SAVOIR FAIRE SAVOIR
Portrait forestier historique
de la Gaspésie
Pinna, S., A. Malenfant, B. Hébert et M. Côté
Portrait forestier historique de la Gaspésie
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Pour nous contacter
Consortium en foresterie Gaspésie–Les-Îles
37, rue Chrétien, bur. 26, C.P. 5 Gaspé (QC) G4X 1E1
Tél. : (418) 368-5166 Téléc : (418) 368-0511
consortium@mieuxconnaitrelaforet.ca
www.mieuxconnaîtrelaforêt.ca
Référence à citer :
Pinna, S., A. Malenfant, B. Hébert, et M. Côté, 2009. Portrait forestier historique de la Gaspésie.
Consortium en foresterie Gaspésie–Les-Îles. Gaspé, 204 p.
ISBN 978-2-9809843-6-5
Dépôt légal - Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2009
Dépôt légal - Bibliothèque et Archives Canada, 2009
Nous tenons à remercier Pierre Desmeules et Marie-Hélène Langis du Consortium
en foresterie Gaspésie-Les-Îles ainsi que Denis Tardif de Rexforêt pour leur apport
lors de la recherche et de la classification des documents d’archives de même que
Sébastien Dupuis, Dominique Arseneault et Alain Caron de l’Université du Québec
à Rimouski (UQAR) pour leur soutien dans l’élaboration et la réalisation de certai-
nes analyses.
Nous sommes aussi reconnaissants à Stefano Biondo de l’Université Laval pour sa
collaboration à la numérisation et à l’utilisation des photos de Lesseps ainsi qu’aux
nombreux donneurs et prêteurs d’archives qui ont permis d’enrichir notre banque
de documents.
Nous remercions aussi Sylvain Fortin du Cégep de la Gaspésie et des Îles, Domini-
que Arseneault de l’UQAR et Luc Gagnon du Groupe GDS pour les commentai-
res qu’ils ont fait d’une version préliminaire de ce manuscrit ainsi que Marie-Eve
Bernatchez du Consortium en foresterie Gaspésie-Les-Îles pour la mise en page et
la conception graphique du document.
Finalement, nous remercions les partenaires financiers qui ont permis la réalisation
de cette étude, soit: l’Agence de Développement économique du Canada pour les
régions du Québec, le Ministère des Ressources naturelles et de la Faune (Direction
de l’Environnement et de la Protection des forêt, programme de mise en valeur
des ressources du milieu forestier volets 1 et 2 et programme de participation
régionale), la Conférence régionale des Élus Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (Pro-
gramme de mise en valeur des ressources du milieu forestier volet 2 et programme
de participation régionale), le Ministère des Affaires municipales et des Régions, le
Fonds québécois de la recherche sur la nature et les technologies, le Cégep de la
Gaspésie et des Îles, et Rexforêt.
Remerciements
Photos de la page de couverture :
Photo des arpenteurs : Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Photo du bateau : Musée de la Gaspésie, Fonds Daniel Mabe.
Photos de la carte et du paysage forestier : Consortium en foresterie Gaspésie-Les-Îles
Le rapport a été imprimé sur du papier Enviro100 fait à 100% de fibres postconsommation et certifié FSC.
Consortium en foresterie Gaspésie Les-Îles
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Portrait forestier historique de la Gaspésie
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Sommaire exécutif
MISE EN CONTEXTE GÉNÉRALE DU PROJET
Le Portrait forestier historique de la Gaspésie a été initié à l’automne 2006
dans la foulée des engagements du gouvernement du Québec à favoriser la
mise en œuvre de l’aménagement écosystémique. L’objectif est de documen-
ter les attributs écologiques liés au fonctionnement des forêts gaspésiennes à
l’époque préindustrielle. La réalisation d’un tel portrait de référence est indis-
pensable pour la mise en œuvre de l’aménagement écosystémique des forêts
de la Gaspésie. Il va notamment permettre de mesurer les écarts entre la forêt
préindustrielle et la forêt actuelle afin de documenter les enjeux écologiques
de la région et d’y établir les priorités d’action.
Le guide à la documentation des enjeux écologiques pour la mise en œuvre
de l’aménagement écosystémique pour chacune des régions du Québec (Va-
rady-Szabo et al., 2008) a servi de canevas pour la conception et la présen-
tation du présent document. Ainsi, ce portrait forestier historique permet de
documenter les principaux enjeux écologiques appréhendés en regard :
de la composition des forêts;
des stades de développement;
de la structure des peuplements;
de l’apport en bois morts;
et de l’organisation spatiale des forêts.
