
Mode d’entr´
ee psychiatrique dans la maladie de Wilson 927
cupr´
emie et la cuprurie dos´
ees secondairement sont au-
dessus des valeurs physiologiques (cupr´
emie `
a75mol/l et
cuprurie `
a10mol/l). Le taux de c´
eruloplasmine est alors
de 13 mg/dl. L’examen ophtalmologique `
a la lampe `
a fente
r´
ev`
ele l’anneau de Kayser-Fleischer. Le diagnostic de mala-
die de Wilson est ´
etabli.
Un traitement curateur par d-p´
enicillamine est pro-
pos´
e, l’´
evolution `
a trois mois retrouve une r´
egression des
´
el´
ements neurologiques, en particulier des tremblements.
En revanche chez Monsieur B., les complications de la
cirrhose telles que l’ascite et les h´
emorragies digestives
perdurent. L’´
evolution psychiatrique `
a cours terme est
d´
efavorable avec peu d’am´
elioration clinique `
a trois mois :
le tableau est marqu´
e par des troubles du comportement
variables, des ´
el´
ements de la s´
erie psychotique peu modifi´
es
par un traitement psychotrope bien conduit, une confusion
mentale fluctuante. Le patient issu d’un milieu rural ´
eloign´
e
du centre hospitalier universitaire ne s’est pas pr´
esent´
e aux
consultations ult´
erieures malgr´
e les sollicitations par cour-
rier.
Discussion
Chez certains sujets, la maladie de Wilson peut ˆ
etre r´
ev´
el´
ee
par des troubles du comportement isol´
es, un syndrome
d´
ementiel, un syndrome schizophr´
enique ou un syndrome
maniacod´
epressif. Nous y reviendrons dans la description
des manifestations cliniques g´
en´
erales de la maladie de Wil-
son. Chez Monsieur B., les premi`
eres manifestations de la
maladie de Wilson sont psychiatriques, ce qui repr´
esente
selon la litt´
erature seulement 10 % des cas. L’atteinte du
syst`
eme nerveux central a ´
et´
e, semble-t-il, isol´
ee au d´
ebut,
ainsi le patient a ´
et´
e hospitalis´
e en psychiatrie car plusieurs
diagnostics diff´
erentiels se discutaient :
•un tableau de psychose d’apparition tardive devant l’ˆ
age
du sujet (53 ans), l’´
evolution insidieuse des troubles,
les bizarreries du comportement, l’agitation nocturne. Il
n’apparaissait pas cependant d’organisation d´
elirante ni
d’´
el´
ements dissociatifs ;
•un ´
etat d´
epressif, ´
evoqu´
e devant la pr´
esence d’une tris-
tesse, d’un retrait, d’un mutisme, de troubles du sommeil
et de l’app´
etit, et des vell´
eit´
es suicidaires (crit`
eres DSM
IV de d´
epression majeure) ;
•un tableau de confusion mentale, ´
evoqu´
e devant la
d´
esorientation temporospatiale, les troubles mn´
esiques.
Le tableau clinique est complexe, c’est en effet le
polymorphisme qui domine dans la description des manifes-
tations psychiatriques de la maladie. Cela peut conduire `
a
une errance diagnostique pr´
ejudiciable, d’autant plus qu’un
traitement s´
edatif important peut ˆ
etre n´
ecessaire pour
juguler les troubles du comportement. Wilson d´
ecrivait en
1912 une «grande variabilit´
e des alt´
erations mentales, `
ala
fois dans leur intensit´
e et leur forme »[24]. L’auteur pensait
que les symptˆ
omes psychiatriques «formaient une impor-
tante, quoique peut-ˆ
etre pas int´
egrante, partie du tableau
clinique »et il commentait d`
es lors que «les symptˆ
omes psy-
chotiques ne sont pas transitoires, alors que les d´
esordres
affectifs sont fr´
equents mais variables »[24]. Dans ce cas cli-
nique, le diagnostic est tardif, `
a l’occasion d’une h´
emorragie
digestive signant une maladie de Wilson `
a un stade avanc´
e
(cirrhose compliqu´
ee). Les donn´
ees de la litt´
erature rap-
portent actuellement un d´
elai moyen de deux ans entre
l’apparition des premiers symptˆ
omes et le diagnostic de
la maladie. Ainsi, Prashanth et al. [18], dans une ´
etude
r´
etrospective concernant 140 patients, rapportent l’analyse
d’un ´
echantillon de patients s´
ev`
erement atteints par la
maladie (11 filles, 18 garc¸ons). L’ˆ
age moyen d’apparition des
premiers symptˆ
omes est 11,5 ans (±6,4) et l’ˆ
age moyen dans
l’´
echantillon au moment du diagnostic est 13,3 ans (±7,0).
