La rougeole au Maroc : pourquoi une campagne de vaccination en

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Editorial
Rev Mar Mal Enf 2013; 31 : 1-4
Le Maroc a connu en avril 2013 une campagne de
vaccination de masse contre la rougeole et la rubéole
(RR) ayant concerné les enfants de 9 mois à 19 ans.
Pourquoi cette campagne a été réalisée ? Quels sont ses
objectifs ?
La rougeole est une maladie infectieuse qui pose un
problème de santé publique. On recense chaque année
environ 30 millions de cas à travers le monde et 197.000
décès, dont la moitié se concentre en Afrique (OMS).
Dans les pays développés, le taux de mortalité est estimé
à un cas pour 3.000. La rougeole est aussi à l’origine de
complications graves et fréquentes dans les pays en voie
de développement. Ses principales complications sont
les otites (7-9%), les pneumonies (1-6%), et les compli-
cations neurologiques (encéphalites), dont la fréquence
est estimée à 0,5 et 1 pour 1.000 cas de rougeole. La
rougeole se place parmi les maladies qui peuvent être
éliminées étant donné la stabilité génétique du virus,
l’absence de porteurs sains et la présence d’un vaccin
efcace ; d’où l’initiative lancée par l’OMS pour élimi-
ner cette maladie.
La charge mondiale de morbidité due à la rubéole
congénitale a été sufsamment bien dénie pour que l’on
accorde à présent la priorité à des mesures de prévention
et de lutte. Au Maroc, une étude sur la susceptibilité de
la rubéole congénitale a permis de noter que 17% des
femmes âgées entre 21 et 35 ans sont non immunes
ou susceptibles. L’OMS recommande l’utilisation du
vaccin anti-rubéoleux dans tous les pays qui disposent
de programmes performants de vaccination des enfants,
qui considèrent la réduction ou l‘élimination du SRC
comme un problème prioritaire de santé publique et
où des ressources peuvent être mobilisées pour assurer
la mise en œuvre d’une stratégie appropriée. Les pays
ayant entrepris d’éliminer la rougeole, comme le Maroc,
devraient envisager de saisir cette occasion pour élimi-
ner également la rubéole en utilisant le vaccin RR ou
RRO dans le cadre de leurs programmes de vaccina-
tion des enfants et des campagnes contre la rougeole.
Tous les pays qui entreprennent d’éliminer la rubéole
devraient s’assurer que les femmes en âge de procréer
sont immunes et que la couverture systématique des
enfants est maintenue à plus de 80%.
Initiative mondiale d’élimination de la rougeole
En 1997, tous les pays membres de la Région Médi-
terranée Orientale de l’OMS (EMRO) ont adopté la
résolution d’élimination de la rougeole. Le plan straté-
gique d’élimination de la rougeole se base sur 5 points :
1. Instaurer et maintenir une couverture vaccinale de
plus de 95%.
2. Veiller à ce que tous les enfants aient une deuxième
dose de vaccin anti-rougeoleux (plus de 95%) soit à
l’occasion d’une deuxième dose systématique, soit à
l’occasion d’activités de vaccination supplémentaires
comme la vaccination de masse actuelle au Maroc.
3. Assurer une surveillance efcace de la maladie.
4. Intégrer la conrmation biologique dans le système
de surveillance.
5. Assurer la prise en charge clinique en incluant
l’administration de la vitamine A.
La surveillance, associée à la conrmation biolo-
La rougeole au Maroc : pourquoi une campagne
de vaccination en 2013 ?
M. Bouskraoui
Pédiatrie A, Hôpital Mère-Enfants, CHU Mohammed VI, Marrakech
gique, joue un rôle important dans la stratégie d’élimina-
tion de la rougeole. En effet, l’objectif de la surveillance
est de recueillir, analyser et interpréter les données
collectées dans le but d’évaluer les efforts réalisés par
le programme de vaccination et de participer, le cas
échéant, à remédier à la situation en se basant sur les
données du terrain.