L’analyse et la présentation des résultats ont été faites en étant basées sur le
système hiérarchique de classification écologique du territoire du ministère
des Ressources naturelles et de la Faune. Les échelles d’analyse retenues pour
le portrait forestier historique de la Gaspésie sont les quatre régions écologi-
ques associées à deux sous-domaines bioclimatiques : Massif gaspésien (5h)
et Haut massif gaspésien (5i) dans la sapinière à bouleau blanc de l’Est, Côte
gaspésienne (4h) et Côte de la baie des Chaleurs (4g) dans la sapinière à bou-
leau jaune de l’Est.
La recherche et la synthèse des documents historiques (Malenfant et Côté,
2007) a notamment permis de faire ressortir les sources d’information quan-
titative essentielle à la réalisation de ce portrait. Les notes prises par les arpen-
teurs du territoire lors de la colonisation traitent grandement des forêts. Leurs car-
nets d’arpentage ont permis de compiler des données sur la forêt du pourtour de
la péninsule gaspésienne au 19e siècle (1836-1875) correspondant à la sapinière à
bouleau jaune. Pour la sapinière à bouleau blanc au centre du territoire, les don-
nées des carnets d’arpentage du 20e siècle (1919-1940) ont été complétées par la
photo-interprétation des photographies aériennes de la Gaspésie prises en 1926
et 1927 par l’aviateur Jacques de Lesseps. Ces échelles de temps et de territoire
ont été jugées adéquates pour représenter la forêt gaspésienne avant l’essor de
l’industrialisation forestière. L’ensemble des écrits historiques a permis d’illustrer
les résultats obtenus et de mettre en lumière les observations convergentes sur la
forêt préindustrielle gaspésienne.
LES PERTURBATIONS NATURELLES EN GASPÉSIE
La dynamique des forêts est directement influencée par le régime des pertur-
bations naturelles (feux, chablis et épidémies d’insectes) avec ses variations en
termes de superficies atteintes, de fréquence et de sévérité. La documentation
des perturbations qui avaient cours dans la forêt préindustrielle est un préala-
ble essentiel pour comprendre les enjeux écologiques liés à la mise en œuvre de
l’aménagement écosystémique des forêts gaspésiennes d’aujourd’hui.
Les peuplements touchés par des perturbations formaient entre 15 et 35 % du
paysage forestier historique de la Gaspésie. Les proportions relatives des types de
perturbations (issues des mentions des arpenteurs du 19e et du 20e siècle ainsi
que des photos de Lesseps de 1926-1927) montrent que les feux étaient moins
prépondérants que les chablis et les épidémies. Entre 1850 et 1950, les cinq incen-
dies exceptionnels répertoriés (> 10 000 ha) représentaient plus des trois quarts
des superficies brûlées en Gaspésie. Les feux étaient peu fréquents sur le terri-
toire et les superficies incendiées étaient très variables. La très grande majorité
des feux de l’époque étaient d’origine anthropique. Toutefois, l’inventaire détaillé
des feux répertoriés a permis d’estimer des cycles de feu très longs approchant
les 500 ans pour la sapinière à bouleau jaune et avoisinant le millénaire pour
la sapinière à bouleau blanc. En ce qui concerne les chablis, même s’ils étaient
souvent localisés, ils pouvaient aussi toucher plusieurs centaines d’hectares (les
crêtes des collines exposées au vent y étaient particulièrement sensibles). Les bois
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renversés représentaient une perturbation importante du paysage forestier
préindustriel. Il s’agissait d’arbres déracinés par le vent (les chablis), mais aussi
d’arbres fragilisés et cassés à mi-hauteur à la suite d’une épidémie d’insectes,
d’une maladie ou à cause du poids excessif de la neige (les volis). Très peu
d’information relative aux épidémies d’insectes du 19e siècle en Gaspésie est
ressortie de l’analyse des documents historiques et il ne fut pas possible d’en
connaître l’importance pour cette époque. Par contre, plusieurs épidémies
d’insectes ont eu lieu durant la première moitié du 20e siècle. Deux épidémies
de la tordeuse des bourgeons de l’épinette, une épidémie de l’arpenteuse de
la pruche, une épidémie du diprion (mouche à scie) et une épidémie du den-
droctone ont provoqué de forts taux de mortalité chez le sapin baumier et les
épinettes. Le taux de mortalité des épinettes variait entre 50 et 80 % dépen-
damment des secteurs. Les causes d’un dépérissement du bouleau blanc et
du bouleau jaune dans les années 1940 n’ont quant à elles jamais été déter-
minées avec certitude. Au courant du 20e siècle, des maladies exotiques ont
atteint des essences comme le pin blanc (rouille vésiculeuse du pin) et l’orme
d’Amérique (maladie hollandaise de l’orme). Les perturbations naturelles ont
grandement modelé la composition, la structure et le fonctionnement des
écosystèmes forestiers de la Gaspésie.
