Montauban,
un haut lieu du souvenir
de l’exil républicain espagnol
Pour son enterrement, les autorités françaises interdisent de
recouvrir le cercueil du drapeau
républicain espagnol. À la place,
les réfugiés utiliseront celui
du Mexique resté fidèle à la
République espagnole.
FONDATION PABLO IGLESIAS
Manuel Azaña, dernier Président de la République espagnole,
est élu en mai 1936. La guerre civile éclate en juillet. Il abandonne
définitivement l’Espagne en franchissant de nuit et à pied la frontière
des Pyrénées en février 1939. Se sentant trahi, il démissionne lorsque
la France et l’Angleterre reconnaissent le gouvernement de Franco.
Réfugié à Montauban sous protection diplomatique du Mexique,
Manuel Azaña meurt le 3 novembre 1940 alors que Vichy s’apprêtait
à le livrer à Franco. Symbole de la République défunte et trahie,
sa tombe, toujours fleurie, comme celle d’Antonio Machado à
Collioure, est un lieu emblématique de l’exil des Espagnols.
La solidarité s’organise
Devant le désarroi des réfugiés et la désorganisation des autorités
françaises, de simples citoyens se mobilisent pour venir en aide aux
Espagnols. Cet esprit de solidarité touche aussi certains notables du
département comme Jean Baylet, responsable de la Dépêche du Midi
et président fondateur du Secours Rouge qui soutiendra Manuel
Azaña jusqu’à sa mort.
Jean Baylet
COLLECTION BAYLET
Le camp de Septfonds
Au cours des années 1939-1940,
le Tarn-et-Garonne est une plaque
tournante de l’exil des républicains
espagnols. Le camp de Septfonds
est installé en février 1939 et prévu
pour 15 000 personnes. Débarquant
par trains entiers, il seront en fait
des dizaines de milliers de réfugiés,
entassés à plus de 350 dans 45
baraquements insalubres et livrés
au froid.
Le camp est spécialisé dans le regroupement des
métallurgistes, des manœuvres et des mineurs.
Ainsi des centaines d’ouvriers espagnols sont
envoyées dans les usines d’armement et d’aviation à Toulouse et à Tarbes. D’autres intègrent
les exploitations agricoles du département par
le biais d’embauches individuelles ou des
Compagnies de Travailleurs Étrangers (CTE).
Vue d’ensemble du camp.
MUSÉE DE LA RÉSISTANCE DE MONTAUBAN
Les internés souffrent du froid
et du dénuement mais aussi de
l’inactivité ; ils développeront
dans le camp une activité culturelle intense.
MUSÉE DE LA RÉSISTANCE DE MONTAUBAN
Une des cuisines du camp.
MUSÉE DE LA RÉSISTANCE DE MONTAUBAN
À partir de l’été 1942, Septfonds devient aussi
un camp de transit pour les juifs, les opposants
d’Allemagne et d’Europe centrale, avant leur
déportation vers Auschwitz.
1939.
“Présentation” des réfugiés
espagnols aux autorités
militaires et civiles françaises.
On distingue une fanfare
de musiciens volontaires.
PHOTO JAUBERT MONTAUBAN
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