la position de l`UCL face aux cellules souches

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L’utilisation des cellules souches humaines dans la recherche
et leur application à la thérapeutique
Le point de vue de l’UCL
(7 octobre 2002)
Introduction
Consciente de ses responsabilités en matière de recherche, l’Université catholique de Louvain
présente ici son point de vue sur la création et l’utilisation de cellules souche en recherche et en
thérapeutique.
L’intérêt des cellules souches est considérable. Bien que des recherches préalables, sans doute
longues, soient encore indispensables, on en espère des avancées thérapeutiques essentielles dans
plusieurs domaines de la médecine, et en particulier dans le traitement de diverses maladies
dégénératives.
Ces recherches posent des questions éthiques inédites. Une partie d’entre elles nécessiteront,
en effet, le recours à des cellules souches d’origine embryonnaire : elles soulèvent donc la question du
respect de l’embryon humain, qui dès le début de son existence est autre chose qu’un simple matériel
biologique. Face à la souffrance de tant de malades aujourd’hui incurables, la recherche est également
un devoir éthique.
L’Université catholique de Louvain se reconnaît ainsi un double devoir d’initiative et de
précaution. Nous désirons donner la priorité à ces questions éthiques avant les considérations
économiques et scientifiques, qui n’ont elles-mêmes de sens que si la dignité de l’humain est
préservée.
Nous rappelons aussi que toute utilisation de l’embryon humain doit s'entourer de directives
éthiques et scientifiques contraignantes : d’abord un débat démocratique à l’échelle de la société,
ensuite la définition de mécanismes de contrôle et de décision transparents.
A. Définitions
L’organisme contient des cellules qualifiées de “ cellules souches ”. Celles-ci présentent la
caractéristique d’être indifférenciées et de pouvoir si nécessaire se différencier en cellules possédant
les propriétés de cellules matures. Les scientifiques peuvent isoler des cellules souches de l’organisme
et les maintenir en culture. Dans ces conditions les cellules souches prolifèrent à l’état indifférencié.
L’espoir des scientifiques est de pouvoir induire leur différenciation en vue de les administrer à un
patient et de reconstituer un tissu lésé.
Les cellules souches peuvent être prélevées chez des embryons à un stade très précoce, chez des
foetus ou chez des adultes. Selon leur origine, on distingue donc des cellules souches embryonnaires,
fœtales ou adultes. Ces trois origines différentes posent des problèmes éthiques et scientifiques
spécifiques.
Les cellules souches embryonnaires sont considérées comme totipotentes. Elles ont, en effet, la
capacité de se différencier en tous les types cellulaires d'un organisme et de produire un embryon
entier. Certaines cellules souches fœtales possèdent vraisemblablement la même propriété de
totipotence. Les cellules souches adultes sont actuellement considérées comme pluripotentes. Elles
sont capables de se différencier en plusieurs types cellulaires, mais leur capacité de différenciation
semble moins large que celle des cellules souches embryonnaires.
1
Les cellules souches embryonnaires sont en pratique prélevables sur des embryons constitués
uniquement en vue de ce prélèvement (embryons de recherche). Elles sont également prélevables sur
des embryons qualifiés de surnuméraires. Les techniques de fécondation in vitro, couramment
pratiquées dans notre pays, font, en effet, que le nombre d'embryons formés excède le nombre
d'embryons utilisés. Ces très nombreux embryons surnuméraires sont congelés et finalement détruits
après quelques années si plus aucun projet parental ne conduit à leur utilisation dans un but de
procréation. Il est essentiel de noter que ces embryons ont été formés avec l’intention précise d’un
projet parental, et non à des fins de recherche.
Les cellules souches fœtales proviennent du cordon ombilical ou de tissus obtenus lors
d’avortements.
Les cellules souches adultes sont prélevées sur un individu après la naissance. Contrairement
aux cellules souches embryonnaires, elles sont difficiles à cultiver et elles se multiplient difficilement.
Cela peut représenter une limitation pour leur usage thérapeutique qui nécessite des quantités
importantes de cellules.