COMPOSITION FORESTIÈRE
Pour la sapinière à bouleau jaune, 14 taxons ont été notés dans les docu-
ments historiques : le sapin baumier, les épinettes, le bouleau blanc, le bou-
leau jaune, le thuya occidental, les érables, les pins, le peuplier baumier, le
peuplier faux-tremble, le frêne noir, l’orme d’Amérique, le mélèze laricin, le
hêtre à grandes feuilles et le chêne rouge. Les observations provenant des
carnets d’arpentage montrent qu’au 19e siècle, le couvert forestier de la sa-
pinière à bouleau jaune avait une forte proportion de peuplements mélan-
gés. Pour les deux régions écologiques de la sapinière à bouleau jaune, le
sapin baumier et le bouleau blanc dominaient le paysage. Les peuplements
d’épinettes, de thuya occidental et de bouleau jaune (uniquement pour la
région Côte de la baie des Chaleurs) représentaient tous respectivement un
dixième des peuplements de la sapinière à bouleau jaune. Toutefois, lorsque
les épinettes étaient présentes dans le paysage, elles étaient le plus souvent
codominantes alors que si le thuya était présent, il dominait le peuplement dans la
moitié des cas. Il semble que les espèces thermophiles, telles que le bouleau jaune,
les érables, les pins, les ormes et les frênes, avaient une place non négligeable
dans le paysage. Sachant que les observations des arpenteurs au courant du 19e
siècle ont été faites à une époque l’utilisation des ressources forestières était
déjà active, les résultats obtenus pour les essences les plus prisées par les colons
correspondent à des seuils minimaux. Les pins, l’épinette blanche, le thuya occi-
dental, le bouleau jaune, l’orme d’Amérique et le frêne noir étaient possiblement
plus abondants.
Pour la sapinière à bouleau blanc, neuf taxons ont été notés dans les documents
historiques : le sapin baumier, les épinettes, le bouleau blanc, le bouleau jaune,
le thuya occidental, les érables, les pins, le peuplier baumier et le peuplier faux-
tremble. D’après les carnets d’arpentage, la forêt préindustrielle du centre de la
Gaspésie (de 1919 à 1940) avait un couvert majoritairement résineux. Que ce
soit en termes d’abondance ou de distribution, le sapin baumier et les épinettes
étaient les taxons qui dominaient le paysage de la sapinière à bouleau blanc. Dans
la région du Massif gaspésien (5h), le sapin baumier aurait dominé un peuplement
sur deux et les épinettes un peuplement sur trois. Dans la région du Haut massif
gaspésien (5i), le sapin baumier aurait été encore plus prépondérant en formant
les trois quarts des peuplements tandis que moins d’un peuplement sur cinq était
une pessière. Le bouleau blanc était une espèce importante de ces forêts, mais il
s’agissait le plus souvent d’une espèce accompagnatrice. Les espèces thermophi-
les (le bouleau jaune, les érables et les pins), ainsi que le thuya occidental, ne se
rencontraient que très rarement et le plus souvent dans des secteurs limitrophes
de la sapinière à bouleau jaune. Toutefois, l’exploitation le long des grandes riviè-
res était relativement avancée et elle visait particulièrement les épinettes et les pins
de gros diamètres. Les résultats avancés dans le présent portrait correspondent
donc à des seuils minimums pour les essences prisées de l’époque.
