Interstellar : science ou fiction ? (Le Monde)
http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2014/11/09/le-grand-bobard-du-voyage-vers-les-etoiles/
Si on fait confiance aux films de science-fiction Star Wars, Stargate, Star Trek et
aujourd’hui Interstellar l’homme quittera dans un futur plus ou moins proche le
système solaire pour aller coloniser d’autres planètes. Mais quand la science met son nez
-dedans, le voyage interstellaire a du plomb dans l’aile. Bienvenue dans Crash Toast.
« L’avenir de l’homme n’est pas sur terre. Il est dans les étoiles. »
Enfin... sur les planètes habitables qui tournent autour d’autres étoiles que le soleil. C’est
le sujet du film Interstellar de Christopher Nolan. Imaginez... Imaginez que des
astronomes découvrent une planète semblable à la nôtre, avec de l’eau, de l’oxygène et
plein d’animaux gentils. Une planète autour d’une étoile proche. Disons, cent années-
lumière. À l’échelle de la galaxie qui mesure plus de cent mille années-lumière, cent
années-lumière, c’est le coin de la rue. Allez ! On y va.
On construit un vaisseau spatial taillé pour la route. On recrute un équipage d’intrépides
explorateurs. Et, en voiture, Simone ! Facile ? Euh... Il y a juste un petit problème. Un
problème de vitesse. Prenons l’exemple de la sonde Voyager 1, qui est le premier engin
fabriqué par l’homme à avoir quitté le système solaire. Voyager 1 file dans l’espace à la
vitesse de 17 kilomètres par seconde. À cette vitesse, il lui faut 38 secondes pour faire
Paris-Marseille. Rapide ? Et bien non. Pas rapide du tout. Très, très lent, même. À cette
vitesse-là, il faudrait presque 1,8 millions d’années à Voyager 1 pour aller sur l’autre exo-
planète. Autant dire que, avec les moyens de propulsion actuels, nos vaisseaux spatiaux
sont plus lents que les escargots. Imaginons une révolution technologique qui nous fasse
passer de 17 kilomètres par seconde à 30 000 kilomètres par seconde. Trente mille
kilomètres par seconde, c’est le dixième de la vitesse de la lumière. À cette vitesse-là, on
fait Paris-Marseille en deux centièmes de seconde.
En admettant qu’on atteigne rapidement cette vitesse monumentale, qui nous permettrait
d’aller sur Jupiter en moins de six heures, il nous faudrait quand même un millénaire pour
parcourir cent années-lumière. Autant dire qu’il faudra prévoir un espace-reproduction et
un espace-cimetière sur les vaisseaux spatiaux si nous voulons explorer d’autres systèmes
planétaires. Qu’ils soient écrivains ou cinéastes, les auteurs de science-fiction l’ont bien
compris : l’espace est trop grand. Et en plus de ça, c’est comme sur la route : la vitesse
est limitée, par les lois de la physique. Rien ne peut aller plus vite que la lumière. Il a
donc fallu tricher ou avoir recours à des propriétés exotiques de l’espace-temps.
Commençons par les tricheurs : Hans Solo, le Faucon millénium, George Lucas, ça vous
dit quelque chose ? Star Wars, la plus grosse farce du voyage interstellaire. Attention,
Chewbacca ! Prêt pour le passage dans l’hyper-espace ? Et là, les étoiles s’allongent. Et
pouf ! On disparaît. Le passage dans l’hyper-espace, ce n’est pas une fulgurante
accélération. Parce que si c’était le cas, les passagers du Faucon Millénium seraient
aplatis comme des crêpes et réduits en bouillie qu’ils soient chevaliers Jedi ou pas, que
la force soit avec eux ou pas. Le passage dans l’hyper-espace, c’est un passage dans une
autre réalité physique qui vous permet de faire un saut d’un point A vers un point B. Bref,
c’est de la magie.
D’autres œuvres ont essayé de respecter un minimum les lois scientifiques et d’aller y
chercher des solutions à leur casse-tête : comment voyager très vite entre deux points de
la galaxie, sans jamais violer la sacro-sainte loi de la vitesse de la lumière ? A priori, cela
semble impossible, mais les équations d’Einstein qui régissent l’espace-temps sont
pleines de surprises. On ne peut pas aller plus vite que la lumière pour aller d’un point A
à un point B ? Qu’à cela ne tienne ! Il suffit de réduire la distance entre les deux points. Il
suffit de tordre l’espace-temps, comme dans Star Trek. L’idée consiste à placer le
vaisseau dans une bulle, à dilater l’espace-temps derrière lui et à le contracter devant lui.
À aucun moment le vaisseau ne va plus vite que la lumière. C’est l’espace-temps qui
subit une distorsion.
Pur délire des scénaristes de Star Trek ? Eh bien, pas complètement. En 1994, soit des
années après la création de la série, le physicien mexicain Miguel Alcubierre a prouvé
que c’était théoriquement possible. Enfin... à condition de bénéficier d’une source
d’énergie monstrueuse tirée d’une forme très exotique et très hypothétique de la matière :
la matière à masse négative, qu’on n’a jamais vue. Eh oui, parfois les plus grands auteurs
de science-fiction sont en avance sur les blouses blanches.
Et venons-en à Interstellar. Pour aller explorer d’autres mondes, le héros, incarné par
Matthew McConaughey, exploite une autre possibilité de la physique théorique : le pont
d’Einstein-Rosen, plus connu sous le nom de trou de ver, et qu’on retrouve aussi dans
Stargate. L’idée est qu’entre notre fameux point A et notre fameux point B, il puisse
exister un raccourci spatiotemporel. Toutefois, il y a un petit problème. Oh ! Trois fois
rien : s’ils existent, les trous de ver sont cent milliards de milliards de fois plus petits que
le noyau d’un atome. Difficile d’y faire passer un acteur hollywoodien. Et en plus de ça,
les trous de ver se referment aussitôt qu’ils se sont ouverts. Alors OK, il existe bien une
possibilité théorique de les agrandir et de les stabiliser. Simplement, ça nécessite d’avoir
recours de nouveau à la fameuse matière à masse négative qui, je vous le rappelle, n’a
jamais été détectée à ce jour. Le premier qui en rapporte une caisse gagne le jackpot du
voyage interstellaire.
En attendant, désolé d’avoir joué les rabat-joie, mais les promenades autour d’Alpha du
Centaure, c’est pas pour demain.
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