Tabligh, enfin une VRAIE et authentique explication
A quelques pas du Stade de France, un vieux pavillon, modeste, même exigue. Une salle de prière, sans plaque ni
nom se fait appeler Masjid Al Rahma : "la mosquée miséricorde". A l'angle de la rue Paul Vaillant Couturier, même
si les quelques "barbus en turban" se font remarquer aux alentours de la salle de prière, l'on ne soupçonnerait pas
ici la présence d'une mosquée, pourtant connue nationalement et même en dehors des frontières françaises, en
Grande Bretagne, en Allemagne, en Egypte... C'est en réalité le "Merkez", le centre national du plus grand
mouvement missionnaire de l'Islam : le Tabligh fondé en Inde dans les années 20 par Muhammad Ilyas.
Historique du Tabligh
Le Tabligh, signifiant la transmission en Arabe, est une confrérie piétiste née en Inde dans les années 20. Un trop
grand écart entre les savants, étudiants en sciences religieuses, et la grande majorité de la population indienne
ignorante de l'Islam existait dans la société indienne. C'est le constat qui pousse Muhammad Ilyas à prendre
l'initiative de précher à ces derniers les premiers fondements de l'Islam. Le Tabligh s'est donc toujours voulu un
mouvement pour le retour des musulmans à leur religion. " Aujourd'hui, tous nos sentiments pour l'Islam sont
pratiquement nuls" écrivait Mohamed Ehtesham-ul-Hassan, membre très important du Tabligh dans les années 30.
"Ainsi, ajoutait-il, au lieu de l'amour, nous semblons traîner un affreux complexe d'infériorité à l'égart de notre
religion et de notre foi! (...) nous devons faire revivre en chaque musulman l'esprit de l'islam et revifier en lui
l'amour et l'attachement à l'Islam."
Loin d'être un mouvement violent, le Tabligh se base sur la transmission simple du message. Les grands débats n'y
sont pas appréciés. Dans les années 60 à 70, le mouvement se fait connaître en France. Dans les mosquées Tabligh,
par modestie, les dures conditions de vie des premiers pakistanais et indiens à avoir quitté le centre du Tabligh
pakistanais sont occultées. Beaucoup de prédicateurs face au froid et aux conditions déplorables rencontrées en
France en ont payé de leur vie. Ils étaient en effet très pauvres et avaient tout quitté pour transmettre le message à
la nouvelle main d'oeuvre maghrébine, qui semblaient à leurs yeux délaisser la religion. Des hommes en turbans,
longues robes et coiffés à la manière des talibans faisaient du porte à porte pour le retour à l'Islam de leurs frères
musulmans, en France : "On les prennait pour des fous" confie un vieux maghrébin revenu à la religion par leur
cause.
Un mouvement "apolotique"
"Le pavillon aménagé du Merkez français est un ancien fleuriste" dit-on, mais l'on dispose de peu d'éléments pour
retracer l'histoire de cette mosquée. Les "dirigeants" tablighis n'ont jamais souhaité parler aux journalistes, "des
non-francophones" "des immigrés analphébètes" "des rétrogrades" . Tels sont les stéréotypes utilisés pour
désigner les tablighis. Pourtant le mouvement à côté de jeunes et d'anciens OS (ouvriers spécialisés) comporte un
certain nombre de cadres, étudiants, d'intellectuels, de professeurs, médecins. La crainte d'être montré du doigt
semble motiver ce mutisme général. Après le 11 septembre nombre de médias ont tenté de joindre des
responsables du mouvement. Leurs demandes furent ignorées en raison des présupposés dont le Tabligh se sent
légitimement victime. "Une secte en plein Saint-Denis envoie des combattants français dans des camps au
Pakistan", "une secte terroriste"... Le Merkez n'a pas échappé aux fantasmagories de certaines émissions de
télévision française Fallait-il s'expliquer sur l'activité du Tabligh une fois pour toute devant la place publique ? Les
Tablighis n'en éprouvent pas le besoin et se sentent assez occupés par leur travail quotidien de Da'wa (prêche) au
sein de la communauté.
Masjid Al Rahma, la mosquée "miséricorde" , une mosquée active.