Les cellules souches embryonnaires risquent d'être rejetées par le patient auquel elles seraient
administrées pour des raisons d'incompatibilité immunitaire car elles ne possèdent pas le même
patrimoine génétique que le patient. Pour contourner cet obstacle, on peut prélever chez un patient un
noyau d’une cellule somatique (contenant son patrimoine génétique) et le transférer dans un ovocyte
dont on aurait au préalable enlevé le noyau. Cet ovocyte pourrait en culture se développer en un
embryon, d’où les cellules souches embryonnaires seraient isolées. Ces cellules souches
embryonnaires, contenant cette fois le patrimoine génétique du patient, pourraient enfin être
différenciées en vue de leur utilisation thérapeutique. Ce principe porte le nom de clonage
thérapeutique. Sur le plan technique il est similaire au transfert de noyau qui a permis la création de
la brebis Dolly, à l'exception du fait que l'embryon Dolly a été réimplanté et a donc servi à un clonage
qualifié de reproductif.
B. Les fondements éthiques et scientifiques de notre position actuelle
1)
La question éthique fondamentale concerne la dignité absolue des personnes et le
respect dû à tout ce qui appartient à l'ordre de l’humain. Dans le cas présent, cela pose le problème du
statut éthique de l’embryon humain.
Sans prétendre répondre de manière définitive à ce problème très ancien, nous pensons que quatre
éléments constitutifs du statut éthique de l’embryon humain doivent être tenus simultanément, sans
qu’aucun de ces quatre éléments soit suffisant à lui seul.
L’élément biologique. Même s’il n'est pas possible de définir de manière objective à quel
moment, après la fusion des gamètes, l’embryon humain constitue un individu “ personnalisé ”, il
appartient, jusque dans sa nature biologique, à l’ordre de l’humain. Il ne pourra donc jamais être
considéré comme du simple matériel biologique, équivalent à du matériel animal. Ceci reste vrai et
doit être pris en compte quelles que soient les manipulations éventuelles auxquelles il est soumis en
vue d’un projet de procréation, d’un projet de recherche, ou d’un projet thérapeutique.
L’élément relationnel. La dignité qui s’attache à la personne humaine n’est pas définie
seulement par sa nature biologique. Pour exister elle doit être reconnue à la personne par les autres
membres de la communauté humaine. La dignité humaine est ainsi une création éthique de civilisation,
indispensable à la constitution du psychisme humain et des sociétés humaines. Ces dernières forment
des cultures, qui sont d’un autre ordre que la simple synergie fonctionnelle des membres qui les
composent, comme c’est le cas pour les sociétés animales.
L’embryon humain, dans cette perspective, peut être considéré comme une potentialité, voire
comme un appel à être accueilli et reconnu comme une “personne humaine”. Ceci ne signifie pas qu’il
soit possible de réaliser cet accueil pour chaque embryon existant. Ainsi, dans la fécondation in vitro,
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il est nécessaire de constituer des embryons surnuméraires pour aboutir à la naissance d’un enfant (la
même déperdition d’embryons existe d’ailleurs dans la procréation naturelle).
L’élément symbolique. Comme création culturelle humaine, en soi immatérielle, la dignité des
personnes ne prend consistance que par les actions concrètes qui la symbolisent. Cet ensemble
symbolique forme un tout qui dépasse les seules personnes existantes : ainsi, par exemple, respectonsnous les cadavres et la plupart des animaux. Toute restriction à ces supports symboliques de la dignité
humaine, par exemple la manipulation instrumentale de ce qui est, a été ou sera humain (depuis les
cellules jusqu’aux organes du corps) risque d’entraîner la diminution du respect effectif pour les êtres
humains existants. Ceci est particulièrement vrai pour les embryons humains.
2)
La question scientifique doit faire l’objet de travaux ultérieurs. Bien que le clonage
ait été réalisé dans différentes espèces animales - le fait fut très largement médiatisé -, il existe encore
de nombreux problèmes scientifiques à résoudre dans l'utilisation des cellules souches tant
embryonnaires qu’adultes. Une recherche scientifique est donc indispensable afin de mieux préciser
les conditions et les risques potentiels de leur utilisation thérapeutique. Des données fournies par
l’expérimentation sur l’animal sont nécessaires. En outre, le développement de ces recherches ne doit
pas occulter le besoin de recherche dans d'autres directions telles que l'utilisation de nouveaux
médicaments et la thérapie génique.