STADES DE DÉVELOPPEMENT
D’après les notes des carnets d’arpentage du 19e (1836-1875) et du 20e siècle
(1919-1940), ainsi que des photos aériennes de Lesseps (1926-1927), les forêts
gaspésiennes préindustrielles étaient de 50 à plus de 80 % matures. Ces résultats
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convergent avec les nombreuses remarques de différents auteurs relevées
dans les documents d’archives. La Côte gaspésienne (région écologique 4h)
fait exception avec un tiers des observations révélant des peuplements matu-
res, mais ce résultat peut être considéré comme un seuil minimum. Toutefois,
la prédominance des peuplements matures créait une répartition homogène
des vieilles forêts sur le territoire gaspésien. En termes de types de couvert, les
peuplements résineux et mélangés formaient les plus grandes proportions de
forêts matures comparativement aux peuplements feuillus. Quant aux jeunes
forêts, elles comptaient pour moins d’un cinquième des observations pour
la sapinière à bouleau blanc tandis qu’elles constituaient d’un à deux tiers
des observations pour la sapinière à bouleau jaune (probablement à cause
de l’avancement de la colonisation et des perturbations anthropiques). Leur
composition était aussi dominée par des types de couvert résineux et mé-
langé.
STRUCTURE DES PEUPLEMENTS
Le manque d’information contenue dans les carnets d’arpentage du 19e siè-
cle sur les éléments structuraux (structure verticale des strates de végétation,
structure diamétrale des arbres, structure horizontale des peuplements) n’a
pas permis d’effectuer d’analyses pour la sapinière à bouleau jaune. Les élé-
ments structuraux de la sapinière à bouleau blanc ont par contre pu être
estimés grâce aux données des carnets d’arpentages du 20e siècle et aux
photos aériennes de Lesseps (1926-1927). Les peuplements à structure ver-
ticale régulière dominaient le paysage en couvrant plus de 50% de la super-
ficie tandis que les peuplements biétagés en se retrouvaient sur le tiers de la
surface et les peuplements irréguliers sur moins du cinquième. Pour ce qui
est de la variation du diamètre des arbres au sein d’un peuplement, entre le
tiers et les deux tiers des observations montraient une structure diamétrale
irrégulière. En outre, dans la moitié des peuplements, des « gros bois » (dia-
mètres entre 26 et 30 cm) ont été observés, et ce, pour toutes les espèces.
En plus de la variabilité des structures verticales et diamétrales, un tiers de la
superficie de la forêt préindustrielle de la sapinière à bouleau blanc présentait
une complexité en termes de structure horizontale avec une densité du cou-
vert végétal variant de faible à moyenne. Les proportions entre les densités de
couvert et les types de perturbations montrent que cette complexité de structure
horizontale des peuplements serait davantage liée aux épidémies d’insectes et aux
bois renversés qu’aux incendies forestiers.
APPORT EN BOIS MORTS
Tous les éléments relatifs au bois mort (recrutement, dimension des chicots et des
débris ligneux au sol, stade de décomposition, etc.) ne peuvent être estimés pour
la sapinière à bouleau jaune ou la sapinière à bouleau blanc à un manque d’in-
formation historique. Dans les peuplements matures, qui dominaient le paysage,
le phénomène de sénescence générait des chicots et des débris ligneux de diffé-
rents stades de décomposition. L’analyse des diamètres des bois vivants relevés par
les arpenteurs pour la sapinière à bouleau blanc indique que près des trois quarts
des arbres, toutes essences confondues, étaient de dimensions moyennes à gros-
ses (diamètres supérieurs à 16 cm). L’importance des superficies couvertes par les
forêts matures et l’importance d’arbres vivants de gros diamètres suggèrent que
les bois morts étaient abondants et de gros diamètres. Les jeunes peuplements
peuvent aussi générer du bois mort par le phénomène d’autoéclaircie. Il y aurait
donc eu très vraisemblablement production de chicots de dimensions et de volu-
mes variables dans l’ensemble de la forêt préindustrielle.
ORGANISATION SPATIALE DES FORÊTS
À l’exception de la région écologique Côte gaspésienne (4h), les peuplements
matures étaient dominants et ils formaient la matrice de fond du paysage forestier
gaspésien. Ces grands massifs, souvent continus, auraient assuré une connecti-
vité entre les différents types de peuplements matures. Quant à la répartition des
peuplements perturbés par les épidémies d’insectes et les chablis, elle s’avérait
relativement homogène dans la sapinière à bouleau blanc (et probablement aussi
dans la sapinière à bouleau jaune, mais aucune donnée ne permet de le valider).
Les surfaces affectées par les feux, en revanche, étaient réparties d’une façon plus
agglomérée. La question de l’organisation spatiale des forêts est complexe et les
données historiques compilées n’ont pas permis de faire une analyse plus appro-
fondie de la situation de l’époque préindustrielle.
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