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HÉTÉROPHORIES
1 Généralités
1.1 Définition
Nous reprendrons la définition donnée par le Dr Hugonnier :
« Une hétérophorie est une déviation des axes visuels maintenue latente par le
réflexe de fusion »
Conséquence 1 : En vision binoculaire, une hétérophorie ne peut être décelée. Le couple
oculaire fixant un point M, le réflexe de fusion est présent, les deux yeux vont donc saligner de
façon telle que les images rétiniennes du point M se forment sur les deux fovéas.
Conséquence 2 : Pour mettre en évidence une hétérophorie, il faut disposer dun dispositif qui
supprime le réflexe de fusion.
1.2 Mise en évidence
Une méthode radicale pour supprimer la fusion est le masquage dun œil. Pendant environ une
seconde on place devant lOD un cache en demandant au sujet de fixer un point lumineux M. On
enlève alors le cache en observant lœil qui était caché lors de ce démasquage.
Deux cas peuvent se présenter :
· soit cet œil ne fait aucun mouvement, l'équilibre musculaire du couple est parfait et celui-ci
est dit orthophorique.
· soit on perçoit un déplacement dans le plan horizontal, dans le plan vertical ou les deux à la
fois, le couple oculaire présente une hétérophorie.
Analysons le cas on détecte un mouvement de l’œil droit dans le plan horizontal, vers le
nez, au moment où l'on ôte l'écran.
M
Q'
D
Q'
G
M'
G
f
G
M'
D
f
D
M
Q'
D
Q'
G
M'
G
f
G
ligne de regard dissocié O.D
f
D
en position
dissociée
Rotation lors du rétablis -
sement de la fusion
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En l'absence de fusion, le couple prend la position passive ou position dissociée correspondant
au moindre effort musculaire.
Avec le cache, l’œil droit occupait une position telle que sa ligne de regard ne passe pas par M
(pas de fusion). Lors du rétablissement de la fusion, pour éviter une diplopie, le couple oculaire
retrouve la position de vision binoculaire normale par une rotation de l’œil droit.
Cet effort supplémentaire fait pour réaligner l’œil droit est du au réflexe de fusion. Il est
indispensable car l'équilibre musculaire du couple n'est pas parfait.
En optométrie, il existe diverses méthodes permettant de supprimer plus ou moins le désir de
fusion. Nous y reviendrons dans un paragraphe suivant.
1.3 Fréquence
C'est une anomalie extrêmement fréquente ( 75% de la population). Peu de sujets présentent
des gênes car dans la grande majorité des cas l'effort fusionnel à accomplir se fait sans
difficulté. Le sujet compense son hétérophorie.
Les gênes n'apparaissent que lorsque cet effort devient trop important. Dans certains cas, le
sujet ne peut plus le fournir par exemple lorsqu'il est fatigué ; son couple oculaire prend une
position passive qui entraîne une diplopie passagère (le sujet se met alors à loucher et il voit
double). Il y a alors décompensation de l'hétérophorie.
2 Catégories
Les hétérophories sont classées à partir de la déviation du couple oculaire constatée dans la
position dissociée. Toute déviation est la combinaison de déviations dans le plan horizontal et
vertical. On recherchera donc lhétérophorie dans ces deux plans pour déterminer complétement
ltérophorie du sujet. Il existe un cas plus rare qui sort du domaine de lopticien et qui
concerne une déviation par rotation de l’œil autour de son axe antéro-postérieur.
2.1 Hétérophories horizontales
Elles sont les plus fréquentes.
M
Q'
D
Q'
G
Orthophorie
position dissociée
dissociateur
En bleu
, ligne de regard de l'œil
droit en position dissociée
M
Q'
D
Q'
G
M
Q'
D
Q'
G
Esophorie
position dissociée
Exophorie
position dissociée
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Le couple oculaire Esophore (symbole S ou E) converge trop en vision dissociée par rapport à
la position requise en vision binoculaire. Les lignes de regard se coupent en avant du point de
fixation.