C. Les positions de l’UCL
Les prises de position qui suivent supposent en préalable que toutes les recherches qui peuvent
être réalisées avec du matériel animal en donnant un résultat équivalent, doivent recevoir la priorité sur
des recherches réalisées avec l’humain.
Un second préalable est que jamais l’embryon humain ne peut faire l’objet d’un commerce. De
même il est exclu de rétribuer des femmes pour en obtenir des ovocytes. De telles pratiques iraient
directement à l’encontre du respect de la dignité humaine et ramèneraient les embryons au statut
d’instruments chosifiés.
1)
Prélèvement des cellules souches des embryons surnuméraires
Quand le projet parental a été rencontré et plutôt que d’autoriser la simple destruction de leurs
embryons, les géniteurs peuvent, dans un esprit éthique de solidarité, céder ces embryons en vue du
prélèvement de cellules souches qui serviront à la recherche ou à soigner d’autres individus. Le
prélèvement des cellules souches embryonnaires peut être autorisé aux conditions suivantes :
i. le prélèvement doit se faire dans le cadre d’un projet de recherche ou thérapeutique approuvé par le
comité d'éthique compétent ;
ii. les géniteurs doivent avoir donné par écrit leur consentement libre et éclairé après avoir reçu une
information complète sur le protocole envisagé.
2)
Les cellules souches prélevées chez l’adulte
L’utilisation des cellules souches d’adultes ne pose pas d’autre problème que celui du respect
des règles éthiques habituelles (consentement libre et éclairé, respect de l’intégrité du corps humain,
etc…). Il est d’autant plus indiqué, non seulement de ne pas abandonner, mais d’encourager les
recherches dans cette direction.
3)
Prélèvement des cellules souches chez le foetus
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L'utilisation des cellules souches provenant de foetus et obtenues suite à une interruption de
grossesse pose évidemment les nombreux problèmes liés à la pratique de cette interruption. Dans la
continuité des ses positions prises en matière d’interruption volontaire de grossesse, l’UCL s’oppose à
ce que celle-ci soit pratiquée dans le but d’obtenir des cellules souches.
4)
Prélèvement des cellules souches dans le sang du cordon
Le prélèvement, la conservation et l’utilisation des cellules souches prélevées dans le sang de
cordon sont soumises aux règles éthiques habituelles (cf. point 2). Cependant des directives-cadres
devraient être adoptées pour assurer la sécurité sanitaire et les dimensions éthiques de ces procédures
(caractère public des organismes chargés de la conservation, anonymat des dons, allocations non
déterminées par le donneur, etc.).
5)
Clonage thérapeutique
L’UCL et les cliniques Saint-Luc et Mont-Godinne sont favorables, sous réserve des
conditions éthiques strictes décrites ci-dessus, à des recherches sur le tissu humain. En effet, le
transfert nucléaire à partir de cellules du patient permettra d’éviter l’écueil important des rejets
immunitaires. Cette recherche se fera exclusivement dans le but à développer de nouveaux traitements
médicaux. Il est essentiel toutefois de poursuivre la recherche concernant le transfert nucléaire
(clonage “thérapeutique”) sur l’animal
6) Réimplantation d’embryons
Quand il a été soumis à des manipulations de recherche autres que celles pratiquées dans un
but diagnostique avec des indications médicales reconnues (diagnostic préimplantatoire notamment),
un embryon ne peut jamais être réimplanté, en raison des risques pour l'enfant à venir.
7) Non création d’embryons à visée reproductive
Le clonage à visée reproductive est inacceptable pour quelque raison que ce soit,.
8) Embryons pour la recherche
Au stade actuel des recherches, en raison de la réserve qui doit marquer les attitudes envers les
embryons humains pour maintenir la signification de leur dignité, nous n’acceptons pas que l’on
puisse créer des embryons uniquement dans un but de recherche. Les très nombreux embryons
surnuméraires devraient suffire. Si, le moment venu, une pénurie de ceux-ci ou bien des données
scientifiques nouvelles exigeaient la création d’embryons, celle-ci ne pourrait être autorisée que dans
des limites très strictes.
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