LA CITÉ GRECQUE - L`Histoire antique des pays et des hommes de

LA CITÉ GRECQUE
PAR GUSTAVE GLOTZ
PARIS - 1928
AVANT-PROPOS. — LA GRÈCE ÉCOLE POLITIQUE DE L'HUMANITÉ.
INTRODUCTION. — FORMATION DE LA CITÉ.
PREMIÈRE PARTIE. — LA CITÉ ARISTOCRATIQUE.
CHAPITRE PREMIER. - La cité homérique. — CHAPITRE II. - Origines et
formes de l'oligarchie. — CHAPITRE III. - Les institutions oligarchiques. —
CHAPITRE IV. - La naissance de la démocratie et la tyrannie.
DEUXIÈME PARTIE. — LA CITÉ DÉMOCRATIQUE.
CHAPITRE PREMIER. - La démocratie athénienne. — CHAPITRE II. — Les
idées sur la démocratie. — CHAPITRE III. - L'Assemblée du peuple. —
CHAPITRE IV. - Le Conseil. — CHAPITRE V. - Les magistrats. — CHAPITRE
VI. - La justice. — CHAPITRE VII. - L'élargissement de la cité au Ve siècle.
TROISIÈME PARTIE. — LA CITÉ AU DÉCLIN.
CHAPITRE PREMIER. - Mœurs et idées nouvelles. — CHAPITRE II. -
Transformation de la vie sociale et politique. — CHAPITRE III. - Corruption des
institutions démocratiques. — CHAPITRE IV. - L'unification de la Grèce. —
CONCLUSION.
AVANT-PROPOS. — LA GRÈCE ÉCOLE POLITIQUE DE
L’HUMANITÉ.
Le présent volume qui, sous un de ses aspects, contribue à l’étude du miracle
grec, occupe, par ailleurs, une place importante — entre le tome VI cet le tome
XVIII, qu’il relie l’un à l’autre — dans l’étude des institutions politiques.
Il y a, — nous en avons déjà lait la remarque, — aussi bien des historiens que
des sociologues pour qui la sociologie est absolument distincte de l’histoire :
sociologues qui n’admettent dans la science que la nécessité et historiens qui
n’admettent dans leur discipline que la contingence, se trouvent d’accord pour
s’opposer les uns aux autres. A nos yeux, on le sait, la synthèse historique,
l’étude plénière des faits humains du passé, comprend — de droit — le social.
Notre conviction sur ce point va sans cesse se confirmant et, il nous semble, se
propageant. Les hommes ne sont connus de l’historien, ne lui apparaissent,
qu’en société. La trame des faits divers qui constituent l’histoire est tissée de
nécessités sociales, — et de logique mentale, — aussi bien que de multiples
contingences. Sans doute, des spécialistes de l’abstraction et de la généralisation
peuvent, par des études comparatives, — qu’il s’agisse d’institutions, d’une part,
ou, d’autre part, de religion, d’activité intellectuelle et esthétique, — dégager des
faits généraux ; mais c’est l’histoire qui a fourni la matière de ces généralisations
; et le résultat de la comparaison, reporté dans la trame historique, éclaire
l’évolution humaine, en souligne, parmi les groupes, les répétitions, les étapes
régulières, invite a chercher dans la logique — au sens que nous avions donné à
ce ferme — la cause profonde de ces répétitions.
Notre tome VI, des Clans aux Empires, avait pour objet propre d’introduire dans
la synthèse le social en tant que social1. Nous y avons posé le problème des
origines de la société, des rapports de la société et de l’individu : nous y avons, à
litre d’hypothèse, discerné des phases diverses d’organisation sociale, — qui sont
caractérisées, précisément, par la nature variable de ces rapports. Nous croyons
que la société n’existe que par l’individu, mais que, pour se constituer
pleinement et s’affermir, elle étouffe, à un moment donné, l’individu, jusqu’au
jour où celui-ci fait sur elle des reprises, en quelque sorte, et la perfectionne
consciemment grâce au développement psychique qu’elle a permis.