Présentation du système de la surveillance
épidémiologique de la rougeole au Maroc
Avant l’introduction du vaccin de la rougeole, la
maladie se manifestait par des dizaines de milliers de
cas, avec une grande incidence (estimée entre 60.000
et 100.000 nouveaux cas par an). Depuis la générali-
sation de la vaccination en 1984, on a noté une nette
diminution de l’incidence de la maladie. Toutefois, en
dépit d’une couverture vaccinale élevée, on a enregistré
de nombreux foyers épidémiques touchant surtout des
enfants de 1 à 15 ans n’ayant reçu qu’une seule dose du
vaccin contre la rougeole. Aussi, on estime qu’environ
10 à 15% des enfants vaccinés demeuraient sans protec-
tion lorsqu’ils ont reçu une seule dose de vaccin à l’âge
de 9 mois, proportion sufsante pour permettre au virus
de circuler dans la communauté. Ces échecs de la primo-
vaccination sont surtout attribués à l’interférence des
anticorps maternels qui persistent chez le nourrisson.
La seconde dose vaccinale actuellement recommandée
vise à conférer une immunité aux enfants qui n’ont
pas réagi à la première dose.
La stratégie de classication des cas de rougeole adop-
tée jusqu’en 2006 se basait uniquement sur le diagnos-
tic clinique. Or, les signes cliniques de la rougeole ne
sont pas des critères sufsants pour poser un diagnostic
précis. En effet, il existe plusieurs agents pathogènes
responsables de maladies à èvres éruptives qui peuvent
induire en erreur le diagnostic clinique, et par consé-
quent, les données épidémiologiques. An d’optimiser
l’analyse des données épidémiologiques, la Direction
de l’Epidémiologie et de Lutte contre les Maladies
(DELM) et l’Institut National d’Hygiène (INH), avec
la collaboration du Bureau Régional de l’OMS, ont
mis en place un système de surveillance sentinelle basé
sur la conrmation biologique des cas suspects de la
rougeole et ce à travers 5 sites sentinelles. Le but de cette
surveillance sentinelle est de déterminer la proportion
exacte de la rougeole parmi les èvres éruptives, d’éva-
luer les progrès réalisés par le programme de vaccina-
tion et de se préparer à la mise en place d’un système de
surveillance basé sur la conrmation biologique de tous
les cas suspects de la rougeole en phase d’élimination.
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Rôle du laboratoire dans la surveillance de la rougeole
Le laboratoire joue un rôle important dans la sur-
veillance de la rougeole. Il permet de conrmer le dia-
gnostic clinique des cas sporadiques et des foyers épidé-
miques, en vue de déterminer si la rougeole présente un
réel problème de santé publique. Le laboratoire assure
également le diagnostic différentiel en recherchant une
éventuelle infection par le virus de la rubéole, car les
signes cliniques de cette maladie peuvent être confondus
avec ceux de la rougeole. L’une des fonctions impor-
tantes du laboratoire est d’assurer l’analyse moléculaire
des souches responsables des épidémies. Cette analyse
moléculaire permet d’identier l’origine des épidémies
ainsi que les voies de transmission du virus. Elle contri-
bue aussi à déterminer si les souches isolées sont impor-
tées ou autochtones, permettant ainsi d’évaluer l’efca-
cité des programmes de vaccination et des campagnes de
vaccination de masse qui visent à éliminer cette maladie.
Etapes de la surveillance épidémiologique de la
rougeole
Pour certier qu’un pays a éliminé la rougeole,
l’OMS a établi un certain nombre de critères relatifs
aux performances de la surveillance épidémiologique et
biologique qui doivent être appliqués ; ces critères sont
résumés dans l’algorithme ci-dessous :
Devant l’incidence des cas conrmés de la rougeole
qui est de 20 pour 1 million d’habitants, notre pays ne
répond pas aux critères d’élimination, bien que les indi-
cateurs de performance de la surveillance et ceux des
laboratoires soient satisfaisants. Par conséquent, une
adaptation de la stratégie de vaccination est recomman-
dée pour atteindre l’objectif de l’élimination.