Matin et soir, le travail au sein de la mosquée est impressionnant. Des canadiens, des allemands, des américains
qui ont quitté leur pays pour quelques temps dans le cadre de sortie, "khourouj" pour silloner la France. Ils ne
restent jamais longtemps au Merkez. Ce centre joue donc un rôle de coordination avec les différentes mosquées du
pays qui veulent bien accepter des groupes pour une durée d'une semaine environ. Dans les villes qu'ils iront
visiter, le secteur n'échappera pas à la prêche des "Da'i " (ceux qui prêchent). Là, réside tout l'effort du merkez :
motiver des jeunes musulmans ou des plus âgés pour s'en aller un jour, 3 jours, 40 jours ou 4 mois afin de
transmettre le message. Une "Shoura" quotidienne (commission consultative) analyse les demandes pour les
grands départs. Ainsi les fidèles prêts pour 40 jours ou 4 mois doivent au préalable avoir l'accord de cette
commission qui permet ou non le "khourouj". Certains passent un véritable"interrogatoire". Les étudiants ne
peuvent pas prétendre s'en aller 40 jours pendant la période universitaire. Les mineurs ne sont pas autorisés à
"sortir". Il arrive que certains fidèles mariés soient refusés de "sortie" en raison du désaccord de leurs épouses. Ces
périodes n'ont rien d'institutionnel ou d'obligatoire, "juste pour s'organiser" dit-on. Ainsi les fidèles peuvent partir
pour la période qui leur convient le mieux. Tous les jeudis soirs, y compris pendant le mois de Ramadan, une
centaine de fidèles se serrent dans la petite salle de prière pour écouter le sermon hebdomadaire en langue
française. Des jeunes pour la grande majorité, ils viennent de toutes les villes françaises, principalement de Dreux,
de Mantes la Jolie, d'Evry, Lyon ou de Tours pour assister au Bayan (discours) de Cheik Younous, élégant derrière sa
barbe, parlant avec humour et un réel charisme.On pourrait l'assimiler au Tarik Ramadan du Tabligh. Le Cheik peut
faire passer du rire aux larmes dans un même discours. Malgré une expression française difficile, il se fait
comprendre parfaitement."Si je fais des fautes de conjugaison, grammaire, baissez la tête", lance-t-il souvent. Le
discours est totalement apolitique et non violent. Le mouvement évite de parler des sujets d'actualité. Le 11
septembre n'y a rien changé. Ni avant, ni après le 11 septembre. Les pays sont cités uniquement dans le cadre des
efforts pour la religion.
La mosquée dans son rôle d'islamisation.
Le Merkez enregistre des succès remarquables. Il a joué un rôle important dans l'islamisation des jeunes de
banlieues. Mais la mosquée Al Rahma n'agit pas seule. Dans la region parisienne, les jeunes qui ont pris en main la
"responsabilité de la religion" se font de plus en plus nombreux. Ainsi, les villes comme Sarcelles, Monfermeil,
Aulnay-sous-bois, et tant d'autres on établi avec la collaboration du Merkez un planning, que les jeunes prennent
très au sérieux. Dans ces mosquées, la journée est rythmée par des cercles d'enseignements. Chaque soir, les
fidèles, des jeunes pour la plupart, vont à la visite des musulmans du quartier. Ces visites ne sont pas aléatoires,
elles sont précedées par une "shoura" (concertation) qui définit les personnes à visiter en priorité. Ainsi, un fidèle
qui fréquente de moins en moins la mosquée n'échappe pas à ces visites qui vont lui rappeler le rôle important et
central du lieu de prière pour le quartier. En général, en fin de semaine, deux "jaoulas" (marches, visites) sont
organisées : une dans la ville (jaoula makamia), une autre dans une ville voisine (jaoula intikalia). Ces "jaoulas" ont
pour objectif d'inviter tous les musulmans de la ville à participer au discours au sein de la mosquée. C'est le jour où
tous les musulmans de la ville doivent se rencontrer. Les prêcheurs peuvent pratiquer les célèbres portes-à-portes
qui en choquent plus d'un. "Quel mal à visiter un musulman chez lui!" dit-on au Merkez. En ce mois de ramadan,
l'activité double pour les tablighis, "c'est un mois durant lequel les coeurs sont ouverts". Les volontaires aux
Khourouj se font dailleurs plus nombreux.
L'expansion du Tabligh dans le monde s'est faite très rapidement et de manière impressionnante. Du Caire à New
York, en passant par Saint Denis, Londres, Bamako ou Casablanca, la plupart des pays musulmans possèdent leur
Merkez, leur centre national Tablighi. Pourtant, ce mouvement subit des critiques au sein de la communau
musulmane où une question est souvent posée : Comment des individus n'ayant que peu de connaissances dans le
domaine des sciences religieuses peuvent-ils prendre la responsabilité de la transmission de la religion ? "Faut-il
être diplômé de l'université Al Azhar pour inviter son frère à la prière" se défendent les Da'is.
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