Le couple oculaire Exophore (symbole X) ne converge pas assez en position passive par
rapport à la position requise. Les lignes de regard se coupent au delà du point de fixation.
2.2 Hétérophories verticales
Si l'on représente le couple oculaire regardant un point de fixation à 5 m, les deux lignes de
regard sont pratiquement parallèles (à 40' près dans le plan horizontal).
Après rupture de la fusion (position dissociée), les deux lignes de regard n'appartiennent plus
au même plan horizontal. Pratiquement, on ne mesure l'hétérophorie verticale que par l'angle que
font entre elles les deux lignes du regard. On utilise presque uniquement le terme d'hyperphorie
en précisant D/G si la ligne du regard de l’œil droit en position dissociée est au dessus du plan
horizontal contenant la ligne de base et la ligne du regard de l’œil gauche et G/D dans le cas
contraire.
2.3 Cyclophorie
C'est la tendance pour l'un ou les deux yeux à effectuer une giration autour de la ligne de
regard dans la position passive. On parle d'incyclophorie lorsque cette giration s'effectue en
dedans et d'excyclophorie lorsque cette giration se fait au dehors.
3 Signes fonctionnels
3.1 Hétérophories bien compensées
C'est le cas le plus fréquent. La déviation, détectée en position dissociée, est maintenue
latente sans fatigue en position active. Le sujet ne sait pas quil a une hétérophorie, il néprouve
aucune gêne.
La phorie est compensée par la convergence fusionnelle: effort de convergence qui permet de
passer de la position dissociée à la position active. La convergence requise correspond à la
convergence que doit mettre en jeu le couple pour avoir une vision binoculaire normale.
Si la convergence fusionnelle est faible par rapport aux capacités du sujet, il ny aura aucun
problème. Quand ce rapport entre convergence fusionnelle et capacités diminue, lhétérophorie
va devenir mal compensée et les problèmes visuels vont se manifester.
Q'
Q'
point de
fixation à 5 m
Plan
horizontal
Q'
Q'
Plan
Q'
Q'
G
Plan
Position active
Le point de fixation étant à
5 m droit devant, les deux
lignes de regard sont dans
le même plan horizontal
Position dissociée
Hyperphorie G/D
Position dissociée
Hyperphorie D/G
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3.2 Hétérophories mal compensées ou décompensées
Le sujet peut ressentir des gênes parce que cet effort de convergence fusionnelle est trop
important pour être soutenu sur une durée longue. Ces gênes apparaîtront presque toujours lors
de tâches nécessitant une vision précise: lecture, conduite automobile. Les symptômes sont très
variables suivant le type de phorie et suivant les sujets: "maux de tête", "douleurs derrière les
yeux", "yeux qui tirent". Très souvent l'acuité binoculaire est inférieure à l'acuité monoculaire la
meilleure et la stéréopsie n'est pas bonne. La lecture est souvent difficile, le sujet a du mal à se
souvenir de ce qu'il lit: le rendement lexical est mauvais.
Dans les cas les plus graves, par moments il ne peut plus maintenir leffort fusionnel : il
décompense. En position active les deux lignes du regard ne convergent plus vers le point de
fixation, la déviation devient manifeste. Le sujet voit alors double s'il ne parvient pas à
suspendre l'une des images. Il doit cesser son travail demandant une vision précise pour
retrouver une situation de vision simple.
Dans beaucoup de cas, les symptômes d'une hétérophorie mal compensée ne sont pas typiques
et peuvent être dus à dautres causes. Dans les cas le sujet décompense, le problème moteur
est manifeste.
4 Mesure des phories
4.1 Que mesure-t-on ?
Pour mettre en évidence une phorie, il faudra mettre le couple oculaire en position dissociée.
Il faudra donc placer devant un œil un dissociateur.