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Annexe : Rougeole en questions-réponses
Quel est l’âge optimal pour la 1ère dose de vaccin anti-rougeoleux ?
Dans les pays ayant une transmission continue avec persistance d’un risque élevé de mortalité par rougeole pour les nour-
rissons, la première dose doit être administrée à l’âge de 9 mois. Dans ces conditions, il est important de l’administrer à temps
pour garantir une protection optimale pendant la période de sensibilité des nourrissons. Comme de nombreux cas de rougeole
surviennent chez les enfants âgés de plus de 12 mois et qui n’ont pas été vaccinés, l’administration systématique de la première
dose ne doit pas se limiter aux enfants entre 9 et 12 mois. À partir de l’âge de 12 mois, on saisira toutes les occasions possibles
pour proposer cette vaccination à tout enfant non vacciné, par exemple quand il est amené en consultation dans les services de
santé pédiatrique. Dans les pays ayant de faibles niveaux de transmission de la rougeole (c’est-à-dire ceux qui s’approchent de
l’élimination) et où le risque de rougeole est donc faible pour les nourrissons, on peut administrer la première dose du vaccin anti-
rougeoleux à l’âge de 12 mois pour tirer parti des taux plus élevés de séroconversion que l’on obtient à cet âge.
Quel est l’intérêt d’une 2ème dose de vaccin anti-rougeoleux ? Pourquoi faut-il vacciner deux fois ?
Une seule dose de vaccin peut ne pas sufre à protéger cet enfant. En effet, il existe des échecs à la vaccination : un faible pour-
centage d’enfants ne développent pas de réponse immunitaire. Les causes en sont diverses. Elles peuvent être liées à la délivrance
du vaccin (rupture de la chaîne du froid...); mais aussi au vacciné chez qui on peut observer des mauvaises réponses d’origine
génétique ou physiologique (présence d’anticorps maternels au moment de la vaccination, infection intercurrente, traitement
immunosuppresseur intercurrent...). Une seconde dose est destinée à immuniser les sujets qui n’ont pas répondu à la première
vaccination et ceux qui ne l’ont pas reçu avant. Les études montrent qu’une 2ème dose permet de rattraper 95% des échecs. Cette
seconde dose n’est donc pas un rappel. Il s’agit d’un rattrapage pour donner à cet enfant toutes les chances d’être protégé.
Quel est le moment optimal pour l’administration systématique de la seconde dose du vaccin anti-rougeoleux ?
Les pays où la transmission de la rougeole est continuelle et où la première dose est administrée à l’âge de 9 mois devraient
prévoir l’administration systématique de la seconde dose à un âge compris entre 15 et 18 mois. L’intervalle minimum entre les 2
doses est de 1 mois. L’administration systématique de la seconde dose aux enfants dans leur deuxième année de vie diminue la
vitesse à laquelle le nombre des enfants sensibles augmente et le risque de ambées de rougeole. Dans les pays où la transmission
de la rougeole est faible (c’est-à-dire ceux qui s’approchent de l’élimination) et qui administrent la première dose à l’âge de 12
mois, l’âge optimal pour l’administration systématique de la seconde dose dépend des considérations programmatiques qui per-
mettront d’atteindre la meilleure couverture et, donc, l’immunité la plus élevée dans la population. L’administration de la seconde
dose à un âge compris entre 15 et 18 mois confère une protection précoce au sujet vacciné, ralentit l’accumulation d’enfants
sensibles en bas âge et peut avoir lieu à l’occasion d’autres vaccinations systématiques (par exemple le rappel du DTC). Dans
les pays ayant une couverture élevée de la première dose du vaccin anti-rougeoleux (plus de 90%) et un fort taux de scolarisation
(plus de 95%), l’administration systématique de la seconde dose au moment de l’entrée à l’école peut s’avérer une stratégie ef-
cace pour atteindre une couverture élevée.
