
La problématique de l’échec scolaire à l’adolescence
Causes et remédiations possibles
Robert RIZK
Psychologue clinicien
Université Saint-Joseph
Département de psychologie
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«Tu as échoué, recommence». Epictète, Entretiens.
Introduction
Le thème de l’échec scolaire fait aujourd’hui partie intégrante des débats sur l’école. Il n’en a pas toujours
été ainsi. C’est, semble-t-il, aux moments où l’école «moderne» connaît des situations de crise dues d’une part aux
nouvelles méthodes que propose la pédagogie dans la prise en charge éducative, et d’autre part des pressions
sociales et interrogations familiales sur l’échec, ses causes et ses remèdes possibles. La réussite et l’échec restent
désormais des représentations fabriquées par le système scolaire selon ses propres critères et procédures
d’évaluation. L’échec scolaire n’est-il pas aussi l’échec de l’école?
Il est bien évident que notre réflexion sur l’échec ne se situe pas dans une position de défense ou d’attaque
du système scolaire. Notre objectif dans cet article est de proposer une démarche scientifique visant à traiter l’échec
(1), et particulièrement à l’adolescence (2), phase esquissée de remaniements bouleversants tant sur le plan physique
que psychique.
1 - Le concept d’échec scolaire
L’échec scolaire chez l’adolescent est caractérisé par des difficultés d’acquisition et d’intégration des
connaissances relatives aux matières principales (3) ou par des problèmes socio-adaptatifs (4) (troubles du
comportement, conflits relationnels, problématiques affectives et sexuelles, etc.) relatifs aux processus de
changement à l’adolescence et en relation directe avec ses manifestations sur le plan physique et psychique. L’échec
peut être partiel ou massif, permanent ou momentané et il est important de le distinguer des difficultés scolaires.
«L’échec» ne permet pas que l’on s’en sorte sans aide ou remédiation alors qu’une «difficulté scolaire» est un
obstacle qu’un jeune pourra franchir lui-même (sinon avec l’aide d’un proche ou un spécialiste) pour peu qu’on l’y
incite. L’échec scolaire de type cognitif existe lorsque l’adolescent n’atteint pas les objectifs d’acquisition des
connaissances préalablement fixés par l’institution ou l’enseignant; alors que l’échec scolaire de type socio-affectif
se manifeste quand l’adolescent présente des difficultés adaptatives à son environnement, à sa classe; et qui vit, entre
autres, un conflit bloquant son investissement cognitif et donc sa réussite. L’échec n’est réellement qu’un échec de
la fonction de «penser» (5).
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(1) On attribue à l’échec en général trois explications comprises sous différents angles : a) - l’angle moral où l’échec est dû à la
paresse de l’adolescent; b) - l’angle médical où l’échec est dû à un trouble organique ou psychique; c) - l’angle social où l’échec
est dû à la seule inadaptation des structures scolaires en question. A notre avis, toute attitude simplificatrice à visée souvent
polémique est dénuée de bon sens, et n’aide pas à trouver des solutions à l’échec quelque soit son origine ou son explication.
(2) L’adolescence est l’âge du changement comme l’étymologie du mot l’implique : adolescere signifie en latin «grandir». Entre
l’enfance et l’âge adulte, l’adolescence est un passage. Ainsi comme le souligne E. Kestemberg, on dit souvent à tort que
l’adolescent est à la fois un enfant et un adulte; en réalité il n’est plus un enfant, et n’est pas encore un adulte. Ce double
mouvement, remaniement de son enfance d’un côté, recherche d’un statut stable adulte de l’autre, constitue l’essence même de
«la crise», du «processus psychique» que tout adolescent traverse.
(3) On passe souvent sous silence les changements cognitifs concomitants de la période de l’adolescence. Cependant il existe un
bouleversement dans les structures cognitives, au moins aussi important que les transformations pubertaires.
(4) A cet effet, Piaget et Inhelder ont décrit l’apparition d’une nouvelle forme d’intelligence, l’intelligence opératoire formelle
dont les structures se mettent en place vers 12-13 ans. Mais beaucoup d’autres auteurs font référence à un apprentissage au
moment de l’adolescence, apprentissage centré sur les relations sociales; cette référence à l’apprentissage social contient
implicitement un rappel de l’importance du fonctionnement intellectuel.
(5) Sous le terme de «fonctions mentalisées», W. Bion les définit comme l’ensemble de la fonction de «penser» qui comprend la
fonction cognitive ainsi que les processus mentaux de prise de conscience ou de résistance à la prise de conscience des affects,
des pulsions et des fantasmes qui s’y associent.
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