Les dissociateurs peuvent être classés à partir de lorigine de la dissociation créée :
· dissociateur moteur : le dissociateur induit une déviation du faisceau que le système
oculomoteur ne peut compenser, le sujet voit double. (prismes de Von Graefe)
· dissociateur sensoriel : le dissociateur induit une différence entre les images
rétiniennes droite et gauche. (Maddox, filtres polarisés, filtres rouge-vert)
Les dissociateurs sont aussi classés suivant limportance des différences quils induisent
entre les images rétiniennes :
· dissociateur profond : tout lespace est dissocié (il ny a aucun point semblable qui
permettrait un désir de fusion entre limage rétinienne droite et limage rétinienne
gauche)
· dissociateurs partiels : les images rétiniennes ont des éléments communs soit en
vision périphérique soit en vision centrale qui maintiennent un désir plus ou moins
important de fusion.
Convergence
fusionnelle
Q'
D
Q'
G
M
point de
fixation
L.Regard Dissocié O.D
Convergence
requise
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Ces différents dissociateurs permettent deffectuer diverses mesures qui permettront
denvisager les mesures à prendre si nécessaire dans le cas étudié.
· Phorie dissociée : On utilise un dissociateur profond (masquage, Maddox rouge,
prismes de Von Graefe). La phorie dissociée est la mesure du prisme qui permet le
réalignement.
· Phorie associée : Le dissociateur laisse des éléments de fusion soit périphériques soit
centraux. La phorie associée est la mesure du prisme qui permet le alignement. Elle
dépend du dissociateur choisi. Elle est toujours plus petite que la phorie dissociée.
· On peut aussi citer la mesure de la disparité de fixation qui se fait avec le test de
Mallet.
Pour une description des tests : http://p.jean2.pagesperso-
orange.fr/vae/Groupes/Dissocia.pdf
Pour leur utilisation se reporter au cours doptométrie : http://p.jean2.pagesperso-
orange.fr/Optome/hetero/opt_hete.htm
4.2 Mesure
La seule méthode objective de mise en évidence dune phorie est locclusion. Elle ne permet
pas une mesure simple de celle-ci. Cest pourquoi en optométrie on utilisera le plus souvent un
test subjectif pour mesurer lhétérophorie dissociée.
Dans la majorité des cas, le choix de l’œil devant lequel on place le dissociateur na pas
dimportance. Les cas où le résultat est différent sort du domaine de lopticien.
4.3 Influence de la compensation portée
4.3.1 Valeur de la compensation
Si la compensation portée est trop concave, le sujet va mettre en jeu l'accommodation
nécessaire pour voir net, accommodation plus grande que celle qu'il aurait mise en jeu avec sa
compensation théorique. Du fait de la synergie accommodation convergence, cette augmentation
de l'accommodation va entraîner un supplément de convergence du couple oculaire (ce point sera
étudié dans le chapitre suivant). Un sujet orthophore avec sa compensation exacte, peut devenir
ésophore si l'écart de compensation est important.
Le risque d'une compensation trop convexe est plus rare car alors le sujet serait gêné en
vision de loin.
Avant de mesurer les phories du patient, il faut donc s'assurer que la compensation portée
est exacte.
4.3.2 Centrage des verres
Lorsque la puissance des verres du sujet devient importante, une légère erreur de centrage
des verres du patient va introduire un effet prismatique qui va fausser la mesure de la phorie (on
mesurera alors la phorie apparente avec la compensation et non la phorie du couple oculaire).
Pour illustrer ceci prenons le cas d'un myope de - 8,00 d avec une erreur de centrage de 3
mm vers le nez qui affecte l’œil droit. En vision de loin, l'effet prismatique induit est donc de
8,00 ´ 0,3 = 2,4 D base temporale (règle de Prentice).
En position active, pour voir simple, le couple oculaire mettra en jeu, sil le peut, une
convergence de 2,4 D (convergence fusionnelle).
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