L’immunité conférée par le vaccin RRO est-elle durable ?
La réponse immunitaire après la vaccination est similaire à celle observée après une infection naturelle. La vaccination induit
une immunité humorale et cellulaire, ainsi que la production d’interféron. Bien que les titres d’anticorps induits par la vaccina-
tion soient moins élevés qu’après la maladie, la différence ne semble pas inuencer le niveau de protection. Au l des années,
on observe une diminution des anticorps un peu plus prononcée après la vaccination qu’après la maladie, mais les études épi-
démiologiques ont démontré que, lors de ambées, au maximum 5% des personnes vaccinées depuis plus de 15 ans attrapent la
rougeole. Or cette proportion correspond à celle des non-répondeurs à la première dose de vaccin et elle n’augmente pas avec le
temps depuis la vaccination. Malgré le fait que des maladies après deux doses de vaccin RRO aient été documentées, les données
épidémiologiques et sérologiques des 35 dernières années indiquent que le vaccin procure une immunité de longue durée.
Que faire chez les enfants qui n’ont pas été vaccinés avec 2 doses dans les délais recommandés?
Si, selon les recommandations, la vaccination complète en deux doses doit être terminée à l’âge de vingt quatre mois, la réalité
est en fait bien différente. Des enquêtes réalisées en milieu scolaire conrment que la seconde dose reste, en revanche, trop sou-
vent négligée. Si la vaccination n’a pas été réalisée dans les délais recommandés, ou qu’elle est incomplète, il est toujours possible
de la faire plus tard dans l’enfance, à l’adolescence, voire à l’âge adulte, pour protéger l’individu mais aussi limiter le nombre de
sujets susceptibles. C’est le rattrapage vaccinal. Ce rattrapage est très important, au niveau individuel, puisque l’administration de
la seconde dose permet de protéger les enfants et les adolescents qui n’auraient pas répondu après la première dose. L’application
des recommandations de rattrapage vaccinal pourra permettre de réduire considérablement le nombre de cas survenus durant
cette année chez des enfants de plus de 2 ans, des adolescents et des jeunes adultes. Ce rattrapage est également très important au
niveau collectif, notamment parce qu’en stoppant la circulation du virus, il constitue le seul moyen d’éviter la contamination des
nourrissons trop jeunes pour être vaccinés.
Pourquoi un enfant vacciné peut faire la rougeole ?
Au fur et à mesure de l’augmentation de la couverture vaccinale, on observe la progression du nombre de cas de rougeole chez
des vaccinés tant qu’il persiste une circulation du virus. Il s’agit de sujets vaccinés qui n’ont pas eu de séroconversion ou des
sujets dont l’immunité post-vaccinale s’est peu à peu éteinte (en général, il s’agit de sujets peu nombreux et plus âgés qui n’ont
jamais été vaccinés ou qui n’ont pas eu de séroconversion après vaccination). Cette notion, difcile à admettre dans les débuts
de la vaccination, doit être expliquée pour ne pas en tirer un argument pour la mauvaise qualité du vaccin. Lefcacité vacci-
nale du vaccin de la rougeole dépend donc de la couverture et de la rapidité de la généralisation du vaccin dans une population.
Lorsqu’une couverture élevée est atteinte très rapidement, on observe une très nette diminution des cas de rougeole, dénommée
lune de miel: en effet, on bénécie pendant quelques années de la somme de l’immunité des vaccinés et de l’immunité des anciens
malades. Cependant, l’accumulation des vaccinés non protégés et des sujets non vaccinés ne rencontrant plus la rougeole explique
qu’après cette période de calme de nouvelles ambées surviennent, atteignant ces sujets réceptifs, si la couverture vaccinale
n’atteint pas 95%. Il ne s’agit pas d’un échec du vaccin mais d’un échec de la politique vaccinale.
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