Dans l’Orient ancien nous avons suivi les progrès de l’organisation politique
depuis les humbles germes du pouvoir individualisé jusqu’à la formation de
royaumes fortement centralisés et de vastes empires2. Nous avons constaté que
l’accroissement des sociétés dans ces cosmocraties favorise la division du travail
et que, d’une façon générale, à la suite de la division du travail, par les
inventions techniques, comme aussi par l’activité spéculative et esthétique,
l’individu humain se développe. Mais ce développement trouve ses limites dans le
rôle que joue, au point de vue politique, une individualité privilégiée. Comme le
chef du clan recueille le mana totémique, le roi concentre en lui la force sacrée :
unissant dans sa personne le divin et le social, c’est lui qui crée la foi ; ce sont
1 T. VI, Avant-propos, p. V.
2 T. VII, Avant-propos, p. V.
ses représentants gui président à l’administration et à la justice1. La Grèce, en
général, mais particulièrement Athènes, a réalisé une forme absolument originale
d’organisation politique el, en même temps, un développement tout à fait
exceptionnel de l’individu. En face du Barbare, qui subit le despotisme, qui le
divinise, le Grec est libre citoyen ; en face de l’Empire, création : massive de
l’Orient, il aménage ingénieusement sort Étal minuscule. La cité grecque est
aussi miraculeuse que l’art ou la pensée de la Grèce elle a constitué une
expérience2 ; elle est un exemple, un modèle είς άεί.
Le double intérêt du livre que Gustave Glotz, par toute son œuvre antérieure,
était si bien préparé écrire, c’est, avec une science admirable, de suivre dans
leur évolution, de préciser dans leurs caractères essentiels, de fouiller, en
quelque sorte, dans le détail de leur mécanisme, les institutions grecques ; et
c’est de formuler ou de suggérer les idées générales que comporte une pareil
sujet, d’inviter à la réflexion sociologique. Au souci du réalisme absolu il joint le
don d’explication profonde.
Fustel de Coulanges expliquait merveilleusement : il expliquait trop bien, trop
simplement, avec une trop parfaite logique. Le respect de Glotz pour le chef-
œuvre du maître n’empêche pas sa critique de s’exercer. Les sociétés humaines
ne sont pas des figures de géométrie, mais des êtres vivants ; le vrai est
toujours complexe, quand il s’agit d’hommes... qui peinent, qui luttent, gui
obéissent à des besoins divers.
Ce qu’on trouve donc, en ce livre, d’abord, c’est la genèse de la πόλις. Le nom
fluide de polis avait désigné l’acropole, le bourg fortifié, par opposition à la
bourgade ouverte, κώµη, — avant de signifier la cité3. D’après des faits épars,
avec le fil conducteur de fragiles conjectures, Glotz en reconstitue les humbles
origines. Il utilise, prudemment, sûrement, et la philologie, et l’archéologie, et les
innombrables analogies que présente l’élude comparée des sociétés humaines. Il
part, lui aussi, du clan4, — le γένος, clan patriarcal, élément social primaire, —
pour arriver, à travers les associations de familles, — les phratries, — dont la
nature est discutée, — et les groupements belliqueux de clans, les φυλαί, tribus,
à l’organisme politique né de la vie sédentaire et du synœcisme5.
West une société en noie d’évolution que présentent les poèmes homériques. Le
roi des rois, le plus roi, βασιλεύτατος, — car le βασιλευς, primitivement, est le
chef du γένος, celui qui marche devant les autres6, — intermédiaire entre les
dieux, dont il descend (διογενής), et les hommes, a une autorité sacerdotale
incontestée, radis une autorité politique précaire : dans la monarchie homérique
on distingue les éléments rte l’oligarchie gui lui succédera, et même de la
1 Rappelons, cependant, da révolution égyptienne, où l’individu a déchaîné ses appétits
et s’est rué contre toutes les disciplines : voir MORET, t. VII, pp. 255 et suiv.
2 Voir JARDÉ, t. X, Avant-propos, p. XI. — RENOUVIER, dans l’Introd. à la Philosophie
analytique de l’Histoire (p. 92), oppose, de façon frappante, à ses grands empires qui
vouaient des races entières à la mort morale, ces populations qui ont créé la science libre
et la loi et organisé des premières républiques.
