Partie 1 : L’Occupation
I. L’OCCUPATION
Le 8 novembre 1942, dans le cadre de l’opération Torch, les troupes américano-britanniques
débarquent en Afrique du Nord. Dès l’aube, les premières unités prennent pied sur le sol marocain,
dans l’Oranie et l’Algérois. En dépit des protestations du maréchal Pétain qui condamne le
débarquement, et des combats qui opposent les troupes françaises fidèles à Vichy aux Alliés,
un cessez-le-feu est rapidement négocié à Alger entre le commandant du corps expéditionnaire
américain, le général Clark, et l’amiral Darlan, ministre de Vichy. Le 10 novembre, cet accord est
étendu à l’ensemble de l’Afrique du Nord, à l’exception de la Tunisie où des troupes allemandes
débarquent le 12, sans opposition aucune de l’armée de Vichy.
Accueillie avec satisfaction par la population provençale, la nouvelle du débarquement allié
provoque la riposte du commandement allemand dès le 11 novembre : suivant les consignes de
l’opération Anton, la Wehrmacht franchit la ligne de démarcation et envahit la zone sud. Acheminées
par train, les troupes allemandes dépassent Avignon et arrivent à Marseille dans les gares d’Arenc,
du Canet et du Prado. Dans le même temps, des convois composés de plusieurs centaines de
véhicules longent la vallée du Rhône. Dans le département des Bouches-du-Rhône, l’avant-garde
allemande est repérée dans la périphérie de Marseille à 4 heures du matin. La première colonne fait
son entrée dans la ville à 8 heures et traverse les artères principales avant de stationner sur le Prado.
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Les troupes transalpines sont associées à l’occupation de la zone sud et semblent livrer une véritable
course de vitesse aux armées allemandes. Les éléments disponibles de la IVe armée traversent la
ligne de démarcation près de Menton le 11 novembre et atteignent Valence dans la nuit du 12 au 13
novembre. Des avant-gardes sont signalées dans les heures suivantes près d’Arles, où elles laissent
un détachement avant d’effectuer un repli sur Aix-en-Provence.
Après avoir donné l’assurance aux autorités de Vichy que Toulon ne serait pas occupée, le
commandement allemand lance l’opération Lila. La ville est investie le 27 novembre tandis que la
flotte se saborde. Au même moment, les casernes de l’armée d’armistice, nombreuses à Marseille,
sont assiégées. Le personnel militaire est ensuite désarmé, du matériel et des munitions sont saisis.
Alors, l’image d’une France indépendante, image largement répandue par la propagande vichyste,
se brise définitivement.
C’est au mois de décembre que le plan de partage de l’ancienne zone libre est définitivement
adopté. Les Allemands s’installent dans les territoires qui longent le Rhône ainsi que sur le littoral
méditerranéen jusqu’à La Ciotat. Ils contrôlent donc l’essentiel du département des Bouches-
du-Rhône. S’ajoutent à ce territoire des zones stratégiques qui s’étendent profondément dans le
département du Var. Les Italiens, quant à eux, doivent se contenter des Alpes-Maritimes, d’une
partie du département du Var et de quelques cantonnements symboliques dans les Bouches-du-
Rhône, notamment près d’Aix-en-Provence, de l’étang de Berre et à Marseille.
De fait, l’occupation ne se fait pas sans heurts. L’arrivée des troupes germano-italiennes
s’accompagne d’incidents nombreux. Qu’il s’agisse d’actes symboliques, telle la dégradation d’un
monument aux morts à Roquevaire, ou de violences physiques, telle la tentative de viol d’une
jeune femme près de Septèmes, l’attitude des soldats inquiète. Une fois encore, contrairement
aux promesses faites par le commandement allemand, des confiscations sont opérées au profit
des occupants. De nombreux édifices publics (écoles, universités) et privés (hôtels, villas) sont
réquisitionnés pour loger la troupe. La Wehrmacht réclame aussi la mise à disposition quotidienne
de 40 camions et n’hésite pas à les confisquer sur la voie publique lors de contrôles routiers. Elle
s’empare des entrepôts portuaires de Marseille et de La Ciotat et contribue à l’extinction presque
totale de l’activité des ports. Enfin, pour leur divertissement, les officiers allemands réclament et
obtiennent gracieusement des places pour assister aux représentations de l’opéra de Marseille.
La pression sur la population s’accentue davantage dans les semaines qui suivent l’installation
allemande. Prenant prétexte d’attentats commis le 3 janvier 1943 à Marseille par les francs-tireurs
et partisans – main d’œuvre immigrée (FTP-MOI) contre les troupes d’occupation, le Reischsfürer-
SS Himmler donne l’ordre de frapper durement la ville qu’il accuse d’être un repaire de « criminels ».
Il réclame non seulement l’arrestation et la déportation dans les camps de concentration en
Allemagne des « saboteurs » mais aussi la destruction des quartiers qui les abritent.
Entrée des troupes allemandes dans les Bouches-du-Rhône, rapport du commissaire principal chargé du service, 12 novembre 1942, AD 13, 76 W 118