Par ailleurs, la maladie de Wilson se manifeste le plus
souvent entre 10 et 20 ans, rarement `
aunˆ
age aussi avanc´
e
que chez Monsieur B. La maladie est rare, voire exception-
nelle apr`
es 40 ans. Bellary et Vian Thiel [5] rapportent en
1993 deux cas cliniques `
ar
´
ev´
elation tardive, avec une mode
d’entr´
ee h´
epatique (chez une femme de 42 ans) ou neurolo-
gique (chez un patient de 56 ans). L’auteur souligne la raret´
e
des formes qui se r´
ev`
elent `
aunˆ
age aussi avanc´
e. L’histoire
clinique de Monsieur B. nous permet d’attirer l’attention
sur une maladie rare, qui peut se r´
ev´
eler tardivement, au-
del`
a de 50 ans, et dont le diagnostic est relativement facile.
Chez les patients qui pr´
esentent une maladie psychiatrique,
l’existence d’un d´
eficit en c´
eruloplasmine pose le diagnostic
de maladie de Wilson confirm´
e par la d´
etection de l’anneau
de Kayser-Fleischer `
a l’examen `
a la lampe `
a fente.
La maladie de Wilson, bien que rare, a toute son
importance en psychiatrie car sa psychopathologie et ses
manifestations psychiatriques peuvent pr´
ec´
eder les troubles
somatiques et orienter le diagnostic. Par ailleurs, ces mani-
festations peuvent r´
egresser apr`
es un traitement ch´
elateur
du cuivre ; mais plus le diagnostic est tardif, plus les chances
de r´
egression sont faibles [8]. En raison de sa raret´
e, le
diagnostic est rarement pos´
e. Nous proposons d`
es lors de
d´
etailler cette pathologie g´
en´
etique peu courante.
´
Epidemiologie et pathog´
enie
Maladie h´
er´
editaire du m´
etabolisme du cuivre, la maladie
de Wilson est transmise par un g`
ene autosomique r´
ecessif
localis´
e sur le bras long du chromosome 13. Elle touche
les sujets ayants deux all`
eles d’ad´
enosine triphosphatase
(ATP7B mut´
es) et se caract´
erise par l’accumulation de quan-
tit´
es excessives de cuivre dans le foie, le syst`
eme nerveux
central, les yeux et d’autres organes [19].
Ce g`
ene anormal semble pr´
esent dans tous les groupes
ethniques ; la pr´
evalence des porteurs h´
et´
erozygotes est
´
evalu´
ee `
a 1/90 et celle des porteurs homozygotes `
a
1/30 000. La consanguinit´
e, fr´
equente dans les populations
g´
eographiquement ou socialement isol´
ees, augmente la
pr´
evalence de la maladie. Les quantit´
es toxiques de cuivre,
qui s’accumulent dans le foie d`
es la petite enfance et peut-
ˆ
etre avant, restent concentr´
ees dans cet organe pendant
des ann´
ees [19]. Ainsi, les modifications cytologiques et his-
tologiques peuvent ˆ
etre d´
etect´
ees dans les pr´
el`
evements
biopsiques avant l’apparition de symptˆ
omes cliniques ou bio-
logiques d’atteinte h´
epatique.
L’accumulation du cuivre dans le foie est due `
aund
´
efaut
de l’excr´
etion biliaire du m´
etal et s’accompagne invariable-
ment d’un d´
eficit en c´
eruloplasmine ; prot´
eine synth´
etis´
ee
`
a partir d’un g`
ene ATP7B mut´
e, ce qui entraˆ
ıne la r´
etention
des ions cuivres dans le foie. Le d´
efaut d’excr´
etion biliaire