3 Cf., t. X, p, 355.
4 Voir DAVY, t. VI.
5 Cf., pour Rome, HOMO, t. VI. Sur des noms de clans et leur origine, voir AD.
REINACH, Atthis, les origines de l’État athénien (extrait de la R. S. H., 1919), pp. 19-20.
6 AD. REINACH, p. 30 : βαίνω et λαός, — étymologie, d’ailleurs discutée.
démocratie, δήµου κράτος, qui stabilisera un jour la voix du peuple, δήµου
φήµις1.
Quand l’aristocratie élimine le roi comme chef de guerre, comme justicier, il reste
un βασιλείς grand pontife, ainsi qu’à Rome, après les rois, un rex sacronum.
C’est une classe, glas ou moins nombreuse et très diversement composée, qui,
pendant des siècles, détint le pouvoir dans les cités. Glotz insiste sur la
multiplicité déconcertante des formes que prend le régime oligarchique : en
général, ce n’est pas le gouvernement des meilleurs (άριστοι). L’oligarchie mitigée
confine, d’ailleurs, à la démocratie mitigée, et il est impossible de dire avec
précision où finit l’une et où commence l’autre. Le sentiment très vif de la réalité
complexe empêche Glotz de poser ici des distinctions trop théoriques et
absolues.
Enfin s’établit le régime démocratique, le règne de la lot d’État substitué à la loi
des chefs, de la responsabilité individuelle substituée à la responsabilité
collective, régime préparé par les tyrans, dont le principe, et le rôle transitoire,
consiste à abaisser l’aristocratie et relever les humbles : Une contradiction
interne condamnait la tyrannie à mourir dés l’instant où elle avait donné la vie à
la démocratie.
Celle-ci se réalise pleinement grâce à la libération de l’individu — qui rend en
farce à la cité ce qu’il lui dort en indépendance. La grande erreur de Fustel a été
d’établir une antinomie absolue entre l’omnipotence de la cité et la liberté
individuelle, quand c’est, au contraire, d’un pas égal et s’appuyant l’une sur
l’autre qu’ont progressé la puissance publique et l’individualisme. Tandis que des
survivances oligarchiques persistent longtemps dans le Péloponnèse et la Grèce
du Nord, Athènes entraîne les cités maritimes dans le sens d’une évolution
naturelle. Sa vocation est d’être l’écale de la démocratie. Là les dates de 594/3,
— constitution de Salon, — 508/7, — constitution de Clisthènes, — sont de
grandes dates dans l’histoire politique du monde. Cette Hellade de l’Hellade
versera au peuple, pour employer une expression de Platon, reprise par
Plutarque, la liberté toute pure à pleins bords.
Le dèmos, il faut bien s’en rendre compte, c’est le corps des membres de la cité,
et non des habitants de la ville, puisque les esclaves et les métèques en sont
exclus ; ce n’est pas l’homme en tant qu’homme, c’est le citoyen qui a du prix2 :
tel est, du moins, le principe. Le dèmos assemblé est souverain ; ses attributions
sont universelles et ses pouvoirs illimités. Les délégués du démos, — dans la
mesure où, pour le délibératif, le judiciaire, l’exécutif, il faut des délégués, — en
principe aussi, c’est le tirage au sort qui les désigne. De cette démocratie
athénienne, dans la partie centrale de son livre, Glotz s’attache ci définir la
nature, à détailler l’organisation, à examiner le fonctionnement : Assemblée,
Conseil, magistratures diverses...
Après la lumineuse élude de ce système clos, autonome, qu’est la Cité, en
général, Athènes, en particulier, il montre comment, peu à peu, des besoins
pratiques devaient, malgré tout, ouvrir ce microcosme ; comment des intérêts
communs de défense, des préoccupations communes ont créé des ligues, des
fédérations : mais — nous l’avons vu déjàtantôt le lien fédéral est si liche qu’il
1 ∆ήµος = part de territoire qui appartient à une communauté, pays ; population d’un
pays, ensemble du peuple ; plus tard seulement peuple, par apposition aux chefs, ou
ensemble des citoyens libres, démocratie.
2 Formule de COURNOT dans le Traité de l’enchaînement des idées fondamentales, p. 460.
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